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DEUXIÈME PARTIE 27 страница



 

C’est pour comprendre ces caractè res singuliers qui se pré sentent à l’é tat d’é bauche dans la fatigue, le sommeil, l’é motion et qui sont si remarquables dans la né vrose psychasté nique que j’ai é té conduit à pré senter quelques hypothè ses sur la hié rarchie des phé nomè nes psychologiques et sur l’oscillation de l’esprit. En voyant que certains phé nomè nes, toujours les mê mes, se conservent et s’exagè rent dans tous ces troubles, tandis que d’autres phé nomè nes, é galement toujours les mê mes, disparaissent ré guliè rement, on est conduit à supposer que toutes les fonctions de l’esprit ne sont pas é gales et qu’elles ne pré sentent pas les mê mes degré s de facilité. Les opé rations mentales semblent se disposer en une hié rarchie dans laquelle des degré s supé rieurs sont difficiles à atteindre et inaccessibles à nos malades, tandis que les degré s infé rieurs sont resté s à leur disposition. Sans doute, nous avons toujours eu vaguement une conception de ce genre à propos des travaux de l’esprit, mais cette comparaison n’é tait faite qu’à un point de vue assez restreint et elle conduisait à des ré sultat trè s superficiels et trè s inexacts. Qui ne croirait, à premiè re vue, qu’un raisonnement syllogistique demande plus de travail cé ré bral que la perception d’un arbre ou d’une fleur avec le sentiment de leur ré alité et cependant, je crois que ce point de sens commun se trompe. L’opé ration la plus difficile, celle qui disparaî t le plus vite et le plus souvent, dans toutes les dé pressions, est celle dont on vient justement de reconnaî tre l’importance, l’appré hension de la ré alité sous toutes ses formes. Elle contient l’action qui nous permet d’agir sur les objets exté rieurs, l’action surtout difficile, quand elle est sociale, quand elle doit s’exercer, non seulement sur le milieu physique, mais encore sur le milieu social dans lequel nous sommes plongé s, l’action difficile aussi quand elle doit avoir, à nos yeux, les caractè res de liberté, de personnalité qui montrent la complè te adaptation de l’acte non seulement avec le milieu exté rieur, mais encore avec la plupart de nos tendances anté rieures nettement coordonné es. Ce premier groupe des opé rations les plus é levé es et les plus difficiles contient aussi l’attention qui nous permet de percevoir les choses avec la certitude de leur existence. Saisir une perception ou une idé e avec le sentiment que c’est bien le ré el, c’est-à -dire coordonner autour de cette perception toutes nos tendances, toutes nos activité s, c’est l’œ uvre capitale de l’attention. En outre, savoir jouir complè tement du pré sent, de ce qu’il y a de beau et de bon dans le pré sent et aussi savoir souffrir du pré sent quand il y a lieu sont des opé rations mentales qui semblent trè s difficiles et dignes d’ê tre rapproché es de l’action et de l’attention au ré el.

 

Au-dessous de ce premier degré se placent les mê mes opé rations simplement dé pouillé es de ce qui faisait leur perfection, c’est-à -dire de l’acuité du sentiment du ré el, ce sont des actions sans adaptation exacte aux faits nouveaux, sans coordination de toutes les tendances de l’individu, des perceptions vagues sans certitude et sans jouissance du pré sent: c’est ce que j’ai souvent dé signé sou le nom d’actions et de perceptions dé sinté ressé es. Malgré l’opinion populaire, il faut ranger au-dessous, à un rang bien infé rieur, les opé rations mentales qui portent sur des idé es ou sur des images, le raisonnement, l’imagination, la repré sentation inutile du passé, la rê verie. Bien au-dessous encore se placent les agitations motrices mal adapté es, inutiles, les ré actions viscé rales ou vaso-motrices que l’on considè re comme un é lé ment essentiel de l’é motion. Celles-ci doivent ê tre des phé nomè nes bien simples et bien faciles, puisque nous les voyons persister à un si haut degré chez les individus les plus affaiblis.

 

Le degré de la tension psychologique ou l’é valuation du niveau mentale se manifeste par le degré qu’occupent dans la hié rarchie les phé nomè nes les plus é levé s auxquels le sujet puisse parvenir. La fonction du ré el avec l’action et la croyance exigeant le plus haut degré de tension est un phé nomè ne de haute tension; la rê verie, l’agitation motrice ou viscé rale peuvent ê tre considé ré es comme des phé nomè nes de basse tension et correspondent à un niveau mental bien infé rieur. Cette tension psychologique dé pend é videmment de certains phé nomè nes physiologiques, de certaines modifications dans la circulation et la nutrition du cerveau. Quelques-unes de mes expé riences sur la vision me disposent à croire qu’il s’agit d’une diminution dans la rapidité de certains phé nomè nes é lé mentaires, peut-ê tre de certaines vibrations du systè me nerveux. Quelques-unes des remarquables expé riences de M. Leduc sur l’é lectrisation du cerveau me semblent pouvoir ê tre interpré té es dans le mê me sens. En ré alité, le mé canisme physiologique de ces phé nomè nes est encore inconnu et nous ne pouvons dé terminer avec quelque pré cision que leur aspect psychologique.

 

Si on a bien compris cette notion de la tension psychologique on doit s’apercevoir immé diatement que cette tension est trè s variable, non seulement chez les diffé rents hommes, mais encore au cours de la vie d’un mê me individu. Si je ne me trompe, la connaissance de ces variations de la tension psychologique, de ces oscillations du niveau mental jouera plus tard un rô le de premier ordre dans l’interpré tation des modifications du caractè re, de l’é volution de l’esprit, de tous les phé nomè nes analogues à la fatigue, au sommeil, à l’é motion.

 

C’est cette notion qui s’applique trè s bien à l’interpré tation des symptô mes psychasté niques et qui permet de constater un caractè re gé né ral de toute la maladie. À partir d’un certain moment, sous des influences diverses, intoxication, fatigue, chocs é motionnels, survient chez ces individus pré disposé s le plus souvent par l’hé ré dité, un abaissement notable de la tension psychologique. Cela veut dire que certains phé nomè nes supé rieurs, ceux de la fonction du ré el, l’action volontaire, avec sentiment de liberté et de personnalité, la perception de la ré alité, la croyance, la certitude, la jouissance du pré sent, sont devenus à peu prè s impossibles, que le sujet sent vivement cette lacune et qu’il l’exprime par toutes sortes de sentiments d’incom­plé tude.

 

Quand cette dé pression se produit, les phé nomè nes infé rieurs, action et perception dé sinté ressé es, raisonnement, rê verie, agitation motrice et viscé rale subsistent parfaitement et mê me se dé veloppent à la place des supé rieurs. Ce dé veloppement exagé ré me paraî t dé pendre pré cisé ment de la diminution des phé nomè nes supé rieurs. C’est pourquoi je suis disposé à considé rer cette agitation comme « une substitution, une dé rivation qui remplace les phé nomè nes supé rieurs supprimé s ». Une des difficulté s de cette conception, c’est la disproportion apparente entre les actions supprimé es qui semblaient devoir ê tre simple et rapide et ces phé nomè nes secondaires qui prennent un dé veloppement é norme. On a peine à comprendre que le second phé nomè ne ne soit que le substitut du premier. Quand un phé nomè ne physiologique est trè s supé rieur à un autre, la tension qu’il exige pour se produire pourrait ê tre suffisante, si on l’employait autrement, pour produire cent fois le phé nomè ne infé rieur: nous sommes amené s à admettre que la force inemployé e pour les phé nomè nes supé rieurs qui ne peuvent plus se produire donne naissance à une vé ritable explosion de phé nomè nes infé rieurs, infiniment nombreux et puissants, mais à un plus bas degré dans la hié rarchie [62]. C’est toujours l’abaissement de l’activité cé ré brale, la chute de plusieurs degré s qui se manifeste dans ces agitations comme dans les dé pressions elles-mê mes.

 

Le caractè re gé né ral que je cherche à mettre ainsi en é vidence me paraî t se retrouver facilement dans tous les symptô mes de la né vrose psychasté nique. C’est en raison de la psycholepsie, de la chute de la tension psychologique que l’on voit disparaî tre les fonctions les plus difficiles qui exigent pré cisé ment le plus de tension. Les fonctions sociales qui ajoutent à notre action la considé ration des autres hommes et de leur sentiment à notre é gard sont les plus rapidement atteintes. C’est pourquoi la timidité, qui n’est que l’aboulie sociale, l’intimidation, qui n’est qu’une dé rivation à la suite de cette aboulie sociale, vont ê tre bien souvent les premiers symptô mes: les phé nomè nes dans lesquels interviennent des luttes né cessaires, des responsabilité s vont disparaî tre ensuite et c’est ainsi que vont se constituer les diverses agoraphobies, les phobies gé nitales, les phobies du mariage, les phobies professionnelles. Dans d’autre cas, la difficulté de telle ou telle fonction n’est pas aussi naturelle, elle ne ré sulte pas d’une complexité fondamentale des choses, elles est artificielle et elle ré sulte du sujet lui-mê me et de la faç on dont il veut que l’acte soit opé ré, de l’attention qu’il lui accorde, de son effort pour l’amener à une perfection impossible. Ces actions deviennent insuffisantes à leur tour et donnent naissance à une foule de dé rivations, ce qui constitue les aboulies, les sentiments d’incomplé tude, les phobies et les agitations mentales à propos de la vision, à propos des diffé rentes fonctions corporelles. Les obsessions se dé veloppent à la suite de ces diverses insuffisances, à la suite des sentiments d’incomplé tude qui en ré sultent, des manies de pré cision, d’explication, de symbole, qui les accompagnent comme une dé rivation. L’obsession est le ré sultat final de l’abaissement du niveau mental, c’est une sorte d’interpré tation qui se pré sente perpé tuellement à l’esprit tant que subsiste le trouble fondamental qui l’inspire.

 

Ces caractè res gé né raux existent d’une maniè re lé gè re dans des phé nomè nes normaux, comme la fatigue, le sommeil, certaines é motions; la psychasté nie s’en distingue par la netteté du dé sordre et par sa duré e. Ces mê mes caractè res existent-ils dans d’autres maladies mentales? C’est probable, et comme nous l’avons vu à propos des stigmates communs, ils jouent aussi un certain rô le dans l’hysté rie. Ces phé nomè nes doivent exister au moins au dé but dans bien des dé lires systé matiques et ils sont certainement trè s graves dans diverses confusions mentales et peut-ê tre dans certaines dé mences. Mais je crois que dans ces divers é tats bien d’autres phé nomè nes et des phé nomè nes plus importants viennent s’ajouter aux pré cé dents: dans l’hysté rie, par exemple, le ré tré cissement de la personnalité s’ajoutent à l’abaissement de la tension psychologique et mê me la dissimulent. Dans les confusions et les dé mences, les phé nomè nes supé rieurs, entendus comme je l’ai dit, ne sont pas les seuls supprimé s, ou ils le sont mê me fort peu, tandis que la maladie atteint aussi et supprime des phé nomè nes infé rieurs comme les souvenirs anciens, les habitudes acquises autrefois, les images, les raisonnements. Je crois que cet abaissement de la tension psychologique entendu comme je viens de l’expliquer, quand il reste isolé et tout à fait pré dominant, sans autres troubles psychologiques plus graves, caracté rise assez bien la plupart des symptô mes psychasté niques.

 

C’est pourquoi on peut ajouter aux troubles de la fonction du ré el que je signalais tout d’abord ce nouveau caractè re gé né ral de la dé pression mentale pour ré sumer les symptô mes psychasté niques. On arrivera alors à la dé finition suivante: la psychasté nie est une forme de la dé pression mentale caracté risé e par l’abaissement de la tension psychologique, par la diminution des fonctions qui permette d’agir sur la ré alité et de percevoir le ré el, par la substitution d’opé rations infé rieures et exagé ré es sous la forme, de doutes, d’agitations, d’angoisses et par des idé es obsé dantes qui expriment les troubles pré cé dents et qui pré sentent elles-mê mes, les mê mes caractè res.


 

 

Deuxiè me partie. Les é tats né vropathiques

 

Chapitre V

 

Qu’est-ce qu’une né vrose?

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Il é tait difficile d’analyser un trouble né vropathique particulier, mais il est encore plus dé licat et plus té mé raire de formuler une conception gé né rale à propos de l’ensemble de ces maladies dont tout le monde parle sans les guè re comprendre, mais qu’on ré sume cependant sous le nom gé né ral de né vroses.

 

Ce groupe de troubles morbides est formé par les phé nomè nes les plus bizarre et les plus disparates que l’on ne sait pas comment rattacher les uns aux autres. Leur origine, leur mé canisme nous sont le plus souvent parfaitement inconnus, ils nous paraissent commencer sans raison et finir souvent de mê me. On dirait que le seul caractè re commun de ces phé nomè nes, c’est qu’ils sont tous é galement incompré hensibles. Cela ne suffit peut-ê tre pas pour constituer un groupe nosographique inté ressant, aussi tous les mé decins et tous les physiologistes se sont-ils efforcé s depuis longtemps d’introduire un peu d’ordre et de clarté dans ce chaos. Le groupe des né vroses s’est bien souvent modifié au cours de l’histoire de la mé decine, il a changé sans cesse dans son contenu et dans sa dé finition gé né rale. Tantô t on y faisait rentrer des symptô mes nouvellement dé couverts, de plus en plus nombreux, tantô t on en retirait des phé nomè nes considé ré s autrefois comme né vropathiques et qui, mieux interpré té s, ne semblaient plus devoir ê tre rejeté s dans ce caput mortuum. En mê me temps on proposait sans cesse, pour ré sumer et pour caracté riser l’ensemble du groupe, les notions les plus diverses et les plus vagues. Il est né cessaire à la fin de cet ouvrage de ré sumer en peu de mots les principales phases de cette histoire. Les é tudes cliniques et psychologiques, dont nous venons de passer en revue quelques exemples, nous permettront peut-ê tre non pas d’expliquer la nature des phé nomè nes que les anciens et les modernes appellent né vroses, mais de montrer ce qui est commun à la plupart d’entre eux et ce qui a conduit la plupart des cliniciens à les ré unir dans un groupe spé cial distinct des autres maladies.

 

 

1. – Les né vroses,
maladies extraordinaires.

 

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Le mot de né vrose n’existait pas dans l’ancienne mé decine. Il a é té employé pour la premiè re fois par le mé decin é cossait Cullen à la fin du XCIIIe siè cle. Mais si le nom n’existait pas, le groupe existait en ré alité dans l’enseignement mé dical depuis la plus haute antiquité. Des accidents convulsifs, des paralysies, des spasmes, des douleurs, des insensibilité s sont dé jà dé crits pas les anciens sous bien des noms diffé rents. La mé decine du XVIIe et du XVIIIe siè cles donnait une grande place à ces affections qu’on baptisait de tant de noms, aux spasmes, aux affections vaporeuses, à la né vropathie, à la diathè se nerveuse, à la cachexie nerveuse, à la né vrospasmie, à la surexcitabilité nerveuse, à l’hysté ricisme, à l’hysté rie, etc. Il serait inté ressant de savoir ce que ces anciens mé decins mettaient exactement sous ces noms. Il est certain que c’é tait trè s vague et qu’ils auraient é té trè s embarrassé s pour faire l’é numé ration des maladies qu’ils appelaient « des vapeurs, des affections vaporeuses » et surtout pour indiquer les caractè res communs de tous les accidents qu’ils ré unissaient sous ce nom. Nous trouvons dans leurs livres les affections les plus disparates, depuis les vraies né vroses d’aujourd’hui comme les attaques hysté riques jusqu’aux vé sanies, aux maladies du foie et aux hé morroï des. Quel é tait donc dans leur esprit le caractè re qui ré unissait ces phé nomè nes et qui les faisait mettre dans un groupe à part des autres maladies? Au dé but de leurs livres quelques auteurs imprudents ont bien la pré tention de nous donner ce caractè re. Dans le premier chapitre du traité cé lè bre de P. Pomme « sur les affections vaporeuses des deux sexes ou maladies nerveuses, vulgairement appelé es maux de nerfs », publié en l’an VII, on lit une dé finition d’ensemble bien singuliè re: « Les maladies que j’é tudie ne sont pas celles qui dé pendent du relâ chement des fibres nerveuses ou de leur faiblesse, mais celles qui dé pendent de la tension et du racornissement de la fibre nerveuses et qu’il ne nous a pas dit à quoi on le reconnaî t, nous ne savons pas pourquoi il faisait rentrer une affection dans ce groupe plutô t que dans celui des troubles en rapport avec le relâ chement des fibres. Sa dé finition thé orique et pué rile ne nous apprend pas quel é tait le caractè re apparent qui lui servait et qui servait à ses contemporains de crité rium pour ranger un symptô me dans un groupe ou en dehors de ce groupe.

 

Je crois cependant que l’on peut dé couvrir ce crité rium qui, à l’insu de l’auteur lui-mê me, le guidait dans ce problè me de classification; il suffit pour le comprendre de relire la table des matiè re de ce mê me ouvrage de Pomme. Nous y voyons é numé ré es « la maladie extraordinaire de Mme de Bezons, … la maladie extraordinaire de Mme Pé caud, … la maladie extraordinaire de l’é vê que de Noyon, … la maladie extraordinaire de Mlle Roux, … l’observation de M. Villeaupuis sur un effet remarquable du raccornissement, … l’effet cruel de la raré faction de l’air inté rieur, le surnagement de Mme de Cligny dans son bain, etc. » Dans cette singuliè re table des matiè res on retrouve à toutes les lignes les mots « extraordinaire, remarquable et é tonnant », on dirait vraiment un catalogue de musé e de phé nomè nes. Il me semble que l’auteur nous é tale avec naï veté l’é tat de sa pensé e et nous donne la dé finition des « vapeur » beaucoup plus clairement que dans son premier chapitre. Il n’y a pas d’autres caractè res communs dans ces descriptions de flux hé morroï dal mê lé à des jaunisses, de convulsions, d’aigreurs, de cé cité s, de surnagements dans le bain, si ce n’est le sentiment d’é tonnement que ces symptô mes faisaient naî tre dans l’esprit du mé decin qui é tait appelé pour les constater et qui n’y comprenait rien. Jamais il ne lui serait venu à l’idé e d’appeler « vaporeuse » l’impotence causé e par la fracture d’un bras. Il voyait la cause du phé nomè ne et il trouvait alors la maladie trè s simple, tandis qu’il appelait de ce nom un accident quelconque, mê me un vomissement quand il n’en soupç onnait pas la raison. Les né vroses ont é té en somme pendant trè s longtemps des maladies extraordinaires, c’est-à -dire inexplicable, incompré hensible dans l’é tat actuel de la science physiologique. Ce groupe de maladies é tait un tiroir commode où l’on rejetait sans examen tous les faits pour lesquels on n’avait pas de casier dé terminé.

 

La premiè re partie du XIXe siè cle ne me semble pas avoir beaucoup amé lioré la situation. Pinel, qui pré tend avoir considé rablement ré duit le groupe des né vroses, é numè re encore sous ce nom, dans sa nosographie philosophique de 1807, une foule d’é tats dont certains ne sont mê me pas de nature nerveuse et dont la plupart sont descendus aujourd’hui au rang de symptô mes de telle ou telle maladie organique. En 1819, dans son article « né vrose » du Dictionnaire des science mé dicales, il é numè re parmi les né vroses la surdité, la diplopie, l’amau­rose, la paralysie, le pyrosis, le vomissement, la colique, l’ilé us, l’hydrophobie, l’hysté rie, l’hypocondrie, le té tanos, etc. Vraiment, on peut se demander ce qu’il trouve de commun à tout cela. je crois qu’on peut toujours faire la mê me remarque, Pinel n’aurait jamais songé à qualifier de né vropathique la cé cité d’un homme dont l’œ il é tait crevé parce qu’il voyait la destruction de l’œ il; mais il appelle né vropathique l’amaurose du tabé tique parce qu’il n’avait pas vu l’atrophie de la pupille. Quoiqu’il ne le dise pas nettement et que peut-ê tre il ne s’en rende pas compte, c’est toujours le mê me caractè re d’extraordinaire et d’incompré hensible qui ré unit tous ces phé nomè nes par un lieu bien fragile. Cette conception a duré trè s longtemps et il n’est pas certain qu’elle ne dure pas encore aujourd’hui et qu’elle ne contribue pas à jeter une sorte de dé faveur sur ce groupe de maladies. Encore en 1859, des socié té s mé dicales, comme la Socié té mé dico-psychologique, proposaient l’é tude « des né vroses extraordinaires », comme s’il é tait raisonnable d’employer ce mot pour l’examen de phé nomè nes naturels.


 

 

2. – Les né vroses,
maladies sans lé sions.

 

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Le traité des maladies nerveuses de Sandras, publié en 1851, ne semble pas ré aliser un progrè s sensible au point de vue de l’é numé ­ration des symptô mes considé ré s comme né vropathiques. On retrouve encore dans les né vroses de cet auteur le vomissement, la diplopie, l’amaurose, la surdité, les convulsions, les contractures, l’é tat nerveux, les affections intermittentes pé riodiques, y compris la fiè vre intermittente, l’hysté rie, l’é clampsie, le té tanos, l’hydrophobie, les hallucinations, le somnambulisme, la lé thargie, la catalepsie, la mé lancolie, la nostalgie, la catalepsie, la mé lancolie, la nostalgie, l’hypocondrie, le dé lire passager des passions, certaines intoxications, certaines fiè vres, la choré e, et mê me une certaine paralysie gé né rale, analogue à celle que Beyle et Calmeil avaient fait connaî tre, mais qui é voluait sans dé lire. C’est encore, comme on le voit, un amoncellement de symptô mes disparates et mal compris. Mais, si nous nous plaç ons à un autre point de vue, si nous recherchons l’idé e gé né rale que l’auteur se faisait des phé nomè nes né vropathiques, nous voyons apparaî tre une conception qui est un peu plus pré cise que la pré cé dente et qui va doré navant jouer un trè s grand rô le. Sandras entend par maladies nerveuses « toutes celles dans lesquelles les fonctions du systè me nerveux sont alté ré es sans que, dans l’é tat actuel de nos connaissances, on y puisse reconnaî tre pour cause premiè re une alté ration maté rielle, locale, né cessaire des organes ». Voici donc une dé finition qui a l’air un peu plus sé rieuse que celle de Pomme, et qui est bien en rapport avec le caractè re des é tudes mé dicales à cette é poque.

 

En effet, les troubles observé s sont rattaché s nettement à un groupe d’organes bien dé terminé s, le systè me nerveux; en outre, on insiste sur un caractè re, il est vrai, purement né gatif, mais qui, au premier abord, paraî t pré cis, l’absence de lé sions visibles de ces organes. Or, nous sommes à l’é poque de Laë nnec et Trousseau; depuis quelque temps, l’anatomie pathologique avait fait de trè s grands progrè s; on avait peu à peu pris l’habitude de dé couvrir à l’autopsie une alté ration maté rielle de tel ou tel organe et on comprenait plus ou moins bien comment cette alté ration visible avait dé terminé les symptô mes de la maladie et amené la mort. Or, dans un certain nombre de cas, on avait constaté pendant la vie du malade des dé sordres en apparence é normes, bien plus grands que ceux qui d’ordinaire trouvaient leur explication à l’autopsie par une lé sion visible, et tout justement, dans ces cas, l’autopsie la plus minutieuse avait é té né gative et le symptô me é tait resté sans explication. C’é tait là un fait assez net qui semblait suffisant pour distinguer les né vroses des autres maladies. Sans doute, ces deux notions é taient vaguement contenues dans l’ancienne dé finition de Cullen. Pour lui: « les né vroses é taient toutes les affections contre nature du sentiment et du mouvement où la pyrexie ne constitue pas une partie de la maladie et toutes celles qui ne dé pendent pas d’une affection topique des organes, mais d’une affection plus gé né rale du systè me d’où dé pendent spé cialement le mouvement et la pensé e ». Mais ces caractè res essentiels n’avaient pas é té exposé s ni compris avec autant de pré cision.

 

Quelques anné es aprè s l’ouvrage de Sandras, en 1863, paraî t, dans le tome IV des É lé ments de pathologie mé dicale de Requin, le remarquable travail d’Axenfeld sur les né vroses. Ce travail est repris et complé té par M. Huchard et forme le grand traité des né vroses de 1883. à de certains points de vue, ce travail est un grand progrè s, le terrain est largement dé blayé, beaucoup de symptô mes, considé ré s autrefois comme né vropathiques, sont rattaché s à des maladies mieux connues et le nombre des né vroses est notablement ré duit. Ainsi, l’ataxie locomotrice, que Duchenne lui-mê me et d’autres auteurs, comme Trousseau, considé raient encore comme une né vrose, est interpré té e, grâ ce aux travaux de Romberg, de Charcot, de Vulpian, et rattaché e aux maladies de la moelle. Il n’y a plus que six né vroses: l’é tat nerveux, la choré e, l’é clampsie, l’é pilepsie, la catalepsie et l’hysté rie. Mais la conception gé né rale de la né vrose ne fait guè re de progrè s, quoique les auteurs, dans une longue dissertation et par d’excellents arguments que j’aurai à ré pé ter, dé montrent l’insuffisance des caractè res pré cé demment invoqué s, ils finissent par les reprendre à peu prè s sans modification. « Les né vroses sont, pour eux, des é tats morbides, le plus souvent apyré tiques, dans lesquels on remarque une modification exclusive ou du moins pré dominante de l’intelligence, de la sensibilité ou de la motilité ou de toutes ces faculté s à la fois, é tats morbides qui pré sentent cette double particularité de pouvoir se produire en l’absence de toute lé sion appré ciable et de ne pas entraî ner par eux-mê mes des changements profonds et persistants dans la structure des parties ». C’est, en somme, la mê me dé finition; l’intervention de l’intelligence, de la sensibilité et de la motilité sert ici simplement à pré ciser qu’il s’agit d’un trouble du systè me nerveux et le reste de la formule consiste à dire qu’il n’y a pas de lé sion connue.



  

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