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DEUXIÈME PARTIE 24 страница
Quand nous avons é tudié ensuite divers accidents portant sur les mouvements volontaires des membres, nous avons constaté que des petits systè mes de mouvements et quelquefois de grands systè mes riches et anciens, constituant de vé ritables fonctions, se dé veloppaient sans contrô le d’une maniè re exagé ré e et constituaient des tics et des choré es. Ce dé faut de contrô le se manifestait aussi par des phé nomè nes né gatifs é troitement associé s avec les pré cé dents, par des paralysies et des anesthé sies qui semblaient jouer ici le mê me rô le que les amné sies du somnambulisme.
En arrivant aux fonctions sensorielles, nous avons vu les mê mes agitations sous forme de douleurs et d’hallucinations, accompagné es de certaines pertes de contrô le, qui constituaient des anesthé sies varié es portant sur les sens spé ciaux, comme sur les sensibilité s gé né rales. À propos de ces anesthé sies, nous avons remarqué, plus nettement qu’à propos des phé nomè nes pré cé dents, la vé ritable nature de ces amné sies, de ces paralysies, en un mot, de ces disparitions de fonctions; la fonction est loin d’ê tre dé truite, elle continue d’exister et se dé veloppe mê me souvent d’une maniè re exagé ré e; elle n’est supprimé e qu’à un point de vue trè s spé cial, elle n’est plus à la disposition de la volonté ni de la conscience du sujet.
Quoique ce soit surprenant, nous avons constaté les mê mes faits mê me dans l’é tude des fonctions viscé rales. Les refus d’aliments, les vomissements, les dyspné es hysté riques ne sont pas des maladies de l’estomac ou du poumon. Elles consistent dans un sorte d’é mancipation de la fonction cé ré brale et psychologique relative à ces organes: il y a tantô t exagé ration indé pendante de la fonction, tantô t plus souvent disparition de la conscience des besoins organiques et des actes qui s’y rattachent.
Enfin, dans nos derniè re é tudes, nous avons cherché dans le caractè re mê me de ces malades, dans la maniè re d’ê tre de leur esprit, des stigmates fondamentaux qui permettent de reconnaî tre et de comprendre la maladie. Nous sommes arrivé s à mettre en é vidence des stigmates propres à l’hysté rie: la suggestivité, la distractivité et une certaine mobilité bizarre des phé nomè nes qui se remplacent facilement les uns les autres d’une maniè re en apparence é quivalente.
C’est là un tableau clinique qui doit nous suffire en pratique: en nous souvenant de ces faits principaux, en leur comparant les cas complexes et moins nets que la pratique nous pré sente, nous arriverons dé jà à appré cier assez justement la maladie hysté rique, à é viter bien des pré jugé s et bien des erreurs qui sont encore aujourd’hui trè s communs. Malheureusement, l’esprit humain ne se contente pas à si bon marché, il aime les dangers et les querelles, et nous é prouvons le besoin de formuler sur la maladie hysté rique des conceptions d’ensemble, des interpré tations, des dé finitions qui sont bien plus exposé es à la critique et à l’erreur. Il me semble que c’est un peu une mode mé dicale que de donner des dé finitions de l’hysté rie: dé jà dans le vieux livre de Brachet, en 1847, il y avait au dé but une cinquantaine de formules passé es en revue. Lasé gue, il est vrai, dé clara avec prudence qu’on ne dé finirait jamais l’hysté rie et qu’il ne fallait pas essayer; depuis cet avertissement, tout le monde est tenté de faire ce qu’il avait dé claré impossible. Dans mes petits livres sur l’hysté rie, 1893, j’ai discuté une dizaine de dé finitions ré centes, et j’ai eu la sottise d’en pré senter une autre. Naturellement, on a continué dans la mê me voie dangereuse, et, depuis cette é poque, il y a bien une dizaine de dé finitions nouvelles de l’hysté rie qui ont é té proposé es.
Il faut obé ir à la mode en disant quelques mots de ces dé finitions, tout en ayant conscience de l’insuffisance actuelle de nos connaissances physiologiques sur les fonctions cé ré brales et sur l’analyse psychologiques des malades, tout en sachant bien que le vague de la langue psychologique actuelle nous interdit d’attacher trop d’importance aux termes d’une dé finition provisoire, il faut essayer de tirer de ces é tudes quelques idé es gé né rales qui nous servent à ré sumer notre conception de la maladie.
2. – L’impossibilité d’une conception gé né rale
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On a cherché tout naturellement parmi les symptô mes anatomiques et physiologiques un caractè re net, admis par tous, qui pû t ê tre ré guliè rement retrouvé dans tous ces phé nomè nes hysté riques et qui pû t caracté riser la maladie. Il me semble é vident que, jusqu’à pré sent du moins, on ne l’a pas trouvé. On n’a pas pu constater dans les troubles pré cé dents un phé nomè ne analogue aux modifications des ré flexes tendineux, aux atrophies, aux alté rations de la tonicité musculaire qui caracté risent certaines autres maladies des centres nerveux. Ce n’est pas, à mon avis, que les divers phé nomè nes physiologiques soient absolument normaux chez les malades hysté riques; j’ai eu soin de faire observer à plusieurs reprises leurs modifications fré quentes. Mais, ou bien ces modifications sont douteuses et contesté es comme les troubles des ré flexes et les modifications circulatoires, ou bien ces troubles sont communs à toutes sortes de maladies et n’ont rien de caracté ristique.
Les é tudes anatomiques et les é tudes histologiques faites aprè s l’autopsie ont é té l’objet de beaucoup de recherches, elles ont é té jusqu’à pré sent entiè rement né gatives. Sans doute une modification anatomique ou histologique observé e ré guliè rement dans plusieurs autopsies d’hysté riques et mise en parallè le avec les symptô mes bien analysé s pendant la vie serait absolument dé cisive et donnerait une grande netteté et une grande unité à la maladie; mais il faut reconnaî tre que rien de semblable n’a é té pré senté d’une maniè re sé rieuse. Dans une critique que je faisait, il y a quelques anné es, d’un livre, d’ailleurs remarquable, celui de M. Bastian, sur les paralysies hysté riques, je faisais remarquer avec é tonnement que l’auteur parlait sans cesse d’interpré tations anatomiques de l’hysté rie mais qu’il ne donnait jamais dans son livre ni une figure anatomique, ni une relation d’autopsie.
C’est qu’en effet on a imaginé depuis quelque temps, à propos de l’hysté rie seulement, une singuliè re maniè re de parler d’anatomie pathologique. Au lieu de dé crire des pré parations ré elles, on se borne à pré senter des descriptions purement imaginaires de certaines modifications que l’on suppose devoir ê tre dans tel ou tel centre nerveux. Que penserait-on aujourd’hui d’un auteur qui aurait la pré tention d’é tablir la localisation d’un centre nerveux trè s simple dans la moelle ou dans le bulbe et qui procé derait uniquement de cette maniè re? Je trouve bien singuliè re l’attitude de beaucoup de neurologistes qui sont trè s sé vè res sur les mé thodes employé es quand il s’agit de localiser simplement l’origine d’un nerf spinal et qui deviennent tout à fait indulgents quand il s’agit de localiser les phé nomè nes les moins connus et les plus complexes de la pensé e. On a singuliè rement abusé des localisations corticales pour expliquer les troubles psychologiques qu’on ne comprenait pas. Gall disait autrefois avec quelque naï veté : « Ces hommes sont des voleurs parce qu’ils n’ont pas la bosse de l’honnê teté ». Sommes-nous aujourd’hui beaucoup plus sé rieux quand nous disons: « Le centre du langage est obnubilé, c’est pour cela que votre fille est muette »? Il ne faut pas oublier que de telles suppositions qui amusent les esprits superficiels n’ont rien à voir avec l’anatomie pathologique ni avec la physiologie et que, malgré les pré tentions de leurs auteurs, de telles é tudes ne sont anatomiques ou physiologiques que de nom. Ce sont en ré alité des caractè res psychologiques, plus ou moins mal compris d’ailleurs, que l’on traduit grossiè rement dans un langage vaguement anatomique. Au lieu de dire modestement: « La fonction du langage semble ê tre sé paré e de la personnalité normale du sujet, c’est tout ce que je constate », on dit fiè rement: « Le centre du langage n’a plus de communication avec les centres les plus é levé s de l’association »; au lieu de dire: « La synthè se mentale semble ê tre diminué e », on dit: « Le centre le plus é levé de l’association est endormi », et le tour est joué. Un pareil langage ne doit jamais ê tre pris au sé rieux. S’il est vrai, ce qui est dé montré, qu’une explication purement psychologique d’un trouble morbide soit une explication infé rieure, plus humble, moins scientifique, il faut cependant se ré signer à ne formuler que des explications psychologiques, si on n’en a pas d’autres; cela est toujours plus scientifique que de se payer de mots.
En ré sumé, il n’y a pas actuellement de caractè re anatomo-physiologiques observé pendant la vie ou aprè s la mort qui se retrouve dans tous les symptô mes hysté riques et qui n’existe que dans l’hysté rie; que cela soit regrettable ou non il est absolument inutile de chercher à dissimuler cette ignorance.
3. – L’hysté rie ré sumé e
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« L’hysté rie, disait dé jà Charcot, est une maladie mentale »; mais cette expression qu’il aimait à ré pé ter restait pour lui et pour ses contemporains une pure formule et en ré alité on continuait à considé rer cette maladie comme un syndrô me analogue à ceux que l’on observait dans les lé sions des centres nerveux, on l’é tudiait de la mê me maniè re sans prendre plus de pré cautions et on ne voulait pas se donner la peine de pé né trer dans les idé es et dans les sentiments du malade. J’ai eu beaucoup de peine à me faire comprendre à cette é poque, quand je voulais simplement expliquer que l’anesthé sie hysté rique é tait un symptô me moral analogie à la distraction et non pas un symptô me physique. Les longues é tudes des psychologues n’ont pas é té cependant tout à fait sans influence, car maintenant les temps sont bien changé s. Personne n’ose plus parler de l’hysté rie comme d’une maladie organique; les partisans les plus convaincus des anciennes thé ories, ceux-là mê mes qui expliquaient les transferts les plus fantastiques par l’action physique des aimants n’admettent plus que l’interpré tation psychologique de tous les symptô mes et se figurent mê me l’avoir inventé e.
Mais si cette é tudes psychologique de l’hysté rie est aujourd’hui triomphante, il ne faut pas en conclure que l’on doive supprimer toute pré cision dans l’analyse des symptô mes et dans le diagnostic, il ne faut pas en arriver à jeter pê le-mê le tous les faits observé s dans le groupe des troubles psychologiques. Il ne faut pas que l’interpré tation psychologique vienne supprimer ce qu’ont fait de bon et d’excellent tous nos ancê tres. Or, il y a eu une œ uvre monumentale du siè cle dernier, c’est l’œ uvre clinique; avec une patience et une pé né tration infinie tous ces grands cliniciens ont mis de l’ordre dans un vé ritable chaos, quand ils ont rangé les symptô mes en groupes distincts les uns des autres. Sans doute toutes sortes de perfectionnements doivent s’ajouter à leur travail, mais il ne faut jamais le supprimer ni le mé connaî tre. Dire, sous pré texte de psychologie, qu’un somnambulisme est identique à un dé lire quelconque, qu’un vomissement hysté rique est une simple toquade à confondre avec les manies du doute ou les mé lancolies ou peut-ê tre mê me avec les tics des idiots, c’est revenir deux cents ans en arriè re et il vaudrait bien mieux supprimer l’interpré tation psychologique et en rester à la description clinique. Par consé quent, en faisant de l’hysté rie une affection psychologique, nous n’avons pas du tout l’intention, comme certains auteurs semblaient le croire, de la confondre avec une maladie mentale quelconque. Nous disons mê me que c’est aujourd’hui le trouble psychologique le mieux caracté risé et celui qu’il importe le plus de distinguer des autres. C’est une obligation qu’il ne faut jamais oublier quand on examine les thé ories psychologiques de l’hysté rie.
La notion psychologique qui paraî t la plus é lé mentaire et celle qui semble se dé gager tout d’abord de tous les travaux dé jà anciens, c’est la notion de l’importance de l’idé e dans les accidents hysté riques. Charcot é tudiant les paralysies de ces malades avait montré que le trouble n’est pas produit par un vé ritable accident, mais par l’idé e de cet accident; il n’est pas né cessaire que la roue de la voiture ait ré ellement passé sur la jambe du malade, il suffit qu’il ait l’idé e que la roue a passé e sur ses jambes. Cette remarque est facile à gé né raliser et j’ai montré dans beaucoup d’observations dé taillé es que l’hysté rie é tait souvent une maladie dé terminé e par des idé es fixes. Il y a de ces sortes d’idé es fixes dans les somnambulismes et dans les fugues, idé e d’un amour contrarié, idé e de la mort de la mè re, idé e de visiter des pays tropicaux, etc.; il y a de mê me de ces idé es dans les contractures systé matiques, par exemple, quand une malade tient les pieds é tendus parce qu’elle se croit sur la croix; il y a de ces idé es dans les troubles viscé raux et nous avons é tudié l’observation d’une malade qui est morte de faim parce qu’elle avait l’idé e fixe des navets servis au ré fectoire de la pension. Ces remarques ont é té bien faites de tous cô té s, on a constaté é galement que chez les hysté riques les idé es ont une plus grande importance et surtout une plus grande action corporelle que chez l’homme normal. Elles semblent pé né trer plus profondé ment dans l’organisme et y dé terminer des modifications motrices et viscé rales. C’est un point sur lequel insistaient encore derniè rement MM. Mathieu et Roux dans l’article qu’ils consacraient au vomissement hysté rique. « Ce qui caracté rise les hysté riques, disaient-ils, c’est moins le fait qu’elle acceptent une idé e quelconque, que l’action exercé e par cette idé e sur leur estomac ou sur leur intestin. » En troisiè me lieu, les é tudes sur la suggestion dont M. Bernheim a si bien montré l’importance ont permis de dé terminer expé rimentalement, par l’action des idé es, bien des phé nomè nes au moins analogues aux accidents hysté riques. Il est ré sulté de toutes ces remarques que les conceptions de l’hysté rie les plus communes ont mis en é vidence le premier caractè re de l’influence des idé es sur le dé veloppement de la maladie. Moebius, Strumpell, Forel, ré pé taient comme Charcot: « On peut considé rer comme hysté riques toutes les modifications maladives du corps qui sont causé es par des repré sentation. ».
M. Bernheim surtout a lutté pendant des anné es pour faire pré valoir la conception qu’il avait alors de l’hysté rie, conception qui semblait trè s sé duisante et trè s simple. « Tout phé nomè ne hysté rique, disait-il, n’est qu’un phé nomè ne de suggestion dé terminé par l’idé e que le sujet a de son accident ou par les idé es que le mé decin lui met en tê te à propos de son accident: l’hysté rique ré alise ses accidents comme elle les conç oit. »
Ré cemment M. Babinski s’est rattaché à l’enseignement ancien de M. Bernheim, mais il a essayé de renouveler la dé finition donné e autrefois par cet auteur en l’exprimant d’une maniè re un peu diffé rente: « un phé nomè ne est hysté rique quand il peut ê tre reproduit exactement par suggestion et gué ri par persuation ». Examinons d’abord cette derniè re formule avant de discuter l’idé e fondamentale contenue dans les dé finitions pré cé dente. Cette formule nouvelle peut-elle ê tre considé ré e comme une dé finition indiquant la nature essentielle de l’hysté rie et ré alise-t-elle sur ce point un progrè s sur les conceptions anciennes de Moebius, de Bernheim et de bien d’autres?
Je ne le pense pas: on ne peut guè re caracté riser une chose naturelle par les conditions de sa reproduction artificielle plus ou moins exacte. Une reproduction, une imitation, ou le plus souvent une simulation donnent-elles un phé nomè ne exactement identique au fait naturel, ce serait souvent bien difficile à dé montrer. Dans le cas actuel, je ne suis pas convaincu que les caractè res psychologiques d’un accident reproduit par suggestion soient exactement les mê mes que ceux de l’accident primitif. La ressemblance exté rieure plus ou moins grande n’a pas d’importance, quand il s’agit de troubles qu’on reconnaî t ê tre mentaux. Il se peut qu’il y ait dans les pensé es et les sentiments du sujet, dans la duré e des phé nomè nes psychologiques des diffé rences trè s graves. Il faudrait commencer par une longue é tude sur la comparaison des accidents hysté riques naturels et de leurs reproductions chez tels ou tels sujets, ce qui n’a jamais é té fait, et ce qui d’ailleurs n’apprendrait pas grand’chose sur les caractè res essentiel de la maladie. En effet rien ne prouve que le phé nomè ne approximativement reproduit de cette maniè re ne puisse pas ê tre produit d’une autre et que cette autre production n’ait infiniment plus d’importance. Comme M. Claparè de le disait plaisamment, on ne dé finit pas la mort en disant que c’est un phé nomè ne fort exactement reproduit par la guillotine.
Une autre difficulté encore vient de ce fait que cette reproduction toute imparfaite qu’elle soit ne peut é videmment pas ê tre obtenue sur tout le monde par simple affirmation: je n’arrive pas à paralyser mon bras quand je pense qu’il est paralysé. Cette reproduction ne peut avoir lieu que sur certains sujets dé terminé s, or ces sujets sont pré cisé ment des hysté riques. La dé finition devient ainsi purement verbale: les phé nomè nes hysté riques sont ceux que l’on peut dé terminer chez les hysté riques. Cela n’apprend pas beaucoup à ceux qui n’ont pas à leur disposition ces sujets types ou qui n’admettent pas la dé nomination de ces sujets que l’on prend comme type ou tout simplement qui cherchent à savoir ce que c’est qu’une hysté rique.
Cette formule n’a peut-ê tre pas la pré tention de nous instruire sur la nature de la maladie elle-mê me, n’a-t-elle pas simplement un inté rê t pratique comme moyen de diagnostic et ne permet-elle pas de reconnaî tre à coup sû r sur un sujet donné, les phé nomè nes hysté riques et ceux qui ne le sont pas? Sans doute on pourra dire qu’un accident qui cesse rapidement chez un malade sous l’influence de la persuation et que l’on peut ensuite reproduire sur le mê me sujet par suggestion est probablement un accident hysté rique. Cela est à peu prè s exact, surtout si l’on donne une dé finition pré cise du mot suggestion. Mais c’est-là tout ce que l’on peut dire: il me paraî t impossible d’en tirer une conclusion à propos des accidents de beaucoup les plus nombreux et les plus importants que ne satisfont pas à cette condition. Il est impossible de nier d’avance le caractè re hysté rique d’un accident parce que l’on ne peut pas le faire disparaî tre par persuation et le reproduire par suggestion chez le malade. Ces modifications artificielles ne sont ré ellement possibles que chez les sujets dressé s ou du moins chez des sujets dé jà en bonne voie de gué rison et tout à fait sous l’influence de leur mé decin. N’admettre comme hysté riques que ces individus là , c’est retomber dans l’erreur de Charcot qui ne voulait pas reconnaî tre l’hypnotisme chez un individu ne pré sentant pas les trois é tats. Bien des malades, tout en é tant capables de devenir suggestibles sous certaines conditions et vis-à -vis de certaines personnes ne peuvent pas du tout ê tre suggestionné es par leur mé decin, surtout quand il s’agit de leurs accidents pathologiques. Il y a malheureusement bien des hysté riques qui restent longtemps sans ê tre gué ris, dont les accidents n’ont pas é té enlevé s par persuation et par consé quent n’ont pas é té reproduits par suggestion. On ne pourra donc jamais leur appliquer le diagnostic d’hysté rie. Bien des malades n’ont pas pu ê tre suggestionné s par tel mé decin et plus tard ont pu l’ê tre par un autre. Faudra-t-il dire qu’ils ne sont pas hysté riques pour le premier et qu’ils ne le sont que pour le second? C’est rendre le diagnostic de l’hysté rie bien difficile que de le subordonner à la gué rison et c’est surtout le rendre inutile, car c’est justement avant de les traiter qu’il faut reconnaî tre le caractè re hysté rique des accidents.
Il n’est pas né cessaire d’ê tre aussi sé vè re et dans la pratique la constatation des caractè res que nous avons indiqué s à propos de chaque accident suffit parfaitement pour le diagnostic. Un trouble qui porte sur une fonction est probablement hysté rique, probablement, car il n’y a rien de mathé matique dans la clinique mé dicale, quand on ne constate pas en mê me temps des symptô mes de la dé té riorisation de la fonction elle-mê me, quand il se montre, spontané ment et non sous l’influence du mé decin, variable dans les diverses conditions psychologiques du sujet et quand il disparaî t au moment où la fonction s’exerce automatiquement en cessant d’ê tre à la disposition de la conscience personnelle du sujet. Ces remarques suffisent pour que l’on essaye avec des chances de succè s le traitement de l’hysté rie et plus tard apparaî tront peut-ê tre comme confirmation du diagnostic la modification par persuasion et la reproduction expé rimentale par suggestion. Cette formule nouvelle proposé e par M. Babinski, tout en ayant l’avantage de mettre en é vidence comme les pré cé dentes le caractè re psychologique de la maladie, ne me paraî t donc pas leur ê tre bien supé rieure ni au point de vue pratique, ni au point de vue thé orique.
Mais il n’y a pas lieu d’insister sur une formule é videmment dé fectueuse, en ré alité la pensé e qui se trouve sous cette expression est fort claire, si on ne veut pas ergoter sur les termes. C’est l’ancienne conception de M. Bernheim: les phé nomè nes hysté riques ont un grand caractè re qui leur est commun à tous et qui n’existe que chez eux; c’est qu’ils sont le ré sultat de l’idé e mê me que le sujet a de son accident, « l’hysté rique ré alise son accident comme elle le conç oit ». C’est cette conception qu’il faut maintenant considé rer elle-mê me. Cette conception est vraiment inté ressante et elle ne manque pas d’une certaine pré cision, car il n’y a guè re de maladies organiques ni mê me de maladies mentales où les choses se passent ainsi. Personne ne soutiendra que dans un dé lire maniaque le malade soit agité parce qu’il pense à l’agitation: ce dé veloppement des accidents par un mé canisme toujours identique à celui de la suggestion serait quelque chose de propre à l’hysté rie et pourrait é videmment servir à la dé finir.
Toute la question est de savoir si cela est vrai et si ce caractè re se retrouve en fait dans tous les accidents cliniquement hysté riques. L’illusion vient de ce que cette conception semble ré ellement s’appliquer à quelques accidents. J’ai vu des jeunes filles é motionné es par la vue d’un accè s é pileptique, penser beaucoup à cet accè s et à la suite pré senter des attaques qui reproduisaient grossiè rement le phé nomè ne. Dans quelques cas que l’on ré pè te, toujours les mê mes, le malade paralysé semble bien avoir eu l’idé e de sa paralysie: « J’ai cru, dit-il, avoir la jambe é crasé e, j’ai eu l’idé e que ma jambe n’existait plus ». La paralysie consé cutive avec anesthé sie du membre semble la traduction mê me de son idé e. Mais est-ce là une observation exceptionnelle, ou est-ce la rè gle? La coï ncidence entre l’idé e de l’accident et l’accident lui-mê me est-elle constante? Si elle existe, est-il dé montré que l’idé e a toujours é té anté rieure et non posté rieure à l’accident maladif? Mê me dans le cas où l’idé e est anté rieurs, l’analyse psychologique a-t-elle dé montré le rô le effectif de l’idé e dans la production de l’accident? Ce sont là des questions de psychologie pathologique trè s dé licates que l’ont ré sout à mon avis d’une faç on bien brutale.
Autrefois on expliquait tous les phé nomè nes hysté riques par la simulation, parce qu’on avait surpris et plus ou moins bien compris quelques faits de simulation. Puis on a dit que tous ces accidents dé pendaient de la mauvaise volonté du sujet, on lui disait: « Vous ê tes paralysé, vous avez des crises de sommeil, c’est parce que vous le voulez bien ». Aujourd’hui on veut bien reconnaî tre à peu prè s qu’il ne simule pas toujours et qu’il n’est pas malade pour son bon plaisir, mais on lui dit qu’il est malade parce qu’il pense à ê tre malade, parce qu’il s’est mis en tê te d’ê tre malade. En somme le pauvre hysté rique continue à ê tre dans son tort. On ajoute, il est vrai, que c’est aussi la faute de son mé decin qui lui a donné des symptô mes en l’examinant, ce qui fait que tout le monde est coupable le malade et le mé decin: il n’y a que la maladie dont on ne parle pas. Tout cela, je l’avoue, me paraî t d’une psychologie bien simpliste et bien enfantine.
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