Хелпикс

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Note sur l’édition numérique. 48 страница



« Je peux vous faire la soupe! qu’elle a dit... Maintenant que les mô mes sont plus là !... Je peux peut-ê tre vous faire bouffer tous!... » Ils ont accepté trè s heureux... Ils s’en tapaient sur les cuisses... Mais elle repleurnichait quand mê me... Nous avions une marmite de taille!... elle tenait au moins quinze gamelles... Un autre pinard est arrivé... Celui-là il venait tout droit de Persant... C’é tait l’é pouse du brigadier qui l’envoyait par un gamin avec une lettre et un journal... On s’est assis à cô té d’eux... Forcé ment on partageait... Ç a faisait un peu plus de vingt-quatre heures qu’on avait rien becté nous autres... Les gendarmes ils en redemandaient... On a vidé tout le chaudron... Ils ont causé qu’entre eux d’abord... Ils s’animaient à mesure... Ils ingurgitaient tant et plus... Ils se dé boutonnaient franchement... Un des cinq... pas le brigadier... un qu’é tait dé jà tout chauve, il semblait plus curieux que les autres... Il a demandé à la daronne ce qu’il faisait le mort en fait de mé tier avant de venir à la culture?... Ç a l’inté ressait... Elle a essayé de lui ré pondre, mais elle a pas pu trè s bien... Elle s’é tranglait à chaque parole... Elle se dissolvait en sanglots... Elle mouchait dans son assiette... Elle a é ternué dans la poivriè re... Tout le monde se marrait finalement... Et puis ç a emportait la gueule... elle avait eu la main lourde avec le piment... Oh! oua! ouaf!... Il faisait chaud aussi dans la piaule... Le feu tirait à ravir!... Quand le vent é tait bien placé on aurait brû lé la baraque!... mais si il changeait de direction alors il refoulait dans la tô le!... On é touffait dans la fumé e!... C’est toujours comme ç a à la campagne...

Au bout du banc le brigadier, il tenait plus par la chaleur... Il a tombé la tunique... Les autres ils ont fait pareil... Les huiles du Parquet ils pouvaient venir que le lendemain matin... Y avait donc pas de pet... Ils se demandaient tous pourquoi le Commissaire s’é tait dé filé ?... Ç a les passionnait cette question. Et pourquoi surtout le Procureur lui-mê me?... Et pourquoi si rapidement?... Il devait y avoir eu une bisbille entre le Greffe et la Pré fecture... Telle é tait la belle conclusion... Si y avait comme ç a des bagarres, nous autres on paumerait certainement... Moi voilà dé jà ce que je pensais. Le brigadier, peu à peu, il a recommencé son dî ner... Il s’est tapé à lui tout seul presque tout un camembert!... des tartines immenses!... avec le coup de rouge par-dessus!... Une bouché e!... un coup!... Une bouché e!... une autre!... Je le regardais faire... il me clignait de l’œ il... il é tait dé jà chiasse un peu!... Il est devenu tout cordial... Il a demandé à la vioque, comme ç a, pas du tout brutal, absolument sans malice, ce qu’il faisait donc son Courtial, avant qu’ils arrivent à Blê me?... Elle l’a compris tout de travers. Elle en é tait comme gâ teuse à force de pleurer. Elle lui ré pondait « Rhumatismes! » elle y é tait absolument plus!... Elle s’est remise à battre la breloque... Les larmes lui reprenaient le dessus... Elle l’a imploré, supplié pour qu’il la laisse dans la cuisine... à cô té... encore un petit peu... Pour le veiller un moment... Par exemple jusqu’à minuit!... On n’avait plus d’huile ni de pé trole... seulement que des chandelles mais alors un assortiment!... Les mô mes ils en fauchaient partout, toujours, chaque fois qu’ils sortaient... qu’ils passaient un peu dans une ferme... Ils nous en avaient rapporté de tous les calibres des calebombes!... on avait un choix, la vieille voulait en mettre deux... Le brigadier en avait marre de l’entendre glapir...

« Allez! Allez!... et puis revenez vite! Tout de suite!... Et foutez pas le feu!... Et puis touchez pas au bonhomme hein?... ou je vous renferme dans la grange!... Et puis alors pour de bon!... »

Elle y est partie... Au bout d’un instant, comme elle revenait pas un gendarme s’est levé pour voir... « Qu’est-ce qu’elle fabrique?... » qu’ils se demandaient... J’y ai é té aussi avec lui... Elle é tait recourbé e à genoux contre le corps...

« Je peux pas le recouvrir?... — Ah! non qu’il ré pondait le guignol... — C’est pas qu’il me fasse peur, vous savez! Mais il faudra bien qu’ils l’enveloppent... Ils peuvent pas l’emmener comme ç a!... Je le bougerai pas! Ç a je vous le promets!... J’ai pas besoin d’y toucher! Je voudrais qu’on lui passe une é toffe!... Ç a seulement!... c’est tout!... Une é toffe dessous et puis sur la tê te... »

Je me demandais ce qu’elle voulait lui mettre?... Des draps?... On en avait pas... On en avait jamais eu à Blê me... On avait bien des couvertures, mais elles é taient plus que des loques... et des absolument pourries!... On s’en servait plus depuis la paille... puisqu’on couchait tout habillé s... des vrais dé tritus... Le gendarme il voulait pas de ç a!... Il voulait qu’elle demande elle-mê me au brigadier la permission... Mais le brigadier lui il ronflait... Il avait sombré sur la table... On l’apercevait par la porte... Les autres ploucs ils faisaient la manille...

« Attendez! J’y vais!... qu’il a dit à la fin des fins... Y touchez pas avant que je revienne... » Mais elle pouvait plus attendre...

« Ferdinand! toi, vas-y donc! Dé pê che-toi mon petit! Va me chercher vite dans ma paillasse... tu sais par la fente... ! où je rentre la paille?... Fouille! Plonge avec ton bras du cô té des pieds... tu vas trouver le grand morceau!... Tu sais bien... celui de l’Archimè de!... Le rouge... le tout rouge!... Il est assez grand tu sais... Il sera assez grand... Il fera bien tout le tour!... Rapporte-le-moi! là ! tout de suite... Je bouge plus!... Dé pê che-toi vite!... »

C’é tait absolument exact... Je l’ai trouvé immé diatement... Il empestait bien le caoutchouc... C’est le morceau qu’elle avait sauvé du fond des dé combres le soir de la catastrophe... Elle l’a dé plié devant moi... Elle l’a é talé par terre... C’é tait toujours une bonne toile. C’est la couleur qu’avait changé... Elle é tait plus é carlate... elle avait tourné tout marron... Elle a pas voulu que je l’aide pour enrouler Courtial dedans... Elle a tout fait ç a elle-mê me... Fallait surtout pas qu’elle le remue... Elle a glissé sous le cadavre tout le tissu tout à fait à plat... extrê mement doucement il faut dire... Elle avait bien assez de mé trage pour tout envelopper... Et toute la barbaque de la tê te s’est trouvé e renfermé e aussi... Le brigadier nous regardait faire... L’autre il l’avait ré veillé... « Alors qu’il nous criait de loin... Vous allez encore le cacher?... Hein?... Vous ê tes enragé e alors?

— Ne me grondez pas, mon bon Monsieur!... ne me grondez pas!... Je vous en supplie! J’ai fait mon possible!... Elle se tournait vers lui à genoux. J’ai rien fait de mal!... J’ai rien fait de mal!... Venez voir!... Venez le voir!... Vous-mê me! II est toujours là... Croyez-moi!... Croyez-moi! Je vous en supplie!... Monsieur l’Ingé nieur!... » Elle l’appelait comme ç a, tout d’un coup, Monsieur l’Ingé nieur!... Elle se remettait à crier...

« Il montait, Monsieur l’ingé nieur! Vous l’avez pas vu vous autres!... Vous pouvez pas me croire bien sû r!... Mais Ferdinand il l’a vu lui!... Hein que tu l’as bien vu Ferdinand?... Comme il montait bien!... Tu te rappelles dis mon petit?... Dis-leur à eux!... Dis-leur mon petit!... Ils ne veulent pas me croire moi!... Misé ricorde! Doux Jé sus! Je vais faire une priè re! Ferdinand! Monsieur l’ingé nieur! Sainte Marie! Marie! Agneau du Ciel! Priez pour nous! Ferdinand! Je t’en conjure! Dis-leur bien à ces Messieurs! Veux-tu?... Viens faire ta priè re! Viens vite!... Viens ici! Ç a c’est vrai hein?... Au nom du Pè re! du Fils! du Saint-Esprit!... Tu la sais celle-là Ferdinand?... Tu la sais aussi ta priè re?... »

Elle s’é pouvantait... elle s’é carquillait blanc les châ sses...

« Tu la sais pas?... Mais si tu la sais!... Pardonnez-nous nos offenses!... Allons! Ensemble! Là ! Voilà ! Comment je vais vous pardonner!... Allons! Comme je vais vous pardonner!... Ré pè te Nom de Dieu!... petit malfrin!... »

Elle me fout alors une grande claque!... Les autres là -bas, ils s’en gondolent...

« Ah! Ah! Tu la sais bien alors!... quand mê me!... Il montait Monsieur l’Ingé nieur, il montait c’é tait magique!... Tenez à dix-huit cents mè tres!... J’ai monté partout avec lui... Oui!... J’ai monté !.,. Vous pouvez me croire à pré sent!... C’est la vé rité parfaite!... Je le jure! » Ç a je le jure!... Elle essayait des signes de croix... Elle pouvait pas les finir... elle s’embarbouillait dans ses loques...

« Dans l’Hydrogè ne! Dans l’Hydrogè ne! mes chers Messieurs!... Vous pouvez demander à tout le monde!... C’est pas des mensonges tout ç a!... » Elle se prosternait le long du corps, elle s’est jeté e entiè rement dessus... C’é tait la supplication...

« Mon pauvre ché ri!... Mon pauvre amour!... Personne te croit plus à pré sent. Ah! C’est trop abominable!... Personne veut plus te croire!... Je sais plus moi comment leur dire?... Je sais plus quoi faire?... Je sais pas comme il est monté ?... Je sais plus combien!... C’est moi je suis la femme horrible!... C’est ma faute à moi tout ç a... C’est ma faute, Monsieur l’Ingé nieur!... Ah! oui! Ah! oui! C’est moi qui ai fait tout le mal!... À lui j’ai tout fait du mal! Il est monté deux cents fois!... cent fois!... Je me rappelle plus mon amour!... Deux cents!... Six!... Six cents fois!... Je sais plus!... Je sais plus rien!... C’est atroce!... Monsieur l’Ingé nieur!... Trois cents!... Plus! Bien plus!... Je sais pas!... » Elle l’é treignait dans l’enveloppe!... elle se crispait entiè rement dessus... « Courtial! Courtial! Je ne sais plus rien!... » Elle se rattrapait le gosier en force. Elle se relabourait la tê te... Elle s’est arraché les tifs, en rage, à poigné es, en se dé menant par terre... Elle se refouillait la mé moire...

« Trois mille!... Dix mille! Jé sus! Quinze!... Dix-huit cents mè tres!... Ô Jé sus! Ferdinand! Tu peux rien dire?... C’est trop fort!... Merde de Dieu!... » Elle se reperdait dans les chiffres...

« Mes officiers!... Ferdinand!... Mes officiers! » qu’elle les appelait! « Au Nom du Ciel! C’est ç a, j’y suis! »... Elle s’est soulevé e sur les coudes... « Deux cent vingt-deux fois!... C’est bien ç a!... Deux cent vingt-deux! »... elle retombait... « Merde! je sais plus rien!... Ma vie! Ma vie!... » Il a fallu que les cognes la relè vent... Ils l’ont ramené e dans la grange... Ils ont refermé la porte sur elle. Comme ç a absolument seule peu à peu, elle s’est ré signé e... et mê me elle s’est endormie... Plus tard, on est entré s la voir avec les gendarmes. Elle s’est remise à nous causer mais alors toute raisonnable. Elle é tait plus dingue du tout.

On a encore attendu toute la matiné e... La vieille elle restait dans sa paille... Elle ronflait profondé ment... Ils sont arrivé s vers midi les gens du Parquet... Le Juge d’instruction, un petit gros bien empaqueté dans sa fourrure, il zozotait dans la bué e, il toussait, il avait des quintes... Il est descendu de son landau avec un autre fias, un rouquin. Celui-là portait une casquette tout enfoncé e sur les yeux. C’é tait son mé decin lé giste. Les gendarmes l’ont reconnu tout de suite.

Il faisait un froid vraiment aigre... Ils é taient pas ré chauffé s... Ils venaient de la gare de Persant...

« Amenez-les donc par ici!... qu’il a ordonné aux gendarmes, dè s en mettant le pied par terre... Amenez-les-moi dans la grande salle!... Ensemble! la femme et le merdeux! Nous irons voir le corps plus tard!... Personne l’a bougé ?... Où l’avez-vous mis?... Apportez-moi aussi les piè ces?... Qu’est-ce qu’y avait?... Un fusil?... Les té moins?... Y a des té moins?... »

Quelques minutes plus tard il est arrivé encore deux autres voitures... Une qu’é tait remplie de policiers, de cognes en civil... et l’autre, une grande tapissiè re qu’é tait bourré e de journalistes... Ceux-là ont pris sé ance tenante des foisons d’instantané s... sur tous les aspects de la ferme... de l’inté rieur... les environs... Ils é taient tracassiers ceux-là, les journalistes, bien plus que tous les pé quenots. Et puis fré tillants surtout!... Il a fallu, ce fut la transe qu’ils prennent ma pê che au magné sium!... et puis celle de la daronne sous tous les profils!... Elle savait plus comment se tapir!... Elle é tait forcé e de rester là, entre les deux bourres... Mais on pouvait plus se bouger tellement la foule devenait compacte... Le Procureur il faisait vilain! On lui marchait dessus!... Il a donné l’ordre aux griffes de faire immé diatement place nette... Ils ont pas traî né... Ils ont culbuté la cohue... Les abords furent vite dé gagé s... toute la cour aussi...

Le zozotant il prenait froid, il frissonnait dans sa pelure. Il avait hâ te que ç a se termine, ç a se voyait trè s bien. Il en voulait au service d’ordre... Son greffier il cherchait une plume, il avait cassé la sienne... Il é tait mal le zozoteur comme ç a sur le banc... La salle é tait trop é norme, humide, le feu é tait tout é teint... Il se tapait les poignes l’une dans l’autre... Il ô tait ses gants pour souffler. Il se suç ait les doigts... Il avait le nez tout amé thyste... Il remettait ses gants. Il tortillait du derriè re... Il retapait des pieds... Il se ré chauffait pas. Tous les papelards é taient devant lui... Il soufflait dessus, ç a s’envolait... Le greffier bondissait aprè s... Ils é crivaient rien du tout... Il a voulu voir le flingue. Il a dit aux journalistes: « Photographiez-moi donc cette arme, pendant que vous y ê tes!... » Il a dit au brigadier: « Racontez-moi toute l’histoire!... » Alors là, le gros enfiotté il crâ nait pas comme avec nous! Il bredouillait mê me plutô t... Il savait pas au fond grand-chose... Je me suis rendu compte tout de suite... Il est sorti avec le juge... Ils arpentaient comme ç a dans la cour et de long en large... Quand ils ont eu fini de jacter, ils sont revenus dans la salle... Il s’est rassis le zozoteur... C’é tait à moi maintenant de causer... J’y ai tout de suite tout raconté... Tout ce que je savais c’est-à -dire... Il m’é coutait pas beaucoup: « Comment t’appelles-tu? »... J’y ai dit: « Ferdinand, né à Courbevoie. » « Ton â ge? »... J’y ai dit. « Et tes parents que font-ils? » Je lui ai dit aussi... « Bien! qu’il a fait... Reste là... Et vous?... » c’é tait le tour à la vieille...

« Racontez-moi votre histoire et dé pê chez-vous surtout... » Il s’é tait relevé... Il tenait pas assis... Il gambergeait de long en large... Il les sentait plus ses nougats... Il avait beau tré pigner... C’est frigo la terre battue!... Surtout la nô tre si humide...

« Ah! Docteur! Mes pieds alors!... On fait donc jamais de feu ici?... » On avait plus de bois du tout... Les gendarmes avaient tout brû lé !... Il a brusqué le ré cit de la vieille...

« Ah! Je vois dé cidé ment, que vous ne savez pas grand-zose! Tant pis! Tant pis! On verra tout za plus tard!... Ç a sera pour Beauvais!... Allez! Allez! On s’en va!... Docteur vous avez regardé le corps?... Hein? Alors qu’est-ce que vous en dites?... Hein?... » Ils sont repartis tous les deux, recommencer ç a... À cô té, dans la cuisine, ils discutaient le coup... Ils sont resté s peut-ê tre dix minutes... Ils sont revenus...

« Voilà, qu’il a dit le zozoteur... Vous! l’é pouse!... La femme Courtial! Non! Des Pereires!... Non?... Zut!... Vous ê tes libre provisoirement! Mais il faudra venir à Beauvais!... Mon greffier vous indiquera!... J’enverrai prendre le corps demain!... » S’adressant aux journalistes: « Provisoirement c’est un suicide! Aprè s l’autopsie nous verrons... Vous serez peut-ê tre libre tout à fait... Enfin on verra... Vous le numé ro! » C’é tait moi... « Vous pouvez partir!... Vous pouvez vous en aller! Il faut retourner tout de suite chez vous!... Chez vos parents!... Vous donnerez votre adresse au Greffe!... Si j’ai besoin de vous, je vous ferai venir! Voilà ! Allez! Allez! Brigadier! Vous laisserez ici un gendarme, n’est-ce pas?... Un seul! Jusqu’à demain matin! jusqu’à l’arrivé e de l’ambulance! Allez! vite Greffier!... Allez! C’est fini les journaux? Sortez tous d’ici les reporters!... Plus personne! que la famille et le planton!... Voilà Gendarmes! pour la nuit! Et vous empê cherez d’entrer hein?... de toucher!... de sortir! C’est compris?... Vous me comprenez tous?... Bon!... Allez! Pressons!... Pressons! Allons, en voiture, Docteur!... »

Il battait toujours la semelle! Il se tré moussait devant son landau!... Il en pouvait plus!... Il crevait malgré sa houppelande et malgré l’é norme peau de bique qui lui montait jusqu’aux sourcils... jusqu’au chapeau melon!... En mettant le pied sur la marche:

« Cocher! Cocher! vous m’é coutez! N’est-ce pas? n’est-ce pas? Vous irez vite!... Vous nous arrê terez à Cerdance! au petit “ Tabac ”! qu’est à gauche!... aprè s le passage à niveau! Vous savez bien où ?... Ah! Docteur! J’ai eu des frissons comme jamais de ma vie!... J’en ai pour un mois certainement!... Encore!... Comme tout l’hiver dernier tenez!... Ah!... Je sais pas ce que je ferais pour un grog! Vous savez!... Ils m’ont fait crever dans cette turne!... Vous avez vu cette glaciè re?... C’est impossible! On est encore mieux dehors!... C’est pas croyable!... Ah! il se conservera le macchabé e!... »

Il a encore sorti sa tê te par-dessous la grande capote au moment qu’ils dé marraient... Il regardait l’ensemble de la ferme... Les gendarmes au « garde-à -vous »!... Fouette cocher!... Ils sont partis en bourrasque, dans la direction de Persant... Les bourres, le greffier, les civils ils ont pas attendu leur reste! Ils ont filoché derriè re à peine cinq minutes plus tard... Les journalistes eux sont revenus... Ils ont encore repris d’autres photos... Ils savaient tout ces dé luré s! Ah! Ils é taient bien affranchis... Ils en connaissaient des micmacs...

« Allez! Allez! qu’ils nous ont dit... Faut pas vous en faire... C’est é vident que vous y ê tes pour rien!... Tout ç a c’est des chinoiseries! Que des formalité s banales! C’est pour l’exté rieur! Pour la forme! Faut pas vous frapper! Ils vont vous relâ cher tout de suite! C’est un dé corum! » La vieille elle se dé solait quand mê me...

« On le connaî t un peu nous autres!... C’est pas pour la premiè re fois qu’on le voit travailler!... S’il avait eu des vrais soupç ons il serait resté bien plus longtemps! Et puis en plus! raide comme balle! il vous aurait tous embarqué s!... Ah! Alors il hé siterait pas! On le connaî t quand mê me! Seulement qu’un poil de pré somption! Et puis hop il vous tourniquait! Ah! Alors c’é tait dans la fouille! Ah! Il est terrible pour le doute! Ah! Il se perd pas dans les nuages... Ah c’est un vrai petit frisé ! Ah! Avec lui y a pas de chanson!

— Alors, Messieurs, vous ê tes bien sû rs qu’il va pas revenir?... que c’est pas seulement pour le froid?... C’est peut-ê tre pour ç a qu’il est parti?...

— Ah! Il a pas froid aux châ sses! Ah! Vous pouvez ê tre peinards! Mais non que c’est de la rigolade! Du m’as-tu vu! Ah! là ! là ! Moi je me frapperais toujours plus! C’est lui qu’est venu pour des prunes!... Ah! alors! Hein! Il peut râ ler? » Ils é taient tous de cet avis...

Ils sont remonté s dans leur carriole... Ils se parlaient dé jà de gonzesses... Il fallait qu’ils dé marrent doucement... Ç a craquait fort sur leurs essieux... Ils é taient de trop dans la bagnole... Tassé s les uns dans les autres... Y en avait deux des journalistes qu’é taient venus trè s exprè s de Paris... ils regrettaient bien aussi le voyage... Tellement que la vieille les relanç ait avec ses questions ils ont fini par mugir en chœ ur, en cadence:

« C’est pas un crime!... Pop! Pop! Pop! »

« C’est pas un crime!... Pop! Pop! Pop! »

Tapant comme ç a des talons à crever le plancher... Au bout du compte ils se marraient bien. Ils entonnaient des saloperies... Ils sont partis sur Dupanloup!

Le gendarme qui restait de garde, il a trouvé dans le hameau une autre bicoque, une toute vide, prè s de l’abreuvoir, où il pouvait rentrer son cheval. Il pré fé rait ç a comme endroit... La nô tre d’é curie c’é tait qu’un dé combre... toute la flotte passait... Et puis alors des courants d’air que ç a sifflait comme des orgues!... Sa bê te elle souffrait là -dedans. Elle chancelait, chavirait de froid sur ses guibolles... Il l’a donc emmené e ailleurs... Et puis il est revenu encore... peut-ê tre une heure avant la soupe... Il voulait nous dire quelque chose...

« É coutez! Vous deux patachons! Vous pourrez-t-y rester tranquilles? Il va falloir que j’aille à Tousne!... » C’é tait un bourg assez loin de l’autre cô té du bois Berlot... « Il faut que j’aille chercher mon avoine. J’en ai plus moi dans mes sacoches! J’ai ma belle-sœ ur qu’est là -bas... Elle est buraliste... Alors je resterai peut-ê tre pour la soupe... Je serai rentré un peu plus tard... Mais pas plus tard que dix heures!... Alors vous! Vous ferez pas les gourdes, hein! J’ai plus un seul grain d’avoine!... Et puis tiens je vais emmener le dada... Comme il a son fer qu’est parti... Je passerai à la forge... Je rentrerai à cheval... Je serai plus tô t revenu... Alors c’est compris? Hein?... Vous laissez entrer personne?... » C’é tait compris, entendu... Il s’emmerdait avec nous... Il allait se taper la cloche... « Bon vent! » qu’on s’est dit... Il a retraversé devant la ferme avec son gaye à la bride... Je l’ai vu s’é loigner... Il commenç ait à faire nuit...

Nous tous les deux avec la vieille, on n’a pas mouffeté... J’attendais qu’il fasse vraiment noir pour sortir... chercher du bois... Alors j’ai fait vite... la palissade j’ai arraché trois planches d’un coup... Je cassais tout ç a en margotins... mais qui fumaient forcé ment... C’é tait trop humide... Je suis retourné avec la vieille... J’é tais content qu’on se ré chauffe... C’é tait pas du luxe! Mais il fallait fermer les yeux! Ç a piquait trop fort... Elle é tait redevenue toute sage aprè s la sé ance... Mais encore comment inquiè te!

« Tu crois ç a toi les guignols?... qu’ils vont rien nous dire de plus? Tu crois pas qu’ils cachent encore une truquerie quelconque?... » Elle m’interrogeait... « Tu les as entendus pourtant comment qu’ils m’ont soupç onné e?... Et tous! T’as bien vu au premier abord... Comme ç a de but en blanc!... Ah! Dis donc c’est un sacré vice! Et allez donc! Ah! Alors!...

— Qui ç a les bourriques?...

— Ben oui! Les bourriques quoi!...

— Oh! le brigadier c’est qu’un gros plouc!... Comment qu’il a perdu le sifflet! acacac! devant les gerbes!... en cinq sec!... Il existait plus!... Il savait plus où il é tait!... Il avait plus un mot à dire!... Il avait rien vu ce poireau-là !... De quoi qu’il aurait causé ?... Les journalistes ils l’ont bien dit... Vous avez bien vu quand mê me!... Ceux-là, ils auraient remarqué... Ils la connaissent eux la musique!... Ils nous auraient sû rement pré venus... Ils l’aiment pas eux le zozoteur... C’é tait que des pré somptions... Rien que des baveries!... pas autre chose!... Ils seraient pas barré s comme des pets... si ils pensaient nous possé der! Ah! non alors!... Pas d’erreur... Ils seraient encore là tous les bourres! mais c’est é vident voyons!... Plutô t quarante-deux fois qu’une!... Vous l’avez bien entendu!... le zozoteur lui-mê me! quand il est sorti? Comment qu’il a dit aux autres!... : “ Ç a c’est un suicide! ” Voilà c’est tout! C’est pas midi à quatorze heures!... Le mé decin aussi il l’a vu!... Je l’ai entendu quand il disait au petit bourrique. “ De bas en haut, mon ami! De bas en haut!... ” C’é tait bien net! Pas un charre!... Et voilà !... Faut pas inventer!... Ç a suffit quand mê me!...

— Ah! En effet, t’as raison!... » qu’elle me ré pondait tout doucement... Mais elle restait pas convaincue... Elle se fiait pas trop...

« Comment qu’ils vont l’enterrer?... Ils font d’abord l’autopsie? Et aprè s? Pour quoi faire? Hein?... T’as pas idé e?... Il faut qu’ils cherchent encore quelque chose?...

— Ç a je peux pas vous dire...

— J’aurais bien voulu tant qu’à faire qu’ils le remmè nent à Montretout... Mais c’est bien trop loin à pré sent... Puisqu’ils l’emmè nent à Beauvais... Ç a se fera donc là -bas l’enterrement? J’aurais bien voulu un “ Service ”... Je leur demanderai, moi... Tu crois qu’ils voudront?... » Ç a j’en savais rien non plus...

« Je me demande ce que ç a peut coû ter à Beauvais un petit “ Service ”?... Simplement dans une chapelle!... La plus petite classe par exemple?... C’est sû rement pas plus cher qu’ailleurs... Tu sais, il é tait pas religieux lui, mais enfin quand mê me... Ils l’ont assez martyrisé ! Un peu de respect ç a fera pas de mal... Qu’est-ce qu’ils vont encore lui faire?... Ils voyent donc pas assez comme ç a?... Il a rien dans le corps le pauvre homme!... Puisque c’est tout dans la tê te... Ç a se voit au premier coup d’œ il mon Dieu!... C’est assez horrible!... » Elle recommenç ait à chialer...

« Ah! Ferdinand mon petit bonhomme!... Quand je pense qu’ils ont pu croire ç a!... Ah! Et puis tu sais... tant qu’ils y é taient... fallait pas qu’ils se gê nent... Moi! Pour moi! ç a m’est bien é gal!... À pré sent... Mais pour toi? Tu crois que c’est fini?... Toi, mon pauvre petit c’est pas la mê me chose... Il faut que tu te dé fendes!... T’as la vie devant toi!... Toi c’est pas pareil!... Toi tu y es pour rien dans tout ç a... Au contraire!... Mon Dieu au contraire!... Il faudrait bien qu’ils te laissent tranquille... Tu viens avec moi à Beauvais?...

— Si je pouvais... j’irais... Mais je ne peux pas... J’ai rien à faire à Beauvais!... Il l’a bien dit le zozoteur... “ Vous retournerez chez vos parents... ” Il me l’a ré pé té deux fois!...

— Oh! Alors, faut pas faire le Jacques!... Va-t’en mon petiot! Va-t’en. Qu’est-ce que tu feras en arrivant?... Tu vas te chercher quelque chose?...



  

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