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LE LIBRE CONSENTEMENT, UN FREIN À L’EXPÉRIMENTATION MÉDICALE



 

L’ensemble de ces informations suffisent à convaincre que la pandé mie de covid-19 a conduit les autorité s sanitaires à autoriser une expé rimentation vaccinale à grande é chelle iné dite dans l’histoire de la mé decine. En pé riode d’urgence, rien ne paraî t juridiquement s’y opposer tant sur le plan de la santé individuelle afin de proté ger les personnes vulné rables que sur le plan de la santé publique pour é viter la saturation des structures hospitaliè res. En revanche, le caractè re expé rimental de la vaccination invite le juriste à en recontextualiser l’usage, car en cette matiè re, le droit interne comme le droit international ont historiquement construit la notion de consentement du sujet comme garde-fou pour empê cher toute dé rive (I). Dè s lors, ce principe du consentement semble suffisamment bien é tabli pour constituer un obstacle à l’obligation vaccinale aussi longtemps que les phases de tests cliniques ne seront pas terminé es (II).

 

LE LIBRE CONSENTEMENT, UN FREIN À L’EXPÉ RIMENTATION MÉ DICALE

 

A. Le conflit historique entre l’é thique et l’expé rimentation mé dicale

 

À partir du XVIe siè cle, les progrè s de la mé decine ont incité aux expé rimentations[15]. C’est d’ailleurs l’une d’elles qui a permis l’invention du vaccin. En 1796, le docteur Edward Jenner inocule à un enfant de huit ans du pus pré levé sur une trayeuse de vaches atteinte d’une maladie infectieuse des bovidé s, la vaccine. En l’exposant ensuite à un malade contagieux, il dé montre que l’injection a immunisé l’enfant contre la variole. La foi dans le progrè s et l’exaltation des dé couvertes scientifiques incitent alors à expé rimenter sur les « corps vils », jugé s de peu de valeur: les dé tenus, les interné s, les esclaves, les indigè nes, les prostitué es. Au XVIIIe siè cle, des mé decins se livrent à des expé riences sur des esclaves noirs dans les colonies europé ennes des Antilles et d’Amé rique du Nord[16]. L’inoculation pré ventive de maladies comme la petite vé role est utilisé e sur des populations entiè res afin de tenter l’immunisation dans un contexte d’expé rimentation de masse.

 

Au XIXe siè cle, les expé riences se multiplient. Certains mé decins té moignent d’une haute conscience é thique. C’est le cas, en 1833, d’un chirurgien militaire amé ricain, William Beaumont, qui mè ne des expé riences sur un patient atteint d’une fistule à l’estomac, mais seulement aprè s avoir sollicité son accord et l’avoir engagé à cette fin[17]. En 1856, Claude Bernard, en posant les principes de la mé thode expé rimentale, recommande de « ne jamais pratiquer sur un homme une expé rience qui ne pourrait que lui ê tre nuisible à un degré quelconque »[18]. Cependant le 15 dé cembre 1859, le tribunal correctionnel de Lyon condamne pour blessures volontaires deux mé decins hospitaliers qui ont volontairement inoculé la syphilis à un garç onnet de dix ans venu consulter pour une teigne[19]. En 1884, Louis Pasteur lui-mê me é crit à l’empereur du Bré sil pour lui demander l’autorisation de contaminer des condamné s à mort avec le cholé ra afin d’essayer sur eux des traitements[20]. Les exigences de l’expé rimentation sont donc loin d’ê tre d’emblé e synonymes d’é thique. En 1892, en Allemagne, un mé decin directeur de clinique est condamné pour avoir injecté la syphilis à des prostitué es et à des mineurs à leur insu. À la suite de cette affaire, les services de santé allemands adoptent le 29 dé cembre 1900 une instruction aux directeurs de cliniques, polycliniques et é tablissements hospitaliers qui leur impose en matiè re d’expé rimentation « le consentement clair » de la personne concerné e[21].

 

C’est un mé decin franç ais, Pierre-Charles Bongrand, qui é met le premier l’idé e moderne selon laquelle le sujet humain – et non le mé decin – est au centre du dispositif expé rimental. En 1905, dans sa thè se pour le doctorat en mé decine, il constate que, tout en é tant indispensables au progrè s mé dical, les expé riences sur l’ê tre humain sont immorales, car elles sacrifient l’individu à la collectivité. C’est pourquoi il propose d’instaurer entre l’expé rimentateur et le sujet un accord fondé sur le « consentement pré alable »[22]. Cette conception ne se traduira pas immé diatement dans le droit[23]. Le principe du consentement é clairé du patient sera d’abord consacré pour la seule relation thé rapeutique par la Cour de Cassation le 28 janvier 1942[24]. Quant à la recherche mé dicale, on continuera de pré supposer qu’elle est humaniste du seul fait qu’elle vise à l’amé lioration du sort de la collectivité. « Le labeur des hommes de gé nie, mê me orienté dans une direction erroné e, finit presque toujours par tourner au plein avantage de l’humanité », é crivait ainsi Mary Shelley dans Frankenstein en 1818.

 

Le XXe siè cle a pourtant largement dé menti le pré supposé des finalité s humanistes de toute recherche mé dicale. Ainsi l’Unité 731, cré é par le Japon impé rial en 1932 aurait fait pé rir plus de dix mille prisonniers servant de cobayes humains en laboratoire[25]. En aoû t 1944, le mé decin en chef de l’armé e japonaise, Nakamura Hirosato, a provoqué la mort de neuf cents Indoné siens aprè s avoir ordonné l’injection expé rimentale d’un vaccin contenant de la toxine té tanique chimiquement modifié e[26]. En Allemagne, ni le serment d’Hippocrate, ni les directives du gouvernement sur les thé rapeutiques nouvelles et l’expé rimentation scientifique du 28 fé vrier 1931 qui pré voyait que l’expé rimentation é tait interdite « dans tous les cas où le consentement fait dé faut » n’auront é té suffisants pour empê cher les dé rives mé dicales les plus tragiques. Le IIIe Reich a procé dé à des expé riences à vaste é chelle sur des juifs dé porté s. À Auschwitz, à Buchenwald, à Dachau, à Natzwzeiler, les mé decins nazis ont utilisé des cobayes humains auxquels ont é té inoculé s des pathogè nes tels que le typhus, la fiè vre jaune, la variole, la typhoï de, le cholé ra et la diphté rie afin de chercher des vaccins ou de mettre au point des traitements permettant l’immunité [27].

 

B. La consé cration du consentement é clairé aprè s 1947

 

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, vingt mé decins et trois fonctionnaires nazis seront accusé s de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité et jugé s à Nuremberg du 9 dé cembre 1946 au 20 aoû t 1947. Le jugement du Tribunal militaire amé ricain des 19 et 20 aoû t 1947[28] é tablit une liste des dix critè res retenus pour appré cier les expé rimentations reproché es aux accusé s et connus aujourd’hui sous le nom de « Code de Nuremberg »[29]. Parmi eux, se trouve le principe du consentement é clairé du sujet. Pour leur dé fense, les accusé s pré tendaient qu’en temps de guerre, le serment d’Hippocrate ne tenait plus et que l’É tat pouvait dé cider de faire primer l’inté rê t de la science sur celui de l’individu pour le bé né fice de la Nation. En ré ponse à cet argument, les juges de Nuremberg dé finirent des principes qui ne devaient pas dé pendre d’une consé cration juridique dé terminé e – c’est-à -dire du droit de tel ou tel É tat – mais d’une é thique mé dicale universelle et mê me du droit international[30]. C’est pourquoi le Pacte international sur les droits civils et politiques, adopté par l’Assemblé e gé né rale des Nations-Unies le 16 dé cembre 1966, pré voit à son tour qu’« il est interdit de soumettre une personne sans son libre consentement à une expé rience mé dicale ou scientifique » (art. 7).

 

En raison de leur atrocité, les crimes des mé decins nazis ont laissé croire qu’il s’agissait d’un accident monstrueux de l’Histoire, faisant ainsi oublier ce qu’Hannah Arendt appelle « la banalité du mal ». Or, tout au long du XXe siè cle, d’autres drames ont ré sulté d’expé rimentations mé dicales sans l’accord des personnes[31]. L’histoire des É tats-Unis où elles sont bien documenté es est é difiante: alimentation d’enfants retardé s avec des cé ré ales radioactives par des chercheurs du MIT à la Fernald State School (Massachusetts) dans les anné es 1940 et 1950[32], faux traitements administré s à des Noirs atteints de syphilis par le Service de santé publique de Tuskegee (Alabama) de 1932 à 1972[33], contamination d’enfants handicapé s mentaux à l’hé patite par deux mé decins universitaires à la Wilowbrook State School de New York de 1956 à 1972[34], essai sur 20 000 Amé ricains du thalidomide – un sé datif responsable de graves malformations fœ tales – sur simple prescription par des gé né ralistes à la fin des anné es 1950 et jusqu’en 1961[35], injection de cellules cancé reuses à des malades â gé s et indigents au Jewish Chronicle Disease Hospital de Brooklyn en 1963[36], etc.

 

Ces exemples attestent que pour certains, la fin peut toujours justifier les moyens. C’est pourquoi l’Association mé dicale mondiale, une organisation non gouvernementale de mé decins cré é e en 1947, a jugé bon d’adopter en juin 1964 la dé claration d’Helsinki. Il s’agit du premier texte international posté rieur à Nuremberg qui revient sur les questions d’é thique dans l’expé rimentation. Ce texte affirme que « la participation de personnes capables à une recherche mé dicale doit ê tre un acte volontaire » (art. 25). En France, les principes du Code de Nuremberg inspirent largement les garanties apporté es par le droit. Ils ont é té repris par le Comité consultatif national d’é thique dans un avis rendu en 1984[37] et par le rapport du Conseil d’É tat sur les sciences de la vie, l’é thique et le droit en 1988[38]. C’est toutefois la loi du 20 dé cembre 1988, dite loi Huriet-Sé rusclat, qui a pré vu pour la premiè re fois une permission spé cifique pour les essais mé dicaux sur des volontaires en bonne santé – jusqu’alors interdits – tout en tout en rappelant la né cessité d’un « consentement libre, é clairé et exprè s »[39]. rappelant la né cessité d’un « consentement libre, é clairé et exprè s »[39].

 



  

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