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DEUXIÈME PARTIE 5 страница



 

Il est facile de comprendre les raisons qui dé terminent ce travail et ces manies. Il est é vident que les mauvaises habitudes y jouent peu à peu un grand rô le; mais il n’en est pas moins vrai qu’il y a au dé but une raison qui pousse le sujet à ces recherches bizarres. Il s’agit à mon avis, de sentiments particuliers que le sujets é prouve à propos des opé rations intellectuelles qui viennent de s’accomplir. J’ai é té amené à dé signer ces sentiments par un barbarisme que je prie le lecteur d’excuser, car il m’a paru faire image et dé signer bien le fait essentiel dont tous ces sujets se plaignent, le caractè re inachevé, insuffisant, incomplet qu’ils attribuent à tous leurs phé nomè nes psychologiques, je les ai appelé s des sentiments d’incomplé tude [14]. Quand ce sentiment porte sur les opé rations intellectuelles, les malades sentent d’abord que le travail de l’esprit leur est difficile, presque impossible; ils ont le sentiment de l’insuffisance de leur attention, de son instabilité; ils se figurent qu’ils ne comprennent rien, que leurs idé es sont trè s nombreuses, embrouillé es, incoordonné es, et surtout ils ont un sentiment qui domine tous les autres, le sentiment du doute. Au dé but de leur maladie, ils commencent par douter des choses qui sont é videmment les plus obscures et qu’ils comprennent le moins, c’est-à -dire des choses religieuses: « Quand j’ai commencé à ê tre malade, j’ai perdu la foi de mon enfance et je ne savais pas pour quelle raison je ne croyais plus. C’é tait un dé faut de confiance, quelque chose qui s’é vanouissait en moi, comme une lumiè re qui s’é loignait ». Il est curieux de remarquer que cet affaiblissement de la foi n’est pas causé par des lectures, des discussions, ne dé pend pas d’arguments; c’est une vieille erreur que de se figurer la croyance des arguments. La foi se perd chez ces malades en vertu du mê me mé canisme qui va troubler les actions et les perceptions, quoique l’intelligence proprement dite reste intacte. Quand la maladie s’aggrave, le doute commence à porter sur des choses qui, d’ordinaire sont crues plus facilement. Les malades perdent confiance dans les personnes environnantes: à toute autorité, ils opposent le dé sir d’une autorité plus grande. Si le mé decin leur parle, ils voudraient le prê tre, et, si c’est le prê te, ils lui reprochent de ne pas ê tre archevê que ou pape: « Et encore si le pape me parlait, je ne le croirait pas, car il se pourrait qu’il m’ait mal comprise et que sa parole infaillible ne s’applique pas à la question. » Un degré de plus et les malades vont douter de leur propre avenir ou de leur propre passé. L’absence d’espoir, l’avenir sombre comme un trou noir accompagne chez eux le doute du passé et le besoin de vé rifier tous leurs souvenirs. Ce sont ces sentiments trè s pé nibles qui dé terminent, si je ne me trompe, des agitations mentales et toutes les manies de recherches que nous avons rattaché es au doute des psychasté niques.

 

Ce sentiment de doute joue un rô le si considé rable dans cette maladie, qu’elle avait mê me é té baptisé e autrefois la folie du doute. Il me semble que ce caractè re correspond assez bien à l’amné sie que nous venons d’observer chez l’hysté rique. Pour justifier cette comparaison, il nous reste à voir les caractè res des deux phé nomè nes et à montrer qu’ils sont trè s voisins l’un de l’autre.


 

 

3. ¾ Les caractè res psychologiques
des amné sies et des doutes.

 

 

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Au premier abord, on peut ê tre surpris du rapprochement de ces deux phé nomè nes, car des oublis nets semblent quelque chose de bien diffé rent d’un doute. Dans ce dernier fait les opé rations psychologiques sont simplement incomplè tes, inachevé es, tandis que dans l’amné sie le phé nomè ne psychologique semble tout à fait supprimé. Cette remarque serait peut-ê tre juste pour les amné sies dé finitives de certains dé ments, elle n’est pas juste, à mon avis, pour les amné sies hysté riques que nous considé rons ici, et il me semble facile de montrer que l’amné sie, dans ce cas, n’est pas plus que le doute une destruction du fait psychologique, mais qu’elle est simplement, comme lui, une imperfection de ce phé nomè ne.

 

Remarquons d’abord que, dans tous ces cas où nous avons constaté des amné sies, les condition ordinaires pour l’acquisition et la fixation des souvenirs se trouvaient ré alisé s d’une maniè re normale. Le sujet a vu ces choses qu’il pré tend avoir oublié es; il les a bien perç ues et, au moment où elles sont survenues, il paraissait les comprendre comme à l’ordinaire. Il n’é tait ni imbé cile ni dé ment; il pré sentait l’intelligence ordinaire qui, autrefois, lui suffisait parfaitement pour conserver les souvenirs. Et cependant, dans le cas pré sent, il semble n’avoir conservé du fait aucune impression. Est-ce bien vrai? Est-ce que l’amné sie hysté rique est une vé ritable suppression du souvenir qui aurait dû normalement se former? Pour soutenir cela il faudrait pouvoir dé montrer que ce souvenir ne ré apparaî t jamais à aucun moment de la vie. Dans certains cas d’amné sie il en est ainsi; des oublis dé terminé s par l’hé morragie cé ré brale, par les maladies infectieuses, sont dé finitifs. Ici il en est tout autrement et il y a une foule de circonstances dans lesquelles on peut constater trè s aisé ment la pré sence ré elle de ces souvenirs en apparence disparus. Nous l’avons dé jà constaté dans notre premiè re é tude sur les idé es fixes à forme somnambulique: le sujet, disions-nous, au ré veil de sa crise, a tout à fait oublié qu’il vient de se promener sur les toits en arrachant son enfant aux mains de sa belle-mè re, ou qu’il a essayé de se tuer en se mettant sous un train. Mais dè s que la crise recommence, ce qui ne va pas tarder, il se souvient si bien de ces histoires qu’il les recommence en reproduisant exactement les mê mes gestes et les mê mes mots. Un grand nombre de faits qui paraissent oublié s ré apparaissaient ainsi dans les crises dé lirantes. Un jeune homme qui avait des impulsions au vol cherchait dé sespé ré ment, aprè s sa crise, où il avait bien pu cacher les objets volé s. Il ne pouvait pas les retrouver, mais à la prochaine crise il allait tout droit à la cachette. Cette ré apparition du souvenir est quelquefois bien curieuse par sa pré cision. Quelques malades se ré veillent subitement au milieu d’une phrase et dans la crise suivante, huit jours aprè s, ils reprennent au mot interrompu.

 

On pourrait faire la mê me remarque à propos des idé es fixes de forme mé dianimique et des é critures automatiques, dans lesquelles se manifeste un grand nombre de souvenir en apparence perdus. Dans d’autres cas ces souvenirs ré apparaissent dans des é tats artificiellement provoqué s, comme les é tats hypnotiques. C’est mê me au moyen de ces é tats que l’on peut atteindre les idé es fixes de forme somnambulique et les modifier. Quelquefois le rê ve du sommeil normal suffit pour provoquer la ré apparition de ces souvenirs. Le fait é tait bien manifeste chez Mme D…, cette femme dont l’amné sie continue é tait si remarquable. Lorsqu’elle é tait é veillé e, elle n’avait aucun souvenir de la blessure de sa main mordue par un chien et cauté risé e, de sa pré sentation dans les hô pitaux, et se croyait toujours à C…, trois mois auparavant; mais la nuit elle avait un sommeil agité et ses voisines l’entendaient parler du vilain chien jaune et des mé decins en tablier blanc. Quelquefois les souvenirs qui se sont manifesté s en rê ve sont à peu prè s conservé s quand le sujet se ré veille, et le rê ve sert en quelque sorte d’intermé diaire entre le somnambulisme et la veille. Dans d’au­tres cas, le souvenir a complè tement disparu au ré veil et l’amné sie n’a é té interrompue qu’un instant pendant le sommeil.

 

Il n’est pas toujours né cessaire que le sujet retombe dans des é tats anormaux comme ces crises d’idé es fixes ou ces somnambulismes: le souvenir qui semblait perdu peut ré apparaî tre pendant la veille la plus normale. On observe d’abord le fait dans une circonstance trè s simple, quand la maladie hysté rique gué rit. Les amné sies ré trogrades, par exemple, ne durent qu’un certain temps; peu à peu on voit ré apparaî tre les souvenirs, en commenç ant par les plus anciens. Comme je l’ai souvent ré pé té, l’oubli consé cutif aux crises, aux somnambulismes, aux hypnotismes, est un signe de maladie hysté rique. Il disparaî t quand le sujet est gué ri et celui-ci s’é tonne alors de n’avoir pu raconter ce qui se passait pendant ses crises. Cette observation clinique, mal connue, explique bien des faits qu’on a considé ré s comme é tranges: des hysté riques, en devenant â gé es, s’accusent souvent d’avoir simulé dans leur jeunesse les phé nomè nes du somnambulisme. Il y eut à ce propos une histoire amusante, à l’é poque des grandes querelles soulevé es par le magné tisme animal. Une femme nommé Pé tronille avait é té trè s souvent pré senté e comme un type de somnambulisme et on avait dé montré sur elle l’amné sie qui suit le somnambulisme. Malheureusement Pé tronille, devenue â gé e, se mit à raconter tout ce qu’on lui avait fait dans les anciennes sé ances de somnambulisme. Les adversaires de ces é tudes s’emparè rent du fait et l’on put voir dans les journaux de l’é poque des avertissements ironiques adressé s aux magné tiseurs et finissant par ces mots: « Cave Pé tronille ». Il s’est passé tout ré cemment un fait du mê me genre. Les Misses Fox ont joué, comme on sait, un trè s grand rô le dans l’histoire du spiritisme, en 1850; elles ont pendant longtemps attribué aux esprits leurs mouvements subconscients et leur é criture automatique. Il y a quelques anné es, l’une d’entre elles, trè s â gé e, a envoyé à des journaux une pitoyable ré tractation, disant qu’elle se souvenait maintenant d’avoir fait elle-mê me tous ces mouvements. Eh bien, ces confessions et ces ré tractations ne nous é meuvent pas, nous les avons constaté es bien plus rapidement, aprè s quelques mois seulement, quand les hysté riques gué rissaient. Elles signifient simplement que, chez les hysté riques â gé es, les amné sies de la pé riode hé roï que de leur vie ne subsistent pas.

 

Sans attendre aussi longtemps, nous pouvons mê me, dans le cours de la maladie, faire ré apparaî tre ces souvenirs; il suffit quelquefois de commander au sujet de se souvenir; mieux encore, il suffit de diriger ses efforts d’attention sur les souvenirs effacé s. J’ai fait subir toute une é ducation à la malade dont nous venons de parler, Irè ne, pour lui faire retrouver consciemment, pendant la veille, le souvenir de la mort de sa mè re, et j’y suis parvenu aprè s quelques semaines d’efforts. Cette restauration des souvenirs a mê me eu comme consé quence la suppression des crises. Il suffit quelquefois que le malade soit appelé à faire attention, par quelque circonstance accidentelle, pour qu’il puisse lui-mê me gué rir son amné sie. Un malade fort curieux. P.., avait oublié toute une semaine pendant laquelle, en proie à une idé e fixe, il s’é tait sauvé loin de chez lui. Il ne savait aucunement ce qui s’é tait passé et il resta plus d’un mois sans pouvoir se souvenir de rien. Un jour, il trouva dans la poche d’un vê tement un petit papier contenant quelques mots de recommandation pour une maison charitable, papier qu’il avait reç u pendant sa crise dé lirante. Il en fut trè s intrigué et il passa toute une nuit à rechercher ce que ce papier pouvait bien signifier, comment il l’avait eu entre les mains. Le lendemain il é tait é puisé de fatigue, mais il vint nous raconter tout ce qui s’é tait passé pendant les dix jours oublié s. Ces observations et ces expé riences pourraient ê tre indé finiment multiplié es; c’est un des points qui a é té le plus é tudié par la psychologie expé rimentale. Ce que nous venons de dire suffit pour montrer que ces souvenirs ne sont pas du tout supprimé s, qu’ils existent parfaitement dans la conscience et dans le cerveau du sujet.

 

D’autres expé rience du mê me genre pourraient nous prouver que ces souvenirs existent mê me au moment où le sujet dé clare qu’il ne les connaî t pas. On peut constater des actes accomplis par distraction, des mouvements involontaires qui prouvent parfaitement leur existence. Mme  D… semblait oublier tous les é vé nements au fur et à mesure de leur production, par consé quent elle ne connaissait personne dans l’hô pital et semblait toujours ê tre mise en pré sence d’un é tranger quand on la pré sentait à une personne qu’elle avait vue vingt fois. Cependant, si on la laissait seule au milieu de la cour, elle allait toujours s’asseoir sur le mê me banc, auprè s des deux mê mes malades, ses voisines. Quand un sujet pré sente de l’é criture automatique, sa main é crit les é vé nements qu’on lui demande, tandis que sa bouche dé clare les ignorer absolument.

 

De ces é tudes, bien des auteurs tireront une conclusion radicale: c’est que c’est là une amné sie absurde et qu’elle n’existe pas. Il est ridicule de supprimer les phé nomè nes simplement parce qu’on ne les comprend pas. Sans doute c’est là une amné sie bizarre, c’est pour cela que nous la dé clarons diffé rente des autres. Sans doute elle se modifie é tonnamment dans une foule de circonstances; c’est pour cela que nous devons é tudier ces circonstances, et comprendre leur rô le. Mais cela ne supprime pas le symptô me pathologique lui-mê me, qui n’en est pas moins trè s grave, trè s pé nible, et qui peut troubler des malades pendant des anné es.

 

Je ne crois pas non plus que ces amné sies puissent s’expliquer rapidement par l’imitation ou la suggestion. Sans aucun doute il y a des idé es fixes en mê me temps que l’amné sie; j’ai mê me soutenu que ces deux phé nomè nes é taient presque toujours insé parables, mais ces idé es fixes ne portent aucunement sur l’amné sie elle-mê me et sur ses caractè res. Les idé es fixes de ces malades portent sur des é vé nements de leur vie, sur des dé sirs ou des rê ves, et point du tout sur le fait d’oublier telle ou telle chose. Bien au contraire, le sujet pré occupé par son chagrin serait plutô t disposé à croire qu’il ne doit jamais l’oublier, et cependant on observe de tels oublis dans tous les temps et dans tous les pays.

 

Cette amné sie est un vé ritable trouble dans l’é volution des idé es : elles ne sont pas dé truites, elles sont correctement formé es, mais il leur manque quelque chose; elles restent isolé es; elles ne peuvent ê tre é voqué es que par elles-mê mes; elles ne sont pas suffisamment rattaché es à l’ensemble des autres phé nomè nes conscients. Il y a là un manque d’unité et de synthè se qui semble ê tre un dé faut d’achè ve­ment dans la formation d’idé es suffisantes à d’autres points de vues.

 

Nous parvenons à une conclusion semblable lorsque nous considé rons les doutes du psychasthé nique. Ici encore les idé es et les souvenirs sur lesquels portent ces doutent sont loin d’avoir disparu. En ré alité, le souvenir existe trè s bien, et quand nous vé rifions l’é tat de la mé moire proprement dite, nous la trouvons trè s suffisante. Ici encore, la conviction qui semblait disparue peut ré apparaî tre; il y a des moments où le psychasté nique retrouve la certitude de ses souvenirs, comme il y a des moments où l’hysté rique retrouve la conscience des siens. Le malade est le premier à nous dire de temps en temps: « Je sais parfaitement bien que je n’ai pas commis de crime et je constate que je me souviens trè s nettement de la figure de mon pè re ». Dans les pé riodes où le doute revient, l’idé e subit simplement une diminution, elle perd quelques-uns des attributs qui caracté risent les idé es parfaitement dé veloppé es. Le souvenir de ces idé es, qui existe en fait dans l’esprit, n’entraî ne pas avec lui les actions, les paroles, les sentiments; il n’est pas actif, il semble rester dans un é tat vague, en dehors de la ré alité pré sente; il lui manque en un mot cette perfection particuliè re qui fait que les pensé es sont ré elles et pré sentes. C’est là un problè me trè s difficile, le problè me de ce que j’ai appelé la fonction du ré el. Nous le retrouverons à propos de chacun des autres troubles de nos malades; il nous suffit de constater ici que leur doute est tout simplement la disparition d’un certain degré de perfectionnement des idé es et que, sur ce point, il se rapproche beaucoup de l’amné sie hysté rique, qui n’é tait pas autre chose.


 

Premiè re partie. Les symptô me né vropathiques

 

Chapitre III

 

Les troubles du langage.

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Le langage est une fonction remarquable qui se rattache d’un cô té à l’intelligence proprement dite et à la formation des idé es et qui d’un autre cô té né cessite la mise en mouvement de certains organes comme la poitrine, le larynx, la bouche. Les troubles du langage constituent un intermé diaire entre les troubles intellectuels que nous venons d’é tudier et les troubles des fonctions motrices plus difficiles à comprendre. Le langage est trè s fré quemment alté ré chez les né vropathes: tantô t il semble exagé ré, tantô t il est diminué et mê me supprimé. Nous é tudierons les deux caté gories de troubles chez les deux groupes de malades que nous avons é té amené s à distinguer par l’é tude des idé es fixes et des obsessions, des amné sies et des doutes. Les caractè res de ces troubles nous permettront de comprendre mieux le problè me difficile des agitations motrices et des paralysies.


 

 

1. - Les agitations verbales hysté riques.

 

 

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Dé jà dans l’é tude des crises d’idé es fixes à forme somnambulique, nous aurions pu remarquer le rô le singulier que jouait quelquefois le langage. Certains sujets, qui ne pré sentent pas la crise complè te dans laquelle le malade joue complè tement son rê ve, se bornent, disions-nous, à le parler. É tendus, immobiles, ils racontent tout haut les é vé nements qui les ont troublé s. Si on songe qu’ils n’ont aucune perception du monde exté rieur, qu’ils ne connaissant pas la pré sence des té moins, que d’ailleurs ils n’ont aucune intention de faire connaî tre leurs idé e fixe par le langage. Il y a dé jà là un besoin exagé ré de parler qui s’ajoute à l’idé e fixe elle-mê me.

 

Mais dans d’autres cas le trouble du langage est plus manifeste parce qu’il se sé pare en quelque sorte du trouble intellectuel. En effet, en é coutant le sujet, nous remarquons qu’il n’exprime pas toujours la mê me idé e, qu’il parle de choses trè s varié es et que ces choses sont d’ailleurs tout à fait indiffé rentes, en dehors de toute é motion et de toute idé e fixe. J’ai insisté autrefois sur le cas de José phine L… [15]. À tout moment, dans la journé e, elle fermait les yeux, restait immobile et insensible à toute excitation, elle se mettait à bavarder tout haut sur les é vé nements survenus dans la salle: « Ces mé decins, quels cochons! Ils ont encore emporté une pauvre femme pour la couper en morceaux…! couillons, va, idiots… si jamais je vous obé is, si je prends encore vos sales mé dicament…! Je vais me marier, j’aurai de beaux habits… non, j’aime mieux mourir, je ferai mon testament, X… mon petit ami aura des millions et Y… (l’interne de la salle), cette tê te d’é cureuil, ce cochon, il n’aura qu’une tournure de six sous… » Elle continuait ainsi sans qu’il fû t jamais possible d’entrer en relations avec elle et elle se ré veillait d’elle-mê me, sans aucun souvenir de ce qu’elle avait dit. J’ai revu depuis un trè s grand nombre de cas semblables dans lesquels la part de l’idé e fixe é tait encore moins importante. Ces malades me mettent à chanter, racontent des histoires absurdes, bavardent à tort et à travers sur tout ce qui leur est arrivé, sans grande suite et surtout sans que l’un retrouve l’unité d’une idé e fixe. Ainsi j’ai é crit des pages et des pages sous la dicté e d’une de ces malades, D…, â gé e de vingt-huit ans. Cette femme ne semblait mê me pas entrer en crise. Elle continuait son travail de couture et bavardait indé finiment à haute voix. Voici quelques passages de mes notes: « Oh mon pauvre mari, je n’avais pourtant que toi… des peines et des peines… j’arrive et je trouve des punaises dans le lit, des poules à faire pondre… cette pauvre fille, elle ne sait pas faire pondre les poules, il faut la renvoyer chez sa mè re…. Et dire que j’ai mangé en route le gâ teau que je portait à la nourrice de mon fils, en voilà du chichi… les lapins on bien fait de se sauver..., elle n’a que ce qu’elle mé rite, nous le raconterons à la belle-mè re… ah celle-là, c’est bien une femme à faire de la morale aux papillons.., etc. » Elle continuait ainsi pendant des heures entiè res. Ce qui é tait le plus curieux, c’est qu’on pouvait l’arrê ter beaucoup plus facilement que les malades pré cé dentes: si on la secouait, si on lui parlait, elle s’arrê tait, se tournait vers nous, et, aprè s quelques instants de surprise, nous faisait ré pé ter notre question et nous ré pondait. Mais elle ne pouvait rien dire à propos de son bavardage pré cé dent qu’elle paraissait avoir oublié et qui ne pouvait redevenir conscient que dans des é tats spé ciaux.

 

Il y a là quelque chose d’analogue à l’é criture automatique que nous avons dé jà vue à propos des idé es fixes subconscientes. L’é criture comme le langage peut se sé parer de l’idé e fixe et semble quelquefois se dé velopper pour elle-mê me. S’il y a des é critures automatiques qui expriment une idé e fixe, comme nous l’avons vu, il y a aussi de ces é critures qui n’expriment rien du tout: le mé dium couvre des pages et des pages de griffonnage. Quand on les dé chiffre, on trouve que ce sont des phrases banales, se rattachant à toutes sortes de souvenirs absolument insignifiants ou mê me d’é normes suites de mots sans signification. C’est de l’é criture pour l’é criture, exactement comme le bavardage pré cé dent n’é tait que de l’agitation du langage. Il est probable que l’on noterait les mê mes phé nomè nes atté nué s dans de simple hallucinations verbales: le sujet sans parler lui-mê me entend parler à tort et à travers, ou sent qu’on parle dans sa tê te. Mais ces derniers phé nomè nes sont dé jà moins nets et se sé parent difficilement de ceux que nous avons à é tudier dans l’autre groupe de malades, les psychasté niques.

 

2. - Le mutisme hysté rique.

 

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À cô té de ces agitations du langage se place une autre perturbation bien remarquable et peut-ê tre plus connue, mais que l’on a trop isolé du trouble pré cé dent, le mutisme hysté rique. Dé jà dans l’antiquité, on avait remarqué des troubles bizarres de la parole qui apparaissaient et disparaissaient en apparence sans raison. L’observation suivante d’Hippocrate semble bien se rattacher à un accident hysté rique: « La femme Polé maque, dit-il, ayant une affection arthritique, é prouva une douleur subite de la hanche, les rè gles n’é tant pas venues; ayant bu de l’eau de bettes, elle resta sans voix toute la nuit jusqu’au milieu du jour. Elle entendait, comprenait, elle indiquait avec la main que la douleur é tait à la hanche ». Il semble que tout y soit, l’arrê t des rè gles, les troubles du mouvement, contractures ou paralysies, la conservation des perceptions et le mutisme. Il n’est pas né cessaire de rappeler l’histoire du fils de Cré sus, ce muet qui retrouve la parole subitement pour crier: « Soldat, ne tue pas Cré sus ». Nous pouvons passer aux temps modernes et rappeler toutes les histoires de mutisme chez les possé dé s et chez les extatiques. J’ai dé jà fait allusion à l’ouvrage de Carré de Montgeron sur les miracles du diacre Paris où l’on peut lire le cas de Marguerite-Franç oise Duchesne: « Aprè s une attaque de lé thargie, qui dura sept ou huit jours, il survint une extinction de voix presque totale: tout lui fut enlevé jusqu’à la faculté mê me de se plaindre ». Un mois aprè s, l’ouï e et la vue seulement lui furent rendues, mais il n’en fut pas de mê me de la voix qui resta entiè rement é teinte. Au XIXe siè cle, les cas se multiplient, le chirurgien anglais Watson se vante d’avoir rendu la parole par un traitement é lectrique à une demoiselle qui é tait aphone et muette depuis douze ans. Briquet, Kussmaul, Revillod, Charcot, Cartaz ont beaucoup insisté sur ces phé nomè nes qui sont maintenant à peu prè s bien connus dans leur ensemble.

 

L’accident peut survenir chez des hysté riques avé ré s qui ont dé jà pré senté beaucoup de symptô mes de la né vrose, à la suite d’un somnambulisme ou d’une attaque, mais il peut aussi survenir chez des personnes qui semblaient jusque-là à peu prè s normales et dans ce cas, il survient presque toujours à la suite d’une grande é motion assez subite.

 

Il en é tait ainsi, par exemple, dans le cas classique é tudié par Charcot: un homme d’une quarantaine d’anné es vivant en province avait ré alisé quelques é conomies et sa femme parvint à le convaincre de venir les dé penser à Paris. Il s’installa avec elle dans un hô tel de la capitale, mais un jour, rentrant au logis aprè s une absence il constata que sa femme avait disparu en emportant le petit magot. Le bouleversement de ce pauvre homme fut tel qu’il perdit la parole pendant dix-huit mois. Depuis cette é poque, quoiqu’il sembla gué ri, il resta toujours sujet au mê me accident: à la moindre é motion, à la moindre fatigue, il perdait de nouveau la parole pendant quinze jours ou pendant deux mois. Il est inté ressant de remarquer, en passant, ce caractè re de l’hysté rie: quand un accident a é té une fois dé terminé sous une forme particuliè re et grave, c’est toujours le mê me accident qui ré apparaî t à toutes les occasions. Il en est de mê me dans l’observation suivante, que j’ai recueillie. Un homme qui a actuellement quarante-six ans est malade, en ré alité depuis l’â ge de vingt ans. À ce moment, il se trouvait dans un jardin, prè s d’une vé randa vitré e: un objet lourd, lancé d’un é tage supé rieur, tomba sur la vé randa, en creva les vitres avec un tapage comparable à un coup de fusil. Notre homme, trè s effrayé, resta muet pendant deux mois. Depuis vingt-six ans, il n’a jamais gué ri complè tement; le moindre bruit subit, prè s de lui, une parole un peu trop forte et le voilà de nouveau muet pendant trente ou cinquante jours: « Si on crie trop fort à mon oreille, je tousse deux ou trois fois et puis plus rien, je ne peux plus faire entendre aucun son ». Dans d’autres observations, le mutisme commence chez des jeunes femmes de vingt ans à la suite d’un incendie, à la suite d’une rupture de fianç ailles ou d’une querelle avec les parents. Dans un cas, il s’agit de la vue subite d’un individu dé guisé en spectre et l’accident qui a eu lieu quand le malade avait dix-huit ans n’est pas encore gué ri à quarante et un ans.



  

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