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DEUXIÈME PARTIE 17 страница
Mais on a signalé d’autres phé nomè nes: ce sont des palpitations cardiaques, des modifications vasomotrices qui persistent pendant longtemps, indé pendamment d’un é tat é motionnel particulier, et qui constituent par elles-mê mes un trouble né vropathique permanent de la fonction. Depuis trè s longtemps, car le fait é tait dé jà connu à l’é poque où l’on recherchait les stigmates des sorciè res en piquant la peau avec une pointe acé ré e, on avait remarqué que les piqû res faites sur les ré gions anesthé siques et paralytiques ne saignaient pas de la mê me maniè re que les piqû res faites sur les ré gions saines. L’é coulement du sang est nul, ou bien il est minime et s’arrê te immé diatement. D’ailleurs la peau de certaines ré gions est souvent plus pâ le et plus exangue qu’à l’é tat normal. Enfin il est incontestable qu’on observe facilement, dans beaucoup de ces d’anesthé sie et de paralysie hysté riques des modifications importantes de la tempé rature superficielle. Les sensations de froid que les malades accusent souvent dans leur membre importent ne sont pas toujours imaginaires et il n’est pas rare d’observer des diffé rences de tempé rature de 3 ou de 5 degré s entre le membre paralysé et le membre sain. C’est là un fait anciennement connu sur lequel M. Egger a ré cemment insisté d’une maniè re inté ressante. Ces modifications circulatoires permanentes, en rapport avec des spasmes des vaso-moteurs, ne me semblent pas ê tre mises en doute.
D’autres phé nomè nes peut-ê tre plus rares sont ces troubles vaso-moteur qui dé terminent des oedè mes dans diverses ré gions. L’é cole de Charcot a beaucoup insisté sur un œ dè me particulier de coloration bleue ou blanche assez dur, souvent froid, qui se dé veloppe en mê me temps que les contractures ou les paralysies hysté riques des membres. J’en ai observé plusieurs exemples sur les bras et sur les jambes; je l’ai mê me observé une fois à la face, en mê me temps que l’hé mispasme glosso-labié. Dans certains cas le trouble va plus loin encore: l’é panchement de la sé rosité dé termine des troubles cutané s varié s dont le terme serait de vé ritables gangrè nes hysté rique; dans d’autres cas il y la rupture des vaisseaux superficiels et une vé ritable hé morragie. Ces hé morragies cutané es ont joué un grand rô le dans l’interpré tation des stigmates pré senté s autrefois par les saints du Moyen â ge. Le phé nomè ne n’a pas entiè rement disparu aujourd’hui et j’ai pré senté une observation remarquable de ces stigmates chez une femme atteinte de dé lire mystique, dont j’espè re bien é tudier un jour l’histoire d’une maniè re plus complè te [47]. De telles hé morragies se retrouvent dans les muqueuses. On a souvent ré pé té qu’elle jouait un rô le dans certains vomissements de sang, dans des crachements de sang venant des poumons et dans certains hé morragies uté rines. Au mê me groupe de phé nomè nes se rattachent des troubles remarquables des sé cré tions. Tantô t les organes cessent absolument toute sé cré tion, comme cela a é té signalé dans certains cas d’anurie hysté rique; plus souvent il y a une sé cré tion exagé ré e du nez, de l’estomac, de l’intestin, de l’uté rus, ou mê me du sein. On recueille encore de temps en temps des observations remarquables et bien embarrassantes de rhinorrhé e, de pertes aqueuses é normes par l’uté rus, de sé cré tion lacté e ou aqueuse par le mamelon du sein. J’en ai constaté plusieurs cas sans ê tre arrivé à me former une opinion bien nette sur leur mé canisme ou mê me sur leur diagnostic. Tous ces faits sont en effet extrê mement embarrassants et d’une interpré tation trè s difficile. On les rattachait autrefois sans hé siter à l’é tat né vropathique; on est aujourd’hui plus difficile sur leur diagnostic et on est disposé à restreindre davantage le domaine des né vroses et en particulier le domaine de l’hysté rie, pour discuter leur nature nous sommes obligé s de revenir sur les caractè res gé né raux des troubles viscé raux né vropathiques.
5. - Les caractè res des troubles viscé raux
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Il est é vident qu’il faut prendre de grandes pré cautions avant d’attribuer à la né vrose des troubles viscé raux que pré sentent des malades par ailleurs vraiment né vropathes. Ces malades peuvent avoir une foule d’affection surajouté es à leur né vrose, et il ne faut pas dire que tout coryza chez une femme hysté rique est un phé nomè ne qui se rattache à l’hysté rie. Je crois qu’on a souvent commis des erreurs à ce propos. D’autre part, la né vrose se pré sente chez des individus qui sont plus ou moins faibles, taré s, et qui peuvent avoir, à cô té de leurs troubles du systè me nerveux, des malformations et des insuffisances de beaucoup d’autres organes. Les manifestations de ces insuffisances organiques se juxtaposeront à la né vrose proprement dite sans ê tre tout à fait de mê me nature.
C’est ainsi qu’on a observé trè s souvent l’association de diverses né vroses avec la diathè se qu’on appelle arthritique. Que l’arthritisme soit une malformation hé ré ditaire, qu’il se rattache à diverses auto-intoxications dé terminé es le plus souvent par la suralimentation, qu’il dé pende de l’insuffisance de certaines glandes à sé cré tion interne, de toute maniè re il n’est pas identique à ces troubles d’une nature trè s spé ciale que nous avons constaté s dans les fonctions du cerveau et dans les fonctions psychologiques. Les deux genres de troubles ont entre eux d’é troites relations, cela est clair, mais ils ne sont pas né cessairement unis. Ils ont un mé canisme diffé rent et ils ré clament souvent des thé rapeutiques tout à fait diffé rentes. C’est, à mon avis, s’exposer à de grandes confusions que de rattacher aux né vroses proprement dites tous les troubles cutané s, gastriques, intestinaux, qui sont une manifestation de l’arthritisme. C’est un peu le dé faut que je relè verais dans le livre remarquable de M. M. Leven sur la né vrose (1887).
Pour dire que des troubles viscé raux sont né vropathiques, on s’appuie d’ordinaire simplement sur leur é volution. Ce sont, dit-on, des maladies viscé rales qui ne sont pas dé finitives, qui peuvent gué rir plus ou moins complè tement; ce sont des maladies qui apparaissent rapidement sans que nous voyions bien dans les circonstances environnantes des causes suffisantes pour les expliquer. Ce sont des maladies qui semblent avoir un certain rapport avec des phé nomè nes moraux ordinairement trè s mal dé crits sous le nom vague d’é motions; enfin ce sont des maladies dont nous ne voyons pas nettement les lé sions.
Aucun de ces caractè res ne me paraî t bien net et à l’abri de toute discussion. Beaucoup de maladies de divers organes gué rissent heureusement et il n’est pas toujours facile de pré dire la vitesse de la gué rison. L’apparition rapide de la maladie, ou plutô t de la manifestation maladive, car le trouble organique pouvait ê tre latent depuis longtemps, n’a rien de bien dé monstratif. Il y a des symptô mes ré flexes qui apparaissent trè s rapidement. Des anuries complè tes consé cutives à une infection de nitrate d’argent dans la vessie sont-elles des né vroses? L’intervention des é motions est quelquefois plus inté ressante, mais elle peut pré cipiter simplement la manifestation d’une lé sion anté rieure. Autrefois, on n’hé sitait pas à rapporter à l’hysté rie des vomissements de sang survenant subitement aprè s des é motions. Voici à ce propos deux observations rappelé es ré cemment par MM. Mathieu et Roux à propos des né vroses de l’estomac: ces observations sont curieuses et instructives. Kuttner, en 1895, signalait une malade qui ne s’é tait pas plainte anté rieurement de son estomac et qui eut subitement un grand vomissement de sang à la suite de la mort d’un parent: on fut amené à l’opé rer et on trouva dans la ré gion du pylore un ulcè re vé ritable probablement en é volution depuis longtemps. Une autre femme, à la suite d’une grande scè ne de famille dans laquelle sa fille unique quitta pour toujours la maison paternelle, eut é galement un vomissement de sang qui, provoqué dans de telles circonstances, aurait é té autrefois rattaché sans hé sitation à des troubles né vropathiques; quand on l’opé ra, on trouva é galement un ulcè re. Ces observations nous montrent qu’il faut ê tre trè s ré servé dans ces diagnostics de troubles né vropathiques purement viscé raux, quand on ne peut s’appuyer que sur l’é volution des symptô mes et sur la provocation des accidents par l’é motion.
Pour appré cier avec plus de probabilité le caractè re né vropathique de certains symptô mes viscé raux, il faudrait pouvoir retrouver dans ces nouveaux phé nomè nes les mê mes caractè res qui ont é té constaté s à propos des troubles né vropathiques des autres fonctions; il faudrait, par exemple, pouvoir refaire ici les mê mes constatations et les mê mes expé riences qui ont é té faites à propos des troubles né vropathiques du langage. Nous disions, en é tudiant le mutisme hysté rique, que la fonction du langage é tait resté e intacte parce que le sujet pouvait encore parler d’une maniè re tout à fait correcte si on le plaç ait dans des conditions morales lé gè rement diffé rentes; un individu tout à fait muet en apparence, quand on l’examinait pendant la veille en attirant son attention, pouvait parler facilement en rê ve, ou pendant le somnambulisme, ou simplement dans un é tat de distraction. Quand nous examinions les né vroses des fonctions motrices, il nous suffisait de modifier certains é tats psychologiques pour supprimer ou pour transformer le trouble constaté, et c’est là ce qui nous permettait de diagnostiquer la né vrose. Il faudrait pouvoir refaire toutes ces mê mes é tudes à propos des symptô mes viscé raux.
Dans certains cas, une recherche de ce genre n’est pas impossible. On a vu que des hysté riques anorexiques qui ne sentent pas la faim et qui refusent absolument de manger pendant la veille, vont spontané ment se pré parer des aliments et les mangent avec appé tit pendant une crises de somnambulisme; on a vu é galement que certains troubles respiratoires comme la polypné e ou le hoquet cessent subitement dè s que le sujet est hypnotisé. Dans ces cas, la comparaison de ces phé nomè nes avec les pré cé dents peut ê tre faite assez facilement et nous admettons sans peine que certains troubles des fonctions de l’alimentation, de la respiration, ou mê me de la miction soient des troubles né vropathiques. Mais les choses deviennent bien plus dé licates quand il s’agit de troubles circulatoires comme les oedè mes et les hé morragies. La difficulté principale provient de ce que ces fonction circulatoires n’ont avec la pensé e humaine que des rapports trè s é loigné s et aujourd’hui mal connus. Nous ne sommes pas capables de reproduire à volonté des expé riences dans lesquelles nous puissions faire apparaî tre ou disparaî tre des oedè mes ou des hé morragies. Des tentatives de ce genre ont sans doute é té faites à plusieurs reprises, mais elles n’ont pas ré ussi entre toutes les mains, et il reste un doute non sur la possibilité du phé nomè ne, mais sur les moyens de le reproduire. Dans ces conditions, comment pouvons-nous constater sur un sujet qui pré sente de l’œ dè me l’inté grité de la fonction circulatoire, comment pouvons-nous dé montrer que le trouble dé pend uniquement d’un certain é tat psychologique, quand nous ne savons ni le faire disparaî tre ni le modifier? C’est pourquoi nous nous trouvons ici en pré sence d’un diagnostic qui est aujourd’hui trè s difficile et qui ne doit ê tre pré senté qu’avec une grande prudence.
Sauf dans des cas exceptionnels où l’analyse psychologique pourra par exception ê tre bien faite, il faudra le plus souvent en revenir à une opinion que je soutenais dé jà en 1892 dans mon travail sur l’é tat mental des hysté riques. Les troubles proprement caracté ristiques des né vroses sont des troubles psychologiques, et les phé nomè nes viscé raux ne peuvent ê tre considé ré s comme né vropathiques que dans la mesure où ils sont associé s avec les pré cé dents. Dans des conditions particuliè res, chez des sujets qui sont dé jà peut-ê tre pré disposé s par une auto-intoxication ou par le trouble d’une glande à sé cré tion interne, une contracture ne peut pas rester permanente sans dé terminer des troubles circulatoire et des oedè mes. Cet œ dè me est alors un phé nomè ne complexe qui se rattache en partie, mais uniquement comme phé nomè ne associé à des troubles moteurs nettement né vropathiques.
Un autre problè me se rattache à l’é tude de ces symptô mes viscé raux: si on les considè re comme né vropathiques, peut-on diagnostiquer de quelle né vrose il s’agit et peut-on toujours les rattacher nettement à l’hysté rie ou à la psychasté nie, comme nous l’avons fait pour tous les symptô mes pré cé dents? Un peu de ré flexion suffira pour montrer la difficulté du problè me: jusqu’à pré sent, nous avons distingué ces deux né vroses par des diffé rences à mon avis trè s importantes, mais en ré alité dé licates dans l’é tat mental des sujets. Ce diagnostic pourra ê tre fait à propos des accidents viscé raux si les phé nomè nes psychologiques qui les accompagnent sont assez complets et assez nombreux pour que l’on puisse faire sur eux l’examen né cessaire pour discerner ces diffé rences. Or, il est facile de voir que les choses ne se pré sentent pas toujours ainsi.
Certains de ces phé nomè nes viscé raux sont accompagné s d’une forte conscience et de phé nomè nes psychologiques bien distincts: leur diagnostic devient alors aisé. Par exemple, je pré tend qu’il est presque toujours possible et souvent trè s utile de distinguer l’anorexie hysté rique et la sitiergie psychasté nique, car ni l’é volution, ni le pronostic, ni le traitement, ne sont les mê mes. Dans les premiers cas, on constate une disparition du sentiment de la faim beaucoup plus complè te, des anesthé sies varié es, une agitation musculaire, un besoin de mouvement sur lequel j’ai beaucoup insisté, qui est en rapport avec un é tat d’euphorie. En un mot, tous les sentiments relatifs à l’alimentation, mê me le sentiment de la faiblesse corporelle, se sont dissocié s; le sujet n’a plus dans sa conscience personnelle aucun phé nomè ne psychasté nique de la sitiergie, la disparition de la faim est beaucoup moins nette, le sentiment de la faiblesse et du besoin d’aliments persiste, il dé termine des irré gularité s dans le refus des aliments: le sujet n’est pas pré cisé ment incapable de manger, il est incapable de manger en public ou bien de prendre la dé cision volontaire et dé finitive de se nourrir, il ne pré sente vé ritablement de troubles que dans les sentiments sociaux qui accompagnent l’alimentation, dans les idé es et dans les dé terminations relatives à la nourriture. Cette analyse psychologique peut en gé né ral ê tre faite plus ou moins nettement quand il s’agit d’un phé nomè ne comme celui de l’alimentation, dans lequel les pensé es et les sentiments jouent un grand rô le. Aussi le diagnostic des deux né vroses est-il ici presque toujours inté ressant. On pourra le faire de mê me, au moins dans certains cas, à propos des tics respiratoires et des vomissements, quand la mê me analyse psychologique sera possible. Mais dé jà, ici, l’obscurité est bien plus grande parce que les phé nomè nes psychologiques sont moins nets.
Mais quand il s’agit d’un phé nomè ne de rhinorrhé e ou d’un œ dè me, comment voudra-t-on faire la mê me analyse sur le degré de conscience personnelle des phé nomè nes psychologiques? Ceux-ci sont bien peu nombreux et bien mal analysé s. Il est difficile de reconnaî tre leur existence; comment essayer de se prononcer sur les caractè res dé licats qui distinguent les deux psycho-né vroses? Aussi ne faut-il pas ê tre surpris si l’on retrouve de ces troubles circulatoires chez les malades des deux caté gories sans pouvoir les distinguer l’un de l’autre: j’ai souvent observé de beaux cas de dermographisme ou d’œ dè me cutané chez des psychasté niques incontestables, sans trouver dans ces phé nomè nes aucun caractè re qui permî t de les distinguer de ceux que l’on dé crivait autrefois chez les hysté riques. Il me semble qu’il est inutile de s’engager dans des diagnostics de ce genre, c’est le seul moyen de conserver quelque pré cision à l’é tude des né vroses.
En un mot, les symptô mes proprement né vropathiques sont parfaitement clairs et nets lorsque l’on considè re les idé es et les fonctions mentales comme la mé moire, l’action volontaire et la perception; ils existent encore quand il s’agit des fonctions viscé rales nettement associé es avec des instincts, des phé nomè nes d’attention ou d’é motion; ils deviennent obscurs quand on considè re des fonctions é lé mentaires trè s fondamentales et trè s anciennes dans l’organisme, sur les quelles la conscience actuelle de l’homme semble avoir moins d’influence.
DEUXIÈ ME PARTIE
LES É TATS ______
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Deuxiè me partie. Les é tats né vropathiques
Chapitre I
Les crises nerveuses. ______
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Les divers symptô mes né vropathiques se pré sentent rarement d’une maniè re isolé e et momentané e; le plus souvent ils se groupent entre eux, se combinent de diverses maniè res et surtout se ré pè tent et se prolongent de maniè re à remplir certaines pé riodes de temps plus ou moins longues; c’est ce que l’on peut appeler des é tats né vropathiques.
L’é tude de ces é tats nous conduit à insister sur d’autres caractè res essentiels des né vroses que nous n’avons pas encore considé ré s, leur apparition dans le temps, leur commencement, leur terminaison, leur é volution.
1. - Les attaques hysté riques.
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Le plus connu de ces é tats né vropathiques est l’attaque hysté rique. C’est un é tat en gé né ral d’assez courte duré e, constitué surtout par la ré union d’un grand nombre de phé nomè nes d’agitation portant surtout sur les idé es, le langage et les fonctions motrices. Cette ré union des diverses agitations, que nous avons dé crites pré cé demment, conserve bien entendu les caractè res que nous avons dé jà constaté s: il ne s’agit que d’une é mancipation des fonctions et non d’une alté ration profonde. Il en ré sulte que cette crise n’apporte pas de grandes modifications dans l’é tat mental du sujet et qu’elle se termine par un retour complet et facile à l’é tat normal. Ce sont d’ailleurs des caractè res qui seront facilement compris quand nous aurons é tudié la pé riode de dé but ou de pré paration de la crise, les caractè res de la pé riode d’é tat et la terminaison.
Ces accidents dé butent d’ordinaire l’occasion de chocs traumatiques, mais surtout à l’occasion d’é vé nements particuliè rement é motionnants, de chagrins, de peurs, de grandes perturbations gé nitales. Un homme commence des attaques d’hysté rie parce qu’il a vu son fils tomber d’un é chafaudage et se tuer devant lui; beaucoup de jeunes filles ou de femmes commencent leurs attaques à l’occasion de la mort d’une personne aimé e; dans une dizaine d’observations il s’agit d’un incendie, du feu mis à ses robes par une lampe à pé trole; dans d’autres d’une chute de tramway, d’une chute de bicyclette, d’une bataille avec des camarades, de chagrins d’amour, de revers de fortune, etc… Je ne veux insister que sur une histoire, celle de K…, qui nous donne justement un bel exemple d’attaques à forme de somnambulisme imparfait, rempli par des idé es fixes, de l’agitation du langage et de l’agitation motrice. Cette dame de 43 ans, toujours impressionnable bien entendu, avait dé jà é té trè s bouleversé e par la mort d’un ami trè s cher; elle n’avait gardé de lui, comme souvenir trè s pré cieux, qu’un vieux chien. Or, deux ans aprè s la mort de son maî tre, le chien mourut à son tour sur un tapis. Cette dame, au dé sespoir, ce coucha sur le tapis où é tait mort le chien et y resta soixante jours sans vouloir accepter aucune nourriture et sans vouloir prendre aucun soin d’elle-mê me. Depuis elle commenç a de terribles attaques d’hysté rie qui ont revê tu bien des formes.
Mais, quelle que soit la cause originelle, il est important de remarquer que l’attaque survient bien rarement immé diatement aprè s l’é motion. Presque toujours le sujet semble supporter le choc d’une maniè re assez normale; il reste calme, trop calme mê me, pendant un certain temps, quelques heures, ou plus souvent quelques jours, et ce n’est qu’aprè s ce laps de temps que l’attaque proprement dite apparaî t à une é poque où pré cisé ment on n’attendant plus de manifestations é motionnelles. Cette pé riode intercalaire entre le choc et l’attaque é tait bien connu par Charcot qui l’appelait la pé riode de rumination. Cette pé riode d’incubation nous paraî t é galement trè s inté ressante; elle nous montre que le trouble moral, l’é tat né vropathique proprement dit ne se limite pas au moment mê me des agitations de l’attaque, il commence bien avant. Il ne commence pas avec les pré ludes de l’attaque qu’on a appelé s les auras, il faut le faire remonter plus loin. Presque toujours, surtout chez les sujets qui n’ont pas encore eu d’attaques ou qui en ont rarement, la transformation commence des heures et des jours avant l’accident visible. Pour moi, la pé riode de rumination de Charcot est dé jà un é tat hysté rique qui constitue une partie de l’attaque elle-mê me. Il n’est pas facile d’expliquer ici les mé tamorphoses mentales qui caracté risent cette pé riode pré paratoire. Remarquons seulement qu’elle est remplie par des symptô mes que nous connaissons dé jà. Ce sont diverses dé faillances ou insuffisances de la plupart des fonctions, des troubles de la perception sous forme d’inattention et d’anesthé sie, des troubles de la mé moire qui constituent diverses formes d’amné sie, et surtout des troubles de l’action, des incapacité s de se dé cider et de vé ritables paralysies systé matiques portant sur divers actes. La conscience du sujet semble perdre de tous cô té s le contrô le sur diverses fonctions, mais elle subsiste encore d’une maniè re apparemment normale, et beaucoup de personnes ne se rendent pas compte du trouble grave qui se pré pare.
Dans certains cas l’attaque proprement dite semble commencer sans raison, par suite du simple dé veloppement du trouble pré cé dent; mais ce n’est pas absolument exact. Presque toujours il y a de petits phé nomè nes exté rieurs ou inté rieurs qui, par association d’idé es, rappellent d’une maniè re plus nette l’é motion initiale. La vue d’une flamme, quelquefois d’une simple allumette, va amener l’attaque chez nos sujets impressionné s par un incendie; un cri, un nom, une phrase quelconque la rappellera chez les autres. Notre malade K… pré sente une susceptibilité remarquable: il suffit qu’un chien aboie dans la rue, qu’elle voie passer un chat, qu’on prononce certains mots dont elle interdit absolument l’usage, comme les mots « amour, affection, bonheur, etc… » La moindre choses suffit pour provoquer une attaque interminable dans laquelle les convulsions et les hurlements se mê lent pendant quinze et vingt heures. N’est-il pas visible dans tous ces cas qu’il s’agit d’une association d’idé es entre la perception redouté e et les souvenirs qui dé terminent l’attaque comme le somnambulisme? Les diffé rents termes de ces systè mes d’idé es sont lié s ensemble de telle faç on qu’ils s’é voquent mathé matiquement l’un l’autre.
On aura peut-ê tre plus de difficulté à reconnaî tre la mê me loi, si on considè re les attaques dont le point de dé part semble ê tre l’attouchement ou l’excitation d’un point du corps du sujet. On sait qu’on a attribué autrefois une trè s grande importance à ces points du corps qu’on appelait points hysté rogè nes. Charcot et Pitres en ont fait une longue é tude qui semble aujourd’hui contenir bien des erreurs. On admettait que l’attaque commenç ait par une douleur ou une sensation é trange situé e à tel ou tel point du corps: les points les plus fré quents é taient, chez les femmes, la ré gion infé rieure du ventre appelé e ré gion ovarienne, d’un cô té ou de l’autre. Les douleurs à ce point au moment de l’attaque é taient si fré quentes qu’elles ont mê me dé terminé les thé ories des anciens sur l’hysté rie. Qui ne connaî t l’absurde histoire inventé e par Platon, qui a fait le tour du monde, qui pendant des siè cles a obnubilé l’esprit des mé decins et qui a rejeté une sorte de honte sur tous ces malades. C’é tait disait-il, la matrice trè s excité e qui ré clamait satisfaction et qui, ne l’obtenant pas, montait à travers le ventre jusqu’à la gorge des malades pour les é touffer. En effet, cette sensation de gê ne qui commence souvent dans le bas du ventre semble monter et se propager à d’autres organes. Par exemple, elle s’é tend trè s souvent jusqu’à l’é pigastre, jusqu’aux seins, puis jusqu’à la gorge. Là elle prend une forme assez inté ressante qu’on a trè s longtemps considé ré e comme tout à fait caracté ristique de l’hysté rie. La malade sent comme une boule, comme un objet trop gros qui remonte dans son cou et qui l’é touffe. Elle fait un effort, soit pour avaler, soit pour expulser ce gros marron. D’autres points et d’autres sensations peuvent intervenir irré guliè rement sur la poitrine, sur les é paules, sur les yeux, sur la tê te, et ils semblent dé pendre de phé nomè nes exclusivement physiques.
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