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L’accent, handicap invisible : des linguistes dénoncent la « glottophobie »



« Il va falloir changer d’accent, essaie de faire plus Parisien ». Ces propos ont é té lancé s par un professeur à Cé dric, é tudiant toulousain. Il affirme avoir é té « un peu mis à l’é cart » à la faculté du Mirail, « à cause de [son] accent du sud-ouest » trè s prononcé. Il dé plore une « attitude abjecte », le « prenait mal », mais arrive dé sormais à « passer outre ». Le sociolinguiste Philippe Blanchet, enseignant à l’université Rennes-II, recense les refus d’embauche lié s à cette discrimination. L’inventeur du concept de glottophobie ne souhaite pas surestimer ce problè me, mais considè re qu’il peut constituer un frein dans l’accè s à certains postes, surtout ceux dans le relationnel et la communication. Alors que le Premier ministre Jean Castex, d’origine gersoise, est raillé pour sa prononciation, La Dé pê che a interrogé des spé cialistes de la question.

Les cliché s sur les accents ont la vie dure, et sont inhé rents à l’histoire franç aise. « On a eu un mouvement centralisateur, avec l’unilinguisme comme base, et visant à gommer les langues et particularité s ré gionales » affirme Maria Candea, sociolinguiste à l’université Sorbonne-Nouvelle. De cette centralisation naî t une norme linguistique « imposé e par Paris, le centre du pouvoir », selon Mé dé ric Gasquet-Cyrus, linguiste et maî tre de confé rences à l’université d’Aix-Marseille.

Si on ne parle pas de faç on normé e, il est dè s lors difficile de rentrer dans la norme é tablie. « Dans les mé tiers où la parole est importante, il y a des personnes discriminé es pour leurs accents » note l’universitaire. Les linguistes, fervents dé fenseurs de la diversité des langues, se dé solent qu’un marqueur social et identitaire puisse devenir un handicap. « J’ai de nombreux té moignages d’individus à qui on a refusé un mé tier de parole, avec comme motif invoqué, l’accent » confie le sociolinguiste Philippe Blanchet.

Aussi, il ajoute que « prè s de 20% de la population dit avoir é té discriminé e » pour cette raison. L’accent est vecteur de pré jugé s en tout genre, dé taillé s par Mé dé ric Gasquet-Cyrus: « Le Ch’ti va renvoyer à une personne populaire, le Corse à la roublardise, et l’accent du sud à une personne joviale, mais dé nué e de sé rieux » dé clare-t-il. Une fatalité qui colle à la peau des discriminé s, mais qui n’est pas insurmontable.

À en croire le linguiste Mé dé ric Gasquet-Cyrus, gommer son accent est une fausse bonne idé e. « Beaucoup de gens font face à ce dilemme et prennent des positions diffé rentes. En changeant sa maniè re de parler, on peut se sentir mal à l’aise, puis l’accent peut revenir de maniè re inopiné e. Parfois, il y a un sentiment de dé chirement et de trahison qui fait surface en abandonnant sa prononciation » confie-t-il. Maria Candea souhaiterait quant à elle qu’on apprenne aux individus à « jongler » entre les accents, plutô t que de les abandonner. « En fonction de mon environnement, j’ai des prononciations diffé rentes. Je ne vais pas avoir le mê me accent au Stade Vé lodrome que lorsque j’enseigne à l’université » acquiesce Mé dé ric Gasquet-Cyrus.

Sacha Tisic, La Dé pê che, 12/07/2020

Vous avez dit glottophobie mais avec quel accent? [ J’ai un accent, et alors? Le titre du livre claque comme un dé fi à la glottophobie. […] Imaginons ce mot rarissime dans le vocabulaire courant surgissant dans la conversation: « glotto quoi? phobie d’accord mais glotto? Gloup Gloup…! » Le terme glottophobie est un né ologisme pour discrimination linguistique, forgé par le sociolinguiste et professeur à l’université de Rennes 2, Philippe Blanchet, pour dé signer les discriminations linguistiques de toutes sortes, le mé pris, la haine, l’agression, le rejet, l’exclusion, la discrimination né gative dont sont victimes des personnes.

Ignoré e, la glottophobie peut se ré vé ler douloureuse lorsqu’on la subit. Le premier sondage de l’ifop consacré à ce sujet le montre clairement. La moitié des Franç ais avouent une diction ré gionale « un peu », « assez » ou « trè s marqué e ». Les ouvriers plus que les cadres: 57 % des premiers, 41 % des seconds. Les habitants du Nord-Pas-de Calais (84 %), de Midi-Pyré né es (83 %) et de Franche-Comté (78 %), bien davantage que ceux du Centre-Val de Loire (21%), des Pays de la Loire (23 %), de Poitou-Charentes (25%) et de Bretagne (31%). 84% en Provence-Alpes-Cô te d’Azur, ce qui est surprenant au premier abord.

« Il s’agit d’un territoire qui attire beaucoup d’“immigré s de l’inté rieur” », analyse Jé rô me Fourquet, directeur du dé partement Opinion de l’Ifop. Sur les 33 millions de Franç ais ayant conservé des intonations de leur terroir, 27 % essuient des moqueries, « souvent » ou « de temps en temps », dans leur vie quotidienne. Ce pourcentage grimpe à 60 % chez les tenants des prononciations les plus typé es. Dans leur environnement professionnel, ils ne sont pas toujours é pargné s: 16% des sondé s disent avoir é té victimes de discriminations lors d’un concours, d’un examen ou d’un entretien d’embauche. La discrimination professionnelle par l’accent touche plutô t les hommes (20%), les moins de 35 ans (27%) et les cadres (36%). « À l’embauche, elle est assumé e par les employeurs qui la trouvent parfaitement justifi é e, comme s’il existait une bonne faç on de parler le franç ais et des mauvaises », s’insurgent les auteurs.

Des interviews ré alisé s pour le livre confirment les ré sultats de l’enquê te sur laquelle se sont appuyé s les auteurs, les é ditions Michel Lafon et Mag’Centre. La Berrichonne Patricia Darré attribue la disparition des accents ré gionaux à l’envahissement de celui « orthodoxe et conforme », distillé par les radios et les té lé s qui ré pandent dans tout le pays celui que pratiquent les sphè res de pouvoir.

Certes, mais les accents qui parlent autant que les mots des langues ré gionales ont la vie dure et le livre en est la preuve. Leurs dé fenseurs sont nombreux. Le succè s du musicien auteur-compositeur-interprè te, Alan Stivell qui a exporté le Breton jusqu’aux É tats-Unis en est la parfaite illustration. L’ancien directeur du Tour de France Jean-Marie Leblanc dé montre avec passion quelle perte ce serait si on envoyait aux oubliettes ce lien si profond et instinctif par lequel on se reconnait ê tre entre soi. Le dé puté (LREM) de l’Hé rault Christophe Euzet, juriste mi-sé tois, mi-catalan, a dé posé une proposition de loi « visant à promouvoir la France des accents avec pour objectif d’inscrire ces particularismes de diction sur la liste des fondements de la discrimination, dans le Code pé nal et dans celui du travail ». […] Franç oise Cariè s, Mag’Centre, 10/06/2020



  

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