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DEUXIÈME PARTIE 15 страница



 

C’est ici le lieu de rappeler toutes les anciennes é tudes que j’ai eu l’occasion de faire, il y a vingt ans, sur un autre caractè re plus curieux encore de l’anesthé sie hysté rique, sur son apparence contradictoire. Pendant que l’insensibilité semble ê tre complè te, on peut montrer par diverses expé riences que la perception s’effectue encore au moins d’une certaine maniè re. Le professeur de Berlin, M. Joly, observait des enfants en apparence aveugles; il notait qu’ils savaient cependant é viter les obstacles et ne se conduisaient pas comme de vrais aveugles: « Ils doivent avoir conservé, disait-il, une espè ce de perception. » J’ai pu montrer qu’il en est ainsi dans tous les cas d’anesthé sie hysté rique. Des sujets naï fs acceptaient aisé ment cette petite convention que je leur proposais: ils devaient nous ré pondre « oui » quand ils é taient pincé s sur une ré gion sensible, et « non » au moment où ils é taient pincé s sur le cô té qui ne devait rien sentir. Des objets mis à leur insu dans la main insensible et sans qu’ils pussent les voir, dé terminaient des mouvements d’adaptation de la main: les doigts prenaient le crayon ou entraient dans les anneaux des ciseaux. Si la vue de certains objets dé terminait des é motions ou des convulsions, ces mê mes objets les produisaient tout aussi bien quand ils é taient placé s devant l’œ il qui é tait aveugle ou dans la ré gion pé riphé rique du champ visuel que le sujet semblait bien avoir quelques notions à propos des impressions faites sur ses organes; on pouvait dire qu’il se comportait comme s’il avait des sensations. Mais, d’autre part, il affirmait n’avoir aucune conscience de ces mê mes sensations, et je n’avais aucune raison pour douter de cette affirmation et de son anesthé sie elle-mê me. C’est pourquoi j’ai proposé à cette é poque d’appeler ces phé nomè nes des sensations subconscientes  et j’ai montré que des sensations subconscientes de ce genre pouvaient presque toujours ê tre mises en é vidence dans toutes les formes d’anesthé sie hysté rique.

 

En ré sumé, dans ces troubles de la perception les conditions pé riphé rique de la perception ne sont aucunement modifié es; la perception elle-mê me, qui semble supprimé e ou alté ré e, peut ré apparaî tre à propos du plus lé ger changement: bien mieux, elle existe é videmment, d’une maniè re subconsciente il est vrai, au moment mê me où elle paraî t ê tre supprimé e. On peut donc conclure que dans ces troubles la fonction de la perception est bien lé gè rement alté ré e. Ici, comme dans l’é tude pré cé dente sur les paralysies, nous ne constatons pas un trouble profond de la fonction psychologique, mais une simple modification dans la conscience de la fonction et dans la faç on dont le sujet rattache cette fonction à sa personnalité.


 

 

7. - Les caractè res psychologiques des algies
et des dysgnosies psychasté niques.

 

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Au premier abord, les phé nomè nes pré senté s par les psychasté niques paraissaient tout diffé rents et nous disions que ces malades ne pré sentaient pas les modifications profondes de la sensibilité, les changements de la vision et de l’audition que nous avions observé s chez les hysté riques; mais, aprè s les remarques pré cé dentes, il est facile. Ici, comme dans le cas pré cé dent, nous ne voyons pas de vé ritables modifications des organes sensoriels. Les algies se dé veloppent sur des organes qui sont sains et dans lesquels rien n’explique ni la douleur ni les sentiments é tranges du sujet. Cela est bien remarquable chez les photophobiques en particulier qui n’osent pas ouvrir les yeux, qui se ré signent à la cé cité, quand leur œ il est absolument bien portant, quand l’oculiste ne peut pas y dé couvrir la plus lé gè re alté ration. Bien mieux le sens mê me de la douleur n’est pas exagé ré chez les malades qui poussent des hurlements dè s qu’on frô le leur peau. J’ai souvent essayé de mesurer la sensibilité à la douleur avec des appareils de pré cision chez ces malades qui semblent sentir si fortement; il faut pour cela commencer par les rassurer, arrê ter un peu leurs ruminations et leurs obsessions, les inté resser à ce petit problè me, leur apprendre à dire exactement à quel moment le contact de l’aiguille devient une piqû re douloureuse. On est tout surpris de constater qu’ils arrê tent l’instrument au mê me degré que l’homme normal et que par consé quent ils ont conservé la mê me sensibilité douloureuse, ni moindre ni plus grande. Il n’y a là que des sentiments pathologiques à propos de l’appré ciation des perceptions et des agitations qui s’y surajoutent.

 

Les principaux sentiments observé s sont, comme on l’a vu, le sentiment d’absence de relief, d’obscurité, de lointain, d’é trange, de jamais vu, de faux, de rê ve, d’é loignement, d’isolement, de mort. Quel est le sentiment auquel se rattachent tous les autres? On a souvent dit que c’é tait le sentiment de nouveau et d’é trange, je crois plutô t que c’est le sentiment de non-ré el, le sentiment d’absence de la ré alité . C’est ce sentiment de l’irré el qui donne les impressions de rê ve, de simulation, de jamais vu, de fantastique, c’est cette absence de ré alité psychologique qui leur fait dire que les autres hommes sont des automates et qu’eux-mê mes sont des morts. On pourrait dire qu’ils ont conservé toutes les fonctions de perception mais qu’ils n’y ajoutent plus les sentiments de confiance, de certitude qui constituent dans notre esprit la notion de la ré alité. Nous retrouvons à propos de la perception le mê me doute qui troublait la mé moire et l’intelligence. Ce doute est une sorte d’inachè vement de la perception exactement comme le dé faut de conscience personnelle que nous avons noté chez l’hysté rique, c’est pourquoi les troubles de la perception pré senté s par le psychasté nique mé ritent d’ê tre rapproché s des dysesthé sies et des anesthé sies hysté riques: ce sont, malgré les apparences, des phé nomè nes trè s voisins l’un de l’autre.


 

Premiè re partie. Les symptô me né vropathiques

 

Chapitre VII

 

Les troubles des instincts
et des fonctions viscé rales.

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Les troubles des fonctions de relation, qu’il s’agisse de l’intelli­gence, de l’action ou de la perception constituent les phé nomè nes né vropathiques les plus é vidents. Mais il existe chez les mê mes malades et dans les mê mes circonstances d’autres phé nomè nes qui semblent se rapprocher des pré cé dents, quoiqu’ils soient certainement plus embarrassants. Ce sont des troubles qui affectent des fonctions physiologiques plus é lé mentaires relatives à la conservations de l’organisme plutô t qu’à ses relations avec le monde exté rieur. Ces fonctions, dont le siè ge principal est dans les viscè res, ne sont pas cependant sans quelque relation avec les phé nomè nes psychologiques. Elles sont au moins dans une partie de leurs opé rations en rapport avec des phé nomè nes de conscience, mais elles ne sont pas lié es à des idé es, à des actions volontaires, à des perceptions, intelligentes, elles sont plutô t en relation avec de simples instincts dont la conscience est plus vague. C’est pourquoi nous ré unissons ces troubles sous le nom de troubles des instincts et des fonctions viscé rales.

 

Leur diagnostic ne laisse pas que d’ê tre trè s difficile, car ces troubles se mê lent avec toutes les maladies possibles des diffé rents appareils, et il ne faut pas appeler né vropathique tous les troubles viscé raux qui peuvent survenir chez un né vropathe; je ne puis é tudier ici que les troubles viscé raux dont le caractè re né vropathique est plus é vident et le plus universellement reconnu.

 

1. - Les troubles du sommeil.

 

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L’é tude du sommeil peut nous servir d’introduction et de transition, car le sommeil est une fonction bien mal connue qui, d’un cô té, se rattache é videmment aux opé rations les plus é lé mentaires de nos viscè res et de l’autre consiste principalement en une suspension des fonctions de relation les plus é levé es. Il est é troitement en relation avec les phé nomè nes psychologiques qui ont sur lui une grande puissance: à l’é tat normal nous pouvons suspendre le sommeil, le retarder, le supprimer mê me pendant un temps assez long; nous pouvons aussi, quand nous nous portons bien et que nous avons une grande puissance de volonté, le faire naî tre à peu prè s quand nous le voulons. Enfin le sommeil est en relation avec des idé es, des sentiments, ainsi qu’on peut le voir dans le sommeil dé terminé par suggestion. Il n’est donc pas surprenant que cette fonction moitié physiologique, moitié psychologique, pré sente diverses alté rations chez les né vropathes.

 

Dans bien des cas se rattachant au groupe des hysté riques, le sommeil est exagé ré, il cesse d’ê tre volontaire, il cesse de pouvoir ê tre suspendu ou supprimé par la volonté du sujet, il se produit à tort et à travers en contradiction avec les circonstances exté rieures et avec les dé sirs du sujet. Depuis longtemps les populations ont é té frappé es d’é tonnement en voyant des individus qui s’endormaient subitement et qui restaient tranquillement endormis pendant des heures et pendant des jours sans qu’on pû t par aucun moyen les ré veiller. Ces malades, qui pré sentent des sommeils anormaux, n’ont pas tous les mê me aspect: les uns semblent avoir un sommeil assez lé ger, ils se remuent de temps en temps, murmurent quelques paroles; les autres ont une immobilité beaucoup plus complè te et semblent complè tement dé pourvus de sensibilité et de conscience. Les degré s les plus profonds de ces sommeils ont é té dé signé s sous le nom de lé thargie pour indiquer que l’aspect de ces malades se rapproche de celui du cadavre. Le visage est d’une pâ leur de cire, sans aucune expression, les yeux sont fermé s et quand on les ouvre on trouve quel les pupilles sont dilaté es et que les yeux restent immobiles; la peau semble ê tre refroidie, les fonctions viscé rales paraissent trè s diminué es, la respiration est superficielle et rare; les battements de cœ ur sont sourds et difficiles à percevoir.

 

On raconte qu’un certain nombre de malades dans ces é tats ont é té pris pour des morts et que cet accident a donné lieu à des inhumations pré cipité es. J’en suis toujours pour ma part un peu surpris: tous les lé thargiques que j’ai eu l’occasion de voir ne pouvaient à mon avis donner lieu à aucune illusion, il suffisait d’un peu d’attention pour é viter cette erreur absurde. D’abord il n’est pas vrai, au moins dans les cas assez nombreux que j’ai pu voir, que les fonctions viscé rales soient abolies; on peut ne pas sentir le pouls, mais avec un peu d’attention on entend toujours le cœ ur, et en cherchant bien on trouve toujours des manifestation de la respiration. D’ailleurs la tempé rature n’est pas trè s basse et la peau ne donne jamais au contact l’impression de la peau cadavé rique. Il y a mê me des petits phé nomè nes spé ciaux qui manquent rarement: par exemple une lé gè re tré mulation des paupiè res, le ré flexe pupillaire soit à la lumiè re, soit plus souvent encore à la douleur, le changement d’attitude si on ferme la bouche et le nez et si on empê che la respiration, etc. En un mot je ne comprends pas trè s bien que l’on puisse jamais prendre une femme en é tat de lé thargie hysté rique pour une morte. Ce sont, à mon avis, des erreurs qui supposent de grandes ignorances: il fallait cependant signaler ce danger.

 

Ces divers sommeils ne sont pas non plus identiques au point de vue moral; une des formes les plus fré quentes se rattache à des phé nomè nes que nous avons dé jà é tudié s dans le premier chapitre, je crois que ce sont surtout des crises de rê verie. On observe souvent des petits mouvements des lè vres, de petites expressions fugitives du visage en rapport avec des pensé es. Dans certains, cas, on a tout à fait l’impression que le malade bavarde en dedans et qu’il suffirait de peu de chose pour qu’on puisse l’entendre. Nous avons vu que par divers procé dé s on peut entrer en relation avec lui, connaî tre ce qu’il rê ve. On voit alors qu’il s’agit en somme d’une crise d’idé es fixes analogues à celles que nous connaissons. Dans un second groupe de cas, il s’agit de phé nomè nes qui sont plutô t analogues aux paralysies: le sujet entend tout, et dé sire ré pondre, mais il ne peut faire absolument aucun mouvement volontaire et, quand il est ré tabli, il se souvient de ses efforts infructueux. Ce sont là des faits que nous avons signalé s à propos des paralysies totales.

 

Enfin il y a un troisiè me groupe de phé nomè nes dans lesquels le sommeil semble plus ré el, plus identique au phé nomè ne que nous connaissons sous ce nom chez l’homme normal. Le sujet ne cherche pas à remuer, ne le dé sire pas, il ne perç oit pas le monde exté rieur et ne s’y inté resse pas. Son esprit n’est pas absorbé par une idé e fixe, il a des rê ves varié s et assez vagues. En un mot ce sommeil ne diffè re du nô tre que un point, c’est qu’il se produit d’une maniè re irré sistible sans la volonté du sujet et qu’il ne peut ê tre interrompu quand on le dé sire. La fonction du sommeil s’exerce d’une maniè re indé pendante et automatique.

 

Avec quelques diffé rences de dé tail, on retrouve le mê me phé nomè ne chez les psychasté niques qui ont quelquefois des besoins de sommeil irré sistible et qui ne peuvent parvenir à se ré veiller, mais le caractè re automatique du phé nomè ne est un peu moins net.

 

À cô té de ces exagé rations du sommeil et quelquefois chez le mê me malade, nous connaissons des impuissances du sommeil. L’insomnie est extrê mement fré quente chez tous les né vropathes. Souvent ils ne peuvent commencer le sommeil, ils ne peuvent s’en­dormir: au moment où ils le dé sirent leur esprit pré sente une grande agitation et ils ne peuvent prendre la dé cision de l’arrê ter. D’autres commencent bien le sommeil, mais au moment où ils vont entrer dans le sommeil profond, ils se ré veillent brusquement effrayé s par des rê ves, des cauchemars, des angoisses. Une grande agitation qui porte sur les mouvements, sur les viscè res et sur la pensé e se dé veloppe à la place de l’acte du sommeil qu’ils ne peuvent pousser à son terme. D’autres malades n’ont qu’une partie du sommeil, ils restent endormis quelque temps au dé but de la nuit, puis ils se ré veillent vite et ne peuvent plus se rendormir. On dirait qu’à l’inverse des pré cé dents, ils peuvent commencer le sommeil mais qu’ils ne peuvent ni le continuer, ni le finir. On ne peut s’empê cher de remarquer, comme je le signalais autrefois [41], que tous ces troubles du sommeil sont singuliè rement analogues à ceux de l’action et qu’il y a là une sorte d’aboulie du sommeil analogue aux aboulies des mouvements ou de l’attention.

 

 

2. - Les troubles de l’alimentation.

 

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L’alimentation est une fonction trè s complexe qui contient dans ses parties les plus é levé es des phé nomè nes psychologiques compliqué s, comme le goû t de certains aliments, la gourmandise, l’appé tit, la faim, la recherche et la pré hension des aliments et dans ses parties profondes des phé nomè nes physiologiques trè s é lé mentaires, comme la sé cré tion des glandes ou l’assimilation. On a considé ré un trè s grand nombre de maladies de l’alimentation comme des troubles né vropathiques: naturellement les plus incontestables de ces troubles portent sur les parties supé rieures et psychologiques de cette fonction et sur les instincts relatifs à l’alimentation.

 

Beaucoup de ces malades semblent ne plus gouverner leur appé tit et ne peuvent plus ré sister à des appé tits immodé ré s. Ils mangent é normé ment d’une maniè re gloutonne, et se plaignent de n’ê tre jamais rassasié s, d’avoir toujours le besoin de manger davantage. Ce sont des phé nomè nes de polyphagie, de boulimie, qui se dé veloppent dans bien des circonstances morales diffé rentes. Remarquons que ces sujets ont en mê me temps un perpé tuel sentiment de faiblesse, de dé faillance, et qu’ils se figurent trouver un ré confort et une excitation dans l’alimentation. Ce sont souvent des psychasté niques qui ont en mê me temps des phobies, qui ne peuvent traverser une place, parler à une personne, sans manger d’abord quelque chose et qui portent toujours avec eux des provisions de bouche indispensables.

 

À cô té de l’alimentation excessive, il faut placer le besoin immodé ré de boire, qu’on pourrait appeler la polydispsie. Il y a de ces maladies qui boivent dans la journé e vingt et trente litres d’eau sans pouvoir se dé salté rer. Cet excè s de liquide amè ne une consé quence iné vitable: c’est une é norme sé cré tion ré nale et des phé nomè nes de polyurie, car né cessairement ces malades urinent de vingt à trente litres par jour. Chose curieuse, les é tudes mé dicales se sont presque toujours pré occupé es du second phé nomè ne plus que du premier. Il est possible que, dans certain cas, le trouble ré nal soit primitif, mais il faudrait le dé montrer et, dans bien des cas, le trouble de la soif et la boisson excessive sont à mon avis le phé nomè ne le plus important.

 

Bien entendu ces besoin d’alimentation et de boisson seront trè s souvent systé matiques et porteront par exemple sur les boissons alcooliques, mais nous revenons alors à des phé nomè nes d’impulsion et d’idé es fixes dans lesquels les instincts d’alimentation jouent un faible rô le.

 

À cô té de ces agitations, nous constatons comme toujours des insuffisances fonctionnelles, les plus remarquables portent sur l’appé tit et sur la pré hension des aliments. Nous avons à signaler l’inverse de la boulimie dans les anorexies hysté riques et dans les sitiergies psychasté niques. Voici d’abord, en ré sumé, la forme hysté rique du syndrome: il s’agit de sujets en gé né ral assez jeunes qui sous des pré textes quelconques commencent par s’acclimater de moins en moins et qui finissent par refuser à peu prè s complè tement toute alimentation. La maladie a é té dé crite par W. Gull, en 1868, et par Lasè gue, en 1873. L’article de Lasè gue fut le seul qui eut du succè s et qui contribua à ré pandre cette notion mé dicale nouvelle. C’est lui qui amena Gull à faire observer, en 1873, qu’il avait dé jà signalé des faits semblables.

 

Comme Lasè gue l’avait observé, la maladie passe ordinairement par trois phases successives. La premiè re pé riode pourrait ê tre appelé e la pé riode gastrique, car tout le monde se figure qu’il s’agit simplement d’une affection de l’estomac et on se comporte en consé quence: on trouve tout naturel que la jeune fille dont l’estomac est malade soit soumise à un ré gime sé vè re. Elle se ré signe à tout et se montre d’une docilité exemplaire; d’ailleurs, en dehors des souffrances de l’estomac de plus en plus vagues, elle semble jouir d’une santé parfaite. Au bout d’un temps souvent fort long commence la seconde pé riode, la pé riode morale ou la pé riode de lutte. On finit par s’inquié ter de la prolongation indé finie de ces traitements, de ces ré gimes restreints qui ne semblent guè re justifié s. On soupç onne des idé es hypocondriaques et de l’entê tement. Tantô t on cherche à sé duire la malade par toutes les dé licatesses de la table, tantô t on la gronde sé vè rement, on alterne les gâ teries, les supplications, les menaces.  L’excè s d’insistance amè ne l’exagé ration de la ré sistance: la jeune fille semble comprendre que la moindre concession de sa part la ferait passer de l’é tat de malade à celui d’enfant capricieux et jamais elle ne veut y consentir. Enfin survient tô t ou tard, mais quelquefois aprè s des anné es seulement, la troisiè me pé riode dite la pé riode d’inanition. Les troubles organiques commencent à paraî tre: l’haleine est fé tide, l’estomac et l’abdomen sont ré tracté s, la constipation est invincible, les urines sont rares et contiennent peu d’uré e. La peau devient trè s sè che, pulvé rulente, le pouls est trè s rapide, entre 100 et 120, la respiration est courte et pressé e. Enfin l’amaigrissement fait des progrè s surprenants, à la fin les malades ne peuvent plus quitter le lit et restent dans un é tat semi-comateux. À ce moment, elles se comportent de deux maniè res diffé rentes: les unes continuent à dé lirer et, comme disait Charcot, ne conservent plus qu’une seule idé e, l’idé e de refuser de manger; les autres heureusement commencent à avoir peur et cè dent plus ou moins complè tement. Beaucoup de ces sujets se ré tablissent mê me aprè s des pertes de poids tout a fait é normes, mais il n’en est pas moins vrai qu’un certain nombre succombe et qu’on a constaté un trè s grand nombre de morts dé terminé es directement ou indirectement par cette suppression de la faim et par ce refus d’aliments.

 

Chez les obsé dé s psychasté niques, on observe trè s souvent un refus analogue des aliments; mais ce symptô me a chez ces malades un caractè re un peu diffé rent sur lesquels nous auront à revenir, aussi doit-on le dé signer par un autre terme, celui de sitiergie. Les malades qui presque toujours ont eu des accidents psychasté niques anté rieurs sont troublé s par des obsessions ou des phobies relatives à leur alimentation. Ce sont des scrupuleux qui ont horreur de manger la chair des animaux ou de se nourrir quand ils n’ont pas suffisamment gagné leur vie. Ce sont des honteux de leur corps qui ont peur de rougir aprè s avoir mangé ou qui craignent d’engraisser, de s’enlaidir et de ne plus ê tre aimé s, ou bien encore qui craignent de se dé velopper et de grandir, de ne plus ê tre des enfants qu’on câ line et qu’on excuse. Ce sont aussi des hypocondriaques qui ont peur de s’é touffer, de se dilater l’estomac, d’avoir des selles trop copieuses, etc. Tous essayent de ré glementer et de restreindre leur alimentation: ils s’imposent certains aliments bizarres et refusent les autres. Leur ré sistance à l’alimen­tation est irré guliè re, un jour ils mangent beaucoup et dé vorent, puis pendant longtemps ils refusent tout aliment, souvent ils refusent de manger devant des té moins et consentent à manger seuls, ou bien ils se lè vent la nuit pour manger en cachette des restes malpropres, car ils ne peuvent plus ré sister à la faim qui les torture. L’é volution du mal est à peu prè s la mê me que dans les cas pré cé dents, mais elle me semble plus irré guliè re et en gé né ral un peu moins dangereuse. Les malades n’arrivent pas aussi vite ni aussi souvent à la pé riode d’inanition terminale [42].

 

Les diverses fonctions partielles qui entrent dans l’alimentation peuvent s’é manciper isolé ment. Si nous suivons le bol alimentaire depuis son introduction, nous pouvons noter la sé rie des accidents suivants: au dé but nous observons les spasmes des mâ choires et des joues, les tics de crachotement et de salivation perpé tuelle, les divers spasmes du pharynx et en particulier les tics de dé glutition. Certains sujets avalent toutes la journé e quelques chose; tantô t ils avalent simplement leur salive, tantô t ce qui est plus sé rieux et plus grave, ils avalent de l’air. Ce tic de l’aé rophagie a des consé quences trè s importantes: l’air ingé ré trouble é normé ment la digestion stomacale, et quand il pé nè tre dans l’intestin il donne naissance à des phé nomè nes remarquables sur lesquels nous reviendrons bientô t à propos du mé té orisme. Des spasmes de l’œ sophage empê che certains sujets de dé glutir les aliments; chez d’autres il y a une vé ritable ré gurgitation, le mé rycisme, qui ressemble à la rumination des animaux.

 

Un de ces spasmes est particuliè rement grave, c’est le vomissement né vropathique; il peut empê cher toute alimentation et dé terminer une vé ritable inanition. Peut-ê tre pré sente-t-il des caractè res un peu spé ciaux dans les deux né vroses que nous considé rons. Dans l’hysté rie, il est plus inconscient, plus involontaire, il s’accomplit rapidement d’une faç on automatique sans ê tre pré cé dé par des sentiments bien nets de malaise ou de nausé e. Un phé nomè ne assez caracté ristique, c’est que les malades ne semblent pas supporter l’arrê t de ces vomissement. Quand par un procé dé quelconque on les empê che de vomir, ils sont angoissé s, agité s; ils finissent par perdre conscience dans une grande attaque hysté rique. Bien des malades ont ainsi à choisir entre des attaques dé lirantes et le vomissement perpé tuel. C’est bien là le caractè re d’une agitation automatique qu’ils ne peuvent plus gouverner.

 

Chez les psychasté niques, le vomissement prend souvent des caractè res un peu diffé rents. Il prend la forme d’un dé sir obsé dant, d’une impulsion vé ritable. Le malade, dè s qu’il a fini de manger, é prouve un malaise gé né ral, des souffrances dans tout le corps et surtout dans la tê te. Il en fait un tableau dramatique: « Il me semble que mon estomac est complè tement inerte… la masse alimentaire remue comme dans un sac… tout le temps que j’ai l’estomac plein, j’ai tous les membre brisé s et je sens comme si mes yeux é taient retiré s à l’inté rieur de mon crâ ne,.. je ne pense qu’à mon estomac, c’est dans mon estomac qu’est toute ma vie. Cette agitation s’exaspè re graduellement par une accumulation de cette souffrance sourde qui accompagne toutes mes actions, toutes mes pensé es et qui teinte tout de souffrance… Les autres douleurs, je les supporte, mais celle-là me dé fait le caractè re, elle rend toutes les choses é tranges et incompré hensibles, je ne me sens plus ê tre moi-mê me, je perds ma personne, ou je perds la raison. » Si l’on songe que le remè de à de telle souffrances est tout à la porté e du malade, on comprend qu’il n’ait guè re la vertu de ré sister. Il lui suffit de faire un tout petit effort et un vomissement abondant le dé barrasse aussitô t. Mais à ce moment une nouvelle inquié tude le prend, il n’est pas certain d’avoir complè tement vomi; il recommence plusieurs fois l’opé ration et pendant des heures il se contorsionne, il fait des efforts continuels pour vomir: « parce qu’il reste une gorgé de bile et qu’il doit la vomir pour se soulager ».  Il y a là des crises d’idé es fixes, d’impulsions, de manie de la perfection, qui compliquent le vomissement et lui donnent un caractè re spé cial.



  

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