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DEUXIÈME PARTIE 14 страница



 

Je ne puis que signaler ici un curieux problè me à l’é tude duquel j’ai pris un inté rê t particulier. Le champ visuel des hysté riques ne peut-il ê tre modifié que de la maniè re pré cé dente? Le ré tré cissement est-il toujours concentrique, ne peut-il pas ê tre dé formé par des scotomes irré guliers et, en particulier, peut-on rencontrer, dans l’hysté rie, le champ visuel hé miopique ou le phé nomè ne de l’ hé mianopsie? La question est plus grave qu’elle ne semble ê tre: l’hé mianopsie, c’est-à -dire la vision dans une seule moitié du champ visuel, est un phé nomè ne fré quent à la suite des lé sions cé ré brales; son existence dans l’hysté rie aurait des consé quences graves au point de vue du diagnostic et de l’interpré tation de la maladie. Aprè s des oscillations, les neurologistes é taient arrivé s, surtout aprè s l’ouvrage de Gilles de la Tourette, à nier complè tement l’existence de l’hé mianopsie hysté rique et à soutenir que ce symptô me ne pouvait ê tre produit que par une lé sion organique destructive d’un centre dé terminé. Cette dé cision ne peut pas se soutenir a priori, je ne vois aucune raison pour que le trouble fonctionnel de l’hysté rie ne ré alise pas les mê mes symptô mes que la destruction organique du centre d’une fonction. Toute fonction, nous l’avons dit à propos des paralysies, finit, lorsqu’elle est ancienne, par avoir son centre organique bien dé terminé et, dans ces cas, la destruction du centre ou la suppression momentané e de la fonction peuvent se manifester par des phé nomè nes analogues souvent difficiles à discerner. D’ailleurs, n’avons-nous pas observé ce fait d’une maniè re incontestable à propos de l’hé miplé gie qui se rencontre dans d’hysté ­rie aussi bien que dans les lé sions cé ré brales?

 

Aprè s la pé riode de né gation pré cé dente, M. Dé jerine en 1894, puis moi-mê me en 1895, avons pré senté des observations authentiques d’hé mianopsie fonctionnelle. Je crois avoir donné la dé monstration du caractè re hysté rique de ce syndrome en montrant l’existence de sensations subconscientes dans la partie en apparence supprimé e du champ visuel. Depuis, j’ai eu l’occasion de pré senter d’autres cas aussi net [35]. Dans un article paru dans le Brain, en 1897, M. Harris a pré senté des faits analogues; il a noté, en particulier, comme je l’avais fait moi-mê me, des cas où l’hé mianopsie hysté rique se pré sente à la suite d’une amaurose, comme une pé riode transitoire dans la restauration de la vision. Il me semble probable qu’il y a eu autrefois, chez les animaux, et qu’il existe encore chez l’homme, une fonction spé ciale pour la vision à droite et une fonction pour la vision à gauche. Ces fonctions peuvent se dissocier dans l’hysté rie comme toutes les autres, mais comme ce sont des fonctions trè s anciennes, leur dissociation est rare et ne se pré sente que temporairement.

 

Le trouble de la vision peut prendre encore une autre forme et se pré senter comme la perte de la fonction binoculaire. Comme M. Parinaud le remarquait autrefois, la plupart des animaux ayant les yeux des deux cô té s de la tê te n’ont pas de vision binoculaire, ils ont la vision monoculaire alternante tantô t d’un cô té, tantô t de l’autre. L’homme conserve cette vision é lé mentaire, mais il peut y ajouter une vision supé rieure qui consiste dans la fusion des images fournies simultané ment par les deux yeux à propos du mê me objet. Cette vision supé rieure a des avantages particuliers, elle permet l’appré ciation plus facile des distances et du relief. Il est curieux de remarquer qu’un grand nombre d’hysté riques, sans le savoir en aucune faç on, ré trogradent en quelque sorte, perdent la vision humaine pour ne conserver que la vision animale. On constate, par diverse expé riences, que la fusion des images fournies par les deux yeux, que la vision au sté ré oscope, la vision du relief dans les anaglyphes de Ducos de Hauron est totalement supprimé e.

 

Mais ces mê mes malades peuvent pré senter un autre trouble constitué par le phé nomè ne si remarquable de l’amaurose unilalé rale. Un beau jour, une raison quelconque a forcé le sujet à fermer l’œ il droit et il est stupé fait de se trouver dans l’obscurité, c’est ainsi qu’il apprend avec é tonnement qu’il ne voit plus que par un seul œ il et qu’il est devenu incapable de se servir de l’autre.

 

Ce trouble singulier de la vision a é té le point de dé part d’un grand nombre d’é tudes psychologiques remarquables; c’est l’un des faits qui a le mieux contribué à donner l’idé e de la dissociation des fonctions dans l’hysté rie. Les sujets qui pré sentaient cette amaurose unilaté rale ont é té l’objet de vé rifications inté ressantes pour é carter l’hypothè se de la simulation, car le fait se pré sentait quelquefois chez de jeunes conscrits soumis à l’examen du conseil de ré vision. Des expé riences ingé nieuses comme celles de la double image de Brewster, des lettres coloré es de Snellen, de la boî te de Flees ont mis en é vidence un fait inattendu, c’est que cet œ il amaurotique de l’hysté rie ne voit rien quand il est seul, mais qu’il voit trè s bien quand la vision se fait avec les deux yeux ouverts simultané ment. En un mot, ce trouble semble ê tre l’inverse du pré cé dent, c’est ici la vision monoculaire d’un seul œ il qui est perdue, tandis que subsiste la vision binoculaire. Ces deux visions, monoculaire et binoculaire, dont l’existence est à peine soupç onné e par l’individu normal, peuvent se sé parer dans cette né vrose et tantô t l’une, tantô t l’autre subsiste isolé ment.

 

Enfin, le trouble de la fonction visuelle peut ê tre beaucoup plus considé rable et porter sur l’ensemble de la vision; en d’autres termes, il dé termine la cé cité hysté rique. Le phé nomè ne est rare, car il semble que le sujet conserve toujours, autant que possible, les fonctions essentielles et qu’il ne perde qu’une partie de la vision. Cependant, cet accident a é té constaté bien souvent: dans les travaux de Lepois, en 1618, cette cé cité é tait dé jà signalé e, on en retrouve souvent la description dans les œ uvres des oculistes franç ais comme Landolt Borel, Parinaud. Le plus souvent, cette cé cité totale se produit à la suite d’accidents et elle rentre dans les phé nomè ne de l’hysté rie traumatique. Voici les deux derniers cas que j’ai observé s. Un homme de trente-huit ans travaillait à nettoyer une machine quand un chiffon plein de graisse et de pé trole pris dans un engrenage vient le fouetter sur la figure. La face fut simplement salie et le malade fut le premier à rire de l’accident. Il alla se laver mais il eut beaucoup de peine à dé barrasser la peau et les paupiè res de ces substances grasses. Il faut noter que rien n’é tait entré dans les yeux et qu’il n’en souffrait pas. Cependant, au bout d’une demi-heure, il lui crut voir un brouillard devant lui, puis il observa que ce brouillard s’é paississait et deux heures aprè s, il cessa complè tement de voir. La vision oscilla un peu le lendemain et les jour suivants; de temps en temps il voyait un peu les objets, surtout avec l’œ il droit. Ces oscillations durè rent un mois, puis elles ne ré apparurent plus et, pendant quatre ans, cet homme resta complè tement aveugle. Voici une femme de trente et un ans dont l’histoire est semblable. Dans une usine de blanchissage, elle reç ut, à la face, de l’eau mê lé e de chaux et de savon, à la suite d’une petite explosion de chaudiè re. Ici, la peau fut lé gè rement brû lé e et les paupiè res furent enflé es; la malade é tait à la pé riode des rè gles pendant l’accident, elle se sentit trè s troublé e et trè s é tourdie. Pendant les premiers jours, elle n’osait guè re ouvrir les yeux; quand elle les ouvrit, elle s’aperç ut qu’elle ne voyait plus clair, et l’amaurose a é té complè te pendant deux ans. Quand j’examinai la malade, il y avait dé jà une lé gè re restauration de la vision qu’il a é té facile de complé ter rapidement. Dans d’autres cas, il y a des cé cité s moins graves qui durent quelques jours et qui disparaissent subitement. Une femme de vingt-sept ans pré sente souvent le trouble suivant: pendant qu’elle lit, elle voit comme un é clair rouge qui illumine la chambre, elle ferme les yeux et, quand elle les rouvre, elle ne voit plus rien. La cé cité a duré une fois douze jours, une fois sept, une autre huit et la vue revient subitement, comme elle é tait partie.

 

Inutile de remarquer que, lorsque la cé cité est ainsi complè te, le diagnostic est trè s difficile et que l’on ne saurait s’entourer de trop de pré cautions. C’est alors, plus que jamais, qu’il faut rechercher avec soin les caractè res des anesthé sies hysté riques, caractè res qui vont ê tre passé s en revue aprè s l’é numé ration des troubles de la perception chez les psychasté niques.


 

 

4. - Les algies des psychasté niques.

 

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Si nous considé rons le second groupe de malades, les phé nomè nes se sé parent moins nettement, mais nous retrouvons au moins à titre d’indication les mê mes grandes distinctions, les troubles de la perception par agitation, par douleur, et les insuffisances de la fonction. Beaucoup de psychasté niques pré sentent aussi sur certains points du corps des ré gions douloureuses où ils ne peuvent supporter aucun contact ni aucun mouvement. Quand on effleure ces parties ou quand ils doivent faire fonctionner ces organes, ils semblent é prouver des douleurs et des troubles tout à fait é normes et bien entendu tout à fait disproportionné s avec la modification opé ré e; ils ont des troubles de la circulation et de la respiration, ils sont couverts de sueur, ils se contorsionnent, reculent avec des gestes d’é pouvante et poussent des cris de souffrance. Ces douleurs disproportionné es, ces é motions inopportunes se produisent dans deux circonstances lé gè rement diffé rentes. Tantô t elles sont à peu prè s continuelles, à propos d’une partie dé terminé e du corps, mê me quand cette partie reste immobile: ce sont les algies proprement dites. Tantô t elles ne se dé veloppent qu’au moment où l’organe doit entrer en fonctions, ce sont les phobies des fonctions. Il est é vident d’ailleurs que dans bien des cas ces troubles se rapprochent et se confondent.

 

On observe de ces douleurs dans toutes les parties du corps. Quand elles siè gent dans les muscles des membres elles donnent quelquefois naissance à cette maladie qui a é té appelé e par Moebius, akinesia algera. Plus souvent elles siè gent sur quelque organe, c’est ainsi qu’il y a de ces algies aux seins et que les malades se figurent avoir un cancer. D’autres souffrant à la poitrine parlent constamment de phtisie. Il s’agit trè s souvent de troubles qui ont pour point de dé part les organes gé nitaux. Vr…, aprè s avoir trompé son mari, a de grands remords et de grandes craintes, elle simule d’abord volontairement une maladie pour refuser de s’enfuir avec son amant, mais ensuite elle ne peut plus se dé barrasser de douleurs qui siè gent aux parties gé nitales et aux ovaires. Elle reste huit mois dans son lit sans consentir à faire le moindre mouvement des jambes ou du tronc; il faut la chloroformer pour pouvoir palper le ventre et on finit par lui faire l’opé ration chirurgicale qu’elle ré clame, ce qui permet seulement de constater des organes parfaitement sains et ce qui ne la gué rit pas du tout.

 

Ces souffrances siè gent souvent à la peau et dé terminent des prurits, des agacements, des angoisses de toutes espè ces. Quelquefois ces douleurs sont interpré té es par les malades qui ne peuvent s’empê cher de sentir « des grenouilles qui se promè nent dans leur dos, des langues d’animaux dé goû tants qui les lè chent, des vers, des intestins pourris qui glissent le long de leur corps ». C’est là ce qu’on a appelé souvent des dermatophobies, des acarophobies, des syphiliphobies, etc. Inutile d’é numé rer les algies du nez, de la bouches, de la langue, des dents. Il y a des malades qui se font arracher successivement toutes les dents saines, et M. Galippe, en 1891, a consacré un inté ressant travail à ces maladies des dents qui ne regardent pas le dentiste.

 

Les sens spé ciaux sont susceptibles de pré senter les mê mes troubles. L’odorat devient pé nible quand l’odeur s’associe avec l’une des manies du scrupuleux. L’un se figure que toutes les odeurs « rappel­lent les odeurs des parties gé nitales » et un autre craint qu’en aspirant l’odeur « il ne fasse monter dans le nez des petites bê tes qui iraient jusqu’au cerveau ». L’ouï e est plus souvent encore atteinte de ces algies: Ot…, homme de cinquante ans, retiré des affaires, prend en horreur son appartement, son quartier à cause du bruit qu’il y entend et finit par vivre dans une chambre entiè rement matelassé e pour qu’aucun bruit ne parvienne jusqu’à lui. Chez Bow… s’ajoute un dé tail particulier: tous les bruits n’affectent pas douloureusement l’oreille, mais seulement les petits bruits, bruit d’un fouet dans la rue, bruit d’une porte qui se ferme,, c’est la microphonophobie. On retrouve ici l’attention des scrupuleux pour les petites choses que nous avons dé jà noté e dans leurs manies de pré cision.

 

L’œ il donne naissance à un trouble remarquable qui semble une maladie spé ciale, c’est la photophobie, ou du moins une des varié té s de la photophobie. On l’observe d’une maniè re remarquable dans l’observation de Rs… Cette femme, à l’â ge de cinquante-six ans, peu aprè s la mé nopause, eut à subir une é pouvantable secousse. On amena chez elle sa fille, jeune femme marié e depuis peu, qui venait d’ê tre horriblement brû lé e dans un incendie. Quelque temps aprè s la mort de cette jeune femme, Rs… commenç a à se plaindre de ses yeux, parlant de cataracte, de paralysie, etc. : « elle ne pouvait se servir de ses yeux à volonté, elle ne pouvait regarder; quand elle fixait un objet, surtout un objet é clairé, elle é prouvait une gê ne, une é motion pé nible qui la suffoquait. » Bientô t elle prit l’habitude de tenir les yeux mi-clos, puis fermé s et de se comporter tout à fait comme une aveugle. En effet, dans beaucoup d’observations de ce genre, les individus qui ont des algies des yeux ou des oreilles cessent absolument de regarder ou d’entendre et pratiquement se comportent comme des aveugles ou des sourds, de mê me que ceux qui ont des algies des membres ou de la peau cessent absolument de se mouvoir ou de rien toucher.

 

 

5. - Les dysgnosies psychasté niques.

 

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Malgré la remarque que nous venons de faire, nous ne rencontrons pas chez ces malades de vé ritables anesthé sies analogues à celles que nous avons observé es chez l’hysté rique. Tout au plus peut-on noter dans certains cas des engourdissements à la douleur, au froid, au chaud qui dé pendent nettement d’un é tat d’indiffé rence et de distraction. On note aussi des troubles des perceptions supé rieures, de l’inintelligence de la lecture ou de la parole entendue, le dé faut de perception d’une situation donné e. Mais ce sont là plutô t des troubles de l’attention que de vé ritables insensibilité s.

 

Ce qui correspond chez eux aux anesthé sies hysté riques ce sont à mon avis certains sentiments pathologiques qui se dé veloppent à propos de la perception des objets exté rieurs. Le malade nous paraî t sentir correctement, il peut dire quel objet qu’on lui montre, mais dans sa conscience il n’est pas satisfait de cette perception et il é prouve à propos d’elle toute espè ce de sentiments bizarres. Il sent que son attention est difficile et pé nible, qu’il est constamment distrait, qu’il ne peut penser à ce qu’il entend: « Il paraî t que j’entends, puisque je ré ponds à peu prè s convenablement, mais il me semble que je n’ai rien compris ». La perception ainsi faite lui paraî t changé e, tout ce qu’il voit, tout ce qu’il entend lui paraî t é trange, on dirait que les choses lui apparaissent pour la premiè re fois. Quelquefois il se plaint que les choses lui donnent l’impression d’ê tre trè s loin et trè s petites. M. Bernard Leroy me semble bien dé crire ce phé nomè ne quand il dit « qu’il s’agit moins d’un é loignement maté riel que d’un é loignement moral: l’illusion de la vue se trouve sous la dé pendance de l’impres­sion d’é loignement, d’isolement, de fuite du monde ». Ces sujets ne reconnaissent plus le monde ordinaire, ils le sentent disparu, é loigné d’eux, sé paré d’eux par une barriè re invisible, par ce voile, ce nuage, ce mur dont ils parlent constamment: « Je flotte dans les espaces interplané taires, et je suis sé paré de tous les univers par une sorte d’isolement cosmique ».

 

D’autres ont le sentiment qu’ils voient double, qu’ils voient les objets transformé s, plus longs qu’ils ne sont. Plus souvent, ils ont l’impression de ne pas voir des objets ré els, mais uniquement des objets imaginaires: « Je vis dans le rê ve, j’entends parler comme si j’é tais dans un rê ve, je ne distingue jamais bien ce que j’ai vé cu et ce que j’ai rê vé ».

 

Un de ces sentiments qui accompagnent la perception a eu le privilè ge d’attirer l’attention des litté rateurs et des philosophes et de provoquer d’innombrables discussions, c’est le sentiment du « dé jà vu ». À l’inverse des pré cé dents qui ont le sentiment que tout est nouveau, les malades ont le sentiment qu’ils ont dé jà fait ces gestes, dit ces mots, vu ces choses, exactement dans le mê me ordre, de la mê me faç on sans qu’ils soit possible de dire où ni quand. « Vous sentez que vous vivez identiquement une minute que vous avez dé jà vé cue, aujourd’hui devient autrefois, une chose est ainsi une autre chose. » Sans pouvoir entrer dans les dé tails, je rappelle seulement que le « dé jà vu » ne constitue pas un trouble de la mé moire, comme on le dit trop souvent, mais un trouble de la perception. C’est une appré ciation fausse du caractè re de la perception actuelle qui prend plus ou moins l’aspect d’un phé nomè ne reproduit au lieu d’avoir l’aspect d’un phé nomè ne nouvellement perç u [36]. À tous ces sentiments s’ajoute souvent un sentiment é trange de dé sorientation ou de renversement de l’orientation. Il semble au sujet que tout ce qui est à droite devrait ê tre à gauche et ré ciproquement. C’est là un phé nomè ne qui se rapproche plus qu’on ne le croit de l’allochirie des hysté riques [37].

 

Enfin, ces sujets en arrivent souvent à des sentiments de surdité et de cé cité. Il se plaignent d’ê tre aveugles, quoiqu’ils voient parfaitement clair, parce qu’il leur semble que leur vue est anormale, bizarre, que ce n’est pas la vue naturelle qu’ils devraient avoir.

 

De tels troubles de perception s’appliquent à la perception inté rieure de notre corps et de notre personne comme à celle des objets exté rieurs. C’est là le trouble dont Krishaber, en 1873, avait voulu faire une maladie spé ciale sous le nom de né vrose cé ré bro-cardiaque. « Au mois de juin 1874, é crit un malade, j’é prouvais à peu prè s subitement un changement dans la faç on de voir, tout me parut drô le, é trange, bien que gardant les mê mes formes et les mê mes couleurs. Cinq ans aprè s, je sentis que le trouble s’appliquait à moi-mê me, je me sentis diminuer, disparaî tre: il ne restait plus de moi que le corps vide. Depuis cette é poque ma personnalité est disparue d’une faç on complè te et malgré tout ce que je fais pour reprendre ce moi-mê me é chappé, je ne le puis. Tout est devenu de plus en plus é trange autour de moi, et, non seulement je ne sais ce que je suis, mais je ne puis me rendre compte de ce qu’on appelle l’existence, la ré alité. » Ce sont là les sentiments de dé personnalisation qui prennent toute espè ce de formes, depuis la simple é trangeté de nous-mê mes jusqu’au sentiment que nous sommes disparus, ou que nous sommes remplacé s par un autre. « Ce n’est plus moi qui marche, ce n’est plus moi qui mange, ce n’est plus moi qui parle, ma personne est en dehors de mon corps, il me semble qu’elle est prè s de moi et non en moi. » Enfin ce sentiment donne naissance à de vé ritables dé lires chez ces malades qui se croient morts et qui en considé rant les autres personnes ont le sentiment qu’elles sont sans vie, qu’ils sont entouré s par des automates et des cadavres [38].

 

6. - Les caractè res psychologiques
des dysesthé sies et des anesthé sie hysté riques.

 

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Nos é tudes pré cé dentes, en particulier celle que nous avons faites sur les agitations motrices et sur les paralysies hysté riques, nous permettent de ré sumer briè vement les caractè res de ces troubles des perceptions.

 

Il est facile de comprendre qu’un grand nombre des dysesthé sies sont principalement constitué es par l’addition d’un phé nomè ne automatique, d’une idé e, d’un mouvement, d’un trouble viscé ral à la sensation primitive. Cette sensation est aussi naturelle et aussi normale que possible; elle sert seulement de point de dé part à des phé nomè nes intellectuels et viscé raux qui lui donnent son caractè re pé nible. Nous retrouvons ici les idé es fixes à dé veloppement automatique que nous connaissons dé jà.

 

Les dysesthé sies dans lesquelles il y au engourdissement de la sensibilité et les anesthé sies elles-mê mes sont plus embarrassantes. Remarquons d’abord qu’il n’y a pas de lé sion exté rieure de l’organe capable d’expliquer ces symptô mes. On ne voit aucun trouble de la peau; le mé decin spé cialiste ne constate aucune alté ration de l’oreille ni de l’œ il. Cet examen de l’organe est absolument essentiel, en particulier dans les cas si embarrassants d’amblyopie ou de cé cité hysté riques. Il est indispensable d’é tablir tout d’abord qu’il n’y a aucune lé sion du fond de l’œ il, ni du nerf optique, ni aucune hé morragie du corps vitré. Rien n’é gale dans cet examen l’importance de la recherche des ré flexes lumineux. En rè gle gé né rale, tous les ré flexes doivent rester normaux dans une anesthé sie hysté rique. C’est ainsi qu’on observe la conservation des ré flexes cutané, la conservation des é rections dans les organes é rectiles, et surtout la conservation des ré flexes pupillaires. Il y a bien quelques exceptions à propos des ré flexes conjonctivaux et des difficulté s à propos de certaines modifications des pupilles par spasme des muscles de l’iris. Il y a des iné galité s pupillaires qui sont né vropathiques, il ne faut pas l’oublier; mais ces phé nomè nes sont rares et ne doivent pas alté rer la rè gle gé né rale qui nous met gravement en garde en pré sence d’une alté ration de ce genre.

 

À ces premiè res observations s’ajoutent toutes les remarques que nous venons de faire sur la localisation et la ré partition de ces troubles de la sensibilité . Ils portent d’une faç on grossiè re sur la main, le pied, le bras, le sein, la ré gion de l’estomac. Cette localisation semble correspondre à des idé es populaires sur les limites des organes, de la main, du pied, de l’estomac, et ne ré pond à aucune notion anatomique bien pré cise [39]. Quand ces troubles ne sont pas localisé s, ils altè rent des fonctions de perception dans leur ensemble et ils sont alors exactement systé matisé s.

 

On a vu que les troubles visuels n’é taient pas dissé miné s et incomplets, comme cela arrive presque toujours à la suite des lé sions de l’œ il, mais qu’ils semblaient dé composer la vision en une sé rie de petites fonctions partielles qui é taient alté ré es isolé ment. Cette remarque sur la systé matisation des troubles de perception complè te les é tudes pré cé dentes sur l’absence de lé sions et sur l’inté grité des ré flexes é lé mentaires. Elle nous confirme dans cette opinion que ce nouveau troubles est fonctionnel et d’ordre psychologique.

 

Arrivé s à ce point, il faut nous convaincre que l’anesthé sie hysté rique, pas plus que les dysesthé sies, n’est une suppression radicale de la fonction elle-mê me, une destruction de la sensation. Pour le comprendre, on ne saurait trop insister sur la mobilité de ces anesthé sies en apparence si nettes et si fixes. Elles varient d’un moment à l’autre sous l’influence de causes si minime qu’elles peuvent passer inaperç ues. Tous les accidents hysté rique peuvent modifier la ré partition de la sensibilité. Des changements d’é tat mê me normaux, comme le sommeil naturel, peuvent transformer les anesthé sies. J’ai montré autrefois que les anesthé sies hysté riques, comme les autres troubles né vropathiques, disparaissent souvent pendant le sommeil naturel: des sujets qui ne sentent rien sur leur cô té gauche pendant la veille sont ré veillé s ou se plaignent si on les pince de ce cô té pendant le sommeil. Diverses intoxications, l’ivresse alcoolique, le dé but de la chloroformisation, l’é tat dé terminé par la morphine suppriment les anesthé sies: une hysté rique ivre n’est plus insensible. L’objet principal de mes premiè res é tudes, publié es dans mon livre sur l’Automatisme psychologique,  en 1889, é tait surtout l’é tude des nombreux changements de sensibilité qu’on observe dans les diffé rents somnambulismes provoqué s. La sensibilité se modifie é galement pendant la veille: Briquet avait dé jà indiqué l’influence des excitations é lectriques; Burq avait cru noter celles des aimants et des plaques mé talliques. J’ai insisté beaucoup sur l’influence de l’imagination, de la suggestion, de l’asso­ciation des idé es, et surtout de l’attention. Collons un pain à cacheter rouge sur la main insensible d’une hysté rique et empê chons-la de l’enlever: elle est gê né e par cette modification de sa main, s’en pré occupe, y fait attention et, au bout de peu de temps, sa main est de nouveau complè tement sensible. Toutes ces modifications rapides nous font penser que le trouble de la perception doit ê tre bien superficiel et bien lé ger [40].



  

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