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DEUXIÈME PARTIE 22 страница



 

 

1. – Le problè me des stigmates
hysté riques.

 

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C’est à propos de l’hysté rie que cette recherche a é té faite le plus souvent, et à toutes les é poques on a dé crit un stigmate fondamental de cette né vrose; mais, bien entendu, ce stigmate a beaucoup varié, car il reflé tait les thé ories de chaque é poque sur cette maladie. Tantô t ce stigmate a é té l’attaque convulsive, tantô t il a é té simplement la boule hysté rique: on lit avec é tonnement dans les ouvrages du dé but du xixe siè cle des é tudes sur la sensation de globe, de boule qui é touffe les femmes nerveuses, et que l’on considé rait comme le symptô me fondamental de l’hysté rie.

 

Plus tard, surtout sous l’influence de l’é cole de Charcot, un autre symptô me est devenu le stigmate par excellence, c’est l’anesthé sie, surtout l’anesthé sie cutané e. Il y avait là inconsciemment un certain retour vers le passé; au moyen â ge, on avait aussi une sorte de diagnostic à faire pour reconnaî tre autant que possible les sorciè res et les possé dé es avant de les brû ler, et on sait la mé thode singuliè re qui é tait employé e à cet effet. Un chirurgien examinait le corps du patient de tous cô té s, en interrogeait la sensibilité avec une aiguille acé ré e, afin d’y dé couvrir « la griffe du diable », cette plaque d’insensibilité qui é tait « une marque assuré e de sorcellerie ». On examinait tous les recoins, car la diable a l’habitude de se dissimuler dans les endroits les plus caché s, et en somme on faisait l’examen de la sensibilité des muqueuses comme de celles de la peau. Cette mê me recherche, recommencé e un peu plus scientifiquement et dans une meilleure intention, a permis de constater que, dans bien des cas, des anesthé sies accompagnaient un assez grand nombre d’accidents hysté riques. On a beaucoup discuté aujourd’hui sur l’origine et la signification de ces anesthé sies, mais leur existence fré quente me paraî t incontestable. Ces troubles de la sensibilité sont le plus souvent associé s à des troubles du mouvement des membres et quelquefois à des troubles viscé raux, si bien que l’on soutenait autrefois que le trouble de la sensibilité cutané e se superpose exactement au-dessus de l’organe malade. De ces remarques, justes dans certains cas, on concluait un peu vite que, dans tout accident hysté rique, se rencontre une modification de la sensibilité superficielle, et ces modifications devenaient le stigmate essentiel de l’hysté rie. Cette conception, que l’on critique souvent avec trop de sé vé rité, a fait faire de grands progrè s à la mé decine: elle a amené successivement la dé couverte d’une foule de symptô mes hysté riques peu connus et a permis aussi de distinguer de l’hysté rie bien des phé nomè nes qui en sont indé pendants.

 

Cependant, cette interpré tation doit-elle continuer à dominer sans modification? La discussion sur ce point a commencé dè s le dé but de l’enseignement de Charcot; ses adversaires, et ils furent nombreux, se sont toujours opposé s à son interpré tation de ce symptô me. Beaucoup de ces critiques sont justifié es, car l’anesthé sie hysté rique ne joue certainement pas en pratique le rô le absolument pré pondé rant que voulait lui faire jouer Charcot. D’abord, il n’est que trop certain que cette anesthé sie n’est pas aussi facile à reconnaî tre qu’on le croyait; elle a, comme nous l’avons vu, des caractè res psychologiques trè s dé licats, qui rendent souvent difficiles à interpré ter les ré ponses du sujet; mais surtout elle est trè s mobile, trè s impressionnable, tantô t il suffira de votre seul examen pour faire disparaî tre une anesthé sie ré elle, tantô t, ce qui est plus grave, votre maniè re d’interroger cré era de toutes piè ces une anesthé sie qui n’existait pas.

 

D’autre part, cette anesthé sie est loin d’ê tre aussi durable et aussi permanente qu’on le pensait; elle apparaî t souvent dans les pé riodes d’incubation qui pré cè dent les accidents ou les attaques, et disparaî t aprè s la fin de celle-ci: il n’est pas possible de la constater toujours quand on le dé sire. Enfin, beaucoup d’accidents, comme les accidents mentaux, les idé es fixes à forme somnambulique, les amné sies, les troubles du langage, sont loin d’ê tre toujours accompagné s par une anesthé sie. Ces faits sont de plus en plus reconnus, et ce symptô me tend é videmment à perdre de son importance passé e.

 

Si on voulait lui conserver quelque inté rê t, il faudrait, à mon avis, s’entendre sur le sens du mot stigmate. Ce mot a un premier sens thé orique quand il indique le caractè re fondamental d’où nous paraissent sortir les autres phé nomè nes de la maladie. Par exemple, si nous considé rons une lé sion tuberculeuse, le vrai stigmate sera le bacille de Koch, parce que nous le considé rons comme la cause des lé sions innombrables de la tuberculose. Eh bien, il faut avouer que l’anesthé sie ne joue pas ce rô le dans l’hysté rie et que, à ce point de vue, le stigmate de Charcot a fait faillite. Mais le mot stigmate peut avoir un autre sens uniquement pratique: c’est un simple moyen de diagnostic. Or, l’anesthé sie accompagne un grand nombre de symptô mes hysté riques; dans bien des cas, elle persiste longtemps aprè s la disparition de l’accident, et elle peut, par consé quent, devenir un signe trè s utile. À ce point de vue, et à ce point de vue seulement, l’anesthé sie hysté rique de Charcot peut rester un stigmate important de l’hysté rie.

 

L’anesthé sie hysté rique plaisait aux mé decins parce que ce symptô me é tait, en quelque sorte, intermé diaire entre les phé nomè nes physiques et les phé nomè nes moraux. Depuis que l’hysté rie est devenue plus nettement une maladie mentale, c’est dans l’esprit que nous avons le plus de chances de trouver des stigmates un peu plus permanents, coexistants avec tous les autres symptô mes. Depuis longtemps, on sentait qu’il y avait un é tat mental hysté rique, et on obé issait vraiment à la mode en é crivant des thè ses sur le caractè re des hysté riques.  On mit d’abord en relief certains trait curieux et frappants, mais un peu exceptionnels de ce caractè re. Nos pauvres malades n’ont vraiment pas é té favorisé es; jadis on les brû lait comme sorciè res, puis on les accusa de toutes les dé bauches possibles, enfin, quand les mœ urs furent adoucies, on se borna à dire qu’elles é taient versatiles à l’excè s, remarquables par leur esprit de duplicité, de mensonge, de simulation perpé tuelle: « un trait commun les caracté rise, dit Tardieu, c’est la simulation instinctive, le besoin invé té ré et incessant de mentir sans cesse, sans objet, uniquement pour mentir, cela non seulement en paroles, mais encore en action, par une sorte de miss en scè ne où l’imagination joue le principal rô le, enfante les pé ripé ties les plus inconcevables et se porte quelquefois aux extré mité s les plus funestes ». Voici le mensonge qui devient le stigmate de l’hysté rie; il ne faut pas sourire, il y a encore bien des mé decins qui prennent cela au sé rieux.

 

Sans doute, le mensonge existe dans l’hysté rie et quelquefois d’une maniè re vraiment anormale: j’ai connu deux ou trois sujets, un surtout, qui é taient vé ritablement extraordinaires à ce point de vue. Une pauvre femme, qui a maintenant trente-cinq ans, est tourmenté e depuis l’â ge de seize ans par un besoin extravagant de mensonge et surtout de mensonge par lettres. Son bonheur le plus grand consiste à imaginer des correspondances amoureuses: elle fait parvenir à un individu, homme ou femme, des lettres merveilleuses dans lesquelles elle lui fait croire qu’il a inspiré une passion subite en passant sur la promenade. Le plus é tonnant, c’est que cela ré ussit toujours, le monsieur ré pond par retour du courrier et la malade, car c’est une malade, continue la correspondance pendant des mois et des anné es. Ce qu’il y a de triste dans cette histoire, c’est que ces romans se terminent en cour d’assises et qu’ils ont pour le sujet les plus dé plorables consé quences; il regrette sa passion, ne la comprend pas, se souvient à peine de ce qu’il a fait et, peu de temps aprè s, il recommence. Le mensonge est pour moi un des accidents mentaux de la né vrose, un des dé lires que l’hysté rique peut avoir d’une maniè re trè s grave ou d’une maniè re atté nué e, comme elle peut avoir des somnambulismes ou des fugues. Mais on sait trè s bien que toutes les hysté riques ne font pas né cessairement des fugues; de mê me elles n’ont pas né cessairement toutes l’impulsion au mensonge. Nous ne pouvons pas nous arrê ter à ces premiers stigmates mentaux qui nous montrent seulement l’impor­tance que l’on doit attacher dans cette maladies aux troubles psychologiques.

 

 

2. – La suggestivité des hysté riques.

 

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En ré alité le grand symptô me mental que les é tudes ré centes de psychologie pathologique ont bien mis en é vidence est le phé nomè ne de la suggestion et l’on peut considé rer comme un des stigmates essentiels de l’hysté rie la disparition à pré senter d’une maniè re exagé ré e et anormale le phé nomè ne de la suggestion. Cette disposition peut ê tre appelé e la suggestibilité ou peut-ê tre mieux la suggestivité : je pré fè re ce mot, d’abord parce qu’il a é té proposé par M. Bernheim, l’un de ceux qui ont travaillé le plus, à une é poque où cela é tait difficile, pour faire admettre l’importance de la suggestion dans l’hysté rie, et ensuite parce que le mot moins usuel rappelle le caractè re pathologique que pré sente le phé nomè ne chez l’hysté rique et empê che de confondre cette disposition morale de certains malades avec la suggestibilité normale.

 

Mais, si l’on veut, comme cela me paraî t juste, faire de la suggestion un des symptô mes fondamentaux de l’é tat hysté rique, il est né cessaire de pré ciser ce qu’on entend par ce mot et de ne pas l’em­ployer à tort et à travers pour dé signer des phé nomè nes psychologiques quelconques normaux ou pathologiques.

 

Ce phé nomè ne consiste d’une maniè re gé né rale dans une ré action mentale particuliè re que pré sentent à certains moments certains sujets quand on fait pé né trer une idé e dans leur esprit d’une maniè re quelconque et le plus souvent par le langage. L’idé e qui a é té conç ue par eux ne reste pas inerte et abstraite, elle ne tarde pas à se transformer en un autre phé nomè ne psychologique plus complexe et plus é levé, elle devient vite un acte, une perception, un sentiment et s’accom­pagne de modification de tout l’organisme. Si le sujet a conç u l’idé e de la marche, de la danse, de la nage; s’il a l’idé e d’une secousse de son bras, d’une raideur permanente de sa jambe ou mê me l’idé e d’une faiblesse, d’une impuissance de ces mouvements, le voici qui fait ré ellement l’acte de marcher, de danser, de nager; le voici qui a des secousses dans son bras analogues à de la choré e, de la raideur permanente de sa jambe analogue à des contractures, ou bien qui nous pré sente une paralysie systé matisé e ou complè te de telle ou telle fonction motrice. Si sa pensé e a é té dirigé e vers le souvenir, la repré sentation, l’idé e d’un objet, il se comporte à nos yeux comme un individu qui a des perceptions et non des idé es; il sent le contact des objets, entend des paroles qu’il croit exté rieures et ré elles, voit les paysages dont on parle en dehors de lui, il est halluciné. Inversement s’il a l’idé e que tel objet est disparu quoiqu’il soit ré ellement devant lui, il n’en a plus la perception, il cesse d’en sentir le contact, de l’entendre ou de la voir; en poussant les choses plus loin, l’idé e de la surdité ou de la cé cité peut amener une surdité ou une cé cité complè tes. Bien mieux, ces idé es peuvent se transformer en sentiments internes, dé terminer le plaisir ou la douleur, la nausé e ou l’angoisse, la faim ou la soif; ces sentiments sont eux-mê mes accompagné s par le fonctionnement correspondant des viscè res, l’idé e du vomissement amè ne les vomissements ré els, l’idé e d’une purge peut dé terminer la diarrhé e vé ritable et il est incontestable que des pilules de mie de pain auxquelles la malade prê te des proprié té s merveilleuses ont ré tabli ou supprimé le cours des rè gles. Je ne parle ici que des phé nomè nes simples à peu prè s incontesté s, je ne puis m’engager dans la discussion des modifications vaso-motrices, des rougeurs, des hé morragies, des bulles de pemphigus qui, suivant quelques auteurs, peuvent accompagner l’idé e suggé ré e de vé sication ou de brû lure. D’ailleurs c’est sur des phé nomè nes simples et fré quents et non sur des exceptions discuté es que doit se fonder la conception d’ensemble et la dé finition de la suggestion.

 

Cette transformation des idé es en d’autres phé nomè nes psychologiques et physiologiques pré sente, à mon avis, des caractè res trè s spé ciaux. Toutes nos idé es d’ordinaire ne subissent pas par elles-mê mes de pareilles transformations, elle gardent le plus souvent leur caractè re propre d’idé e, elles restent des phé nomè nes psychologiques simples, abstraits, incomplets. Tout au plus dé terminent-elles de temps en temps quelques mouvements lé gers comme ceux de la physionomie ou ceux du langage, mais elles sont loin d’amener à leur suite spontané ment des actes complets. De mê me il y une grande diffé rence entre nos idé es des objets et nos perceptions des mê mes objets et les premiè res ne se transforment pas aisé ment de maniè re à se confondre avec les secondes. Les idé es par elles-mê mes peuvent s’accompagner d’é bauches de sentiments viscé raux mais n’aboutissent pas toutes ré guliè rement à ces ré actions viscé rales que nous venons de voir. Sur ce point la suggestion diffè re nettement de la majorité de nos idé es.

 

Cependant la transformation des idé es en actes et mê me la transformation des idé es, sinon en perceptions du moins en croyances, s’opè re quelquefois. Dans un premier cas l’idé e se transforme graduellement parce qu’elle se trouve d’accord avec des instincts puissants des tendances fortement constitué es en nous depuis longtemps qui viennent ajouter leur force à celle de l’idé e abstraite et lui permettre de se complé ter. C’est ainsi que l’idé e d’une chance de fortune, l’idé e d’un appel de sa belle pourront faire marcher et courir l’homme cupide et l’amoureux, et pourront les faire croire facilement à l’existence d’un fait qu’ils dé sirent mais qui n’est pas ré el. Dans d’autres cas ce dé veloppement se fera en nous d’une maniè re plus compliqué e. Un romancier, un peintre dé veloppent aussi leurs idé es, mais c’est en cherchant pé niblement tous les é lé ments qui peuvent s’y joindre pour les rendre aussi ré elles et aussi vivantes que possible. Quand nous cherchons à accomplir un travail en rapport avec une idé e, nous ajoutons aussi à l’idé e des sentiments et mê me des actes. Cela est trè s vrai, mais c’est que dans ces cas beaucoup d’autres phé nomè nes de notre esprit, des souvenirs, des imaginations, des tendances se sont coalisé s avec l’idé e primitive. Toute notre personnalité avec tout son passé et toutes ses tendances acquises s’est porté e au secours de l’idé e, c’est ainsi qu’elle l’a adopté et l’a fait grandir. C’est ce qu’on appelle la volonté, l’attention, l’effort dont nous n’avons pas à é tudier le mé canisme, mais seulement à comprendre le rô le. L’idé e transformé e dans ces conditions reste bien rattaché e à la personnalité qui a accepté la transformation, qui l’a aidé e par ses efforts et qui se souvient de son travail. D’ailleurs la transformation reste à la disposition de la personnalité et celle-ci peut facilement, si ses dispositions ont changé, ne plus la favoriser et mê me l’arrê ter: l’idé e ré duite à ses propres forces redevient alors abstraite et inerte.

 

La transformation de l’idé e en acte et en perception qui se produit dans le phé nomè ne de la suggestion ne se rattache à aucun de ces mé canismes. Le dé veloppement de l’idé e n’est pas produit par l’é veil d’un instinct puissant car l’idé e en question est insignifiante, n’inté ­resse pas le sujet et serait plutô t contraire à ses goû ts et à ses inté rê ts. Il n’a pas de tendance à se paralyser, il en est mê me fort mé content et cependant il se paralyse parce qu’il a vu un infirme. La transformation n’est pas due non plus à des efforts volontaires, c’est-à -dire à l’action de l’ensemble de la personnalité. Ce point est plus dé licat à vé rifier, et il est bien certain que dans les descriptions de quelques auteurs se glissent trop souvent sous le nom de suggestion des faits qui s’expliquent par le mé canisme ordinaire de la volonté. Il ne faut pas dire trop vite qu’un malade est suggestionné quand il exé cute bien vite n’importe quelle sottise pour ne pas dé plaire au mé decin, qu’un individu est suggestible quand il prend facilement toute les attitudes pour gagner les bonnes grâ ces d’un maî tre. Ce sont trop souvent des individus complaisants, dociles, qui agissent à la faç on ordinaire. S’il n’y avait que des faits de ce genre, il n’y aurait pas lieu de parler de suggestion.

 

Ceux qui ont insisté sur ce phé nomè ne se sont peut-ê tre trompé, c’est une vé rification à faire; mais ils ont cru constater autre chose. Ils ont cru voir que dans certains cas l’idé e se dé veloppait en actes et en perceptions sans la collaboration de la volonté et de a personnalité du sujet. Celui-ci ne semblait ajouter à l’idé e aucune force venant de sa propre collaboration; il semblait ne pas se rendre compte du dé veloppement de cette idé e au-dedans de lui-mê me; quelquefois il semblait n’en avoir guè re conscience pendant qu’elle s’exé cutait. Dans d’autres cas il n’en gardait aucun souvenir aprè s son exé cution; s’il prenait conscience du dé veloppement de ces idé es, il ne le comprenait pas, il ne croyait pas l’avoir dé terminé, bien souvent au contraire il luttait contre lui et il é tait impuissant à l’arrê ter. En un mot, dans ce qu’on appelle suggestion, l’idé e se dé veloppe complè tement jusqu’à se transformer en acte, en perception et en sentiment mais elle semble se dé velopper par elle-mê me, isolé ment, sans participation ni de la volonté, ni de la conscience personnelle du sujet.

 

La suggestion, dé finie comme nous venons de le faire, n’est é videmment pas un phé nomè ne banal, se produisant perpé tuellement dans notre conscience. Sans doute il y a dans bien des cas un certain dé veloppement automatique de nos souvenirs, de nos habitudes, mais ce dé veloppement reste toujours trè s incomplet et surtout il reste toujours limité et dirigé par les autres tendances de l’esprit et par toute la personnalité. Cependant, des phé nomè nes analogues à la suggestion ne peuvent-ils se produire au cour de la vie normale chez des individus en bonne santé? Il est é vident que cela arrive quelquefois dans des phé nomè nes trè s simples et trè s é lé mentaires: nous marchons au pas en entendant la musique militaire, nous bâ illons en voyant quelqu’un bâ iller, nous faisons quelquefois une sottise par distraction. Ce sont là des dé veloppements plus ou moins avancé s d’idé es trè s simples que la volonté n’arrê te pas tout de suite. Il y a é videmment des individus un peu naï fs, distraits, peu habitué s à surveiller et à critiquer leurs idé es chez qui de pareil accidents doivent ê tre plus fré quents que chez d’autres. Je crois cependant qu’il ne faut pas se laisser aller à une illusion: des personnes dociles, obé issantes, disposé es à penser que d’autres ont plus d’intelligence et d’expé rience qu’elles-mê mes et qui, à cause de cela, croient facilement ce qu’on leur enseigne, des personnes faibles dé sirant é viter des luttes pé nibles et pré fé rant obé ir rapidement sur des points qu’elles jugent d’ailleurs insignifiants, tous ces individus ne sont pas du tout des individus suggestibles. Leur adhé sion est facile, soit parce qu’ils ont confiance, soit parce qu’ils pré fè rent l’obé issance à la lutte, mais c’est toujours une adhé sion, une acceptation de l’idé e par la personnalité et ce n’est pas un dé veloppement indé pendant de l’idé e, lequel n’arrive en ré alité qu’assez rarement.

 

Des phé nomè nes identiques à la suggestion s’observent plus souvent chez l’homme normal lorsqu’il est momentané ment transformé par quelque puissante influence: M. Le Bon faisait justement remarquer que l’individu mê lé à une grande foule et impressionné par elle devient momentané ment suggestible. Beaucoup de grandes é motions, la peur, la surprise, l’intimidation, ont des effets semblables et certaines suggestions observé es chez des individus à peu prè s normaux sont dues à un troubles momentané de la conscience dé terminé par certaines é motions. Il y a des individus qui savent trè s bien user de cette influence de l’é motion dé pressive et qui savent se servir de cette suggestivité momentané e qu’elle dé termine.

 

Cependant, chez l’individu normal, ces transformations ne sont pas fré quentes et elles ne doivent pas ê tre trop faciles, sinon cet individu pré senterait vite d’autres troubles qui sont associé s avec la suggestivité et deviendrait vite un malade. C’est ce qui arrive dans certains cas: on rencontre en effet des personnes chez qui on peut dé terminer assez facilement et dans bien des circonstances, des phé nomè nes de suggestion trè s nets. Il suffit de les é motionner un peu, puis de leur affirmer une idé e quelconque pour que cette idé e devienne chez eux, d’une maniè re automatique, un acte ou une perception, sans qu’ils l’aient accepté, sans qu’ils puissent l’empê cher, quelquefois sans qu’ils s’en doutent. Si nous examinons de telle personnes, nous ne tardons pas à reconnaî tre que ces individus ont pré senté fré quemment des idé es fixes à forme somnambulique, qu’ils sont hypnotisables, ce qui n’est, comme nous le savons, que la reproduction de somnambulismes anté rieurs, qu’ils ont des mouvements involontaires, des hallucinations, des paralysies d’un genre spé cial, des insensibilité s, en un mot qu’ils pré sentent tous les phé nomè nes que nous avons constaté s chez les hysté riques. Inversement, é tudions des malades reconnus comme hysté riques, nous pourrons presque toujours reproduire sur eux expé rimentalement des phé nomè nes de suggestions et d’ailleurs nous pouvons constater qu’un grand nombre de leurs accidents anté rieurs se sont produit par un mé canisme tout à fait identique à celui de la suggestion. Les caractè res que nous avons é tudié s dans les idé es fixes des hysté riques qui se dé veloppe complè tement en actes et en hallucinations sans laisser de traces dans la mé moire, les mouvements subconscients de l’é criture automatique, certaines choré es systé matiques, é taient absolument du mê me genre et en ré alité la suggestion s’é tait pré senté e chez eux d’une maniè re naturelle avant toute expé rience.

 

Enfin, on observe chez ces malades des variations inté ressantes du phé nomè ne de la suggestion: de mê me que la suggestion n’existe pas perpé tuellement chez tous les hommes, il ne faut pas se figurer qu’elle existe d’une maniè re constante chez les hysté riques. Beaucoup de ces malades, aprè s avoir é té trè s suggestibles pendant une pé riode de leur vie, le sont de moins en moins, ne le sont plus nettement qu’à de certains moments, pendant les rè gles par exemple ou aprè s une indisposition ou une é motion, puis cessent complè tement de pré senter ce phé nomè ne. Il est facile d’observer que la gué rison des autres accidents de la né vrose suit une marche parallè le.

 

D’un grand nombre de remarques de ce genre dé coule une opinion que j’ai soutenue depuis longtemps: la suggestion, si on prend ce mot dans son sens pré cis, est un phé nomè ne psychologique relativement rare, il se pré sente accidentellement dans diffé rentes circonstances chez les individu considé ré s comme normaux, mais il ne devient ré gulier et constant que dans une né vrose spé ciale et la suggestivité constitue un stigmate important de l’hysté rie.


 

 

3. – La distractivité des hysté riques.

 

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Ce rô le de la suggestion dans l’hysté rie commence à ê tre connu, mais je crois qu’il y a lieu d’aller plus loin et qu’il ne faudrait pas expliquer cette maladie si complexe par ce seul phé nomè ne psychologique. Pour le moment, je me borne à remarquer que dans l’é tat mentale de ces malades on constate d’autres faits au moins aussi importants qui mé ritent au mê me degré d’ê tre considé ré s comme des stigmates de l’hysté rie.

 

Je voudrais mettre au premier rang de ces phé nomè nes une disposition bien singuliè re et peu connue pour laquelle nous n’avons mê me pas d’expression bien nette: il s’agit d’une disposition à l’indiffé ­rence, à l’abstraction, à la distraction tout à fait exagé ré e et anormale. J’ai dé jà insisté autrefois à plusieurs reprises sur ce fait [53]. On m’a reproché d’avoir confondu sous le mê me nom, sous le mot distraction, le phé nomè ne anormal que je voulais faire connaî tre et la distraction de l’homme normal qui a d’autres caractè res. Je propose donc de dé signer ici ce phé nomè ne pathologique par le mot de distractivité des hysté riques afin d’employer un mot analogue à celui de suggestivité.



  

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