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DEUXIÈME PARTIE 21 страница



 

Dans un premier groupe de cas ces crises commencent à l’occasion d’une action volontaire qui par suite de circonstances devient né cessaire: c’est le dé but d’un acte, c’est le dé sir, le besoin d’accomplir un acte qui amè ne les agitations et les angoisses. Le malade doit se mettre à table et doit manger devant quelques personnes, c’est cet acte qu’il ne peut pas faire. Il vous dira bien qu’il a sa crise de terreur ou de scrupule parce qu’il y a des poussiè res, des microbes sur la table ou parce que les bouteilles ressemblent à un membre viril, mais à mon avis ce n’est pas vrai, c’est là une explication surajouté e par son imagination. Il a sa crise tout simplement parce qu’il doit faire un acte qui est difficile et compliqué pour lui. Tout un groupe de phobies, celles qu’on a appelé es les phobies des objets ne sont comme je l’ai montré que des phobies d’actes: l’objet n’est qu’une occasion ainsi que le contact lui-mê me, parce qu’on n’agit pas sans toucher à des objets, mais l’essentiel dans le phé nomè ne c’est l’acte. La malade de Legrand du Saulle qui a la phobie de la plume et de l’encrier a en ré alité sa crise d’angoisse quand elle veut é crire.

 

Nous avons vu beaucoup de faits de ce genre, il suffit de rappeler que les actes qui donnent trè s souvent naissance à des phobies sont des actes professionnels. Dans un groupe de voisin, celui des phobies du corps chez beaucoup d’hypocondriaques, ce sont les actes du corps, les fonctions corporelles qui provoquent l’angoisse: remuer un membre, remuer le petit doigt, marcher surtout, manger, dé glutir, digé rer, uriner, exercer les fonctions gé nitales, aller à la selle, etc., voici les fonctions et les actes qui jouent le rô le essentiel.

 

Quand il s’agit des dysesthé sies des sens, c’est l’acte de flairer, l’acte d’é couter, l’acte de regarder qui est le point de dé part de la crise. Il en est de mê me pour les tics: le sourire obsé dant, les tics du visage avec coprolalie surviennent quand il faut entrer dans un salon, parler à quelqu’un, faire un acte difficile. On peut faire la mê me remarque à propos des ruminations: nous avons insisté sur la grande rumination de Ger… à propos du maigre du vendredi; cette crises d’agitation mentale a commencé quand elle devait descendre pour chercher le dî ner. D’autres commencent à ruminer quand ils doivent monter en omnibus, s’asseoir à table, se laver, uriner, é crire une lettre, signer un acte, etc… Bien entendu, pour avoir cet effet, pour devenir ainsi le point de dé part de la crise, il faut que l’acte soit volontaire et ne s’exé cute pas tout seul, par distraction, d’une maniè re automatique.

 

Le deuxiè me phé nomè ne qui joue un rô le pré pondé rant comme de dé part de ces crises c’est l’attention, l’effort pour comprendre quelque chose et mieux encore l’effort pour accepter une idé e ou la nier: l’effort de croyance. Toutes ces agitations, quelles qu’elles soient, commencent à propos d’un travail mental, mais surtout à propos d’une interrogation qui né cessite une ré ponse affirmative ou né gative. Il ne faut pas que les malades soient amené s à s’interroger sur un point quelconque de la religion ou de la morale, sur Dieu, sur le Dé mon, sur l’enfer, sur le devoir, le mensonge, ou la responsabilité. Quelquefois le simple effort pour nier une histoire absurde qu’on raconte devant eux suffira pour ramener toutes leurs ruminations ou toutes leurs angoisses.

 

Un autre phé nomè ne peut devenir le point de dé part de certaines ruminations ou de certaines phobies, c’est l’é motion ou du moins un certain genre d’é motion. Le malade se trouve dans des circonstances où normalement il devrait é prouver un certain sentiment de joie, ou mê me de douleur, car souffrir à propos c’est dé jà une opé ration mentale difficile. À ce moment, à la place de l’é motion naturelle qui devrait survenir, arrive la crise d’agitation. J’ai dé crit une malade qui avait une trè s singuliè re maniè re de ressentir les douleurs de l’accou­chement: c’é tait à ce moment que son esprit é tait envahi au suprê me degré par les manies du serment, par des pactes, par des ruminations interminables et odieuses. D’autres sujets dans des situations lugubres ont des tics, des agitations motrices et des crises de fou rire. Une malade ne pouvait plus jouer du piano ni é couter de la musique: si elle se laissait aller un instant à l’é motion artistique, au plaisir musical elle perdait l’é quilibre et retombait dans ses absurdes raisonnements; un autre ne pouvait plus admirer un paysage ni remarquer la ré gularité d’une place sans avoir une crise de phobies. Il y a là tout un rô le curieux du sentiment qui le rapproche de la croyance et de la volonté. En fait, d’ailleurs, é prouver une sensation à propos, c’est faire une synthè se mentale qui par bien des points est comparable à une idé e ou à un acte.

 

Enfin je signale avec plus d’hé sitation et à titre de curiosité une autre occasion de ces crises que j’ai observé e plusieurs fois, c’est le commencement du sommeil ou le ré veil. Quand le sujet doit passer d’un é tat à un autre, par exemple quand il commence à s’endormir, il a des crises d’agitation sous toutes les formes. Une malade se mettait à hurler, à se contorsionner, dè s qu’elle commenç ait à dormir, elle se ré veillait alors et se calmait, mais au bout d’une demi-heure recommenç ait la mê me scè ne à propos d’une nouvelle somnolence; d’autres ont des agitations mentales dans les mê mes circonstances ou à propos du ré veil, ce sont des faits de ce genre qui m’ont si souvent amené à comparer le sommeil à un acte volontaire.

 

La crise d’agitation est commencé e, nous savons ce qui va la remplir, ce sont tous ces phé nomè nes d’interrogation, de calcul, de conjuration, de tics, de troubles respiratoires et cardiaques, d’efforts moteurs que nous avons dé crits à propos de l’agitation psychasté nique des diverses fonctions. Mais on peut se demander quel est le caractè re gé né ral du trouble qui constitue la crise. Je crois que ce caractè re est double: le premier fait capital à mon avis, c’est que les opé rations qui devaient s’effectuer quand la crise est survenue sont complè tement supprimé es. Le malade devait, disions-nous, accomplir un acte volontaire, é crire une lettre, traverser une place ou pré parer le dî ner, il devait accepter ou refuser une croyance, é prouver la douleur de l’accouchement ou ressentir le plaisir d’une audition musicale. Eh bien, rien de tout cela n’a eu lieu. Le malade n’é crit rien, ne traverse pas la place, il reste son pot à la main dans l’escalier sans descendre chercher le dî ner, il rumine pendant plusieurs heures et n’est pas arrivé à savoir s’il croit ou s’il ne croit pas ce qu’on lui a dit. Il en est absolument de mê me pour les sentiments: quand Lise a d’é pouvan­tables ruminations au moment des douleurs de l’accouchement, elle a sans doute des souffrances morales, mais elle n’a pas les souffrance physiques qu’elle devrait avoir. Il y aurait des é tudes bien inté ressantes à faire pour montrer que ces agitations suppriment tous les sentiments ré els, qu’ils suppriment mê me la peur que le malade devrait avoir. En un mot, le premier fait essentiel c’est que tous les phé nomè nes primaires soient supprimé s.

 

C’est à la place de ces phé nomè nes primaires que se dé veloppent les mouvements varié s, les troubles viscé raux et les ruminations mentales. Quel est ce second travail qui vient remplacer le premier? À mon avis, les phé nomè nes qui le constituent ne sont pas du tout identiques à ceux qu’ils remplacent. D’abord ce ne sont pas des actes ré els, c’est-à -dire des opé rations de l’homme qui apportent un changement plus ou moins profond et plus ou moins durable dans le monde exté rieur, ce sont des mouvements tout à fait insignifiants, qui ne sont mê me ni mauvais, ni dangereux. Les malades s’agitent, ils crient, ils menacent, mais en ré alité ils ne font de mal à personne et ne cassent que des objets insignifiants auxquels ils ne tiennent pas. Dè s que le mouvement pourrait prendre quelque importance, il est supprimé. Les ruminations mentales n’ont en ré alité aucune importance, elles n’aboutissent jamais à une croyance quelconque et ne constituent mê me pas un dé lire: le sujet s’embrouille au milieu d’innombrables idé es abstraites dont il ne tire en ré alité aucune consé quence. Il est facile de voir qu’il ne prend pas au sé rieux les sottises qu’il raconte, ce sont des ruminations enfantines et bê tes, des bavardages à propos des plus sottes superstitions et l’on pourrait dire que chez quelques-uns ces pensé es manifestent un retour à l’enfance et à la barbarie. Les angoisses elles-mê mes sont plus grandes en apparence qu’en ré alité : ces grands mouvements viscé raux, ces palpitations de cœ urs, ces respirations rapides sont le plus souvent sans aucune consé quence. Ce sont des é motions trè s vagues, trè s é lé mentaires dont le sujet garde à peine le souvenir. En un mot la crise d’agitation me paraî t consister essentiellement en ce fait que les phé nomè nes primaires ré els et importants sont supprimé s et qu’ils sont remplacé s par des phé nomè nes secondaires, exagé ré s sans doute, mais sans rapport avec la ré alité, complè tement inutiles à tous les points de vue, é lé mentaires et infé rieurs. Nous aurons à voir plus tard si ce fait essentiel ne se rattache pas à des lois importantes de la maladie.

 

On devine facilement d’aprè s ces é tudes comment se terminent ces crises d’agitation psychasté nique: elles sont terminé es quand il n’est plus question de cet acte primaire que le malade ne pouvait pas faire. Tant qu’on insiste pour qu’il traverse la rue, pour qu’il é crive sa lettre, il s’agite de plus en plus; mais il arrive un moment où le voyant malade on oublie complè tement le point de dé part de la crise, lui-mê me ne songe plus à la croyance sur laquelle il s’interrogeait, il a complè tement renoncé à é prouver l’é motion en rapport avec la circonstance pré sente. À ce moment l’agitation commencé e s’é puise toute seule et le malade rentre dans son apathie pré cé dente, jusqu’à ce qu’une nouvelle circonstance lui propose de nouveau un problè me insoluble et ramè ne une crise d’agitation.

 

6. – Les pé riodes de dé pression
des psychasté niques.

 

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Il faut revenir sur un phé nomè ne essentiel qui caracté risait les crises d’agitation pré cé dentes: ce fait est identique à un caractè re dé jà observé dans la crise d’hysté rie. Les circonstances qui provoquent l’apparition de la crise d’agitation n’ont pas perpé tuellement le mê me pouvoir. Il ne faut pas du tout se figurer que les actes, les croyances, les sentiments ont toujours é té arrê té s de cette maniè re chez ces personnes et qu’ils ont toujours é té remplacé s par des ruminations ou des angoisses. S’il en é tait ainsi, ces sujets n’auraient jamais pu vivre, ils n’auraient jamais pu s’instruire ni arriver au langage et à la conduite qu’ils ont aujourd’hui. Il est certain que ces circonstances ne deviennent provocatrices qu’à certains moments et pendant certaines pé riodes. Un é tat anormal existant depuis un certain temps est la condition de ces crises d’agitations comme des crises d’hysté rie.

 

Ces pé riodes mé ritent d’ê tre appelé es des pé riodes de dé pression, parce qu’elles sont caracté risé es par le dé veloppement de tous les phé nomè nes d’insuffisance qui ont é té signalé s chez ces mê mes malades. Nous avons é tudié, chez eux, des insuffisances de l’attention et de la mé moire qui constituait des doutes tout particuliers, des insuffisances de la volonté qui formaient des innombrables varié té s de l’aboulie. L’existence de ces insuffisances est anté rieure aux crises d’agitation et c’est pré cisé ment parce que depuis un certain temps ils sont incapables d’agir, de se dé cider, de croire que la né cessité de ces actes dé termine l’agitation. Cet é tat pré alable a dé jà é té observé d’une maniè re assez vague à propos de certaines impulsions ou de certaines obsessions. On a dé jà dit que chez les dipsomaniaques des troubles mé lancoliques, une sorte de confusion pré cè de souvent de plusieurs jours l’impulsion proprement dite. Les é tudes que j’ai faites sur ces impulsions confirment singuliè rement cette remarque car, pour moi, l’impulsion elle-mê me à la boisson, à la marche, à l’usage des poisons dé pend pré cisé ment de cet é tat mé lancolique de la souffrance qu’il dé termine et du besoin d’y porter remè de.

 

Mais je crois qu’il faut gé né raliser cette remarque et constater que cette pé riode de dé pression pré cè de toutes les obsessions, toutes les manies mentales et toutes les phobies. Beaucoup de malades l’ont trè s bien observé et l’expliquent trè s bien. Une femme Kl… que j’ai souvent dé crite, sait trè s bien que le trouble commence à la fin des rè gles: il s’annonce presque toujours par une modification du sommeil, la malade dort moins bien et d’une maniè re bizarre. Il lui semble qu’elle dort trop profondé ment et en mê me temps qu’elle ne se repose pas: ceux qui ont é tudié le sommeil des é pileptiques sont habitué s à cette description. En mê me temps Kl… sent que son sommeil est douloureux, qu’elle a, tout en dormant, une douleur qui se forme au-dessus de la tê te, c’est ce qu’elle appelle « avoir la fiè vre dans la tê te ». Quand elle se ré veille le matin en se souvenant qu’elle a eu, pendant le sommeil, la « fiè vre dans la tê te », elle est certaine qu’elle va encore ê tre malade. En effet, elle se sent, dans cette premiè re journé e, mal à son aise, elle est fatigué e, elle souffre de la tê te, elle n’a aucun appé tit; les digestions sont longues, pé nibles, accompagné es de gonflement et de pesanteur de la ré gion é pigastrique, la langue est devenue immé diatement tout à fait saburrale et la constipation est opiniâ tre. On voit que, du moins chez cette malade, ce sont les symptô mes physiques qui semblent apparaî tre les premiers. La nuit suivante est encore plus mauvaise et la « fiè vre de tê te » plus forte. Quand la malade se ré veille, elle est moralement troublé e: « Je sens que je n’y suis plus, j’ai tout à fait perdu ma volonté, on peut faire de moi ce que l’on veut, puisque je suis devenue une machine… Je ne puis plus lire ni comprendre… Les gens me paraissent drô les et j’ai envie de me fâ cher contre eux parce qu’ils ont de drô les de tê tes… Je deviens é trange, incompré hensible à moi-mê me et je m’interroge sur une foule de choses ». Voici donc que surviennent les sentiments d’incomplé ­tude à propos de la volonté et de la perception; ils forment trè s nettement, chez cette personne, une pé riode maladive.

 

Quand ces symptô mes ont duré en s’aggravant, la moindre occasion, un effort pour faire un acte quelconque, un effort d’attention, ou une petite é motion vont dé terminer le dé but d’autres phé nomè nes: la malade, trè s agité e et angoissé e, va avoir une crise de rumination mentale et s’interroger indé finiment sur la naissance de son enfant: « La petite tache qu’il porte au derriè re est-elle la preuve qu’il soit de son mari? Peut-on concevoir des enfants sans avoir eu d’amant? etc. » Ou bien, si la malade veut se dé barrasser de ces questions obsé dantes, elle va avoir de l’agitation motrice et entrer dans de vé ritables crises d’excitation. Autrefois, les pé riodes ainsi commencé es se prolongeait pendant des mois, c’est-à -dire que les crises d’agitation se calmaient, mais que la malade restait dans l’é tat de dé pression avec les sentiments d’incomplé tude, prê te à recommencer une crise d’agitation à propos de n’importe quoi. Aujourd’hui, la crise de rumination ne survient que deux ou trois fois, car la malade n’y reste exposé e que peu de jours. Le sixiè me ou le septiè me jour de la maladie, surtout si elle a pris quelques soins, est dé jà moins grave, il n’y a plus de vé ritables crises d’agitation forcé e. Tout se borne de nouveau aux symptô mes de l’é tat de dé pression, aboulie, sentiment d’é trangeté et un certain degré de dé personnalisation. Ces symptô mes diminuent le jour suivant et, quand Kl… a dormi une bonne nuit sans « fiè vre de tê te », tout est fini et aucune des mê mes circonstances pré cé dentes ne peut plus l’agiter.

 

De cas remarquable et trè s instructif est tout à fait identique aux autres, mais il est beaucoup plus pré cis: il nous montre que la pé riode de dé pression est plus longue que la crise d’agitation et qu’elle l’enveloppe; c’est l’existence d’une telle pé riode qui est le fond de la maladie et qui en explique les accidents.

 

Ce qui est trè s important au point de vue clinique, c’est la maniè re dont surviennent ces pé riodes de dé pression. Dans un certain nombre de cas, elles apparaissent graduellement et se dé veloppent insidieusement pendant des mois et des anné es. Les malades ne peuvent plus parvenir au sentiment de la ré alité dans la perception exté rieure, mais ils ne s’en plaignent guè re, ils ont de l’aboulie, de l’indé cision, de la lenteur, de l’inachè vement des actes; ils deviennent incapables d’ap­prendre et ne se rendent plus bien compte de ce qu’ils lisent et de ce qu’ils entendent. Les choses continuent ainsi pendant trè s longtemps en s’aggravant insensiblement jusqu’à ce qu’à un moment donné é clatent des crises d’agitation ou des obsessions: c’est là une des formes communes de la maladie.

 

Plus souvent qu’on ne le croit, les choses se passent tout à fait diffé remment; il y a un changement brusque de l’é tat mental à propos d’une maladie physique ou plus souvent à propos d’une violente é motion. Tout d’un coup, en quelques instant, le malade se sent transformé, il entre immé diatement dans l’é tat de dé pression que nous venons de dé crire. Des faits de ce genre é taient dé jà dé crits autrefois sans qu’on les comprî t bien: Ball publie la lettre suivante d’une de ses malades: « Au mois de juin 1874, dit celui-ci, j’é prouvai subitement, sans aucune douleur ou é tourdissement, un changement dans la faç on de voir; tout me parut drô le et é trange, bien que gardant les mê mes formes et les mê mes couleurs… Je me sentis diminuer, disparaî tre, il ne restait plus de moi que le corps vide. Tout est devenu de plus en plus é trange et maintenant, non seulement je ne sais ce que je suis, mais je ne peux me rendre compte de l’existence, de la ré alité [51] »

 

J’ai observé trè s souvent des changements brusques de ce genre; j’ai dé crit plusieurs malades qui tout d’un coup perdent leur personnalité et ne peuvent plus la retrouver. Le cas de Bei… é tait particuliè rement typique: cette jeune fille, qui avait un amant à l’insu de ses parents, lut dans un journal une petite nouvelle quelconque ayant rapport à deux amants qui, par leur inconduite, avaient fait le malheur de leurs familles. Elle pensa immé diatement que cette histoire é tait tout à fait identique à la sienne, elle fut troublé e et é prouva le besoin de prendre de l’air. À peine au dehors, elle fut surprise de ne plus se reconnaî tre: « Ce n’est pas moi qui marche, disait-elle, ce n’est pas moi qui parle, etc. » et ces insuffisances psychologiques ont continué pendant plus d’un an. La maladie du doute a commencé chez une femme Bre…, â gé e de 36 ans, de la maniè re la plus é trange: elle soignait avec dé vouement son mari trè s malade sans se rendre compte de la gravité de la situation. Un jour, elle demanda au mé decin, avec beaucoup de tranquillité, si dans quinze jours son mari pourra l’accom­pagner à la campagne. Le mé decin, avec une maladresse involontaire, se laissa à ré pondre: « Mais vous n’y songez pas, ma bonne dame, dans quinze jours, tout sera fini ». La pauvre femme fut bouleversé e, elle ressentit comme un choc dans la tê te, ce fameux choc que nous retrouvons si souvent au dé but des fugues, des dé lires, dans les grandes é motions et dont nous savons si peu la nature. Dè s ce moment. La voici qui change de caractè re, pré sente une foule de troubles et en particulier devient une douteuse, avec doutes de perception et surtout doutes de souvenir, ce qui ne tarde pas à amener toutes sortes d’obsessions.

 

Les faits de ce genre qui sont trè s nombreux seraient tous semblables, ils me paraissent si importants que j’ai proposé le mot de psycholepsie qui signifie « chute de l’é nergie mentale » pour dé signer cette crise tout à fait particuliè re. Elle est, par certains cô té s, analogue aux phé nomè nes é pileptiques et c’est pourquoi j’ai insisté sur le rapprochement qu’il y a lieu de faire entre les é pileptiques et les psychasté niques [52], rapprochement que nous ne pouvons discuter ici. Dans quelques cas assez rares, l’é tat mental se relè ve aussi rapidement qu’il est tombé, mais dans beaucoup de cas, la dé pression, mê me commencé e brusquement, se prolonge assez longtemps et ne se termine que graduellement.

 

Il faut aussi connaî tre une forme remarquable de ces dé pressions, ce sont les dé pressions pé riodiques. En effet, la maladie est rarement continue, il y a, au bout d’un certain temps, une amé lioration. La plupart des sentiments d’incomplé tude disparaissent graduellement, en mê me temps que les diverses fonctions mentales augmentent d’é ner­gie. Quand la gué rison n’est pas absolument complè te, on dit qu’il s’agit de forme ré mittente: aprè s un certain temps d’amé lioration, il se produit une rechute soit lente, soit subite. Dans d’autre cas, la maladie est franchement intermittente, l’amé lioration est assez marqué e pour amener la disparition à peu prè s complè te de tous les symptô mes. Dans cette forme, la rechute est moins facile et vient ordinairement aprè s un temps plus ou moins long à l’occasion de quelque bouleversement nouveau, physique ou moral, assez grave. Il y a ainsi des malades qui ont, dans le cours de leur vie, trois ou quatre grandes crises de dé pression au moment de la puberté, par exemple, aprè s un accouchement, à la mé nopause. Mais un certain nombre de malades nous pré sentent une forme de dé veloppement de ces dé pressions qui est vraiment trè s extraordinaire et qui ne me paraî t pas complè tement é lucidé e. La duré e des pé riodes de dé pression et la duré e des intermittences semble à peu prè s ré guliè re et cela pendant un temps trè s long: ils ont six mois de dé pression, trois ou quatre mois de bonne santé, puis, iné vitablement, au moins en apparence, une dé pression nouvelle. Ce sont des malades de ce genre qui ont donné naissance aux diverses conceptions mé dicales de la folie intermittente, de la folie à double forme, de la folie circulaire. On peut se demander si le caractè re à peu prè s pé riodique de leur maladie suffit pour les distinguer des autres psychasté niques et pour constituer une maladie toute spé ciale appelé e aujourd’hui par les Allemands la « psychose maniaque-dé pressive ».

 

 

Dans certains cas, il y a là é videmment des phé nomè nes assez distincts de ceux que nous venons de dé crire, mais je crois que bien souvent on a exagé ré cette distinction. Au point de vue psychologique, beaucoup de ces malades ne diffè rent point du tout de nos psychasté niques. Il n’y a que l’é volution de leur maladie qui, par suite de circonstances spé ciales encore mal é lucidé es, prend une allure un eu particuliè re. Notons seulement que la mê me difficulté s’est dé jà pré senté e à propos de la double personnalité des hysté riques; comme nous l’avons montré, ces doubles existences ont pour point de dé part des dé pressions pé riodiques, simplement compliqué es par l’addition des phé nomè nes d’amné sie propres aux hysté riques. À mon avis, la double personnalité est la forme que prend le dé lire circulaire chez l’hysté rique. Il n’é tait peut-ê tre pas indispensable de changer tout à fait la conception de la maladie simplement à cause d’une modification dans son é volution.

 

Il serait plus important d’é tudier les conditions qui semblent dé terminer l’apparition de ces crises de dé pression. Les maladies infectieuses, les fatigues physiques et morales, les é motions d’un certain genre amè nent d’ordinaire l’abaissement du niveau mental. Il faudrait dé terminer é galement les influences qui dé terminent l’excitation, les substances excitantes, le changement, le mouvement et l’effort, l’attention et é galement certaines é motions jouant à ce propos un grand rô le. Ces é tudes permettraient de comprendre mieux des é volutions bizarres et quelquefois de les diriger.


 

Deuxiè me partie. Les é tats né vropathiques

 

Chapitre II

 

Les stigmates né vropathiques.

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Les accidents né vropathiques sont si nombreux et si varié s que leur é numé ration a toujours embarrassé les cliniciens. Les premiers auteurs qui dé crivaient les hysté riques é taient toujours frappé s par la complexité de leurs symptô mes: « Ce n’est pas une maladie, disaient-ils, c’est une cohorte, une Iliade de maux », et Sydenham appelait cette né vrose un Proté e insaisissable. On pourrait en dire autant aujourd’hui pour les obsessions, les tics et les phobies des psychasté niques. Aussi, pour rendre ces maladies intelligibles, a-t-on toujours cherché à mettre en é vidence quelques phé nomè ne simples, permanents, caracté risant des é tats de longue duré e et permettant de reconnaî tre la mê me maladie sous la diversité de ces apparences. C’est de ce besoin qu’est né e la recherche du stigmate, symptô me fondamental, restant identique à lui-mê me pendant la plus grande partie de la vie du sujet, donnant de l’unité aux divers accidents et permettant peut-ê tre d’expliquer leur apparition. Cette recherche du stigmate ainsi entendue est peut-ê tre chimé rique, car nous sommes loin de pouvoir dire aujourd’hui quel est le symptô me fondamental des diverses né vroses, mais cette recherche a inspiré des é tudes inté ressantes et utiles sur la conduite et sur le caractè re moral plus ou moins persistant et fondamental des hysté riques et des psychasté niques.



  

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