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Le foulard bleu



6.

Le foulard bleu

Je sais bien qu’avoir conservé un foulard bleu, pour une porteuse du gè ne rouge, c’est une totale hé ré sie. Pourtant, ce bleu donnera sa couleur au reste de ma vie. Ce sera le bleu de ma liberté. De mes choix. De mes sacrifices. Des sacrifices que j’ai choisi de faire en hié rarchisant mes priorité s. Parce que dè s que j’ai porté ce foulard, j’ai fait un bond dans le temps. Je n’ai cessé d’apprendre et de comprendre, de pardonner, de grandir, tout le temps où il a enrubanné mon cou. Puis il s’est rendormi dans ce tiroir quand j’ai repris possession de ma vie en me libé rant de quelques chaî nes. Il m’encombrait quand j’ai voulu retrouver de l’air. Il entravait ma respiration. Le souvenir, c’est bien quand il te porte. S’il te ralentit ou mê me te fige, alors il faut le faire taire. Pas disparaî tre. Juste le faire taire, car à chaque moment de ta vie, le souvenir peut avoir besoin que tu le ré veilles pour laisser parler tes fantô mes. Ils ont tant de choses à nous apprendre si on se penche un peu sur ce qu’ils nous ont laissé.

Je sais que tu vas le trouver « horriblement moche » ce foulard, j’en souris d’avance. Dé tends-toi cariñ o, je ne te demande pas de le porter, quoique si j’osais, sachant que tu ne pourrais rien me refuser vu les circonstances… Bon j’arrê te de te taquiner, contente-toi d’é couter ce qu’il veut te raconter, ce foulard.


Je suis en train de grimper dans le bus lorsque je sens une main d’une violence inouï e attraper mon bras et stopper ma marche. C’est ma sœ ur Leonor. Elle a dû trouver ma lettre. Carmen se tient derriè re elle, les bras croisé s. Sourcils en colè re, deux mè res fouettardes venues me ramener dans les flammes de mon enfer.

— Descends, m’ordonne Leonor.

Je m’exé cute tout en les dé fiant du regard. Mais qu’est-ce qu’elles croient, mesdames les juges, que c’est une dé cision confortable pour moi? Je ne compte pas me laisser marcher sur les pieds. C’est facile, pour elles. Elles forment une famille, avec un mari qui est un ciment et se bat pour ne pas laisser les rancœ urs s’inviter dans leur maison. Un abcè s au sein de la cellule familiale? Tí o Roberto le crè ve avant qu’il ne soit visible. Et Dieu sait que Leonor n’est pas facile à dompter, voire aussi verrouillé e qu’André face à la dé convenue. Par amour, Roberto a dé niché toutes les clefs du trousseau é motionnel de ma sœ ur, chacune ayant pour fonction d’accueillir une peine et de la partager pour l’amenuiser. Moi, je suis toute seule, avec un morceau manquant, comme amputé e d’une jambe, et André n’a que faire d’ê tre ma bé quille, mê me dans une telle torpeur.

— Tu ne peux pas partir, me dit Leonor avec une surprenante douceur.

Je suis tellement habitué e à l’entendre me sermonner que je n’arrive pas à me faire à l’idé e que la maladie et la mort de Juan l’ont rendue plus aimante avec moi. Plus tolé rante en tout cas. Le bus redé marre sous mes yeux.

— Tu ne peux pas laisser Cali. Elle a besoin de toi. Et puis §a devient trop compliqué pour nous de la garder depuis que Roberto a perdu son travail. Il part vendanger le beaujolais pour au moins un mois, je vais mê me mettre Carmen en pension pour pouvoir faire un maximum d’heures à l’hô pital, alors que veux-tu que je fasse de la petite avec tout

§a?

— Il faudra bien que Meritxell soit quelque part le soir entre la fin de l’é cole et ton retour à la maison, que Cali soit avec elle ne changera pas grand-chose. André viendra la chercher chaque soir avant le dî ner et l’emmè nera à l’é cole le matin. Tu n’auras qu’à trouver quelqu’un pour les ré cupé rer à la sortie des classes et les garder. Je paierai. Prends ce qu’il y a dans la Vierge noire dans ma chambre, elle s’ouvre par en


dessous, cela devrait suffire jusqu’à mon retour. Je t’en prie, Leonor, fais- le pour moi. Je vais devenir folle si je reste. Je n’abandonne pas, je me donne les moyens d’ê tre plus forte. Je vais chez Pepita à Toulouse, j’ai besoin de respirer et d’apaiser ma colè re. André ne bougera pas un cil pour me ré conforter, il a choisi l’isolement. Je ne peux pas affronter tout cela maintenant. Pas plus que le regard des gens qui me rappelle en permanence la perte de Juan.

À la fin de ma derniè re phrase, Leonor se met à courir derriè re le bus en agitant les bras comme une folle pour qu’il s’arrê te. Ce qu’il fait. Elle me hurle:

¡ Corre! Corre!

J’embrasse Carmen pré cipitamment. Leonor me fait signe de me dé pê cher quand, une fois à son niveau, je ralentis pour l’embrasser. Alors je cours. Je voudrais courir jusqu’à en mourir. Je voudrais que le chemin entre ce bus et moi s’allonge au fil de ma course, pour que l’é puisement me tue avant que la route s’achè ve. Je voudrais disparaî tre, ou mieux, ne pas avoir existé du tout. Je voudrais qu’aucun futur ne m’attende plus jamais. Mais Cali est le cadenas qui fait de mon piè ge une forteresse. Pour elle, je reviendrai vers cette vie que je dé teste de fond en comble et sur laquelle je n’ai plus aucune prise; pour elle, j’affronterai le souvenir et je n’en ferai rejaillir que le beau; pour elle, je ne m’é loignerai pas de son papa ché ri; pour elle, je n’ai pas le droit. Mê me si je refuse de voir mon enfant comme la cause de mon emprisonnement, c’est une des raisons pour lesquelles je m’é loigne. Pour retrouver une liberté ou au moins sa sensation, pour que Pepita me rappelle que tout est possible. Me persuader que je reviendrai m’ô te un peu de cette culpabilité é crasante mais j’ai du mal à m’en convaincre totalement. J’y crois juste assez pour tout quitter sans date de retour. Juste assez pour ne pas changer d’avis. Mais pas assez pour ne pas noyer de larmes les autres passagers de ce bocal sur roues que mon chagrin remplit à vue d’œ il.

On meurt de chaud dans ce bus. Il a fallu qu’on arrive quasiment au bout du voyage pour que j’en prenne conscience, absorbé e que j’é tais par ma peine. Tant mieux. Le bus s’arrê te à la gare routiè re. Au bout de celle- ci, la gare ferroviaire où ma vie a changé pour toujours. Dans mon champ de vision, la terrasse où Rafael m’est apparu pour la premiè re fois. J’ai l’impression de me voir en train de me relever face à lui, de le regarder


traverser la rue et que tout va recommencer. Je rê ve que, comme on connaî t dé sormais l’histoire, on pourra peut-ê tre en changer la fin. C’est un voyage dans le temps, cette arrivé e. Un rembobinage de quatre anné es et l’espoir de reprendre la vie là où elle a commencé avec Rafael. D’ailleurs mê me si on ne peut pas changer le dé nouement, je veux revivre chacun de ces instants, et au ralenti, pour en profiter davantage. Je veux je veux je veux. C’est presque une incantation, cette expression d’un dé sir si intense dans ma tê te. Mais si ma magie de pacotille n’a pas fonctionné à l’é poque pour faire revenir mes parents, il n’y a aucune raison qu’elle fonctionne aujourd’hui pour Rafael.

Je parcours de nouveau le chemin que nous avions fait tous les deux le jour de notre rencontre, me cognant aux passants quand je ferme les yeux pour que le fantô me de Rafael, disparu peu aprè s la naissance de Juan, revienne me prendre la main. Il est court, ce chemin, comparé à mon souvenir. Je suis devant chez Pepita. Avant mê me de frapper, dans ma tê te je peux dé jà entendre sa voix qui hurle depuis le fond de l’appartement: « ¿ Quié n eeeeeeees? », et cette pensé e m’arrache un demi-sourire. Mais c’est Ullrich qui ouvre la porte. Nous nous tombons dans les bras. Il a vieilli, c’est troublant. À quoi ressemblerait Rafael aujourd’hui? Paraî trait-il lui aussi usé de trop de combats vains?

La voix de Pepita ne vient pas. Cela m’angoisse. Je me rends compte qu’elle n’a jamais vu Cali. Mais c’est comme si elle la connaissait dé jà avec toutes les questions qu’elle pose sur elle dans chacune de ses lettres. Et je ne manque pas d’y ré pondre. Le lien é pistolaire que nous n’avons jamais rompu m’a souvent é té d’un grand secours. Maintenant que la guerre souterraine s’essouffle, Pepita pourra probablement rattraper le temps perdu avec Cali. Comme elle va ê tre fiè re de la rencontrer, car elle est encore plus extraordinaire que dans les descriptions dé jà flatteuses que je peux en faire dans mes missives. Il faut la voir et l’entendre parler comme une petite femme pour comprendre la finesse du personnage. On dirait qu’elle n’a pris que le meilleur de ses deux pè res. Elle est avenante, joviale, cré ative et rusé e. Elle est minutieuse, mesuré e et raisonnable. Mon dernier é change par courrier avec Pepita date de plus de deux mois et dans ma hâ te je n’ai pas eu le temps de la pré venir de mon arrivé e. Pourvu qu’elle soit là …


Ullrich me demande si je suis au courant pour Pepita. Mon cœ ur se serre. Elle apparaî t enfin et en avan§ant vers moi me fait quelques signes avec les mains dont je ne saisis pas vraiment le sens. Elle me serre vigoureusement dans ses bras. Son é nergie m’é pate une nouvelle fois. Elle n’a presque pas l’air é tonné e de me voir. Tandis que je commence à m’interroger sur son mutisme, que je la mitraille de questions, elle s’é chappe un instant pour revenir avec une ardoise et une craie. Elle é crit: « Juan? » Je tente un sobre non de la tê te qui pourrait tout dire mais me voilà submergé e. Heureusement que les caresses de Pepita parlent autant que ses mots qui, là, dans ses bras, ne me manquent plus. Pepita est la seule dans mon monde à savoir le chaos de perdre un fils. Elle sait l’infini de la dé tresse inté rieure, le manque viscé ral, l’ané antissement des forces et l’envie de mourir, la culpabilité, le regard des autres et le souvenir. Ullrich rompt cet é trange et humide silence.

— La derniè re phrase qu’elle a prononcé e est celle qu’elle m’a adressé e à la mort de Rafael. Elle voulait m’empê cher de t’annoncer les circonstances de sa perte. Depuis, Pepita a perdu l’usage de la parole, cariñ o. Totalement.

Pepita fixe le sol. Elle retient ses larmes. Je cherche à lire que j’ai mal compris dans ses yeux vitreux. Ils ne me le confirment pas. Ils ont l’air dé solé.

— Mais tu la connais, §a ne l’empê che pas d’en sortir des vertes et des pas mû res, dit-il en souriant tandis que Pepita, en ré ponse, lui assè ne maternellement un coup sur le crâ ne et retrouve son sourire carnassier. Tigresse un jour, tigresse toujours, s’amuse Ullrich.

Un second bing vient ré sonner sur sa tê te. Il rit, se reconcentrant assez vite. Je sens bien qu’il veut me dire quelque chose.

— Elle cherchait à te proté ger tu sais, ajoute-t-il.

Tout à coup la rage embrase le regard de Pepita. Comme jamais je ne l’ai vu auparavant. Le visage de Rafael se dessine au fond de ses pupilles, et tout ce sang versé pour rien change leur couleur. J’essaie de l’apaiser en lui avouant que j’ai appris trè s vite ce que l’on avait fait à Rafael.

— Pepita, je sais. Je veux dire… les dé tails. C’est bon mamá , je sais depuis longtemps.

Changer de sujet, vite, changer de sujet, me dis-je.


— Les gens parlent de toi Pepitita, tu es devenue un symbole de la ré sistance. Je ne me rendais pas compte, je l’ai ré alisé en rentrant à Narbonne. Rafael aussi compte pour notre peuple perdu aujourd’hui. Il s’est sacrifié et personne ne l’oubliera.

Je me sens obligé e de meubler, j’en fais trop bien sû r, et Ullrich sent mon dé sarroi. Il me raconte comment Pepita a appris la langue des signes avec la muette qui garde le cimetiè re, en é change du couvert quotidien. Pepita le coupe sans arrê t avec des gestes qui ne me parlent pas. J’opine ré guliè rement d’un air entendu pour ne pas la blesser, mais je dissimule mal.

La muda partie, Pepita a replongé dans le silence. Le dé voué Ullrich s’est donc sacrifié pour apprendre les bases et qu’elle ait quelqu’un à fatiguer avec ses histoires, dit-il avec malice.

Bim! Troisiè me tape sur le coin du crâ ne. Je souris.

— Bon allez, je m’é tais promis qu’aujourd’hui, au troisiè me calbot, j’irais bosser! Le compte est bon. Venez dî ner à la communauté ce soir, tout le monde sera si heureux de te voir Rita. Toi aussi Pepita. Enfin ils seront contents de te voir si tu viens avec tes mantecados, dit Ullrich.

Quatriè me calbot sur la caboche. Cette fois le coup est suivi d’un bisou appuyé sur la joue d’Ullrich. Comme ceux qu’elle donnait à Rafael. Ou à moi. Comme ceux que je donne à Cali.

¡ Adió s palomas! Je vous attends ce soir.

Quand Ullrich sort, nous nous retrouvons comme deux ronds de flan. Cela me rappelle mon premier jour d’é cole. Qu’il est lourd le silence quand on n’a pas d’outil pour l’ané antir. Nous parlons avec des caresses. Je vois traî ner un é lastique alors je me mets à lui faire une jolie natte, puis je lime ses ongles. Je repense aux soins que je prodiguais à Juan il y a encore une semaine. Sans les mots, on peut se dire tellement de choses. Elle se laisse faire, me regarde comme si elle regardait son fils, chaque centimè tre carré de mon ê tre passé au peigne fin. Comme si elle avait peur que je disparaisse et de ne pas se souvenir. J’é tais pareille avec Juan. Ils me bassinaient tous avec ma fatigue, avec mon sommeil… Moi je voulais profiter de chaque seconde contre sa peau. Comme si je savais ce qui nous attendait.


Je demande à Pepita de m’enseigner un peu de son nouveau langage. C’est trè s beau. Elle trouve que j’apprends vite. C’est vrai qu’on a pré supposé chez moi un don pour les langues vu la fulgurance avec laquelle j’ai appris le fran§ais.

Je suis en train de masser les é paules noué es de Pepita quand je note une forme d’impatience dans sa fa§on de bouger ses pieds. Depuis la veille dé jà je vois qu’elle tré pigne.

— Il y a quelque chose qui te tracasse mamá ?

Elle se redresse d’un bond et prend son ardoise dans le placard.

« Venge-moi. Venge-nous. Retourne à Madrid. Trouve le meurtrier de Rafael et tue-le. »

Elle s’arrê te net pour fondre en larmes. Je reste sonné e, à lire et relire ses mots. Je la prends dans mes bras. Elle me repousse, reprend l’ardoise, efface pour ré é crire. « Por favor cariñ o. » Sa survie en dé pend. Je comprends. Rester ici sans agir en sachant que celui qui a tué son enfant mè ne sa petite vie bien tranquille, à l’abri, dans les rues de Madrid… C’est un coup à finir muette.

Ne pas trouver les mots justes pour la consoler est plus douloureux qu’avoir la bouche remplie de braises ardentes. Envisager un instant d’obé ir à Pepita me donne la rage de goû ter à l’adré naline du combat. Toute ma haine se ré unit en une boule de feu qui fait croî tre en moi une force dé mentielle. Je redescends vite, m’é loignant de la fureur contagieuse de Pepita, consciente que cette histoire est une folie et qu’un mort de plus n’y changera rien. Je ne serai pas non plus celle qui ané antira ses derniers espoirs. Je refuse. Plutô t proté ger. Encore. Mal. Encore.

Je prends l’ardoise car je n’ai pas le courage de mentir à voix haute, puis cela se verrait comme le nez au milieu de la figure. « Mamita, je vais le faire. »

 

Pepita s’est enfermé e dans son obsession de vengeance depuis qu’elle a appris le nom du meurtrier de son fils. Certains jours, nous ne partageons que l’apprentissage de sa nouvelle langue, comme pour nous reposer. Les quiproquos de mes essais raté s amusent Pepita qui é crit en


riant sur son ardoise: « Non là tu n’as pas dit je suis affamé e, tu as dit j’ai trè s envie de cul. »

Rien ne ressemble à ce que j’é tais venue chercher, mais cela me convient. L’amour que je ne trouve plus dans ses paroles se lit dans son regard. Ce regard qui dit aussi: tu es exceptionnelle, ne laisse jamais personne t’en faire douter. C’est toujours plus que ce que donnait André. Toujours moins fatigant que de se vê tir d’un bonheur de fa§ade pour Cali. Parfois, je parle sans arrê t, fuyant ce silence de plomb.

— Tu vois Pepita, le monde est passé à cô té de quelque chose. Imagine, si dè s le dé part l’humanité avait adopté un langage universel comme celui des sourds-muets! Regarde à quel point cela aurait changé notre vie et celle de tous les gens comme nous. Ceux qui ont quitté leur mè re-patrie contre leur gré, je veux dire. Arrivé s en France, on aurait pu s’expliquer, leur raconter ce qui se passait chez nous et nous a forcé s à nous installer chez eux. Plutô t que de rester prostré s, à s’excuser d’ê tre là, alors qu’on essayait simplement de ne pas mourir!

Pepita me prend la main, dé pose un baiser à l’inté rieur. Elle me tend un foulard bleu et sort de son dé colleté un flacon transparent de la taille de mon petit doigt, fermé par un bouchon de liè ge. Un frisson me parcourt l’é chine. Je suis là depuis cinq jours et nous n’avons pas reparlé de cette promesse de vengeance. Je suis prê te à renoncer autant qu’à partir pour Madrid sur-le-champ. Tantô t j’imagine Rafael et mes parents, fiers, dans l’attente de mon geste. Tantô t je suis té tanisé e à l’idé e de vivre en ayant donné et enlevé la vie. Mais Rafael et mes parents mé ritent au moins §a, putain de Dieu! Et si les franquistes é taient doté s d’un radar à

« gè ne rouge » qui leur permettait d’avoir sans cesse une longueur d’avance sur nous? Pepita est certaine que nous pouvons y arriver. Mais comment? Tout cela n’est pas dit dans les é changes avec son neveu qui m’attendra là -bas et me reconnaî tra à mon foulard. Rafael aurait voulu que je monte dans ce train, mais pour me retrouver, pas pour le venger. Voilà ce qu’il aurait aimé que je fasse.

Je ressens une immense peine en reprenant mes esprits. Je me vois là, recueillant tous les espoirs de cette femme si vulné rable, dé pouillé e de son verbe. Tous ses espoirs concentré s dans une fiole de poison. Je ne peux pas m’empê cher de la trouver pathé tique, cette machination. Elle ne nous ramè nera ni Rafael ni les autres. Pourtant, je comprends son besoin


de faire corps face à l’ennemi. C’est le seul honneur que nous pouvons rendre à nos morts.

Mais ma chè re Pepita a un peu perdu l’esprit et il faut que je me protè ge de cette folie. En devenant le miroir de tout ce à quoi je ne dois pas me laisser aller, elle m’a aidé e une derniè re fois.

Je me sens orpheline, encore.

Le foulard noué en poignet de force me donnera peut-ê tre le courage.


 



  

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