Хелпикс

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Note sur l’édition numérique. 49 страница



— Mais oui!...

— Moi aussi, il faudra que je cherche... C’est-à -dire... si ils me laissent aller... Ah! Ferdinand!... pendant que j’y pense!... » Une inspiration qui lui passe... « Viens par ici... que je te montre quelque chose!... » Elle me ramè ne vers la cuisine... Elle se grimpe sur l’escabeau, le petit, elle disparaî t dans la hotte jusqu’à la ceinture, elle trifouille dans un des recoins... Elle fait branler la grosse brique... Il tombe de la suie de partout... Elle secoue encore une autre pierre, ç a bougeotte, ç a tremble... elle extirpe... Du trou elle sort des fafiots... et puis mê me de la monnaie... J’en savais rien moi de cette planque-là... Ni Courtial non plus certainement... Y en avait pour cent cinquante points et puis quelques thunes... Elle m’a tout de suite refilé un billet de cinquante... Elle a gardé le reste...

« Moi je vais emporter les cent balles et la monnaie... Hein?... Ç a fera toujours mon voyage... et puis peut-ê tre les frais de l’é glise! Si je reste là -bas, cinq, six jours... Ç a peut pas durer tout de mê me plus?... J’aurai bien assez!... Tu ne crois pas?... Et toi? t’as-t-y encore tes adresses?... Tu te souviens de tous tes patrons?...

— J’irai voir tout de suite l’imprimeur... que j’ai ré pondu... J’aimerais mieux chercher par là... »

Elle a refouillé dans la crevasse, elle a retiré encore un louis, elle me l’a donné celui-là... Et puis elle a reparlé de Courtial... mais plus du tout exubé rante...

« Ah! Tu sais mon petit Ferdinand!... Plus j’y repense... Plus ç a me revient l’affection qu’il avait pour toi... Il la montrait pas bien sû r!... Tu sais ç a aussi... C’é tait pas son genre... Sa nature... Il é tait pas dé monstratif!... Pas lé cheur!... Ç a tu le sais bien... Mais il pensait tout le temps à toi... Dans les pires traverses, il me l’a ré pé té souvent!... Y a pas seulement encore huit jours!... “ Ferdinand... tu sais Irè ne, c’est une nature que j’ai confiance... Il nous fera jamais lui de misè re!... Il est jeune! Il est é tourdi! Mais c’est un mô me de parole!... Il remplira sa promesse! Et c’est ç a Irè ne! C’est ç a qu’est rare!... ” Je l’entends encore m’ajouter!... Ah! il t’appré ciait va!... C’é tait bien plus sincè re qu’un ami!... Va! Ç a je t’assure!... Et pourtant le pauvre homme! Il pouvait avoir des mé fiances!... Il en avait assez vu!... Et comment trompé ! Deux cent mille faç ons!... plus honteuses les unes que les autres!... Alors, il pouvait ê tre aigri!... Jamais il m’a dit un mot pas favorable à ton sujet!... Jamais d’amertume!... Toujours que des compliments... Il aurait voulu te gâ ter... Mais il pouvait pas!... On avait la vie trop dure... Mais comme il me disait quand il me parlait de choses et d’autres... “ Attends un petit peu!... De la patience!... Je lui ferai son beurre à ce roupiot-là... ” Ah! Ce qu’il pouvait bien te comprendre... Tu sais pas comme il te blairait bien...

— Moi aussi, madame, moi aussi!...

— Je sais, je sais Ferdinand!... Mais c’est pas la mê me chose... T’es encore un mô me heureusement!... Rien est trop triste à ton â ge! Maintenant, tu vas la faire ta vie... C’est qu’un commencement... Tu peux pas comprendre...

— Il vous aimait aussi... que j’ai dit... Il me l’a raconté souvent... Comment qu’il tenait fort à vous et que sans vous il é tait plus rien... qu’il existait pas... “ Tu vois bien ma femme? ” qu’il me disait... » Je forç ais un peu sur la note... Je faisais de la consolation... Je faisais ce que je pouvais... Alors elle tournait en fontaine...

« Pleurez pas, Madame! Pleurez pas!... C’est pas encore le moment... Il faut vous durcir au contraire... Vous avez pas encore fini!... Là -bas, vous aurez à causer... à Beauvais... Peut-ê tre qu’il faudra vous dé fendre! Ç a les agace quand on pleure... Vous l’avez bien vu!... Moi aussi il faudra me dé fendre. Vous le disiez vous-mê me...

— Oui! T’as raison Ferdinand!... Hi! Hi! Oui c’est vrai... Je suis marteau... Je suis qu’une vieille folle!... Elle essayait de ré sister... Elle se sé chait les châ sses...

— Mais toi, tu sais, il t’aimait bien... Ah! Ç a je t’assure Ferdinand! Je dis pas ç a pour te faire plaisir... Tu le savais bien sû r n’est-ce pas?... Tu te rendais bien compte du cœ ur qu’il avait au fond... malgré quelquefois qu’il é tait dur... difficile un peu avec nous...

— Oui! Oui! Je savais, Madame!...

— Et maintenant qu’il s’est tué comme ç a... C’est é pouvantable! Tu te rends compte?... J’y crois pas moi!... C’est pas croyable!... » Elle pouvait pas s’en dé tacher de cette abomination...

« Ferdinand! qu’elle recommenç ait... Ferdinand! É coute!... » Elle me cherchait les mots exacts... Il en venait aucun... « Ah! Oui!... Il avait confiance Ferdinand!... J’ai confiance... Et tu sais lui hein?... N’est-ce pas? Il croyait plus à personne... »

Notre bois, il flambait plus du tout... Il enfumait toute la crè che... Il é clatait, sautait en l’air... Il s’é teignait au fur et à mesure... Je lui dis à la vieille... « Je vais en chercher de l’autre qui brû le! » J’allais piquer vers le hangar... si je trouvais pas un fagot sec... j’arracherais un peu de la cloison... celle de l’inté rieur... J’oblique un peu dans la cour... Je me dé tourne en passant devant le puits, je regarde du cô té de la plaine... J’aperç ois quelque chose qui bouge... On aurait dit un bonhomme... « C’est pas possible que c’est le gendarme?... Il rentrerait pas si tô t?... que je me fais la ré flexion... C’est encore un traî nard quelconque... Un mec qui fait du razzia... Eh bien je me dis... Il a le bonjour!... »

« Hé là ! Hé là ! que je lui crie... Qu’est-ce que vous cherchez bonhomme?... » Il ré pond rien... Il se sauve... Du coup, je me dé tourne, je vais mê me pas jusqu’au hangar... Je me goure tout de suite d’un drô le d’afur... Je me dis: « Merde! Merde! Replie Toto... » J’arrache vite un bout de barriè re... « Ç a suffira »... que je me dis... Je me pré cipite... Je rentre... et je lui demande à la vioque:

« Vous avez pas vu personne?...

— Mais non!... Mais non!... » qu’elle me fait...

Alors juste au mê me moment, dans le carreau d’en face, à pas deux mè tres de distance... Je vois une tê te qui me fixe... en transparence... une grosse tronche... je vois le chapeau aussi... et les lè vres qui bougent... Mais je peux pas entendre les mots... Je me rapproche avec la bougie, j’ouvre la fenê tre toute grande comme ç a sur le fait... C’é tait brave!... Je le reconnais tout de suite alors!... Mais c’est notre chanoine Nom de Dieu!... C’est le Fleury. C’est lui!... Le maboul!... trè s exactement!... Merde!... D’où qu’il arrive?... D’où qu’il vient!... Il me bafouille... il me postillonne. Il est tout gesticuleur!... Il a l’air complè tement heureux de nous retrouver en chœ ur!... Ses amis!... Ses frè res!... Il escalade la petite croisé e... Le voilà franchement dans la crè che... Il jubile!... Il gambade!... Il tré mousse autour de la table... La vieille elle se rappelait plus de son blaze, ni de son nom, ni des circonstances!... Un petit lapsus de la mé moire...

« C’est Fleury!... Voyons! C’est Fleury!... Le Fleury de la Cloche! Vous le voyez pas?... Regardez-le bien!...

— Ah! mais c’est bien vrai ma foi... Ah! mais oui c’est bien exact!... Ah! M. le Curé !... Ah! pardonnez-moi!... Ah! alors vous avez appris? Ah! mais oui c’est vous!... Ah! mais je deviens folle!... Ah! je vous remets! Ah! je vous remettais plus!... Vous savez pas l’horrible chose?... »

Lui s’arrê tait pas pour si peu!... Il continuait à gambader! Sautiller!... Gambiller!... Il prê tait pas attention... Il faisait de la grande cabriole! et puis encore d’autres petits bonds!... des petites saccades en arriè re... Il a sauté sur la table... Il a fré tillé encore... Il est redescendu d’un seul coup... Sa soutane é tait toute plaqué e blindé e de crottes et de bouse... jusqu’aux aisselles... jusqu’aux oreilles!... Ah! Oui sû rement c’é tait bien lui qu’é tait dans le champ tout à l’heure!... On s’é tait fait peur tous les deux!... Ah! il é tait harnaché !... Il en avait lourd sur les os... Tout un attirail de troufion, un paquetage complet... avec deux musettes! deux bidons! trois gamelles! et par-dessus un cor de chasse... un immense, un magnifique en bandouliè re!... Tout ç a clinquait à chaque geste... Il arrê tait pas!... C’est son chapeau qui l’é nervait le plus... qui lui godaillait dans les châ sses... un grand raphia comme pour la pê che... Et puis il s’é tait dé coré ! admirablement aussi le mec!... Il en avait plein sa soutane de tous les ordres et les mé dailles... Et plusieurs Lé gions d’Honneur... Tout ç a é tait pé tri de mouscaille, et puis un lourd crucifix, un Jé sus d’ivoire, tout battant au bout d’une grande chaî ne... Tellement qu’il é tait rincé notre joli chanoine, il dé goulinait plein la piaule... Il se promenait comme un arrosoir... sa soutane elle s’é tait fendue de haut en bas par-derriè re... il avait encore les ronces...

La vieille, elle voulait plus qu’il bouge... Elle voulait encore le convaincre... C’é tait sa passion... Je lui faisais moi des signes... qu’elle l’emmerde pas!... Qu’il s’en irait peut-ê tre tout seul!... qu’il fallait pas l’exalter... mais elle voulait pas me comprendre... Elle é tait contente de le revoir... Elle le cadrait dans les petits coins... Il grognait alors comme un fauve... Il se butait pile contre le mur, tê te incliné e, prê t à la charge... Il l’é coutait plus... Il pressait ses doigts sur sa bouche... « Chutt! Chutt! » qu’il lui recommandait... Il jetait des regards alentour et pas bien aimables!... Il é tait traqué le mironton...

« Vous ne savez pas, M. le Chanoine?... Je vois que vous ne savez pas!... Ah! Si vous aviez pu voir!... Ah! Si vous saviez ce qu’il y a eu!...

— Chutt! Chutt!... M. le Pereires?... M. le Pereires? C’est lui maintenant qui ré clamait... « Hein? M. le Pereires?... » Il l’a saisie par les é paules, il lui reniflait dans la figure et trè s violemment... Un tic lui prenait toute la bouche... Il restait crispé aprè s... Il se dé tendait en saccades...

« Mais je l’ai pas, M. le Curé !... Mais non!... Moi je l’ai pas! Vous savez donc rien?... Il est pas ici le pauvre homme!... Il est plus ici le malheureux!... Voyons!... On vous l’a pas dit?...

— Pressez!... Pressez vite!... » Il la chahutait tant et plus!...

« Mais il est mort voyons!... Il existe plus!... Je vous l’ai dit tout de mê me... » Elle avait trouvé un fias qu’é tait encore plus ré solu...

« Je veux le voir moi!... Je veux le voir!... » Il dé mordait pas de sa marotte... « C’est bien urgent!... Chutt! Chutt!... Chutt!... Presto! Presto!... » Il a refait le tour de la table sur la pointe des pieds! Il a regardé dessus et dessous et puis encore dans la hotte... Il a rouvert les deux armoires... Il a arraché les clefs... Il a dé glingué le coffre à bois... retourné les gonds... Il é tait furieux... Il blairait plus la ré sistance... Son tic lui retroussait toute la lè vre!...

« M. le Curé !... M. le Curé !... Faites pas ç a!... » Elle essayait de le convaincre...

« Ferdinand! Je t’en supplie! Dis-le à M. le Curé !... N’est-ce pas mon petit, qu’il est mort?... Dis-lui à M. le Curé !... » Elle se raccrochait à sa musette...

« Allez regarder sur la porte, c’est é crit pourtant!... Dis c’est pas vrai Ferdinand?... “ Bonne chance ” »... Elle l’agrafait au cor de chasse!... Il emportait tout à la traî ne... La rombiè re, la table, et les chaises, les assiettes!...

« Assez! Assez! Vos effronteries! Effronté s! Effronté s tous!... C’est le Directeur!... Gé nitron Courtial!... Vous m’entendez pas?... Lui tout seul!... Vous m’entendez?... Il sait! Il sait!... Gé nitron! Là ! Là !... Je suis attendu!... Il veut me voir immé diatement!... Rendez-vous!... Rendez-vous!... » Il s’est dé pê tré en furie... Elle est allé e rebondir dans le mur...

— Assez! Assez! Je veux lui causer!... On m’empê chera pas!... Qui?... » Il en retroussait toute sa soutane... Il farfouillait dans toutes ses poches... Il en sort des petits papiers... des miettes, des coupures de journaux... Il est resté comme ç a à genoux, en pleine fié vreuse confusion!... longtemps, longtemps! Il bafouillait, il recomptait... tous les papelards un par un... et les a tous dé froissé s... Il les a encore raplatis... Il en a remis d’autres en boulettes...

« Chutt! Chutt!... » Il recommenç ait... Il voulait plus nous qu’on bouge. « En voilà !... Ç a c’est de l’authentique!... Hein ç a? Tu vois bien!... Le pur manuscrit pharaon!... Oui!... » Il m’en remet une pincé e...

« Voilà ! jeune garç on!... » Il me pressait dans le creux de là main... une boulette!... deux boulettes... « M. le Directeur! M. le Directeur!... »

Merde! Ç a le reprenait... Ç a lui remontait sa colè re!... Il s’est recabré d’un seul é lan... Il a ressauté sur la table... Il ré clamait encore Courtial à tous les é chos!... Il a embouché le cor de chasse. Il a soufflé dedans un grand coup et puis des rauques crevaisons... encore des couacs et des petits râ les!...

« Il va venir... Il m’entend!... » Dix fois, vingt fois de suite... Il m’agrippe par le costard, il me bave nettement dans la fiole, il me souffle dans les yeux... Il pue bien, la vache... Par bouffé es alors qu’il me renseigne comment qu’il est venu jusque-là... Il est descendu à Vry-Controvert, la halte du « Dé partemental » à vingt-deux kilomè tres de Blê me! Les « autres » le poursuivent, les « autres » qu’il ajoute... Il me tarabuste pour me prouver...

« Chutt! Chutt!... qu’il me refait encore... Les Puissants!... Oui! Oui! » Il retourne à la fenê tre... Il regarde si ils viennent?... Il se cache, il grogne à l’abri du volet... Il rebondit encore... Il scrute les approches... Il va pisser dans la cheminé e... Il se boutonne plus... Il revient tout de suite à la persienne... Il a dû les voir les Puissants... Il rumine... il râ le comme un sanglier...

« Ah! Ah! qu’il me fait... Jamais!... Rouah!... Rouah!... Jamais!... » Il se retourne sur moi... Il me brandit ses poings devant la face... Comme il a pu changer ce mec-là, depuis notre Palais-Royal... Comme il est devenu fé roce!... Ils y ont fait bouffer des scorpions! dans l’internement... Merde! Il est devenu intraitable!... Il a pompé du vitriol!... Il arrê te plus!... Il dé ambule!... Il carambole contre les murs... Il menace... Il provoque!... On se parle plus la vieille dabe et moi... On est atterré s finalement... Il commence à bien me courir... ce curé brouilleur... Je l’é tendrais bien d’un coup derriè re!... Je vise un bath pieu prè s de la fenê tre... Il nous sert à nous de tisonnier... avec un embout bien maous... un beau manche de fonte... ç a suffirait pour sa gueule... Ç a va faire encore un crime... Je fais signe à la daronne qu’elle se trisse un peu, une seconde... qu’elle se replie le long du mur!... Merde! J’aimerais mieux quand mê me qu’il se taise... Que j’aye pas besoin d’y toucher... Nom de Dieu, Bon Dieu d’enfoirure!... Comme il est moche!... Comme il est con!... Qu’il s’arrê te de nous enculer ce sale fumier-là... sa marotte... Il croit pas à ce qu’on lui raconte... Il a la bille qu’on le lui cache... C’est infernal à la fin!... Je le dis à la vieille!

« Tant pis! Ç a suffit! Y en a chiotte!... Because! moi je vais lui montrer quand mê me...

— Fais pas ç a! Ferdinand!... Fais pas ç a! Je t’en supplie!...

— Si! Si! Peut-ê tre que ç a va le doucher... Il se rendra peut-ê tre compte!... C’est un bourreur ce sale con-là... C’est ç a qu’il est dingue... Aprè s on le foutera dehors!... » Il arrê tait plus de se dé battre, de se cogner dans tout!... Il soulevait la table tout entiè re... qui é tait pourtant un monument!... Il é tait fort le canaque!...

« Le Directeur!... Le Directeur!... qu’il recommenç ait à beugler... J’ai tout donné ! moi!... » Il s’est reprosterné à genoux, il embrassait son crucifix... Il faisait des mille signes de croix... Aprè s il restait en extase... Les bras é tendus de chaque cô té... Il faisait le crucifix lui-mê me!... Et puis debout comme par un ressort... Sur la pointe des pieds, il repartait... Les yeux fixes comme ç a, au plafond!... Il rempilait au baratin...

Elle me tirait, elle voulait pas que je lui montre l’autre... dans la cuisine... Elle me faisait des gestes. « Non! Non! » La comé die ç a suffisait... J’en avais ma tasse...

« Viens par ici!... » que je l’attrape par son cor de chasse... et hop! que je le hale vers la cuisine... Ah! la sale tante!... Il nous croit plus!... Non!... Eh ben il va voir ma vache... Tous les dingos c’est du mê me... C’est leur joie qu’on les contrarie... « Allons! Allons!... Viens ma tronche!... » J’y dé clare un coup dans le pot!... Et que je te le fais un peu rebondir!... C’est lui maintenant qui en veut plus!... Ah! Je devenais mé chant moi aussi!... Il ramè ne! Il groume! Je le ramponne encore dans le fond du couloir...

« Hop là !... Prenez la bougie, Madame, prenez-en donc deux... Faut qu’il voye absolument bien... Qu’il s’en mette un coup plein la vue... Faudra plus qu’il vienne nous faire chier!... » Arrivé dans la cuistance, je me fous à genoux... et je me baisse encore... Je lui montre là bien sous son nez le corps dans l’enveloppe par terre... Il peut bien se rendre compte... Je mets à cô té l’autre bougie...

« Là, tu regardes bien?... dis, bourrique?... Tu viendras plus nous entreprendre... ? Hein? C’est bien lui?... Tu reconnais?... Pas?... » Il se rapproche... il renifle... Il se mé fie... Il souffle tout du long des jambes... Il se prosterne... Il fait une priè re... Il arrê te plus. Et puis il se retourne... Il me regarde encore... Il reprend son oraison!...

« Alors? T’as bien vu?... que je lui fais... T’as compris quand mê me dis casse-couille?... Maintenant, tu vas rester tranquille?... Tu vas t’en aller gentiment?... Tu vas te barrer prendre ton dur?... » Mais il arrê tait pas de grogner et de re-sentir encore le cadavre... Alors, je le raccroche par le bras... Je veux un peu l’é carter... Je voudrais qu’il se relè ve... Il repique dans une de ces rages!... Il me balance un de ces coups de coude!... Un retour en plein dans le genou... Ah! le vomi! Ah! Ce qu’il me fait mal!... J’en vois les trente-six chandelles!... Ah! je me retenais à un fil pour pas le buter sé ance tenante... Il est enragé le sale crabe!... Je l’aurais é crasé l’ordure!... La vieille elle s’obstinait tout de mê me... Elle lui refaisait ç a au bon cœ ur... aux bonnes intentions... Elle essayait de le rambiner...

« Vous voyez bien, M. le Chanoine! vous voyez donc bien qu’il est mort!... Vous nous faites tous de la peine!... C’est tout ce que vous faites!... Il est plus là le malheureux!... Le gendarme a bien dé fendu!... Il voulait pas que personne rentre... Nous avons promis! Vous allez nous faire punir!... tous les deux Ferdinand et moi. À quoi ç a vous servira?... Vous voulez pas ç a quand mê me?... »

À ce moment-là je me dis: « Eh bien graisse de couille! Puisqu’il veut pas du tout nous croire... Moi je vais lui montrer toute la fiole... Puisqu’il croit comme ç a qu’on le cache!... Aprè s je te fouterai dehors!... Ah! ç a traî nera plus!... » Je soulè ve donc un coin de l’enveloppe... Je rapproche encore la calebombe... Je lui dé couvre toute cette belle brandade... Tu veux dis regarder! Qu’il se rende bien compte... Il s’agenouille aussi pour mieux voir... Je lui ré pè te encore:

« Ç a va vieux gaz! Tu viens?... » Je l’attire... Il veut plus bouger!... Il insiste... Il veut pas partir... Il renifle en plein dans la barbaque... « Hm! Hm! » Il rugit!... Ah! Il s’exalte!... Il se fout en transe... Il en fré mit de toute la carcasse!... Je veux alors la recouvrir la tronche!... Ç a suffit!... Mais il tire en plein sur la toile... Il est enragé ! Positif! Il veut plus du tout que je recouvre!... Il plonge les doigts dans la blessure... Il rentre les deux mains dans la viande... il s’enfonce dans tous les trous... Il arrache les bords!... les mous! Il trifouille... Il s’empê tre!... Il a le poignet pris dans les os! Ç a craque... Il secoue... Il se dé bat comme dans un piè ge... Y a une espè ce de poche qui crè ve!... Le jus fuse! gicle partout! Plein de la cervelle et du sang!... Ç a rejaillit autour!... Il arrache sa main quand mê me... Je prends toute la sauce en pleine face!... J’y vois plus!... Vraiment rien!... Je me dé bats!... Bougie é teinte!... Il gueule toujours!... Ah! Faut le stopper... Je le vois plus!... Je fonce d’un coup! Je charge dedans... Je m’affole... à l’estime!... Je le bute pile!... Il culbute la vache!... Il va s’é craser dans le mur... Baoum! Plac! J’ai l’é lan!... Je suis... Mais je me rebecte!... Je me freine, je me redresse d’autor!... Je reste pas contre!... Je me gafe bien!... Merde!... Je veux pas qu’il calanche dans la trempe!... Je m’essuye les châ sses! J’ai toute la pré sence d’esprit!... Il faut qu’il se requinque tout de suite. Je veux pas le voir par terre!... Je lui sonne les cô tes à coups de botte... Il se soulè ve un peu... Ç a va mieux!... Je lui remets une bonne claque en pleine gueule... Ç a le relè ve alors tout à fait... La vieille lui vide sur le cassis toute sa bassine entiè re de flotte... et de la glaciale... Il se refout à plaindre, à gé mir... Alors ç a va de mieux en mieux!... Mais il reflanche alors d’une seule piè ce... Ah le sale enflure!... Pfloc!... Il s’é tale!... Il lui passe des sursauts de lapin... et puis il bouge plus du tout!... Ah! le sale œ uf!... Ah il avait pas tenu lerche!... J’ai un peu regardé à la porte... Et puis on l’a transporté nous deux, nous-mê mes sur la bordure de la route... On voulait pas qu’il reste là... Qu’on nous l’attribue en prime!... Minute! Haricots!... Que le gendarme le retrouve dans la crè che?... et avec ç a dans les pommes!... À notre entiè re discré tion!... Ah! Alors c’é tait un nougat!... Tout cuit notre jolie belote!... Il fallait mê me pas qu’on sache qu’on l’avait eu à l’inté rieur... Ni vu ni connu!... Salut! Pas bonnards!... Ah! Dehors! Vive le grand air!... tout é vanoui qu’il é tait!... Quand mê me, il a regrogné un peu... Il reniflait dans la mouscaille. Ç a flottait là -dessus en cascade... On est rentré s vite nous deux... On a bien verrouillé notre lourde... Il venait plein de rafales... J’ai dit à la vieille comme ç a:

« Nous faut plus qu’on bouge... Mê me si il rappelle!... On entend plus rien!... Quand il rentrera l’autre guignol!... On fera les connos et puis c’est tout!... On l’a pas vu! pas connu!... Voilà !... C’est son affaire si il le retrouve!... » Bon! elle a compris... C’est conclu!...

Il passe peut-ê tre encore une heure!... Peut-ê tre mê me un peu davantage... Je rafistole comme ç a la cuisine... La vieille faisait le guet au carreau...

« Regardez pas par ici Madame!... Vous retournez pas!... Vous occupez pas du mé nage!... Regardez bien ce qui se passe dehors!... » Je rallonge le cadavre... Je retape un peu la litiè re... Ç a resaignait à flots à travers la toile... Je rapporte un peu du fourrage... J’en sè me à la volé e autour... J’é ponge les flaques comme ci, comme ç a!... Je remets la paille sous la tê te... bien é pais comme un oreiller... Mais alors le plus difficile c’é tait les é claboussures!... Y avait des taches jusqu’au plafond... et mê me des caillots tout collé s!... Ç a faisait vraiment tarte!... J’ai essayé de rincer tout ç a... J’ai repassé encore l’é ponge... Mais ç a marquait toujours plus... Tant pis!... Il fallait finir!... J’emmè ne les calebombes!... Je sors!... On se planque alors à cô té... On attend avec la vieille... Ah! la belle pé toche!... Affreux... Comment qu’elle me revenait!... que l’autre guignol il s’aperç oive?... Qu’il se gafe de la corrida?... Ah le beau concombre! Comment qu’on allait tourniquer?... Surtout si il retrouvait le cureton comme ç a é vanoui sur la route!... C’é tait un joli accessoire!... Merde!... Il revenait toujours pas le sacré bourrique... Il avait dû se la farcir, la belle-sœ ur du pot-au-feu!... Pas possible!... On s’est allongé s nous par terre!... On avait mis du foin aussi... Je disais rien... Je ré flé chissais... La nuit elle finirait jamais!... J’aurais jamais pu m’endormir tellement il me passait de transes... Jamais je crois j’avais tant redouté... Tout d’un coup, j’entends une fanfare... Mais Nom de Dieu de foutue putain!... Mais ç a y est! C’est le cor de chasse!... Et ç a venait de la plaine... Ç a venait de pas loin! Je me dis: « Mais c’est lui!... Ah! la sale brute! » Je reconnaissais tous les couacs! Il rempile! Il va nous remettre ç a!... Ah! la tante! Ah! la canasse!... Il dé cuplait toutes les rafales! Tous les boucans de la tempê te!... avec sa trompe é railleuse! Merde! C’é tait assez! Quand mê me! Il soufflait dedans de toute son â me!... Ah! quel phoque!... Ah! ç a pouvait devenir drô le quand mê me un curé pareil... Ah! la chienlit! Ah! quel bousin! Quelle sale engelure!... Quel sale chiot!... Quelle crampe!... Ah! alors ç a j’é tais certain!... Et puis, Nom de Dieu! non! C’é tait mieux encore qu’il gargouille, mê me infect tel quel!... C’é tait signe qu’il é tait repompé... Il devait ê tre heureux!... C’est preuve qu’il é tait pas crouni! Ah! l’ordure! « Ah! mugis! mugis! reine de vache! » Et que je t’en refile des coups et des coups de trombone!... Ah! Il avait repris tout son souffle!... Il dé bandait plus!... Taï aut! Taï aut! ma saloperie! Ah! la corne de couac!... Veux-tu en voilà !... Ç a valait mieux que de calanchir!... Ç a oui! Faut reconnaî tre! Merde! Mais c’é tait abject comme renvois! comme coliques en cuivre! Ah! il nous faisait bien chier quand mê me avec son é gout le grand veneur!... Il arrê tait plus!... Une petite minute à peine! Et il remettait tout de suite ç a!... Toujours davantage!... Ah! y avait pas d’erreur possible! C’é tait bien notre enragé !... Elle a duré sa fanfare au moins jusqu’à six heures et demie... Il faisait dé jà petit jour, quand on a tapé au carreau... C’é tait notre gendarme!... Il rappliquait juste... Il tombait à pic... Il avait couché à Blê me qu’il a pré tendu... À cô té de son cheval soi-disant... qu’on n’avait pas pu le referrer à Tousnes... que c’é tait trop tard... qu’il avait pas trouvé la forge...



  

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