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DEUXIÈME PARTIE 11 страница



 

Enfin les é tudes de neurologie attachent une importance considé rable à l’é tat des divers ré flexes, de ces ré actions musculaires qui se produisent à la suite de l’excitation de certaines ré gions, des tendons, par exemple, ou de certains points de la peau. Ces ré flexes, en effet, dé pendent des centres infé rieurs de la moelle et de l’encé phale, et leur é tat indique les conditions dans lesquelles se trouvent ces centres. Charcot avait dé jà dé montré que dans les paralysies hysté riques les ré flexes tendineux ne sont ni supprimé s, comme dans le tabes, ni exagé ré s, comme dans les lé sions le faisceau pyramidal. On savait dé jà fort bien à cette é poque que le clonus dé terminé par le relè vement brusque du pied n’appartient pas à la symptomatologie de l’hysté rie; on savait aussi que, d’une maniè re gé né rale, les ré flexes pupillaires sont normaux dans cette né vrose et qu’on n’y observe jamais, par exemple, le signe d’Argyll Robertson, si important dans le tabes. De nos jours, les mê mes é tudes ont porté sur les ré flexes cutané s, et on a montré que certains de ces ré flexes, celui du peaussier du cou, le ré flexe abdominal, le ré flexe cré masté rien, alté ré s dans plusieurs maladies organiques du systè me nerveux, subsistent intacts dans les paralysies hysté riques. M. Babinski a insisté sur un ré flexe trè s important qui consiste en un mouvement des orteils lorsque l’on frotte lé gè rement avec une pointe mousse la plante du pied. Chez les adultes normaux, car il y a des irré gularité s chez les enfants, les orteils se flé chissent en masse vers la plante du pied. Dans les lé sions de la moelle, les orteils, surtout le gros orteil, se relè vent en extension. Cette excitation de la plante du pied chez des individus atteints de paraplé gie hysté rique ne donne jamais cette ré action si particuliè re du gros orteil en extension.

 

Il est é vident qu’il ne faudrait pas exagé rer trop l’importance et la pré cision de ces signes qui sont pratiquement des plus utiles, mais qu’il est né cessaire, dans certains cas particuliers, de discuter et d’interpré ter. Certains amaigrissements peuvent simuler des atrophies; des ré actions de dé gé né rescence ont é té signalé es, quoiqu’elles me paraissent douteuses. Il ne faut pas, à mon avis, attribuer trop d’importance à la simple exagé ration des ré flexes rotuliens. Cette exagé ration est extrê mement difficile à appré cier et elle est trè s irré guliè re. Beaucoup de sujets, quand ils sont un peu é motionné s ou nerveux, lancent leurs jambes trop fortement quand on frappe le genou. On peut bien dire qu’il faut distinguer le ré flexe vé ritable, rapide, simple, du mouvement semi-volontaire, semi-é motionnel qui s’ajoute, qui est trop tardif, trop long, trop gé né ralisé. Tout cela est assez vrai, mais en pratique il n’est pas toujours facile de faire la distinction, et d’ailleurs je suis disposé à croire que chez les hysté riques et chez les neurasthé niques il y a souvent une exagé ration ré elle des ré flexes qui est peut-ê tre due à une diminution de l’inhibition cé ré brale. Le signe du clonus du pied a dé jà beaucoup plus d’importance et il est beaucoup plus rare de rencontrer quelque chose d’analogue dans l’hysté rie; cela est arrivé cependant. Dans ces cas quelques auteurs croient trancher la question en prenant le graphique de la secousse avec l’appareil enregistreur. Ils espè rent distinguer la ré gularité du clonus organique de la courbe beaucoup plus irré guliè re fournie par le clonus hysté rique: cette dé monstration n’est pas encore bien complè te. Le signe des orteils est extrê mement inté ressant: je ne crois pas qu’il ait é té encore observé nettement dans une paralysie hysté rique. Mais c’est un signe irré gulier qui manque souvent d’une maniè re totale; beaucoup de sujets ne ré agissent pas du tout ou ré agissent par une ré traction en masse de la jambe. L’examen des ré flexes pupillaires peut ê tre rendu difficile par la dilatation pupillaire qu existe chez beaucoup de né vropathes. Il n’est pas bien dé montré qu’il n’y ait jamais chez les hysté riques des contracture de l’iris en dilatation ou en myosis qui empê chent les ré flexes de se produire aisé ment et qui amè nent des erreurs. Ces signes si importants ne sont donc pas d’une certitude absolue. D’ailleurs il en est de mê me dans tout examen clinique: c’est toujours un ensemble de signes qui dé termine un diagnostic, et celui-ci ne peut jamais ê tre fait mé caniquement par l’examen inintelligent d’un seul symptô me. Quoi qu’il en soit, cette recherche nous a permis de dé terminer un second caractè re des paralysies hysté riques, l’ab­sence des modifications organiques qui s’ajoute à leur systé matisation.

 

Nous sommes obligé s de remonter plus haut et de considé rer la paralysie hysté rique comme un trouble portant sur les parties les plus é levé es de la fonction motrice, sur les phé nomè nes psychologiques qui en sont le couronnement. Depuis longtemps plusieurs auteurs avaient é té amené s à cette conception que la paralysie hysté rique est une paralysie psychique, et ils avaient constaté à ce propos qu’elle pré sente un certain nombre de caractè res psychologiques. Dé jà, autrefois, Lasé gue et Charcot avaient insisté sur un sentiment d’indiffé ­rence qui paraî t accompagner ces paralysies. Si nous é tions paralysé s d’un bras, cela nous gê nerait é normé ment; nous serions trè s pré occupé s de cette maladie, nous aurions des regrets perpé tuels et nous ferions sans cesse des efforts dé sespé ré s pour retrouver le mouvement perdu. Aussi ne pouvons-nous pas nous dé fendre d’une certaine surprise et d’une certaine mauvaise humeur quand nous soignons un hysté rique paralysé. Ce genre de malades nous agace par sa tranquillité, son indiffé rence et son inertie. Ils n’ont pas l’air d’ê tre attristé s par la privation de leur membre; ils trouvent tout naturel de ne marcher qu’avec une jambe et ne font pas le moindre effort pour se servir de leur jambe paralysé e. Cette indiffé rence joue un rô le dans la dé marche du malade, et c’est à ce propos que Charcot a essayé d’é tablir sa distinction entre la dé marche hé licopode de l’hé miplé gique organique et la dé marche helcopode de l’hé miplé gique hysté rique. Tandis que le premier fait des efforts dé sespé ré s pour faire avancer le membre et le projette en hé lice par une secousse du bassin, l’hysté rique ne semble plus s’en pré occuper et le traî ne aprè s lui comme un boulet.

 

À cette indiffé rence se rattachent des troubles de la sensibilité qui accompagnent trè s souvent les paralysies et qui é taient dé jà connus à l’é poque de Briquet. Beaucoup de ses sujets sentent peu ou mê me point les attouchements, les piqû res que l’on fait sur leurs membres inertes et ne se rendent pas compte de la position qu’on leur donne quand on les dé place. Ces troubles de la sensibilité mé ritent une é tude spé ciale qui sera faite dans le chapitre suivant, mais il faut constater ici qu’il s’agit là d’un nouveau phé nomè ne psychologique qui s’ajoute souvent à la paralysie hysté rique.

 

L’indiffé rence du malade dé pend ici, semble-t-il, de certains troubles curieux de la mé moire et de l’imagination. Quand on interroge ces personnes, on voit qu’elles n’ont pas conservé la mé moire de leurs membres. Elles semblent ne plus bien savoir ce que faisait ce membre paralysé et elles ne peuvent plus ré aliser les efforts d’imagination pour le concevoir. C’est M. Fé ré qui a, l’un des premiers, insisté sur ce point. « Aprè s avoir fermé les yeux de la malade, dit-il, je la prie de chercher à se repré senter sa main gauche exé cutant des mouvements d’extension et de flexion. Elle en est incapable. Elle se repré sente bien la droite exé cutant des mouvements trè s compliqué s sur le piano, mais à gauche il lui semble que son bras se perd dans le vide; elle ne peut mê me pas s’en repré senter la forme. » J’ai vé rifié une dizaine de fois cette remarque; cette absence de repré sentation et de mé moire du membre paralysé est souvent une des choses les plus typique [27]. Beaucoup d’auteurs l’ont é galement remarqué e; voici, par exemple, ce que disait un auteur anglais, M. Bastian, qui a d’ailleurs de l’hysté rie une toute autre conception que nous: « Quand on lui demande si elle peut imaginer qu’elle touche le bout de son nez avec le doigt gauche, elle ré pond tout de suite oui; si on lui demande d’imaginer les mê mes mouvements avec l’autre main paralysé e, elle hé site et finit par ré pondre: non. Elle peut s’imaginer jouer du piano de la main gauche, mais elle ne peut l’imaginer du cô té droit. » En un mot, la repré sentation du mouvement volontaire semble perdue aussi bien que la volonté de l’exé cuter et il semble que nous sommes en pré sence de troubles psychologiques.

 

C’est aussi la conclusion à laquelle é tait dé jà parvenu l’auteur anglais Brodie quand il disait: « Dans les paralysies hysté riques ce ne sont pas les muscles qui n’obé issent pas à la volonté, mais c’est la volonté elle-mê me qui n’entre pas en action… Quand le malade dit: Je ne peux pas, cela signifie je ne peux pas vouloir », et M. Huchard ajoutait: « Elles ne savent pas, elles ne peuvent pas, elles ne veulent pas vouloir ». Le trouble n’est donc pas dans les organes qui servent à la transmission des ordres, à l’exé cution de la fonction motrice, il serait dans la partie psychologique de cette fonction.

 

Nous nous trouvons alors en pré sence d’une nouvelle question: quelle est la nature et la profondeur de ce trouble psychologique? Est-ce une vé ritable destruction des phé nomè nes psychologiques relatifs à certains mouvements volontaires, telle qu’elle pourrait ê tre ré alisé e par la destruction de certains centres corticaux, ou s’agit-il d’une alté ration moins radicale de ces fonctions psychologiques? Pour ré pondre à ces questions, il suffit de ré pé ter les remarques qui ont dé jà é té faite à propos des diverses amné sies.

 

Le souvenir, disions-nous, n’est pas complè tement perdu; il peut ré apparaî tre dans certaines conditions, il existe aujourd’hui mê me, quoique le sujet ne puisse pas l’utiliser. Il en est exactement de mê me pour ces actes en apparence supprimé s; d’abord ces paralysies peuvent gué rir et gué riront mê me d’une maniè re absolument complè te.  Des paralysies qui dé pendent d’une lé sion du cerveau ne gué rissent jamais complè tement, elles laissent toujours à leur suite des affaiblissements et des maladresses trop faciles à constater. Si elles gué rissent, on peut dire que ce n’est pas la fonction ancienne telle qu’elle é tait qui ré apparaî t, le sujet a besoin de toute une é ducation qui se prolonge pendant des anné es, il reforme une nouvelle fonction beaucoup plus qu’il ne retrouve l’ancienne. Les gué risons des paralysies hysté riques sont trè s diffé rentes, elles sont absolument complè tes et ré tablissent la fonction telle qu’elle é tait avant l’accident, elles peuvent ê tre extrê mement rapides, se faire en quelques jours ou en quelques heures, dans un dé lai si court qu’il est tout à fait insuffisant pour ré tablir la fonction si elle n’é tait pas conservé e. Pendant le cours mê me de la maladie, nous voyons que sous toutes sortes d’influences cette fonction, en apparence supprimé e, peut manifester son existence et ré apparaî tre au moins momentané ment. Il faut insister fortement sur ce phé nomè ne tout à fait typique de la disparition momentané e des paralysies pendant les somnambulismes, pendant les attaques dé lirantes, dans les é tats hypnotiques artificiels, simplement pendant les ivresses. Pour rappeler rapidement des faits que nous avons dé jà é tudié s, rien ne me paraî t plus instructif que l’observation de Sm… Cet homme est paraplé gique, depuis trois mois, il n’a jamais pu bouger ses jambes; une nuit il entre dans un é tat dé lirant, pendant lequel, comme on l’a vu, il veut sauver son enfant. Et le voici, prenant son oreiller sous le bras, et qui descend habilement de son lit, se sauve de la salle et, s’aidant d’une gouttiè re, grimpe sur les toits. Quand on le rattrape et le ré veille, il retombe paraplé gique. C’est là l’idé al de la paralysie hysté rique. On observe des faits semblables dans toutes sortes de circonstances [28].

 

Bien mieux, exactement comme pour les amné sies qui sont aprè s tout des phé nomè nes du mê me genre, on peut souvent constater la conservation de l’action pendant la veille mê me du malade, au moment où il se croit et où il se montre tout à fait paralysé. Je fais ici allusion à l’expé rience des actions subconscientes dans les paralysies hysté riques dont j’ai montré la grande importance en 1886 et 1889. J’ai pré senté, à ce moment, une femme paraplé gique que l’on pouvait, par suggestion, faire marcher pendant la veille, quand elle é tait distraite et quand elle ne se rendait pas compte de son mouvement. J’ai pré senté des sujets amusants complè tement paralysé s du bras droit chez lesquels on pouvait provoquer l’é criture automatique des mé diums avec cette mê me main paralysé e. D’ailleurs, à la mê me é poque, d’autres auteurs ont pré senté des faits semblables [29].

 

Ces expé riences mettent bien en é vidence le caractè re essentiel d’une paralysie hysté rique qui est de laisser subsister intacts les mouvements subconscients. Elles ont cependant des inconvé nients, c’est qu’elles sont excessivement difficiles à ré ussir, qu’elles demandent du temps, un milieu approprié et certaines conditions morales dans lesquelles il faut placer le sujet; ce sont des expé riences de laboratoire qui ne peuvent guè re servir pour é tablir le diagnostic extemporané d’une paralysie hysté rique. On a proposé depuis ce moment des expé riences exactement du mê me genre, mais plus simples, plus facile à ré ussir rapidement. Dans certains cas on peut se servir des mouvements associé s; par exemple, nous sommes habitué s à lever ensemble les deux é paules pour exprimer certains sentiments. Dans les hé miplé gies, organiques vraies, le sujet, mê me distrait, ne peut lever que l’é paule saine, l’hysté rique hé miplé gique s’oublie à lever les deux é paules. M. Babinski a ajouté deux expé riences curieuses du mê me genre, l’une consiste dans l’examen des mouvements des muscles peaussiers, par exemple du peaussier du cou. La paralysie organique porte sur ce muscle comme sur les autres, tandis que la paralysie hysté rique laisse ordinairement intacts les mouvements des muscles peaussiers qui agissent sans que le sujet s’en doute. Une seconde expé rience est ingé nieuses mais un peu compliqué e et peut ê tre sujette à discussion. Quand nous sommes é tendus sur le dos et que nous cherchons à nous asseoir, nous devons non seulement contracter les muscles anté rieurs pour relever le tronc, mais encore contracter les muscles posté rieurs de la fesse et de la cuisse pour fixer les jambes au sol et les empê cher de se lever quand nous contractons l’abdomen. Le sujet atteint de paralysie organique a perdu ces derniers mouvements du cô té malade; aussi, quand on le prie de s’asseoir, ne peut-il pas s’empê cher de lever en l’air sa jambe malade qui n’est pas suffisamment retenue par la contraction des muscles fessiers. L’hé miplé gique hysté rique se conduit autrement; sans s’en douter, elle associe la contraction des muscle fessiers avec celle de l’abdomen et maintient sa jambe sur le sol comme si elle n’é tait pas paralysé e. Ces expé riences ont le grand avantage d’ê tre plus faciles à reproduire en clinique, au moins dans un certain nombre de cas, car je n’ai pas pu les reproduire toujours; mais elles ne font que fournir une nouvelle application des mé thodes pré cé dentes appliqué es dé jà autrefois à tous les accidents de l’hysté rique.

 

Ne cherchons pas à comprendre ici comment les choses ont pu prendre cet aspect, il nous suffit de les dé crire. L’hysté rie se comporte comme si elle n’é tait paralysé e que dans les mouvements attentifs conscients et volontaires, comme si la paralysie n’existait pas dans les mouvements habituels, exé cuté s par distraction ou exé cuté s en rê ve, en un mot, dans les mouvements automatiques.

 

Les choses semblent tout à fait analogue à ce que nous avons observé à propos des somnambulismes et des amné sies, quand certaines idé es nous paraissaient se sé parer de la conscience personnelle et subsister sé paré ment à l’é tat d’idé es dissocié es.  Il faut ajouter seulement ce que nous avons dé jà eu l’occasion de remarquer à propos du langage. Ici, ce n’est plus une idé e proprement dite qui se sé pare de la conscience personnelle, c’est un systè me d’images et de mouvements, une fonction. L’analogie de ces paralysies avec les amné sies hysté riques se comprend aisé ment quand on considè re surtout les paralysies systé matiques: l’oublie de l’é criture, l’oubli de la couture ressemblent assez à la perte d’un souvenir, à l’oubli d’une idé e, mais on a quelque peine à comprendre qu’il en soit de mê me pour les paralysies localisé es, pour les paraplé gies, pour les hé miplé gies.

 

Je crois que ces nouvelles paralysies sont cependant construites sur le mê me modè le et qu’elles sont é galement des paralysies systé matiques. À mon avis, l’astasie-abasie n’est pas une paralysie hysté rique exceptionnelle, c’est le type de toutes les paralysies que l’on observe dans cette né vrose. Dans une paralysie hysté rique de la main, tous les mouvements de la main et rien que les mouvements de la main sont supprimé s: les sensations mê mes dé terminé es par l’attouchement de la main cessent d’ê tre perç ues, comme on le verra plus trad. On peut encore se repré senter ce trouble comme la dissociation de tout un systè me d’images et de mouvements, systè me ayant son unité et relatif à la mise en œ uvre d’un mê me organe. Il en est de mê me pour la paralysie des deux jambes; car les deux jambes forment une unité non seulement anatomique, mais encore psychologique. Les animaux nos ancê tres, ont construit dans leur pensé e l’association des membres d’un mê me niveau, d’un mê me segment, car ces membres ont un rô le commun et par consé quent une unité. Ce systè me d’images relatif aux deux jambes est trè s vaste, il renferme des subdivisions comme le systè me de la marche, de la danse, du saut; mais il n’en est pas moins un dans son ensemble. C’est pourquoi si certaines parties de ce systè me peuvent se dissocier isolé ment, il peut aussi se dissocier dans son ensemble. Enfin, j’oserai presque dire que l’hé miplé gie hysté rique est un phé nomè ne du mê me genre et qu’elle ressemble plus qu’on ne le croit à la perte systé matique de la marche ou de la couture. Nous avons une idé e trè s nette de l’ensemble des actions du cô té droit opposé à l’ensemble des actions du cô té gauche et il s’est formé dans la suite des temps, chez des animaux trè s anciens peut-ê tre, un systè me d’images pour le cô té droit et un systè me d’images pour le cô té gauche. L’un de ces systè mes peut se dissocier dans son ensemble et exister à part de la conscience personnelle.

 

Beaucoup de personnes, habitué es à considé rer les choses au point de vue anatomique plutô t qu’au point de vue psychologique, pourront s’é tonner des remarques pré cé dentes: elles pourront rappeler que l’unité des mouvements d’un cô té du corps est une unité anatomique et que l’hé miplé gie dé pend de la lé sion de ce centre qui donne son unité au groupe de mouvement.

 

Je ne le nie en aucune faç on: de ce qu’un systè me est psychologique il ne faut pas en conclure qu’il ne soit pas en mê me temps anatomique, au contraire, l’un entraî ne l’autre. Quand je commence à monter sur une bicyclette, je groupe volontairement des images dé pendant de plusieurs centres et qui n’ont jamais é té ré unies, aussi suis-je trè s maladroit. Au bout d’un certain temps, je sais me tenir sur une bicyclette, cela veut dire que diverses images se sont associé es et s’é voquent ré guliè rement l’une l’autre. Il est probable que cette association fonctionnelle correspond à une association anatomique qui s’est faite entre les divers centres et qu’il s’est formé dans mon cerveau un petit centre spé cial, celui de la bicyclette. C’est mê me parce que ce centre persiste et se dé veloppe, que l’anné e prochaine je saurai monter sans avoir à apprendre de nouveau. Quand il s’agit ainsi de fonctions nouvelles, nous comprenons bien que le systè me soit à la fois mental et physique, mais il ne faut pas oublier que les singes, nos ancê tres, ont appris à marcher sur deux pattes comme nous avons appris à monter sur une bicyclette et qu’avant les singes il y a eu des ê tre qui ont appris à systé matiser les mouvements d’un mê me cô té du corps et qui ont inventé le cô té droit et le cô té gauche. Cette fonction, trè s ancienne, a ses centres bien organisé s, mais cela ne l’empê che pas d’ê tre une fonction, c’est-à -dire un systè me complet de sensations et d’images.

 

Eh bien, de mê me que l’hysté rique peut perdre dans le somnambulisme un petit systè me de pensé es qui s’é mancipe, ce qui amè ne deux symptô mes, l’agitation somnambulique et l’amné sie, de mê me cette malade peut perdre de la mê me maniè re, par dissociation, un grand et vieux systè me de sensations et d’images, celui du cô té droit ou celui des deux jambes. Cette dissociation se manifestera encore par deux grands symptô mes: 1° les agitations motrices involontaires que nous avons é tudié es dans notre pré cé dente leç on sous forme de choré es et de tics plus ou moins é tendus et, 2° les paralysies hysté riques. Je n’insiste pas sur les dé tails de ces phé nomè nes, sur les divers degré s de ces paralysies. Je ne cherche pas non plus par quel mé canisme cette dissociation, au moins apparente, se produit, il suffit de constater ici les caractè res essentiels de ces accidents.

 

 

5. - Les caractè res psycho-physiologiques
des contractures hysté riques

 

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Les contractures hysté riques se rapprochent beaucoup des paralysies pré cé dentes, et il suffit de ré sumer briè vement un certain nombre de symptô mes qui sont communs à ces deux phé nomè nes.

 

Ces contractures ne peuvent ê tre rattaché es à une lé sion pé riphé rique des muscles ou nerf, d’abord parce que beaucoup de phé nomè nes psychologiques pré sident, comme on l’a vu, à leur é volution, et surtout parce qu’elles pré sentent toujours une remarquable systé matisation. D’une maniè re gé né rale, on n’observe jamais de contracture hysté rique sié geant exactement sur un seul muscle, ni sur tous les muscles innervé s par un seul nerf. Dans quelques cas particuliers, on rencontrera peut-ê tre quelques difficulté s, car, au moment de la gué rison, quelques contractures semblent persister isolé ment sur certains muscles, mais je crois le fait exceptionnel, et, en gé né ral, la contracture, comme la paralysie, porte sur des systè mes de muscles en rapport avec des idé es et des fonctions.

 

En second lieu, ces membres contracturé s ne pré sentent pas les modifications organiques qui dé pendent des lé sions de la moelle ou de l’encé phale. Les muscles atteints par la contracture ne se modifient pas, ils ne s’atrophient pas, et ce n’est qu’aprè s de longues anné es que l’on peut observer des ré tractions tendineuses en rapport avec l’immo­bilité. Les ré flexes ne sont pas modifié s et l’on ne constate point de tré pidation é pileptoï de comme dans les contractures dites organiques.

 

Un certain nombre de phé nomè nes analogues à ceux que nous avons é tudié s à propos des paralysies nous montrent é galement qu’il s’agit ici de phé nomè nes essentiellement psychologiques.  Il suffit de rappeler les é motions qui jouent un rô le au dé but et à la fin de la maladie, les idé es fixes qui accompagnent souvent ces contractures et qui, dans bien des cas, ont un rapport trè s é troit avec l’attitude mê me du membre. Je n’ajoute qu’un exemple à tous ceux qui ont dé jà é té cité s: un jeune homme de dix-huit ans est tourmenté trè s souvent par l’idé e fixe de s’enfuir et de voyager dans des pays merveilleux; à plusieurs reprises, cette idé e fixe a dé terminé des fugues trè s remarquables de plusieurs semaines de duré e, suivies d’amné sie et analogues à de vé ritables somnambulismes. Dans l’intervalle de ces fugues, le malade rê ve pendant son sommeil à ces beaux voyages, et, à un moment, ses jambes remuent ré guliè rement l’une aprè s l’autre, comme s’il marchait dans son lit; ce sont des phé nomè nes de choré e rythmé e dont nous avons dé jà é tudié les caractè res. On n’hé sitera pas à admettre que l’idé e fixe du voyage joue un rô le dans ces choré es rythmé es comme dans les fugues. Eh bien, de temps en temps, les jambes s’immobilisent dans la position de la marche, et quand le jeune homme se ré veille, il ne peut plus les faire bouger, car elles sont contracturé es dans cette position: il est bien probable que l’idé e fixe intervenue dans les deux phé nomè nes pré cé dents joue é galement un rô le dans celui-ci. De mê me que l’on voit ici la relation de la contracture avec la choré e rythmé e, d’autres exemples nous montrent la relation des contractures avec les attitudes cataleptiques, que nous avons é tudié es à propos des idé es fixes de forme somnambulique et qui, elles aussi, dé pendent de certaines idé es fixes. Une femme dans un é tat somnambulique de ce genre, dé terminé par une é motion, se figure ê tre poursuivie par un individu qui vient derriè re elle du cô té gauche. Dans son rê ve, elle tourne la tê te de ce cô té et regarde constamment en arriè re avec terreur. Au ré veil, elle a la tê te et les yeux tourné s à gauche et en arriè re et ne peut plus modifier cette position, quoiqu’elle ne comprenne plus maintenant quelle est l’idé e qui lui fait ainsi tourner la tê te.



  

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