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Traduit de l’espagnol de Arsénico, publication pour penser et faire, n°1, été 2019, pp. 10-12



Traduit de l’espagnol de Arsénico, publication pour penser et faire, n°1, été 2019, pp. 10-12


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Sans détour. Journal anarchiste

apériodique n°3, 28 p., février 2020

 

Au menu de ce nouveau numéro, on trou- vera des réflexions et des approfondisse- ments qui ne se cantonnent pas à la ba- nalité. Si la recherche de la qualité avait jusque-là été une des caractéristiques de Sans détour, on n’aura aucun doute à placer ce nouveau numéro dans une continuité avec les précédents. Le premier texte, l’édi- torial en quelque sorte, ne cède pas aux enthousiasmes faciles qu’on a  vu  fleurir ici ou là lors de la grève contre la réforme des retraites. « Les syndicats ont retrouvé leur place dans la rue, entre deux passages à la table de négociations. Les émeutes in- contrôlables ont été neutralisées, non seule- ment par une police toujours plus brutale et capable de gérer l’affrontement, mais aussi par les rituels politiques de ceux qui aspirent à contrôler les luttes […] ». On ajoutera éga- lement que jusqu’au sein même du « mou- vement extraparlementaire », nombre de radicaux semblent en fin de compte préfé- rer le schéma du bon vieux mouvement so- cial, car le rôle qu’ils ont à y jouer est clair : un renfort radical à l’abri d’un mouvement de masse. A l’appui du fait qu’il existe pour- tant un monde en dehors de ces carcans, on trouvera en insert de ce numéro un aper- çu de nombreuses actions et attaques ré- alisées au cours de la dernière année aux quatre coins de l’Hexagone.

Un long texte, Tu as dit « sabotage » ?, re- trace ensuite une « histoire du sabotage », des premières secousses ouvrières contre l’industrialisation en passant par son in- tégration au sein de stratégies  somme toute syndicales ou léninistes, jusqu’à des conceptions  plus  libertaires  de  guéril-


 

 

la (comme la résistance libertaire contre Franco). Le texte fustige ainsi l’usage op- portuniste qu’a fait la CGT de quelques coupures  d’électricité  bien  innocentes lors de la dernière  grève,  pour  remettre en avant une perspective anarchiste  qui est  «  justement  le  caractère  multiforme et incontrôlable de l’attaque diffuse, avec l’objectif de désorganiser les forces de l’en- nemi et de détruire son infrastructure. » Le raisonnement est mené jusqu’au bout, et pointe sans surprise les réseaux « fragiles et impossibles à protéger complètement » que sont les  infrastructures  dont  dépend le bon fonctionnement du  capitalisme  et de l’État. L’auteur met aussi à juste titre en garde  contre  le  risque  qu’impliquerait  de

« concevoir le sabotage comme une guerre privée réservée à quelques opposants », lié à l’illusion d’une fausse toute-puissance technique qui permettrait à quelques poi- gnées d’individus bien déterminés de « tout éteindre » (ce que contredit justement la prolifération des infrastructures, leur dé- centralisation grandissante, les mesures stratégiques importantes prises par les États pour garantir une certaine résilience des réseaux). A l’inverse, cette proposition doit justement viser à « la prolifération » de ces sabotages, à sa diffusion, à sa générali- sation, mettant dans les mains des révoltés et des exclus une arme redoutable, réelle et saisissable de façon plus ou moins auto- nome (quelques connaissances techniques, une disposition à faire quelques efforts et un regard exercé peuvent déjà mener très loin).

S’en suit un texte intitulé Tic tac tic tac, qui  se  propose,  non  sans  ambition,  d’ap-


profondir la notion de temps. Aucun aspect de cette conception typiquement –voire exclusivement– humaine (qu’est le temps sinon une construction de notre cerveau ?) n’est laissé de côté : la quantification du temps comme mode d’appréhension de la réalité (qui n’est peut-être elle-même aussi qu’une construction de la conscience hu- maine, en existant de la façon dont nous en parlons généralement que grâce à l’exté- riorisation réalisée par l’esprit humain ?) ; le temps au service de la domination ; le temps déterminé par les nouvelles techno- logies « qui a contribué à imposer la vitesse asphyxiante de la domination comme une évidence de laquelle se réjouir ». Tout au long du texte, on verra à l’œuvre la quantité comme la qualité : « La recherche de la qua- lité du temps, et donc de l’action, est rem- placée par un désir asthmatique de multi- tâche, et par la sensation assez diffuse d’une pression temporelle écrasant l’individu. Lui veut vivre plus vite, mais il n’y arrive pas, essoufflé par ses échéances, ses impératifs relationnels chronométrés, et ces moments de l’existence vécus comme des devoirs. ». Et pour finir, le texte nous propose rien moins que d’attenter à la vie du temps de la do- mination, « en lui niant toute possibilité de nous synchroniser avec ses cadences. […] Que les anarchistes assument leur inactua- lité ! ». Bien qu’une telle suggestion nous tienne à cœur, permettez une petite ob- servation critique. Au fond, on ne peut pas

« dépasser » le temps en l’annulant dans la synthèse d’une nouvelle vie sans cadences. La vie est également répétition, échéance, calcul, soit en effet toute une dimension quantitative. Y compris même lorsqu’on parle d’action. La qualité, elle, fait irrup- tion lorsqu’on franchit un seuil, lorsqu’on passe un cap, mais on ne le dépasse jamais définitivement. On n’annule pas les condi- tions quantitatives du départ, on les em- porte avec soi lors du franchissement, lors de l’expérience de la qualité, avant qu’elles ne reprennent à nouveau le dessus et qu’on


retombe dans le règne du quantitatif, celui du faire.

Notre conscience s’est développée en quantifiant l’expérience de la durée (ce qu’on appelle « temps », car en effet, il n’existe que le passé et le futur, le présent n’est même pas un instant, c’est une inven- tion de la conscience pour faciliter l’ap- préhension de la vie et du monde), et ce n’est que « de temps en temps » que nous réussisssons à expérimenter l’irruption de la qualité qui balaye, « pour un instant », cette quantification sur laquelle repose le monde (ou plutôt, notre monde). Le temps (toujours comme expérience de la durée) du rêve n’a par exemple rien à voir avec celui de l’état éveillé. De la même façon, le temps passe autrement au moment de l’ac- tion que lorsqu’on attend ou qu’on prépare ce moment pour agir.

 

Enfin, un dernier texte –après un ex- trait de Galleani, et avant un autre de Déjacque ou une liste de lectures intem- pestives– ne nous laisse pas de répit non plus, en s’interrogeant sur le rapport entre l’idéal et la destruction, entre le positif de nos aspirations et le négatif qui démolit ce qui en empêche la réalisation.

Puisant dans les débats et discussions qui ont accompagné le mouvement anar- chiste depuis plus d’un siècle, L’idéal est pavé de bonnes questions finit par poser des interrogations sur lesquelles nous comp- tons bien revenir dans un prochain numé- ro de ce bulletin : « Si le projet de favoriser la rupture me semble une tâche prioritaire […], pourquoi exclurait-elle l’étude des pro- blèmes concrets, au sens large, qui se posent au cours d’un tel moment de rupture ? Certes, pour certains besoins  et  nécessités, on peut se fier à la spontanéité, aux solu- tions « d’urgence », à l’improvisation et au petit bonheur la chance, mais pour d’autres il en va d’une toute autre importance. » Cette invitation à la réflexion fait peut-être écho  à  ce  que  des  compagnons  du  Chili


ont avancé dans plusieurs textes : à partir de quel moment est-ce que la révolte a dé- blayé suffisamment le terrain pour donner lieu à des expériences d’auto-organisation qui puissent répondre aux besoins (disons matériels, comme se nourrir) ? Que l’en- thousiasme anarchiste et le généralement bon cœur de ces rêveurs ait souvent –ou presque toujours–, tendance à le « situer » en amont, n’a pas freiné l’œuvre de démo- lition. Mais c’est quand tous et toutes pen- saient que l’État avait été mis à terre et le capital mis en fuite, que ces derniers sont revenus de plus belle et ont repris la situa- tion en main avec une vitalité meurtrière. Qu’en est-il donc de ce « moment », alors ?

Promis, on reviendra sur cette question du négatif et du positif lancée par le dernier texte de Sans détour en apportant notre petite contribution au débat qui semble émerger à la lueur des réflexions avancées par des compagnons au sein de la révolte en cours au Chili.

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On peut se procurer Sans détour sur les bonnes tables de presse et dans différents lo- caux anti-autoritaires, ou en écrivant direc- tement à sansdetour@riseup.net

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Jack Déjean, Nature et anarchie,ed. du local Apache (Caen), 176 p., septembre 2019

 

A l'heure de « la dégradation générale des conditions de vie sur terre » et des étés trop chauds, l'idée de ce livre part d'une idée intéressante : étudier le rapport historique des idées anarchistes avec cette fameuse "nature", entendue non comme une réi- fication artificielle à des fins utilitaristes, mais comme un rapport vivant entre l’hu- main et son environnement. Et comme les


idées n'existent pas de façon détachée des individus qui les portent, c'est en faisant une incursion critique chez quelques per- sonnages connus (Bakounine, Reclus, Kro- potkine, Morris), d’autres beaucoup moins (Déjacque, les naturiens Bisson et Zisly, Shmuel Marcus) et certains beaucoup trop (le démocrate technophile Bookchin) qu'est construit ce livre, sans pour autant oublier les anonymes (notamment antinucléaires). De fait, on a beau connaître les idées d’une partie des compagnons cités, ce n'est pas pour autant que l'on s'y soit déjà intéres- sé sous l'angle proposé dans Nature et anarchie, ce qui constitue déjà une bonne raison d'ouvrir ce livre. Si l’on ajoute à cela que Jack Déjean s’aventure dans la dernière partie de l’ouvrage chez les  écologistes  et les alternativistes pour leur faire la peau (bio), et qu’il le conclut sur les chaînes éner- gétiques et technologiques en illustrant son propos d’attaques récentes, on aura com- pris que les différents fils entre passé et pré- sent ne sont pas l’une des moindres qualités de ce texte.

Une dernière remarque sur le style, en- fin. Loin de toutes les pédanteries universi- taires qui infestent trop souvent les éditions libertaires contemporaines, et sans pour autant manquer de petites notes pour aller plus loin, il nous a parfois plongé dans un abyme de perplexité au détour de certains anachronismes forcenés (machin était un peu "bobo", trucmuche préfigurait "les lan- ceurs d'alerte", etc.). On ne sait si c'était pour nous faire rire ou pas, mais c'est en tout cas le charme des compagnons qui ré- fléchissent par eux-mêmes et poussent en toute cohérence le vice jusqu'à pratiquer l'auto-édition.

n Pour se le procurer, écrire à Apache – 35 boulevard Poincaré - 14000 Caen

ou à localapache@riseup.net


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