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2 — Les signes annonciateurs de la RévolutionHaffner appelle ré volution cet avè nement de quelque chose qui dé passe de trè s loin la dimension d'un simple é vé nement et vient bouleverser le cours de la vie de chaque individu. Pour autant, cette ré volution ne survient pas du jour au lendemain: elle est comme une fatalité qui a disposé sur son chemin un certain nombre de signes annonciateurs pour qui sait voir. Haffner entreprend un retour en arriè re pour retrouver ces signes. Il y eut cette atmosphè re belliciste de la guerre de 14 qui avait saisi d'enthousiasme le jeune garç on, et les premiè res sensations lié es à l'apparition des masses sur la scè ne de l'histoire (p. 30) qui marquè rent à jamais une trè s jeune gé né ration: Haffner affirme qu'un phé nomè ne tel que le nazisme trouve ses racines non dans l'« expé rience des tranché es », mais bien dans l'expé rience qu'eurent les é coliers allemands de la guerre, comme d'une sorte de jeu trè s intense. Il y eut d'autre part cette é preuve douloureuse de la dé faite allemande en 1918 dont Haffner rappelle qu'elle dé termina chez un Hitler une rage de revanche et le choix d'une carriè re politique. Il y eut ensuite la ré volution de 1918, indé cise et trè s embrouillé e, tant du point de vue de ses acteurs que de ses spectateurs, et les premiers signes d'une brutalisation des pratiques politiques: l'apparition des corps francs parmi ces hommes qui trahissent la cause ré volutionnaire et se retournent contre les leurs, l'assassinat de Liebknecht, et de Rosa Luxemburg selon une mé thode qui fera date selon Haffner et qui consiste à abattre l'ennemi « alors qu'il tente de s'enfuir » (p. 59). Les corps francs furent selon l'auteur la pré figuration des troupes nazies, par leurs opinions, par leurs pratiques dé complexé es du meurtre et de la torture: Hitler allait leur donner une thé orie. Il y eut encore les é vé nements qui rapprochè rent de la chute de la ré publique de Weimar: l'assassinat crapuleux de Rathenau par deux jeunes garç ons et cette anné e de 1923 qui allait consacrer selon l'auteur le sentiment de vivre dans un monde sans rè gles où le plus absurde devient possible, l'inflation galopante et la passion boursiè re qui renversaient en quelques heures les fortunes les plus assises et é levaient au-dessus de tous quelques jeunes arrivistes peu scrupuleux... La violence et le nihilisme sont dé sormais sur le devant de la scè ne... Un intermè de de paix, de 1924 à 1929 ramena quelque stabilité pendant la gouvernance de Stresemann. Mais pour Haffner les signes avant-coureurs de la catastrophe sont bien là, sous la surface. Et tout d'abord la folie collective du sport qui s'empare des allemands pendant ces anné es-là, et qui constitue comme un succé dané des expé riences intenses de la Premiè re Guerre mondial vé cue par les é coliers de la gé né ration de l'auteur. Puis la mort de Stresemann et la nomination de Brü ning comme chancelier, sorte de dernier rempart contre Hitler, la date du 14 septembre 1930 où le petit parti ridicule d'Hitler devint le deuxiè me aux é lections lé gislatives, la cé lé brité croissante de Hitler proportionnelle à son enragement, l'anesthé sie de ses adversaires, sa nomination, enfin, comme chancelier le 30 janvier 1933.
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