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DEUXIÈME PARTIE 28 страница



 

Depuis, le mouvement a continué dans le mê me sens; quelques maladies nouvelles ou plutô t quelques groupes de symptô mes nouvellement dé couverts, et, par consé quent, mal compris, sont rattaché s au groupe des né vroses. Brochin, dans l’article « Né vrose » du dictionnaire de Dechambre, en 1878, ajoute la paralysie agitante de Parkinson; Grasset, dans la quatriè me é dition de son Traité des maladies nerveuses, en 1894, ajoute, non seulement la maladie de Parkinson, mais le goî tre exophtalmique de Basedow. M. Raymond, dans ses derniers articles de 1907, veut bien y ajouter la psychasté nie que j’ai dé crite en 1905, et qui, d’ailleurs, ne fait que ré sumer sous un seul nom beaucoup de syndromes dé jà compris dans les né vroses ou les psychoses. Mais le plus souvent les auteurs n’ajoutent pas au domaine des né vroses, ils le diminuent, au contraire. Beaucoup de phé nomè nes primitivement appelé s né vropathiques sont successivement rattaché s aux diathè ses, aux maladies infectieuses, aux intoxications, aux compressions, irritations, traumatismes, portant sur les nerfs à leur é mergence cé ré brale ou rachidienne, ou à un point quelconque de leur trajet. C’est ainsi, par exemple, que le té tanos, si longtemps considé ré comme un type de né vrose, devient une maladie infectieuse en rapport avec le bacille de Nicolaï ef; que l’angine de poitrine devient une maladie des artè res coronaires, etc.

 

On peut donc dire qu’il a un progrè s incontestable dans l’é numé ­ration des né vroses et dans leur dé limitation; mais si l’on considè re le groupe restant, j’avoue que je ne trouve plus aucun progrè s dans la recherche de son caractè re gé né ral et de sa dé finition. Brochin dit toujours la mê me chose: « Les né vroses sont toutes les maladies constitué es par un troubles inté ressant spé cialement les fonctions nerveuses et ne dé pendant né cessairement d’aucune lé sion anatomiquement appré ciable ». Hack-Tuke, dans son Dictionnaire de mé decine de 1892, fait des né vroses « un dé sordre fonctionnel du systè me nerveux qui, autant que nous le savons à pré sent, n’est en relation avec aucune lé sion organique constante ». M. Raymond, en 1907, dit encore: « Sous ce nom gé né rique de né vroses, on est convenu de dé signer certaines affections du systè me nerveux sans lé sion organique appré ciable par nos procé dé s actuels d’investigation ».

 

Eh bien! pouvons-nous ê tre satisfait de cette conception? Dé jà Axenfeld et M. Huchard, en 1883, montraient fort bien qu’elle n’a aucune valeur, elle n’en a pas gagné depuis. Comme ils le disaient trè s bien, l’attribution au systè me nerveux, en l’absence de lé sions connues, est extrê mement vague. Le systè me nerveux intervient absolument dans toutes les fonctions, aussi bien viscé rales que motrices ou sensitives; on ne pré cise rien en disant qu’il y a un trouble nerveux, quand on ne dit pas lequel. On a bien essayé de pré ciser, en n’admettant dans les né vroses que les troubles de l’intelligence, de la sensibilité et du mouvement; mais alors on supprime sans raison un trè s grand nombre de faits considé ré s comme né vropathiques, toutes les né vroses viscé rales. La difficulté principale se trouve dans la seconde partie de la dé finition: l’absence de lé sion n’est qu’un caractè re purement né gatif. Il n’aurait quelque valeur que si on avait le courage de dé clarer dé finitive cette absence de lé sions; ce serait, en effet, un groupe de maladies bien spé cial que celui des maladies sans aucune espè ce de fondement organique; mais c’est là une absurdité que personne n’a jamais osé dire. Tout le monde admet que des alté rations organiques aujourd’hui encore insoupç onné es sont né cessaires dans les né vroses aussi bien que dans les maladies nerveuses organique. « Les né vroses sont des maladies à lé sions ignoré es plutô t que des maladies sans lé sions », disait M. Raymond; mais alors ce caractè re peut disparaî tre du jour au lendemain et la classe tout entiè re des né vroses est à la merci d’une dé couverte histologique. Qui vous assure que cette lé sion, que l’on dé couvrira un jour, sera la mê me pour tous les symptô mes que vous rangez actuellement dans un mê me groupe? Si l’unité de votre groupe ne dé pend aujourd’hui que de l’ignorance de la lé sion, elle peut disparaî tre complè tement devant la dé couverte de lé sions multiples dont vous acceptez la possibilité. Du moment que l’on ne pré voit rien à propos de la lé gion que l’avenir mettra en é vidence, on peut imaginer que diverses lé sions seront dé couvertes pour les divers symptô mes que nous rangeons actuellement dans l’hysté rie. Les é lé ments, qui composent aujourd’hui cette maladie, se dissocieront alors pour ê tre rattaché s les uns à une maladie, les autres à une autre. Dé clarer que l’unité de la classe des né vroses ne repose que sur notre ignorance de la lé sions, c’est admettre, en ré alité, que cette unité n’existe pas et que ce groupement de symptô mes dé pend uniquement du hasard, d’une ignorance é gale pour tous. Comme le disaient trè s bien Axenfeld et Huchard, « si vous ré cusez tous les é tats pathologiques qui dé pendent d’une alté ration des solides ou des liquides, que restera-t-il pour constituer la classe des né vroses? Il restera un amalgame de faits qui se ressemblent par un seul point, c’est que leur nature nous é chappe, un amas d’é tats morbide essentiels, c’est-à -dire existant, parce qu’ils existent; il restera, en un mot, notre ignorance é levé e à la hauteur d’un caractè re nosologique ».

 

 

3. – Les né vroses,
maladies psychologiques.

 

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Malgré cette insuffisance de la dé finition gé né rale des né vroses, beaucoup d’observateurs continuaient à sentir dans cet amoncellement de symptô mes hé té rogè nes une certaines unité que les formules pré cé dentes ne dé gageaient pas. Sans doute on se trompait souvent en rattachant tel ou tel phé nomè ne au groupe des né vroses et peu à peu certains symptô mes devaient ê tre é liminé s. Mais ces erreurs et ces corrections mê mes prouvaient bien que dans l’esprit des mé decins un groupe de faits avait des caractè res particuliers qui ne se confondaient pas avec ceux des autres maladies. Aussi, à cô té des travaux de l’ana­tomie pathologique, d’autres é tudes se dé veloppè rent depuis quelques anné es et tentè rent d’aborder le problè me d’un autre cô té.

 

Depuis le dé but du XIXe siè cle, les alié nistes avaient commencé l’analyse de l’é tat mental de leurs malades et avaient expliqué quelques-uns de leurs troubles par des modifications dans l’exercice des fonctions psychologiques. Des neurologistes furent conduits à essayer la mê me é tude sur les troubles des individus considé ré s comme né vropathes. Hack-Tuke par exemple, dans son livre cé lè bre sur le corps et l’esprit en 1872, montre qu’un trè s grand nombre de symptô mes appelé s né vropathiques, des trouble de la motilité, de la sensibilité, des fonctions viscé rales, pouvaient ê tre en rapport avec des phé nomè nes mentaux. D’autre part, des psychologues, à la recherche d’expé riences sur les phé nomè ne de l’esprit furent attiré s par l’é tude de ces mê mes malades et montrè rent que beaucoup de leurs dé sordres devenaient plus simples, pré sentaient plus d’unité quand on les considé rait sous leur aspects mental plutô t que sous leur aspect physique. Enfin les é tudes singuliè res des anciens magné tiseurs ont conduit tout doucement aux é tudes sur l’hypnotisme et sur la suggestion, et celles-ci ont encore montré que des idé es, des senti­ments, des é motions pouvaient dé terminer un trè s grand nombre de troubles en apparence corporels. Ces diffé rentes influences semblent avoir é té convergentes et dans les pé riodes les plus ré centes les é tudes sur les né vropathes sont devenues de plus en plus des é tudes psychologiques.

 

Il é tait alors tout naturel que ce nouveau point de vue jouâ t un rô le dans la conception d’ensemble de la maladie. Beaucoup d’auteur les ont appelé es des maladies par imagination, ou des maladies par é motion. M. Bernheim et ses disciples, en abusant du « suggestion », ont confirmé cette idé e que les né vroses sont caracté risé es par des troubles mentaux et surtout par des troubles suggestifs: des dé finitions de ce genre se trouvent de tous cô té s. Il me semble que l’auteur qui a poussé le plus loin cette notion et qui s’en est servi pour formuler le plus nettement une dé finition des né vroses est M. Dubois, de Berne, en 1904. Il propose d’appeler ces maladies psychoné vroses et soutient qu’elles sont caracté risé es par un fait capital, l’intervention de l’esprit, des repré sentations mentale dans tous leurs symptô mes.

 

Qu’il y ait beaucoup de vé rité dans cette nouvelle dé finition, qu’elle soit beaucoup plus juste et plus pré cise que les pré cé dentes, j’aurais mauvaise grâ ce à le contester, car j’é crivais moi-mê me en 1889 dans mon livre sur l’automatisme psychologique (p. 120, 452) que les maladies nerveuses mé ritaient bien plutô t d’ê tre appelé es des maladies psychologiques. L’intervention de l’esprit dans tous les accidents n’est plus un caractè re purement né gatif, une simple ignorance, comme l’absence de lé sion à l’autopsie, c’est un caractè re positif, ré el et assez spé cial à la maladie que l’on considè re. Il est certain que des phé nomè nes psychologiques (je ne dirai pas toujours, comme M. Dubois, des repré sentations) jouent un grand rô le dans la plupart des troubles né vropathiques les plus nets: tout ce petit livre l’a mis sans cesse en é vidence. Les symptô mes dans lesquels ces troubles psychologiques sont ou plutô t paraissent absent sont pré cisé ment les symptô mes né vropathiques les plus douteux. Il est certain aussi que ce caractè re sé pare à peu prè s nettement les né vroses d’un certain nombre d’autres maladies. On reconnaî tra volontiers que des fractures, des entorses, des abcè s, des infections, ne sont guè re influencé s par des phé nomè nes psychologiques. Ceux-ci les accompagnent presque toujours plus ou moins, mais ils jouent un faible rô le dans leur é volution. Cette dé finition dont on pourrait d’ailleurs pré ciser la formule conserve donc à mon avis une grande valeur.

 

J’hé site cependant à m’arrê ter aujourd’hui à une dé finition des né vroses analogue à celle que je proposais en 1889 et à dire simplement que ce sont des maladies dans l’é volution desquelles interviennent d’une maniè re pré pondé rante des troubles psychologiques. Une dé finition de ce genre pré sente d’abord quelques difficulté s au point de vue du langage mé dical: on a beau ré pé ter les dé claration de principes au dé but de toutes ces é tudes, on a beau dire que l’on considè re les phé nomè nes psychologiques comme des manifestations de l’activité cé ré brale il y aura toujours des adversaires qui feront semblant de ne pas comprendre et qui accuseront ces interpré tations cliniques de mé taphysique spiritualiste. Il est é vident que l’on pourrait ne pas s’arrê ter à ces pré jugé s; mais il est cependant mauvais de sortir brutalement, sans né cessité absolue, du langage mé dical usuel quand il s’agit de maladies communes é tudié es par tous les mé decins.

 

Mais il y a, à mon avis, une autre difficulté de fond beaucoup plus considé rable. Une dé finition de ce genre s’applique à peu prè s à tous les accidents né vropathiques, quoiqu’elle pré sente des difficulté s quand il s’agit des troubles circulatoires. Mais il n’est pas du tout é vident qu’elle s’applique uniquement à des né vroses et qu’elle ne soit pas infiniment trop large. Il y a é normé ment de maladies dans lesquelles les phé nomè nes psychologiques jouent un grand rô le et que personne ne songe à considé rer comme des né vroses. Un individu qui, à la suite d’une hé morragie cé ré brale, a perdu la parole, pré sente bien de grands troubles psychologiques, un paralytique gé né ral, un dé ment pré coce, ou tout simplement le vulgaire gâ teux des asiles ont aussi des troubles psychologiques d’une importance colossale, vont-ils ê tre des né vropathes?

 

M. Dubois (de Berne) ne semble pas embarrassé : « Dans les né vroses, dit-il, les troubles de la vie psychologique ne sont plus simplement secondaires et dé terminé s par une alté ration primaire du tissu cé ré bral comme dans la paralysie gé né rale; l’origine du mal est au contraire psychique et c’est l’idé ation qui cré e ou entretient les dé sordres fonctionnels ». J’avoue que je ne comprend pas du tout cette phrase de M. Dubois et que je la trouve mê me en contradiction avec les lignes qu’il é crivait pré cé demment. Est-ce qu’il admet par hasard que les troubles de l’idé ation des né vropathes soient absolument primitifs et indé pendants de toutes alté ration cé ré brale? Mais il vient de dire le contraire, il a é crit dix lignes plus haut: « que nous pourrions peut-ê tre ré ussir à dé celer les alté rations cellulaires accompagnant ce trouble idé ationnel des né vropathes, nous nous retrouvons exactement dans les mê mes conditions que dans l’é tude du paralytique gé né ral. En ré alité, les troubles organiques du cerveau dans l’é tat actuel de notre science ne sont ni anté rieurs, ni posté rieurs aux troubles psychologiques; ils leur sont simultané s et cela dans les deux cas, qu’il s’agisse des lé sions connues de la paralysie gé né rale ou des lé sions inconnues des né vroses. Refuser cette proposition, c’est sortir d’une discussion mé dicale et entrer dans des problè mes de mé taphysique, inté ressants sans doute, mais tout à fait en dehors de la question. M. Dubois dira peut-ê tre que lorsqu’il parle de dé sordres fonctionnels cré é s par l’idé ation il entend parler de dé sordres non cé ré braux mais pé riphé riques portant sur les membres et les viscè res. Dans ce cas é galement, les deux maladies considé ré es sont identiques, des troubles des membres et des viscè res peuvent ê tre consé cutifs aux troubles psychologiques aussi bien chez les dé ments que chez les né vropathes.

 

En un mot je ne comprends pas l’argumentation de M. Dubois sur la priorité des troubles psychologiques comme caracté ristique des né vroses. Les dé finitions pré cé dentes sont beaucoup trop vagues et s’é tendent à toutes sortes d’alté rations des fonctions cé ré brales, à toutes les insuffisances mentales, à toutes les alié nations qui sont tout à fait indé pendantes de que nous entendons par né vroses.

 

 

4. – Les né vroses,
maladies de l’é volution des fonctions.

 

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Il est difficile de donner une meilleure dé finition des né vroses, car il s’agit là d’une notion trè s gé né rale qui touche aux problè mes les plus insolubles relatifs à la vie et à la pensé e. Il faudrait pour en parler avec quelque pré cision aborder ces curieuses é tudes de philosophie mé dicale qui sé duisaient tant les grands mé decins d’autrefois et qui ne sont plus guè re à la mode aujourd’hui. Je dois me borner à indiquer quelques ré flexions qui se dé gagent des analyses faites dans ce volume à propos de quelques symptô mes né vropathiques. En premier lieu, à mon avis, le mot de « fonctions », l’idé e de maladie fonctionnelle doit entrer dans la conception gé né rale des né vroses. Comme l’observent depuis quelque temps plusieurs auteures et en particulier M. Grasset, nous sommes trop hypnotisé s depuis un siè cle par l’anatomie pathologique et nous pensons beaucoup trop anatomiquement. Il faut en mé decine penser physiologiquement et avoir toujours pré sent à l’esprit la considé ration des fonctions beaucoup plus que la considé ration des organes, car en ré alité ce sont les fonctions qu’on nous demande de ré tablir. Cela est surtout important quand il s’agit de troubles né vropathiques qui portent toujours sur des fonctions, sur des systè mes d’opé rations et non pas isolé ment sur un organe.

 

En second lieu, quand on parle de né vroses, il faut se dé cider à distinguer dans la fonction diverses parties hié rarchiquement superposé es, car il est é vident que dans les troubles né vropathiques une fonction n’est jamais dé truite d’une maniè re dé finitive dans son ensemble. Il me semble né cessaire de distinguer dans toute fonction des parties infé rieures et des parties supé rieures. Quand une fonction s’exerce depuis longtemps elle contient des parties qui sont trè s anciennes, trè s faciles et qui sont repré senté es par des organes trè s distincts et trè s spé cialisé s. Dans la fonction de l’alimentation, par exemple, il y a les sé cré tions digestives qui existent depuis l’é poque des premiers animaux, qui sont repré senté es par des glandes bien isolé es et qui fonctionnent trè s facilement, à la suite de ré flexes trè s é lé mentaires; ce sont là les parties infé rieures de la fonctions. Mais je crois qu’il y a aussi dans toute fonction des parties supé rieures consistant dans l’adaptation de cette fonction à des circonstances plus ré centes, beaucoup moins habituelles, qui sont repré senté es par des organes beaucoup moins diffé rencié s. Il est é vident par exemple que dans l’alimentation il y a la pré hension des aliments qui se fait chez l’hom­me par la bouche, par les mains, c’est-à -dire par des organes qui peuvent servir à beaucoup moins simples et beaucoup moins ré guliers que ceux de la sé cré tion des glandes gastriques.

 

Mais on peut monter plus haut encore, il y a à mon avis une partie tout à fait supé rieure dans chaque fonction, c’est celle qui consiste dans son adaptation à la circonstance particuliè re qui existe au moment pré sent, au moment où nous devons l’employer, dans l’adapta­tion plus où moins complè te à l’ensemble des phé nomè nes exté rieurs et inté rieurs dans lesquels nous sommes placé s à ce moment mê me. Pour reprendre le mê me exemple, la fonction de l’alimentation doit s’exercer en ce moment, quand je dois prendre des aliments sur cette table, au milieu de certaines personnes nouvelles, c’est-à -dire desquelles je ne suis pas encore trouvé dans cette circonstance, en portant un costume spé cial et en soumettant mon corps et mon esprit à des rites sociaux tout à fait particuliers. C’est toujours au fond la fonction de l’alimentation, mais on voudra bien remarquer que l’acte de dî ner en ville n’est pas tout à fait le mê me phé nomè ne physiologique que la simple sé cré tion du pancré as.

 

Cette distinction et ces degré s se retrouvent à mon avis dans toutes les fonctions, aussi bien dans les fonctions de la marche que dans les fonctions de l’é criture, aussi bien dans les fonctions de la miction que dans les fonctions sexuelles. La physiologie peut ne pas s’en pré occuper car elle n’é tudie que la partie organisé e, ré guliè re, simple, de la fonction et le physiologiste rirait bien si on lui disait que dans l’é tude de l’alimentation il doit tenir compte du travail qui consiste à manger en portant un habit noir et en parlant à sa voisine. Mais la mé decine ne peut pas s’en dé sinté resser, parce que la maladie ne nous consulte pas et qu’elle ne porte pas toujours sur les parties de la fonction que nous connaissons le mieux.

 

Sans doute il y aura des maladies simples de la fonction, si le malade ne marche pas parce qu’il a cassé son pé roné ou s’il ne s’alimente pas parce qu’il a un cancer du pylore. Ici c’est la partie ancienne et simple de la fonction qui est lé sé e et la lé sion porte sur un organe bien distinct. Mais la maladie peut porter sur les parties supé rieures de la fonction, sur celle qui sont encore en formation, en organisation: il y a des individus qui ne marchent pas, quoique leurs jambes et mê me leur moelle é piniè re soient intactes, ou qui ne s’alimentent pas quoique leur estomac et tous les organes infé rieurs de l’alimentation puissent parfaitement fonctionner. Certains malades ne perdent que cette partie supé rieure de la fonction de l’alimentation qui consiste à manger en socié té, à manger dans des circonstances nouvelles et complexes, à manger en prenant conscience de ce que l’on fait. Quoique le physiologiste ne soupç onne pas que ces phé nomè nes fassent partie de l’exercice des fonctions sexuelles dans l’humanité, il y a une pathologie des fianç ailles et une pathologie du voyage de noces. C’est justement sur cette partie supé rieure des fonctions, sur leur adaptation aux circonstances pré sentes que portent les né vroses et cette notion doit entrer dans leur dé finition.

 

Cette conception d’une partie supé rieure de la fonction seule atteinte dans les né vroses peut ê tre exprimé e d’une autre maniè re. On sait bien en gé né ral que l’é volution des ê tres vivants existe, on veut bien en tenir compte quand on considè re les longues pé riodes du passé; mais le mé decin et le physiologiste n’ont pas l’habitude d’en tenir compte en é tudiant l’homme actuel. Ils le considè rent comme immuable, comme figé, ils semblent croire que l’homme ne met en œ uvre que des fonctions anciennement acquises et dé finitivement inscrite dans son organisme. C’est là une illusion, peu à peu le point de vue changera et on comprendra qu’il faut tenir compte de l’é volution et de l’é volution actuelle à propos de tous les phé nomè nes de la vie. Certains auteurs, comme M. Gustave Le Bon, ne nous parlent-ils pas dé jà de l’é volution de la matiè re et ne nous montrent-ils pas que les physiciens et les chimistes s’arrê tent devant des phé nomè nes inexplicable parce qu’ils considè rent la matiè re comme inerte? À plus forte raison faut-il tenir compte de l’é volution dans les actions de l’ê tre qui é volue le plus, dans l’interpré tation de la conduite de l’homme.

 

Chaque homme é volue continuellement de deux maniè res: en premier lieu il doit accomplir à chaque instant de sa vie et plus fortement à certaines pé riodes un dé veloppement individuel qui, de la naissance à la mort, transforme incessamment son activité, en second lieu il participe sans cesse à l’é volution de la race qui se transforme plus rapidement qu’on ne le croit au milieu des incessantes modifications du milieu social. Aussi une certaine partie de toutes le fonctions humaines, la partie la plus é levé e, est-elle toujours en voie de transformation: les phé nomè nes de la volonté, ou du moins une partie d’entre eux, la perception de la ré alité changeante, la formation des croyances ne sont comparables qu’à des phé nomè nes de dé veloppement organique. Il faut les rapprocher non des mé canismes du cœ ur ou du poumon, mais des phé nomè nes par lesquels l’embryon é volue et se transforme en construisant des organes qui n’existaient pas encore. Dans les parties qui pré sident à ces actes le cerveau ne fonctionne pas seulement comme le cœ ur qui se borne à mettre en œ uvre un organe dé jà construit, il se forme lui-mê me continuellement. Jusqu’au dernier jour de la vie le cerveau continue l’é volution embryonnaire et la conscience manifeste de cette é volution.

 

Les né vroses sont des maladies qui portent sur cette é volution, parce qu’elle portent sur la partie de la fonction qui est encore en dé veloppement et sur elle seule: on devrait les rattacher au groupe des maladies de dé veloppement. Tous les accidents né vropathiques nous ont apparu comme des troubles dans la partie la plus é levé e d’une fonction, dans son adaptation actuelle à des circonstances nouvelles exté rieures ou inté rieures. En outre, on constate trè s facilement que les né vroses apparaissent presque toujours aux â ges où la transformation organique et morale est la plus accentué : elles dé butent presque toujours à la puberté, elles s’aggravent au moment du mariage, à la mort des parents ou des intimes, aprè s tous les changements de carriè re ou de position. C’est-à -dire qu’elles se manifestent au moment où l’é volution individuelle et sociale devient le plus difficile.

 

Enfin on arrive encore à la mê me notion gé né rale en observant les modifications que les diverses né vroses dé terminent chez tous les malades quand elles se prolongent longtemps. Ces individus semblent avoir cessé d’é voluer; ils restent perpé tuellement au point de leur vie où la maladie les a saisies et les a figé s. Les parents ré pè tent sans cesse en parlant de leur fils: « Ce garç on a trente ans, mais, en ré alité, nous ne pouvons pas le croire: il a gardé l’attitude, les maniè res, les idé es, le caractè re qu’il avait à dix-sept ans quand il commenç a à ê tre malade, on dirait que moralement il n’a pas grandi ». Les malades eux-mê mes s’é tonnent de cet é coulement du temps qui ne les a pas transformé s, qui semble n’avoir laissé sur eux aucune impression. L’observation nous a montré d’ailleurs qu’une certaine amné sie continue est un caractè re commun de la plupart de ces phé nomè nes né vropathiques. Le grand caractè re des né vroses c’est que l’esprit ou, si l’on veut, la partie supé rieure des diverses fonctions n’é volue pas ou é volue mal. Si on veut bien entendre par ce mot « é volution » ce fait qu’un ê tre vivant se transforme continuellement pour s’adapter à des circonstances nouvelles, qu’il est sans cesse en voie de dé veloppement et de perfectionnement, les né vroses sont des troubles ou des arrê ts dans l’é volution des fonctions.



  

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