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DEUXIÈME PARTIE 8 страница



 

le second caractè re du tic, c’est que le tic est un acte inopportun, intempestif : « Le tic, disait Charcot, n’est que la caricature d’un acte…, le mouvement n’est pas absurde en soi, il est absurde, illogique, parce qu’il s’opè re hors de propos, sans motif apparent ». J’ajouterai dans le mê me sens que, si le tic est un acte, il ne faut cependant pas oublier que c’est un acte sté rile, qui ne produit rien. Il est é vident qu’il ne produit rien d’utile, mais je crois que l’on peut aussi dire, dans le plus grand nombre des cas, qu’il n’est mê me pas capable de faire du mal. Ce qui nuit au sujet, c’est le fait d’ê tre un tiqueur, c’est l’ensemble des phé nomè nes, des troubles qui accompagnent le tic. Mais l’acte lui-mê me qui est le tic, les mouvement de la tê te, le clignement des yeux ne font pas grand mal. Cette inefficacité du tic est inté ressante, elle est à rapprocher de l’inutilité complè te des manies mentales et se rattache au trouble gé né ral de la volonté chez ces malades.

 

Ce qui est, en effet, essentiel dans le tic, c’est l’é tat mental qui dé termine la production intempestive de cette caricature d’action. Le malade que nous considé rons est parfaitement conscient de ce qu’il fait, il sait qu’il ferme les yeux, qu’il tourne la tê te, et, quoiqu’il pré tende souvent le contraire, ce sont des ré flexions, des opé rations psychologiques plus ou moins rapides qui dé terminent cette conduite absurde. En ré alité, ce sont ces opé rations mentales qui ont amené l’habitude du tic et qui en constituent la partie essentielle. Dans bien des cas, elles se rapprochent é troitement des manies mentales que nous avons dé jà eu l’occasion de signifier à propos des doutes. Un premier groupe de tics se rattache à des manies de perfectionnement, comparables aux manies de l’au delà, que nous avons vues à propos du doute. Le sujet à le sentiment que son action est insuffisante, incomplè te, qu’il faut y ajouter quelque chose et ce sont des manies de pré cision, de vé rification qui dé terminent bien des tics: l’un secoue sa tê te pour vé rifier si son chapeau est bien en place ou tout simplement pour savoir si sa tê te mê me n’est pas trop vide ou trop lé gè re, ou trop lourde, ou n’importe quoi. Bien des femmes ont commencé à dé tourner les yeux de cô té pour se voir rapidement dans les glaces, d’autres se tâ tent rapidement la poitrine, le corps, pour vé rifier si elles n’ont pas engraissé; une jeune fille de seize ans se touche à chaque instant l’oreille et frappe trois petits coups sur sa tê te « pour ê tre sû re que la boucle d’oreilles est bien attaché e et qu’elle ne tombe pas ». Peu à peu elle a ré duit son mouvement, et, quoique maintenant elle lè ve rapidement l’index, ce geste a la mê me signification. La manie de la symé trie amè ne des tics de la marche, comme chez la malade d’Azam qui saute d’une pierre sur l’autre pour procurer à se deux pieds des sensations analogues. Bien des tics sont dé terminé s par la manie du symbole, par le manie qu’ont ces malades de donner une signification à une foule de petites choses, en particulier à des petits mouvements. Pour l’une, fermer le poing, c’est comme si elle disait: « Je ne crois pas en Dieu »; pour l’autre, se retourner à demi dans la rue repré sente l’idé e de la religion: « C’est comme si, en traversant une é glise, on se retournait devant le tabernacle. Aussi, à chaque instant, celle-là ferme et ouvre le poing ou bien celle-ci pivote sur les talons.

 

Ceux qui ont le sentiment de se croire poussé s à des crimes ont en grand nombre des manies de la tentation ou de l’impulsion. Leur bras commence à chaque instant des petits mouvements pour frapper, pour piquer, pour toucher une partie du corps; on prend souvent ces actes pour des commencements d’exé cution involontaire et le sujet lui-mê me les montre comme des preuves de la gravité de son impulsion. Rien de tout cela n’est exact: ce ne sont pas des actes involontaires, mais des petites actions que le sujet fait volontairement, pour obé ir à sa manie de rechercher son impulsion et de la vé rifier. Il en est à peu prè s de mê me dans ce qu’on peut appeler les tics de contraste : beaucoup de ces malades, au moment de faire un acte avec attention, pensent aux opé rations tout à fait opposé es qu’ils redoutent et cette pensé e leur donne l’idé e de faire ou de commencer ces actes absolument opposé s. Do…, toutes les fois qu’il s’agit de faire un mouvement dé licat, se sent gê né par l’idé e de faire une maladresse; il croit qu’il va jeter le verre par terre, commettre une incongruité. Son pouce, au lieu de saisir l’objet, se plie fortement dans la paume de la main: il en ré sulte qu’il ne peut plus accomplir aucune action dé licate. Des faits de ce genre jouent un grand rô le, presque toujours mé connu, dans la crampe des é crivains, dans la crampe des violonistes, dans tous ces mouvements spasmodiques qui viennent gê ner les actions que l’on veut faire avec attention. C’est ce que l’on retrouve é galement dans une foule d’action absurdes que l’on observe fré quemment chez les malades: quand ils veulent avoir un aspect grave et sé rieux, ils commencent des é clats de rire ou é bauchent des mouvements de danse; quand ils veulent se montrer trè s aimables envers quelqu’un, ils lui font une grimace et l’appellent à mi-voix « vieux cochon »; quand ils ont trè s peur d’une maladie, ils en prennent l’attitude et en jouent les symptô mes. Ce besoin maladif de pré cision et de contraste se retrouve, comme on le voit, dans un trè s grand nombre de tics.

 

Un autre groupe de tics se rattache à un é tat d’esprit analogue et dé pend de la manie des pré cautions. On sait que la manie de la propreté est l’origine d’une foule d’actions absurdes et de tics plus ou moins complets. Combien de sujets se lavent les mains toutes les cinq minutes ou bien les frottent indé finiment l’une contre l’autre, pour enlever des taches, ou les tiennent droites en l’air, pour qu’elles ne soient pas souillé es. Combien d’autres serrent les dents, toussent, crachent continuellement, pour é viter d’avaler des é pingles, des petites mouches ou des microbes.

 

Le sentiment du mé contentement, qui existe au fond de toutes les manies mentales, dé termine la cé lè bre manie de la ré pé tition. Cette malade se lè ve de sa chaise, puis se rasseoit, puis se relè ve, se rasseoit encore et ainsi indé finiment. Cette autre rouvre et ferme la porte dix fois de suite pour s’assurer qu’elle est bien fermé e, ou va cent fois de suite fermer et ouvrir le bec de gaz. Ce besoin du recommencement, du retour en arriè re peut s’appliquer aux choses les plus invraisemblables et j’ai eu à soigner une femme qui, avant de s’endormir, se relevait de son lit soixante fois de suite pour aller aux cabinets et vé rifier si elle avait bien complè tement uriné. Elle é tait é puisé e de froid et de fatigue avant de pouvoir arrê ter ce manè ge.

 

Souvent les malades ne se bornent pas à ré pé ter l’acte, ils cherchent à le perfectionner, à le rendre plus complet. Ils inventent des trucs, des procé dé s pour mieux faire l’action. On en connaî t qui inventent ainsi des systè mes pour tenir la plume d’une faç on bizarre, pour bien parler, pour bien fumer, pour bien respirer: « En tout j’aspire à l’idé al, je creuse le sujet et je le dissè que à fond ». Aussi ce pauvre homme en vient-il à vouloir avaler une goutte d’eau entre chaque respiration: perpé tuellement, il crache, il rote, il fait des grimaces de la faç on la plus dé goû tante. Beaucoup de bé gaiement, de contorsions de la face, de dé marches bizarres chez les enfants sont des perfectionnements de ce genre.

 

Dans un autre groupe, le phé nomè ne mental qui accompagne le tic est un peu diffé rent, le malade se sent poussé à accomplir le mouvement, non pour faire mieux quelque chose, mais pour compenser quelque chose de fâ cheux, pour se dé fendre contre une influence nuisible. Quand les né cessité s de la politesse ont contraint Jean, bien malgré lui, à toucher la main d’une femme, il lui faut pour compenser toucher bien vite la main d’un homme. Quand il est entré à l’é glise de la Madeleine (qui porte un nom de femme), il faut qu’il entre au moins un instant dans une autre é glise pour effacer cette impression. Dans les manies de l’expiation, la deuxiè me action qui doit compenser la premiè re a un caractè re dé sagré able, pé nible, elle prend l’apparence d’une punition. « Il faut esquisser le geste de s’agenouiller au milieu du salon, donner un coup de coude dans les meubles en passant pour se punir de mauvaises pensé es ». Une jeune fille, qui trouve obscè ne d’aller aux cabinets, s’oblige à faire des ré vé rences avant d’y entrer. À un degré plus compliqué, ce trouble mental donne naissance à la manie des pactes et des conjurations qui est extrê mement importante et qui trouble la vie de beaucoup de personnes. Elles songent à l’action future et s’engagent d’avance à la ré parer; elles se promettent de subir un châ timent où elles s’imposent mê me le châ timent tout de suite. « Je jure de recommencer ma priè re du matin dix fois, vingt fois, mille fois sinon, je penserai du mal de Dieu devant les é glises ». Une autre croit indispensable de ré pé ter dix fois cette formule: « Non, je ne le ferai pas, arriè re Satan », sinon elle croit que dans la journé e elle vouera ses enfants au diable. Un autre doit faire huit et seize fois une secousse du ventre, sinon il aura une tê te de femme dans l’estomac. Ces malades en arrivent à faire toute la journé e des grimaces, des secousses, des mouvements bizarres, à murmurer constamment des mots absurdes pour s’encourager à une action ou pour s’empê cher d’en faire une autre et pratiquement ils ne parviennent plus à rien faire.

 

Il est important de savoir que chez les psychasté nique, comme chez l’hysté rique, ces mouvements forcé s, ces agitations peuvent grandir et dé terminer des phé nomè nes analogues à la crise d’hysté rie d’un diagnostic souvent difficile. Au premier degré, ce seront des mouvements de marche: le malade ne peut tenir en place, il va et vient dans la chambre indé finiment ou bien il sort et marche devant lui sans pouvoir s’arrê ter. Puis ce seront des manies des efforts: le malade é prouve le besoin de se contorsionner, de contracter ses membres, de faire de grandes inspirations, comme s’il faisait d’é normes efforts pour s’exciter à faire mieux. Au dernier degré, il ne pourra plus ré sister au besoin de se rouler par terre, de se contorsionner de mille maniè res, exactement comme l’hysté rique en crise; mais il y a toujours, à mon avis, une grande diffé rence; c’est qu’il conserve la conscience de sa personnalité beaucoup plus que l’hysté rique. Ces malades é prouvent le besoin de tout renverser, de briser des objets, mais en ré alité ils ne brisent rien qui ait quelque valeur, ils ne se font aucun mal, ils s’arrê tent toujours au point qu’il leur semble né cessaire, ils cessent brusquement quand ils voient entrer une personne à qui ils ne veulent pas se montrer dans cet é tat. Quand la crise est finie, ils en conservent un souvenir complet. En un mot, il n’y a pas chez eux un automatisme vé ritable se dé veloppant à leur insu. L’agitation motrice laisse toujours subsister la conscience personnelle et elle est toujours rattaché e à leur conscience, sinon à leur volonté.

 

3. - Les caractè res des agitations motrices
né vropathiques.

 

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Il est facile de tirer des brè ves observations pré cé dentes les caractè res essentiels de toutes ces agitations motrices chez les né vropathes. Les plus importants, et qu’il faut mette en é vidence tout d’abord, sont des caractè res communs qui appartiennent aux deux groupes de malades que nous avons distingué s. Nous indiquerons ensuite plus briè vement les caractè res propre à chacun de ces groupes et qui doivent au moins pour le moment les distinguer l’un de l’autre.

 

Un fait domine tous ces troubles né vropathiques, et nous l’avons dé jà fait remarquer plusieurs fois chemin faisant. C’est qu’il s’agit de troubles systé matiques portant toujours sur l’ensemble d’une fonction et qu’il ne s’agit jamais de troubles é lé mentaire portant uniquement sur des é lé ments anatomiques de la fonction. Cette distinction est facile à faire quand il s’agit de muscles et de mouvements: une fonction qui se manifeste par des mouvements est toujours un systè me d’opé ra­tions qui met en jeu harmoniquement un ensemble d’organes; la fonction, mê me la plus simple, demande toujours la coordination de plusieurs muscles, de plusieurs nerfs. Jamais elle ne se borne à dé terminer la contraction totale et isolé e d’un seul muscle. Elle exige toujours que des muscles diffé rents et quelquefois é loigné s se contractent ensemble, l’un fortement, l’autre faiblement: c’est ce qu’on appelle l’harmonie, la systé matisation de la fonction. Il en est de mê me pour les nerfs: il est bien rare, sinon impossible, qu’une fonction physiologiquement utile à l’individu s’exerce au moyen d’un seul nerf, faisant contracter au maximum tous les muscles qu’il innerve. Il y a toujours collaboration iné gale de plusieurs nerfs, quelquefois d’origine trè s diffé rente.

 

Les mouvements pathologiques se rangeront donc dans deux classes, suivant qu’ils consistent en une excitation é lé mentaire portant sur tel ou tel organe de la fonction, ou bien qu’ils sont constitué s par une agitation systé matique de la fonction elle-mê me dans son ensemble. Un courant é lectrique appliqué au point d’é lection sur le biceps brachial fera contracter tout ou partie de ce muscle, mais rien de plus. Une irritation portant sur le nerf facial, comme celle que dé crivait M. Brissaud, fera contracter au maximum, sans harmonie, tous les muscles innervé s par le facial, et rien de plus. Ce sont là des troubles du mouvement d’ordre é lé mentaire que l’on peut au moins, par convention, appeler des troubles anatomiques, parce qu’ils ne sont dé terminé s que par la forme anatomique du muscle et du nerf et par la place de la lé sion. À cô té il y aura de tout autres troubles du mouvement qui portent sur la fonction dans son ensemble, telle qu’elle est donné e, avec sa complexité d’organe. Ce seront des troubles fonctionnels physiologiques et trè s souvent psychologiques.

 

Or, les agitations motrices des né vropathes rentrent toujours sans exception dans la seconde caté gorie et jamais dans la premiè re. Une secousse isolé e d’un muscle ou d’un fragment de muscle ne sera jamais une agitation motrice né vropathique; il faudra lui chercher une autre interpré tation. Un spasme limité au domaine d’un seul nerf ne sera presque jamais un phé nomè ne né vropathique. Je laisse ici de cô té les difficulté s cliniques qui peuvent surgir à la suite de la ré duction, de la simplification de tics autrefois complexes. C’est là un point auquel il faut toujours songer quand on é tudie les spasmes de la faces, en particulier le tic douloureux si souvent en rapport avec des lé sions de l’oreille ou des lé sions encé phaliques. Pour qu’il y ait né vropathie, il faut qu’il y ait mouvement systé matisé ayant une signification, rappelant une fonction. C’est là un caractè re sur lequel j’ai insisté de mille maniè res depuis vingt ans.

 

Ré cemment, M. Babinski a repris la mê me pensé e, mais il l’a exprimé e un peu diffé remment, d’une maniè re qui n’est pas sans inté rê t. Pour qu’un mouvement pathologique soit né vropathique, il faut, disait-il, qu’il ne soit ni paradoxal, ni dé formant. C’est là une expression ingé nieuse: les mouvements auxquels nous sommes habitué s, qui dé pendent des fonctions systé matiques, dé terminent sans doute des changements de la forme exté rieure du visage ou des membres; mais ces changements sont à nos yeux harmonieux, car ils se composent de modifications diverses toujours associé es entre elles. Par exemple, l’é lé vation des yeux et des paupiè res est accompagné e ré guliè rement par un plissement du front; c’est là un ensemble harmonieux. Un mouvement sera paradoxal et dé formant quand il dé truira cette harmonie à laquelle nous sommes habitué s. Par exemple, une é lé vation du front et du sourcil, avec fermeture de l’œ il, est un paradoxe et une dé formation. Les agitations motrices des né vropathes ne ré alisent jamais une dé formation de ce genre. C’est une autre maniè re de dire ce que nous ré pé tions si souvent, que ces agitations sont systé matiques et fonctionnelles.

 

M. Babinski ajoute une autre remarque qui est inté ressante, mais à laquelle nous adhé rons moins complè tement. Les secousses isolé es et paradoxales de tel ou tel muscle dé pendent d’une irritation anormale d’un point de l’arc ré flexe et ne se produisent pas chez l’homme qui se porte bien et qui n’a aucune lé sion sur cet arc. La volonté ne peut agir que sur les fonctions systé matiques et ne peut pas descendre jusque dans leurs é lé ments. La volonté d’un homme normal ne pourra pas dé terminer ces dé formations paradoxales. Par exemple, nous pouvons plier le bras en faisant agir un systè me de muscles, comme le biceps et le long supinateur; mais jamais nous ne pourrons faire contracter le biceps tout seul. Il en ré sulte que des contractions né vropathiques pourront ê tre copié es par la volonté, et que de vrais spasmes organiques ne le pourront pas.

 

Il y aurait là un caractè re distinctif des agitations né vropathiques. Cette remarque est en partie exacte: il n’est pas facile de reproduire sur soi-mê me par la volonté un spasme dé terminé pour une lé sion localisé e et il semble plus facile de simuler une agitation né vropathique au moins pendant un moment. Cela peut, dans certains cas, diriger l’interpré tation d’un symptô me douteux. Mais je ne crois pas que l’on puisse aller plus loin. D’abord les limites du pouvoir de la volonté sont difficiles à dé terminer; on peut, par l’exercice, arriver à des ré sultats surprenants, dissocier des fonctions existantes et en cré er d’autres et il n’est pas certain qu’un individu sain pris à l’improviste puisse immé diatement reproduire un tic que le sujet travaille depuis dix ans. J’ai dé crit une femme qui dans ses tics « avalait son ventre », le faisait rentrer complè tement sous les cô tes puis ressortir, ce que nous ne pouvons pas faire. D’autre part, ce qui constitue le caractè re pathologique de ces phé nomè nes, c’est leur duré e et c’est l’é tat mental qui les accompagne, or ni l’un ni l’autre ne se retrouvent dans les reproductions volontaires. Il ne faudrait pas conclure de cette remarque superficielle que tous ces phé nomè nes sont caracté risé s par la possibilité de la simulation. Cela nous amè nerait à une interpré tation absolument fausse des troubles né vropathiques et des maladies mentales.

 

En second lieu, ce trouble systé matique n’a pas la permanence et l’invariabilité des accidents organiques, il apparaî t et disparaî t capricieusement, il augmente ou il diminue quand l’é tat de l’individu est modifié par le sommeil, les attaques nerveuses, les somnambulismes ou simplement par les é motions, les distractions, les efforts d’atten­tion. Le plus souvent, par exemple, les choré es et les tics disparaissent pendant le sommeil. Mais ce n’est pas une loi absolue: beaucoup de né vropathes dorment mal et n’ont pas de sommeil normal. Leur sommeil peut se rapprocher de certains é tats somnambuliques et des choré es ou des tics peuvent ê tre augmenté es ou mê me se dé velopper uniquement pendant ces é tats. Il suffit de constater que ces divers é tats modifient les agitations né vropathiques dans l’un ou l’autre sens.

 

Enfin, un caractè re essentiel consiste dans l’association trè s é troite de ces accidents avec des phé nomè nes psychologiques : tandis que dans les spasmes organiques on ne peut constater aucune modification mentale, ni au dé but, ni dans l’é volution de l’accident, on en constate toujours de trè s importantes dans ces accidents né vropathiques. D’abord il est facile de remarquer qu’il y a toujours au dé but des phé nomè nes moraux; un simple choc ne suffit pas, il faut qu’il y ait des é motions et des perturbations morales varié es. Tous les malades que nous avons cité s ont eu des modifications psychologiques de ce genre au dé but de toutes leurs agitations. L’un a eu un accident à la face ou à l’œ il; l’autre a longtemps é prouvé une souffrance dans les dents qui l’effrayait; l’homme qui soufflait toujours par une narine a eu pendant longtemps une croû te dans le nez, à la suite d’un saignement de nez, et s’en est beaucoup pré occupé. Tous les malades qui ont eu des torticolis mentaux ont eu quelque impression morale relative à un mouvement de la tê te. Une de jeunes filles que j’ai cité es s’ennuyait fort au logis; elle travaillait tout le jour à cô té d’une fenê tre donnant sur la rue. Son dé sir le plus vif é tait de quitter son travail monotone et d’aller dans la rue qu’elle regardait constamment. Sans cesse elle levait les yeux de son travail et tournait la tê te à gauche pour voir ce qui ce passait dans la rue. Peu à peu elle sentit que sa tê te tournait constamment à gauche, et pré tendit mê me avoir un chapeau trop lourd de ce cô té. Un diagnostic absurde, l’application d’un appareil plâ tré sur le cou, ont singuliè rement aggravé les choses, et elle a eu longtemps le tic de tourner fortement le cou du cô té gauche.

 

Ces idé es, ces phé nomè nes mentaux plus ou moins nets qui ont existé au dé but persistent encore pendant tout le dé veloppement du tic ou de la choré e. Revenons sur une histoire singuliè re que j’ai souvent raconté e. Voici comment avait commencé la choré e rythmé e de cette jeune fille de seize ans qui tournait sans cesse son poignet droit, soulevait et abaissait ré guliè rement son pied droit. Un soir, la veille du terme, elle avait entendu ses parents, pauvres ouvriers, gé mir sur leur misè re et sur la difficulté de payer le proprié taire. Elle fut trè s é motionné e et eut depuis des sortes de somnambulismes la nuit, pendant lesquels elle s’agitait dans son lit et ré pé tait tout haut: « Il faut travailler! Il faut travailler! » Or, quel é tait le travail de cette jeune fille? Elle avait un mé tier qui consistait à fabriquer des yeux de poupé es, et pour cela elle actionnait un tour en faisant manœ uvrer une pé dale avec son pied et en tournant un volant avec la main droite. Pendant son somnambulisme nocturne elle faisait ce mouvement de la main et du pied, mais ce mouvement s’accompagnait é videmment d’un é tat de conscience correspondant, puisqu’elle ré pé tait tout haut: « Il faut travailler! » C’é tait là une action somnambulique simple, comme toutes celles que nous avons é tudié es. Ré veillé e, elle n’a plus ni souvenir ni conscience de son rê ve, mais le mouvement continue du cô té droit exactement de mê me. N’est-il pas vraisemblable qu’il est encore accompagné par un é tat de conscience du mê me genre. D’ailleurs l’existence de cet é tat de conscience peut ê tre mis en é vidence par plusieurs expé riences.

 

Tous ces caractè res permettent de distinguer assez nettement ces agitations né vropathiques des troubles organiques avec lesquels on pourrait les confondre. Il serait peut-ê tre bon de ré server pour ces derniers le mot « convulsions » et de se rappeler qu’il n’y a pas de vé ritables convulsions chez les né vropathes, mais uniquement des agitations.

 

En ré sulte-t-il que toutes ces agitations né vropathiques soient exactement les mê mes et qu’il faille les soumettre toute à la mê me interpré tation et au mê me traitement? C’est là, à mon avis, une analyse clinique trop grossiè re. Sans doute, au point de vue exté rieur, il n’y a pas grande diffé rence; tout au plus, dans certains cas, peut-on remarquer que le rythme est beaucoup plus ré gulier dans l’hysté rie, mais cela n’est pas facile à vé rifier sans inscription du mouvement, et cela ne s’applique qu’à un petit nombre d’accidents. Exté rieurement, il n’est pas facile de distinguer une vé ritable crise d’hysté rie de l’agitation d’un psychasté nique qui se roule par terre.

 

Mais nous venons de voir que ces phé nomè nes fonctionnels sont en mê me temps des phé nomè nes mentaux. C’est dans ce trouble mental que se trouvent les traits essentiels, et il ne semble pas du tout certain qu’ils soient les mê mes dans tous les cas. Sans doute ces traits varient d’une maniè re continue et on trouvera tous les intermé diaires possibles entre les deux types que je dé cris, mais il n’en est pas moins vrai que ces malades semblent se dirige vers deux types diffé rents qu’ils ré alisent plus ou moins complè tement. Si nous considé rons les sujets que nous avons dé crits comme des hysté riques, nous pouvons remarquer tout d’abord que dans bien des cas ils ont peu de connaissance, peu de souvenirs de ces agitations motrices, qui ont é té trè s violentes. Ils se sont contorsionné s de mille maniè re; ils ont fait des mouvements, des salutations, des secousses des membres pendant des heures, et quand ils se calment, ils ne se doutent guè re de tout cela; ils n’en ont qu’une idé e fort vague. Quelques-uns dans les cas typique, croient avoir dormi tranquillement. Il n’en est pas du tout de mê me chez les malades second type, chez les psychasté niques, qui se souviennent de toutes leurs contorsions et peuvent les dé crire minutieusement. Cette amné sie, qui existe trè s souvent dans l’hysté rie, correspond à un trouble de la conscience et de l’attention qui existe pendant les accidents eux-mê mes. Quelques-uns de ces malades semblent avoir perdu conscience; ils ont l’air de ne rien entendre et de ne rien comprendre. Nous savons que c’est exagé ré et qu’ils ont toujours conservé une certaine conscience, mais il semble bien que ce ne soit pas la mê me que pendant l’é tat de veille. Pendant qu’ils font leurs contorsions, ils n’ont plus les mê mes pudeurs, les mê mes pré cautions, la mê me conduite que pendant leur é tat normal. Une grande crise de contorsions hysté riques ne s’arrê te pas quand un té moins entre, n’est pas modifié e trè s facilement par les paroles de l’entourage, sauf dans des cas exceptionnels qui se rattachent à d’autre lois. Au contraire, le psychasté nique qui a ses tics, ou mê me ses agitations, reste le mê me homme; il continue à parler, à se souvenir, à vous reconnaî tre. Il s’arrê te quand il le faut, il prend des pré cautions pour ne pas ê tre trop ridicule, il n’a pas du tout cet é tat d’obnubilation qui caracté rise l’agitation hysté rique.



  

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