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LE LIBRE CONSENTEMENT, UN OBSTACLE À L’OBLIGATION VACCINALE



 

A. L’encadrement juridique des expé rimentations

 

Les recherches mé dicales, y compris quand elles comportent une finalité thé rapeutique, sont aujourd’hui ré gies par la loi du 5 mars 2012, dite loi Jardé [40]. Selon le Code de la santé publique, aucune recherche interventionnelle impliquant la personne humaine ne peut ê tre pratiqué e « sans son consentement libre et é clairé recueilli par é crit, aprè s que lui a é té dé livré e l’information pré vue » (article 1122-1-1). Les recherches interventionnelles sont celles « qui comportent une intervention sur la personne non justifié e par sa prise en charge habituelle » (article 1121-1), c’est-à -dire une intervention non dé nué e de risque pour les personnes qui y participent. En font partie les recherches sur les mé dicaments, mais aussi les thé rapies cellulaires ou les thé rapies gé niques comme le rappelle l’INSERM. Par leur nature comme par leur mé thodologie expé rimentale, les quatre vaccins anti-covid semblent entrer dans cette caté gorie. Quant à l’information pré alable, elle doit inclure notamment « les risques pré visibles » et « les é ventuelles alternatives mé dicales » (article 1122-1).

 

Ces recherches interventionnelles supposent un avis favorable d’un organisme ré gional, le Comité pour la Protection des Personnes (CPP), qui dé pend de l’Agence Ré gionale de Santé (ARS), suivi d’une autorisation par l’Agence Nationale de Sé curité du Mé dicament et des produits de santé (ANSM). En principe, le fait de ne pas avoir recueilli ce consentement est puni de trois ans de prison et de 45 000 euros d’amende par le Code pé nal (art. 223-8). Né anmoins, la question du vaccin anti-covid a entraî né le dessaisissement des autorité s sanitaires franç aises au profit de l’Agence europé enne des mé dicaments (EMA) sur le fondement du Rè glement (CE) n° 726/2004 du 31 mars 2004. En ce qui concerne les « mé dicaments à usage humain contenant une nouvelle substance active », notamment pour le traitement des maladies virales, ce rè glement pré voit, en effet, une procé dure centralisé e d’autorisation au niveau europé en. En d’autres termes, ces mé dicaments doivent recevoir une autorisation de l’Agence europé enne des mé dicaments (EMA) valable pour tous les É tats membres de l’Union europé enne. Ce dessaisissement fait alors obstacle à une é ventuelle action devant le juge franç ais pour non-respect de la procé dure d’avis et d’autorisation en droit interne, puisque sous la pression des circonstances, celle-ci s’est vu substituer une procé dure europé enne. En revanche, il ne dispense en rien de l’obligation d’obtenir l’accord des personnes.

 

Au sein du Conseil de l’Europe, la Recommandation n°R(90)3 du Comité des Ministres concernant la recherche mé dicale sur l’ê tre humain, adopté e le 6 fé vrier 1990, é nonce un certain nombre de principes. Selon le troisiè me, « aucune recherche mé dicale ne peut ê tre effectué e sans le consentement é clairé, libre, exprè s et spé cifique de la personne qui s’y prê te » et, selon le treiziè me, « les personnes susceptibles de faire l’objet de recherches mé dicales ne doivent pas ê tre incité es à s’y soumettre d’une maniè re qui compromette leur libre consentement ». Ce texte, s’il vaut engagement politique et é thique, n’a cependant pas de valeur juridique obligatoire. En revanche, le rè glement (CE) du 31 mars 2004 pré voit d’une maniè re contraignante au sein de l’Union europé enne le respect de certaines exigences é thiques lors de la conduite d’essais cliniques de mé dicaments autorisé s au niveau europé en (point 16). Ces exigences sont pré vues par la directive 2001/20/CE du 4 avril 2001 qui se ré fè re explicitement à la dé claration d’Helsinki et qui pré voit elle aussi le consentement é clairé (art. 3). Enfin, la Cour europé enne des droits de l’homme a eu l’occasion de juger en 2002 que l’imposition d’un traitement sans le consentement du patient est « une atteinte à l’inté grité physique de l’inté ressé »[41] et que « les vaccinations obligatoires en tant que traitements mé dicaux non volontaires constituent une ingé rence dans le droit au respect de la vie privé e »[42].

 

Une question demeure: ce principe s’applique-t-il lorsque l’expé rimentation consiste en un vaccin? La ré ponse est positive, car la directive du 4 avril 2001 vise les mé dicaments tels qu’ils sont dé finis par un autre texte, la directive 65/65/CEE du 26 janvier 1965. Selon celle-ci, un mé dicament est « toute substance ou composition pré senté e comme possé dant des proprié té s curatives ou pré ventives à l’é gard des maladies humaines ou animales. Toute substance ou composition pouvant ê tre administré e à l’homme ou à l’animal en vue d’é tablir un diagnostic mé dical ou de restaurer, corriger ou modifier des fonctions organiques chez l’homme ou l’animal est é galement considé ré e comme mé dicament » (art. 1er). Les vaccins anti-covid ré pondent sans conteste à cette dé finition. Dans la mesure où ils sont encore en phase expé rimentale, ils sont soumis aux principes é thiques imposé s par le rè glement de 2004. La rè gle du consentement libre et é clairé à une expé rimentation est donc bien é tablie en droit franç ais comme en droit de l’Union europé enne.

 

B. Inviolabilité du corps humain et dignité de la personne

 

Si l’arrê t Vavř ič ka rendu par la Cour europé enne le 8 avril 2021 ne fait pas obstacle à l’obligation vaccinale anti-covid, il ne la rend pas pour autant plausible ni juridiquement acceptable. Dans cette affaire, il s’agissait de vaccins longuement é prouvé s qui ne suscitent plus que des contestations marginales chez les adversaires radicaux de toute vaccination. Il en va tout autrement des vaccins anti-covid. Ceux-ci se trouvant, de l’aveu mê me de l’Agence europé enne des mé dicaments, en phase d’essais cliniques, il paraî t difficile de les imposer compte tenu des garanties juridiques existantes. Une obligation vaccinale dans un contexte d’expé rimentation risquerait fort de se heurter à la sanction du juge, ce d’autant plus que le droit franç ais est fondé sur le principe de l’inviolabilité du corps humain. Cette prohibition s’exprime dans l’adage Noli me tangere, « ne me touche pas », repris de la parole du Christ ressuscité à Marie Madeleine[43] et traduisant le caractè re sacré du corps. Si ce principe d’inviolabilité n’a pas reç u de consé cration constitutionnelle, il traverse toutefois tout notre systè me juridique et est couvert par la « sauvegarde de la dignité de la personne », notion plus large que le Conseil constitutionnel a é levé au rang de principe constitutionnel dans sa dé cision du 27 juillet 1994 à propos de la loi relative au respect du corps humain[44].

 

Il est commun de dire que l’expé rimentation mé dicale profite à l’espè ce humaine tout entiè re bien qu’elle puisse s’exercer au dé triment é ventuel de celui qui s’expose à ses risques. Autrement dit, le bé né fice attendu par le plus grand nombre vaudrait bien le danger encouru par quelques-uns. Cependant l’expé rimentation mé dicale sur l’ê tre humain ne peut pas se ré duire à une é quation qui la rendrait aussi é vidente qu’un calcul avantages/inconvé nients. En effet, un tel raisonnement postule sa finalité dé sinté ressé e en faisant l’é conomie de ses dé terminants é conomiques, politiques et sociaux. Dans l’affaire Vavř ič ka, le juge Wojtyczek a observé dans une opinion dissidente publié e à la suite de l’arrê t « qu’il n’a é té soumis à la Cour aucun é lé ment propre à montrer que les É tats ayant mis en place l’obligation vaccinale obtiennent de meilleurs ré sultats en matiè re de santé publique que les É tats qui n’ont pas instauré cette obligation ». La remarque est cruciale et lourde d’implications.

 

Il faut se garder, en effet, d’une vision idé alisé e de la rationalité scientifique qui conduirait à faire abstraction des enjeux de pouvoir, des inté rê ts financiers et des straté gies institutionnelles qui la conditionnent. La recherche mé dicale possè de sa propre logique de dé ploiement qui n’est pas né cessairement humaniste et qui peut ê tre assujettie à la quê te du profit comme l’a rappelé encore ré cemment l’affaire du Mé diator[45]. C’est un fait, par ailleurs, que la rationalité pure é chappe à toute norme morale et menace de se retourner contre elle-mê me comme l’a montré Max Horkheimer[46]. Un marqueur de la civilisation peut alors se transformer en « progrè s ré gressif » selon la formule de Theodor Adorno[47].

Si l’idé e de neutralité scientifique est un leurre[48], le seul usage du terme « é thique » dans les textes juridiques ne suffit pas à en garantir l’innocuité. Mê me lorsque les recherches sont strictement encadré es par le droit, le principe du libre consentement paraî t souvent fragile dans le rapport asymé trique qui lie l’autorité mé dicale au sujet. On voit mal, du reste, comment le consentement pourrait ê tre tout à fait « é clairé » en pré sence d’un risque inconnu et d’une technique vaccinale complexe. Comme le rappelait Yannick Bardie en 2016, un essai clinique est par nature « un exercice trè s dangereux et non é thique »[49]. Compte tenu des nombreuses incertitudes qui pè seront jusqu’à la fin des essais sur les vaccins anti-covid, s’il est lé gitime de laisser aux volontaires, en particulier aux personnes vulné rables, la possibilité de les recevoir en toute connaissance de cause, il paraî trait contraire au droit en vigueur et aux principes qui fondent notre systè me libé ral de vouloir les imposer à tous les citoyens.

 

Auteur(s): Philippe Sé gur, pour FranceSoir

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