Хелпикс

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Note sur l’édition numérique. 47 страница



On a attendu plusieurs heures comme ç a là sur la paille... J’entendais tout le populo qui s’ameutait devant la ferme. Ç a se peuplait le village!... Ils devaient affluer de partout... Sous la voû te y en avait sû rement... Je les entendais discuter... C’est le commissaire qui ne venait pas... Le brigadier entrait, sortait, il devenait tout à fait rageur... Il a voulu montrer du zè le en attendant la justice... Il commandait à ses bourriques...

« Repoussez-moi tous les curieux! Et amenez-moi les prisonniers!... » Il avait posé des questions dé jà à tous les mignards... Il nous a fait revenir devant lui et puis retourner encore une fois dans le fin fond de la grange... et puis ressortir pour de bon... Il nous ravageait la salope!... Il faisait du zè le... Il nous traitait en farouche... Il voulait nous é pouvanter!... sans doute pour qu’on se mette à table... qu’on lui fasse tout de suite des aveux!... Il avait le bonjour!... On n’avait pas le droit qu’il disait, de trimbaler le corps! Que c’é tait un crime en soi-mê me!... Qu’on aurait jamais dû le toucher!... Qu’il é tait trè s bien sur la route!... Qu’il pouvait plus faire le constat!... Ah? Et qu’un coup de bagne pour vingt-cinq ans ç a nous dresserait à tous le cul! Sacredieu pé tard! Ah! il nous aimait pas la tante!... Enfin toutes les plus crasses des salades! des vraies sales beuglages de sale con!...

La vieille elle mouffetait plus bezef depuis qu’on é tait rentré s. Elle restait comme ç a en larmes, accroupie contre le battant. Elle avait seulement des hoquets et puis deux, trois plaintes toujours... C’est à moi qu’elle demandait...

« Jamais j’aurais cru Ferdinand!... Vraiment là c’est trop!... C’est trop de malheur Ferdinand!... J’en ai plus la force!... Non!... Je peux plus!... Je crois plus!... Je crois pas que c’est vrai Ferdinand!... Dis-toi?... C’est bien vrai? Tu crois que c’est vé ritable, dis toi?... Ah! é coute c’est pas possible!... » Ç a, elle é tait bien sonné e... Elle avait son compte... une berlue loucheuse... Mais aussitô t que l’autre bourrique il est revenu au baratin, qu’il nous a traité s en pourris, avec son accent si rouleur... alors ç a l’a net provoqué e!... Elle avait beau ê tre avachie... Elle a ressauté sous l’affront!... Un terrible effet!... Elle a rebardé comme une fauve!... Elle a rejailli à sa hauteur!

« Pardon! Pardon! qu’elle s’est rebiffé e... Je vous entends pas bien... Comment que vous dites?... » Elle s’est requinqué e sous son blaze... Comment que vous me parlez à pré sent?... Que c’est moi qui l’ai massacré ?... Mais vous avez bu mon garç on!... Ah! vous avez du culot!... Mais vous ê tes tous fous alors?... Mais comment?... C’est moi que vous venez accuser?... Pour ce voyou?... Cet abuseur?... de sac et de corde?... Ah! mais je la retiens alors celle-là !... Ah! elle est trop bonne!... Ah! je la ferai copier!... La vermine qu’a fait mon malheur!... Et qui n’en a jamais fait d’autres!... Mais c’est moi!... vous entendez!... Mais c’est moi! trè s justement qu’il a toujours assassiné e!... Ah le vampire? mais c’est lui... Mais pas seulement qu’une seule fois! pas dix fois!... pas cent fois!... mais mille! dix mille fois!... Mais vous é tiez pas encore né s tous autant que vous ê tes qu’il m’assassinait tous les jours!... Mais je me suis mise en quatre pour lui!... Oui! arraché toutes les tripes!... J’ai é té sans briffer des semaines pour qu’on l’embarque pas aux Rungis!... Toute ma vie vous m’entendez?... É chigné e! Berné e!... c’est moi! Oui!... crevé e. Oui toute ma vie pour ce fumier-là !... Mais j’y ai tout fait pour qu’il en sorte!... Tout!... Tout le monde le sait bien d’ailleurs!... Vous avez qu’à les poser à eux vos questions!... Aux gens qui savent... Qui nous connaissent... Qui m’ont vue!... Allez donc au Palais-Royal!... allez donc voir à Montretout!... Je suis connue moi là !... On le sait là -bas tout ce que j’ai fait... comment je me suis martyrisé e!... Ferdinand il peut bien vous dire!... Il est jeune mais il se rend bien compte!... J’ai fait des miracles moi, Monsieur!... pour qu’il retombe pas dans son ruisseau!... Des miracles!... Et au dé shonneur!... C’é tait sa nature!... Il se vautrait plus bas qu’une truie si on le laissait une seule minute!... Il s’é croulait dans toutes les fosses... Il y pouvait rien!... Oui!... J’ai pas peur de le dire moi!... une latrine! J’ai rien à cacher!... Tout le monde d’abord sait tout ç a... Plus de honte! sacré bon sang!... Il avait tous les penchants!... Tous! Tous les pires! Que vous-mê mes gendarmes vous ê tes trop jeunes pour les comprendre!... Mê me pour entendre vous ê tes trop jeunes!

Elle les dé visageait les bourres!... Elle é tait en cheveux, ses tifs lui retombaient dans les châ sses, des mè ches grises filoches... Elle transpirait fort... Elle titubait un tout petit peu, elle se rassoyait.

« À la faç on qu’il termine vous trouvez ç a bien potable vous autres?... C’est tout ce que vous venez me dire maintenant?... Que moi on me traite comme une poufiasse!... La voilà ma ré compense!... Si vous saviez toutes les dettes! Ah! Vous savez pas ç a non plus!... Et comment qu’il s’en foutait alors!... Un drapeau-ci!... Un drapeau-là !... Va les douiller ma chè re rombiè re! Et toujours encore des nouvelles!... Crè ve-toi le ventre... T’es là pour ç a! Un coup d’esbroufe! Perlimpinpin! Un coup de nuage! Un boniment! Va comme je te pousse! Limonade!... C’est tout comme ç a qu’il a vé cu! Il comprenait que ç a! l’entourloupe! La cloche! Pas un soupç on de sentiment!... » Elle se contractait sur le chagrin, elle gueulait entre les saccades!...

« C’est moi! c’est moi jusqu’au bout qu’ai conservé sa maison! Si je l’avais pas dé fendue, elle serait fourgué e depuis les calendes! Il pouvait pas se retenir!... Il a profité le sale flé au que je suis tombé e juste si malade! Que je pouvais plus me rendre compte de rien!... Il a tout lavé... Tout bu!... Tout bazardé sé ance tenante! Demandez donc si c’est pas vrai?... Si je suis la menteuse!... Rien! Jamais il m’a é pargné ! Rien! Il pouvait pas!... C’é tait bien plus fort que lui!... Il fallait qu’il me martyrise!... Tout pour ses morues! Tout pour ses vices!... Ses chevaux!... Ses courses! Ses calembredaines!... Toutes ses saouleries!... Je sais plus quoi!... La gé né rosité !... À des inconnus qu’il donnait!... N’importe quoi!... Pourvu que ç a file!... Ç a lui tenait pas entre les mains!... Que j’en crè ve c’é tait bien é gal!... C’est ç a qu’il a toujours voulu! Voici... trente ans que ç a durait!... Trente ans, que j’ai tout supporté... c’est pas une seconde trente ans!... Et là c’est moi qu’on accuse!... Aprè s toutes les pires avanies!... Aprè s que j’ai tout enduré ?... Ah dis donc! Ç a passe les bornes!... » À cette é norme pensé e-là elle se remettait en transports! Comment? Comment! C’est pas Dieu permis! Le voilà qui se dé figure... il se barre!... Il se met en compote! maintenant c’est moi qu’est la coupable? Ah! là ! là ! Mais c’est un comble!... Y a de quoi se renverser!... Ah! la charognerie! Ah! il sera bien dit jusqu’au bout qu’il m’a emmerdé l’existence ce sale foutu pierrot pourri!... Mais moi je suis bonne!... Moi je reste!... À toi! À toi! Tiens dur la rampe vieille bourrique! Il restera rien! pas un croc! Que des dettes! Que des dettes! Ç a il s’en fout! Lui! pourvu qu’il dilapide!... Tout! qu’il m’a fait perdre!... Ç a Ferdinand le sait bien! Il l’a vue la situation!... Il a vu comme je me suis dé mené e, bouleversé e, retourné les mé ninges encore à la derniè re seconde!... Pour pas qu’on quitte Montretout!... Pour pas venir dans ce coin de cochon! M’enterrer avec ses patates!... Y a rien eu à faire!... Il é tait buté au malheur!... Ç a Ferdinand le sait bien aussi!... J’ai tout gâ ché !... J’ai tout perdu pour ce pantin!... Ce phé nomè ne de roulure! Ma situation, ma carriè re! Un bon mé tier, mes amis! Tout!... mes parents!... Personne a plus voulu nous voir!... Rien que des ramassis d’escarpes! des bandes de voyous dé chaî né s! des é chappé s de Charenton!... Je me suis dé truit la santé !... Mon opé ration d’abord! Et puis j’ai vieilli de vingt ans pendant les derniers six mois!... Avant lui j’avais jamais rien!... Je savais pas ce que c’é tait qu’un rhume!... Je digé rais n’importe quoi!... J’avais l’estomac d’autruche!... Mais à force avec des catastrophes!... Il apportait jamais que ç a!... Et c’é tait jamais terminé ! À peine on avait fini... Hop! il en fourniquait une autre! Toujours plus extravagante!... Je l’ai perdue ma ré sistance! C’est bien facile à comprendre! On m’a opé ré e c’est fatal!... Ils me l’ont bien dit chez Pé an... “ Recommencez pas cette vie-là, Mme des Pereires!... ç a tournerait trè s mal!... Des mé nagements!... des pré cautions!... Pas trop de soucis!... ” Ah! va te faire foutre! C’é tait pire d’une anné e à l’autre!... Jamais une minute d’accalmie... que des procè s! des sommations!... Du papier vert!... du papier jaune!... Des cré anciers devant toutes les portes! Persé cuté e!... Voilà comment j’ai vé cu... Persé cuté e jour et nuit!... Exactement! Une vé ritable vie de criminelle!... Pour lui encore! toujours pour lui!... Qui c’est qui pourrait ré sister?... J’ai pas dormi, depuis vingt ans, une seule nuit complè te! Si vous voulez tout savoir! C’est la vé rité absolue!... On m’a tout enlevé à moi!... le sommeil, l’appé tit, mes é conomies!... J’ai des bouffé es que j’en tiens plus debout!... Je peux plus prendre un omnibus! Je suis é cœ uré e immé diatement!... Aussitô t que je vais un peu vite, mê me à pied je vois trente-six chandelles!... Et à pré sent on me dit encore que c’est moi qui assassine!... Ç a c’est bien le plus fort que tout! Tenez! Regardez donc vous-mê me avant de causer des choses pareilles!... »

Elle les emmenait sous la voû te les quatre cognes et le brigadier... Elle s’est rapproché e du corps... elle a retroussé le pantalon...

« Vous les voyez là ses chaussettes?... Vous les voyez bien!... Eh bien c’est lui qu’a la seule paire!... Y en a pas deux dans la maison!... Nous on en pas nous autres!... Jamais! Ni Ferdinand! ni les mô mes!... » Elle remontait son propre grimpant pour qu’ils se rendent bien compte les cognes!... « Je suis pieds nus aussi moi-mê me!... Allez! vous pouvez bien voir!... On s’est tout le temps privé s pour lui!... Pour lui seul... C’est lui qui nous prenait tout!... On y a donné tout ce qu’on avait!... Il a tout eu!... toujours tout! Deux maisons!... Un journal!... au Palais-Royal!... Des moteurs!... Cent mille trucs fourbis encore, des rafistolages infernals!... qui ont coû té je sais combien!... les yeux de la tê te!... tout le bazar! Pour satisfaire ses marottes!... Je peux mê me pas tout raconter... Ah! On l’a jamais contrarié ! Ah! C’est pas de ç a je vous assure qu’il s’est fait la peau!... Il é tait gâ té !... Il é tait pourri! Tiens! Pourri! Tu veux des fourbis é lectriques?... Trè s bien, mon petit! les voilà !... Tu veux qu’on aille à la campagne?... Trè s bien!... Nous irons!... Tu veux encore des pommes de terre?... C’est tout à fait entendu!... Y avait pas de cesse!... Pas de quiproquo! pas de salade! Monsieur pouvait jamais attendre!... Tu veux pas des fois la Lune?... C’est parfait mon cœ ur tu l’auras!... Toujours des nouveaux caprices! Des nouveaux dadas!... À un mô me de six mois, Messieurs, on lui ré siste davantage!... Il avait tout ce qu’il dé sirait! Il avait mê me pas le temps de parler! Ah! ce fut bien ma grande faiblesse!... Ah! que je suis donc punie!... Ah! si j’avais su là -bas! tenez! quand je l’ai trouvé la gueule en miettes... ce qu’on viendrait maintenant me raconter!... Ah! si je l’avais su!... Eh bien moi je peux bien vous le dire! Ah! ce que je l’aurais jamais ramené ? Je sais pas ce qu’il en ressentait lui le mô me!... Mais moi!... Mais moi tenez! Moi! j’aurais eu bien plutô t fait de le basculer dans le revers! Vous viendriez plus m’emmerder!... C’est là qu’il devrait ê tre!... La sacré e sale pourriture! C’est tout ce qu’il mé rite! Je m’en fous moi d’aller en prison!... Ç a m’est bien é gal!... Je serai pas plus mal là qu’ailleurs!... Mais Nom de Dieu! Ah! Nom de Dieu! Non! quand mê me! Je veux pas ê tre si cul!...

— Allez! Allez! Venez par ici! Vous raconterez tout ç a aux autres! Ré pondez d’abord aux questions!... Assez discuté !... Vous dites que vous le connaissiez pas vous le fusil qu’il s’est tué avec?... Vous l’avez ramené pourtant?... Et le petit gars, il le connaissait?... Il se l’é tait foncé dans la tê te? Hein? C’est bien comme ç a qu’on l’a retrouvé ? C’est vous deux qui l’avez sorti?... Comment ç a s’est fait d’aprè s vous?...

— Mais moi j’ai jamais dit ç a, que je le connaissais pas le fusil!... Il é tait là -haut sur la hotte... Tout le monde l’avait toujours vu!... Demandez aux mô mes!...

— Allez! Allez! Faites pas des ré flexions imbé ciles! Donnez-moi tout de suite les pré noms, le lieu de l’origine... le nom de la famille?... La victime d’abord!... La date, le lieu de naissance?... Comment qu’il s’appelait finalement?... Courtial?... Comment?... Et où ç a qu’il é tait né ?... Connu? Occupations?...

— Il s’appelait pas Courtial du tout!... qu’elle a ré pondu brû le-pourpoint!... Il s’appelait pas des Pereires!... Ni Jean! Ni Marin! Il avait inventé ce nom-là !... C’é tait comme ç a comme de tout le reste!... Une invention de plus! Un mensonge!... Que des mensonges qu’il avait!... Toujours! Partout! Encore!... Il s’appelait Lé on... Lé on-Charles Punais!... Voilà son vrai nom vé ritable!... C’est pas la mê me chose n’est-ce pas?... Comme moi je m’appelle Honorine Beauregard et pas Irè ne! Ç a c’é tait encore un autre nom qu’il m’avait trouvé !... Fallait qu’il change tout!... Moi j’ai les preuves de tout ç a!... Je les ai moi!... Je dis rien pour tromper. Jamais elles me quittent!... Je l’ai là mon livret de famille!... Je vais le chercher d’abord... Il é tait né à Ville-d’Avray en 1852... le 24 septembre!... c’é tait son anniversaire! Je vais vous le chercher de l’autre cô té... il est là dans mon ré ticule... Viens avec moi Ferdinand!... »

Le brigadier il transcrivait... « Accompagnez les prisonniers! » qu’il a commandé aux deux griffes... On est repassé s devant la brouette... On est revenus encore une fois... un des guignols a demandé... il a gueulé comme ç a de la voû te:

« On peut pas le rentrer à pré sent?...

— Le rentrer quoi?...

— Le corps! brigadier!... Y en a qui sont venus tout autour! »

Il a fallu qu’il ré flé chisse...

« Alors rentrez-le!... qu’il a fait... Emportez-le dans la cuisine! » Ils l’ont donc extrait de la brouette... Ils l’ont soulevé tout doucement... Ils l’ont transporté... Ils l’ont dé posé sur les dalles... Mais il restait tout biscornu... Il se dé tendait toujours pas... Elle s’est mise à genoux la vieille pour le regarder d’encore plus prè s... Les sanglots lui revenaient trè s fort... les larmes en ruisseaux... elle m’accrochait avec ses menottes... La dé tresse la chavirait... On aurait positivement dit qu’elle venait seulement de s’apercevoir qu’il é tait plus qu’une bouillie...

« Ah! Ah! Regarde Ferdinand!... Regarde!... » Elle oubliait le livret de famille, elle voulait plus se relever... elle restait comme ç a sur le tas...

« Mais il a plus de tê te mon Dieu!... Il a plus de tê te Ferdinand! Mon ché ri! mon ché ri! Ta tê te!... Il en a plus!... » Elle suppliait, elle se traî nait sous les gendarmes... Elle rampait à travers leurs bottes... Elle se roulait par terre!...

« Un placenta!... C’est un placenta!... Je le sais!... Sa tê te!... Sa pauvre tê te!... C’est un placenta!... T’as vu Ferdinand?... Tu vois?... Regarde!... Ah! Oh! Oh!... » Les cris d’é gorgé e qu’elle poussait!...

« Ah! Toute ma vie!... Ah! toute ma vie!... Oh! Oh!... » comme ç a toujours plus aigu.

« C’est pas moi, Messieurs, qu’ai fait ç a!... C’est pas moi quand mê me!... Je vous le jure!... Je vous le jure! Toute ma vie pour lui!... Pour qu’il soit heureux un peu!... pour qu’il se plaigne pas!... Il avait bien besoin de moi!... le jour et la nuit... ç a je peux bien le dire!... C’est pas un mensonge! Hein Ferdinand? Pas que c’est vrai? Toujours tous les sacrifices!... Il a plus de tê te!... Ah! Comme vous m’en voulez tous!... Il a rien gardé !... Bonne chance!... Bonne chance!... qu’il a dit... le pauvre amour!... Bonne chance!... Mon Dieu! vous avez vu?... c’est é crit!... C’est lui ç a quand mê me!... C’est bien é crit avec sa main! C’est pas moi! Le pauvre malheureux! C’est pas moi! Bonne chance! Ç a c’est lui! Absolument seul! On la voit bien son é criture! Ah! C’est pas moi!... Ç a se voit quand mê me!... N’est-ce pas que ç a se voit bien?... »

De tout son long qu’elle avait plongé sur la terre battue... Elle se cognait dedans de tout son corps... Elle se serrait toute contre Courtial... Elle grelottait en le suppliant... Elle lui parlait encore quand mê me...

« Courtial! je t’en prie! Courtial... dis-moi! Dis-moi ç a bien à moi mon chou!... Pourquoi t’as fait ç a?... Pourquoi t’é tais si mé chant?... Hein? Dis-moi? mon gros! mon tré sor!... » Elle se retournait vers les cognes...

« C’est lui! C’est lui! C’est un placenta! C’est un placenta!... » Elle se remettait dans une transe... elle se bouffait les mè ches... on s’entendait plus dans la piaule tellement qu’elle mugissait fort... Tous les curieux à la fenê tre ils se montaient les uns sur les autres... Elle mordait à mê me ses menottes, elle convulsait, hanté e, par terre. Ils l’ont relevé e de force les gendarmes, ils l’ont transbordé e dans la grange... Elle poussait des cris d’empalé e... Elle se cramponnait aprè s la porte... Elle tombait... elle rechargeait dedans... « Je veux le voir!... Je veux le voir!... qu’elle hurlait... Montrez-le-moi!... Ils veulent le prendre! les assassins! Au secours! Au secours! Mon petit! Mon petit!... Pas toi Ferdinand! Pas toi!... C’est pas toi mon chou!... Je veux le voir!... Pitié !... Je veux le voir!... » Tout comme ç a pendant une heure. Il a fallu qu’ils y retournent, qu’ils y enlè vent ses menottes... Alors elle s’est un peu calmé e... Ils m’ont pas enlevé les miennes... J’ai promis pourtant d’ê tre tranquille.

L’aprè s-midi un autre griffeton est arrivé en bicyclette... Il venait tout exprè s de Persant... Il a redit au brigadier qu’il fallait nous qu’on touche à rien... Que c’est le Parquet qu’allait venir... que c’é tait pas le Commissaire... Que c’é tait les ordres mê mes du Juge d’instruction... Il nous a commandé aussi qu’on pré pare les affaires des mô mes, qu’ils partiraient tous le lendemain à la premiè re heure... Qu’on les attendait à Versailles dans un Refuge de l’Assistance « La Pré servation Juvé nile »... Ç a aussi c’é tait dans les ordres!... Il devait pas en rester un seul aprè s dix heures du matin!... Deux personnes spé ciales devaient venir exprè s de Beauvais pour nous les emmener... les accompagner à la gare...

On a ré pé té les ordres aux moujingues qu’é taient dans la cour, fallait bien qu’on les pré vienne... que c’é tait fini notre poloche... que c’é tait des choses ré volues!... Ils saisissaient pas encore net... Ils se demandaient ce qu’ils allaient faire?... Où ç a qu’on allait les emmener?... Si c’é tait pas seulement une blague?... J’ai essayé de leur faire comprendre qu’elle é tait finie la musique!... que notre rouleau tournait plus!... Ils entravaient pas du tout!... Que le Juge avait ordonné qu’on liquide toute la boutique! Qu’on renvoye sé ance tenante toute la « Race Nouvelle » chez elle! Qu’ils allaient saquer en mê me temps toute notre culture des « effluves »!... qu’ils en voulaient plus de notre bastringue!... Qu’ils é taient tous des vrais fé roces!... Impitoyables! Ré solus! Que c’é tait fini n-i ni!... Qu’on allait rechercher leurs dabes!... Qu’il fallait ce coup-là qu’on les retrouve!...

Tout ç a c’é tait du chinois... Ils avaient perdu l’habitude d’ê tre traité s en mô mes... Ils é taient trop é mancipé s!... ils se rendaient plus compte des choses de l’obé issance!... C’é tait pas trè s compliqué pour ré unir leur saint-frusquin!... ils avaient en somme que leurs os... et leurs petits frocs dessus!... en fait de garniture... Ils avaient quelques grolles de « fauche » qu’é taient jamais la pointure. Ils en mettaient souvent qu’une... Ils bagottaient plutô t pieds nus!... Eh bien ils ont trouvé quand mê me moyen d’embarquer tout un bric-à -brac... des myriades de clous, des crochets, tré buchets, frondes, des cordelettes, des piè ges à glu... des jeux de râ pes entiers, des cisailles et tous les ressorts à boudins et encore des lames de rasoirs emmanché es sur des longs bâ tons... deux pinces complè tes « Monseigneur »... Y avait que le Dudule qu’avait rien... Il travaillait avec ses doigts... Ils croyaient les gniards qu’où on les emmenait tout ç a pourrait encore resservir... Ils se rendaient pas compte!... J’avais pourtant bien insisté... Ils prenaient rien au tragique... Ils avaient pourtant bien vu le vieux avec sa gueule en dé bris! Et la vieille ils l’entendaient bien à travers la porte... comment qu’elle râ lait... Mais ç a les effrayait plus...

« Moi, tiens! qu’il me faisait Dudule, je te jure qu’on sera revenu jeudi!...

— Tu les connais pas mon fiote! que j’y ré pliquais... Surtout faites pas vos petits durs!... Ils vous boucleraient pour la vie!... Ils ont des cabanes terribles!... Gafez-vous! rentrez vos marioles!... Fermez bien vos trappes à tous... » Mê me la Mé sange elle crâ nouillait: « Ferdinand! Penses-tu! Balle-Peau! C’est pour qu’on voye pas l’enterrement qu’ils nous font trisser!... Tout ç a c’est du mou!... On reviendra sû rement pour dimanche!... Quand ç a sera fini!... » Moi je voulais bien... Toute la petite fourgue ils l’ont paqueté e... Y a eu encore discussion à propos de partage... Ils voulaient tous de « l’é lastique »... du gros é pais... Ils é taient des as pour les piafs!... Ils ont emmené du laiton, presque deux rouleaux... Et qui pesaient lourd!... Mais il en restait Nom de Dieu! Tout un coffre dans le hangar!...

Les deux dames accompagnatrices, elles sont arrivé es plus tô t qu’on pensait... Un peu des genres de « bonnes sœ urs ». Pas de cornettes, mais des robes grises bien montantes, exactement toutes deux semblables, et puis des mitaines... et des drô les de voix trop douces et bien insistantes... Il faisait pas encore nuit...

« Alors voilà mes chers enfants... Il va falloir se presser un peu... qu’elle a dit comme ç a la plus mince... J’espè re que vous serez bien sages!... Nous allons faire un beau voyage... » Elles les ont rangé s deux par deux... Mais Dudule tout seul en avant... C’é tait bien pour la premiè re fois qu’ils se mettaient en ordre... Elles ont demandé à tous leurs noms...

« Maintenant il faudra plus causer!... Vous ê tes des petits enfants trè s sages!... Comment t’appelles-tu toi mignonne?...

— Mé sange-Petite-Peau!... » qu’elle a ré pondu. C’é tait bien exact d’ailleurs que les autres l’appelaient ainsi. Ils é taient encore neuf en tout... Cinq garç ons, quatre filles. Le Dudule nous laissait son clebs... Ils en voulaient pas à Versailles... Ils ont rompu un coup les rangs... Ils oubliaient la daronne!... Elle é tait toujours dans sa grange... Ils y ont é té vite l’embrasser... Y a eu forcé ment un peu de larmes... C’é tait tout de mê me pas trè s marrant comme sé paration... vu les circonstances... C’est la Mé sange qu’a pleuré le plus...

« Au revoir Ferdinand!... Au revoir Ferdinand! À bientô t!... » qu’ils me criaient encore de l’autre bout de la cour... les dames elles rassemblaient leur troupe...

« Voyons, mes enfants! Voyons!... Allons mes petites filles... » Ils me lanç aient les derniers appels tout au bout du chemin... « À bientô t pote!... à bientô t!... »

Merde! Merde! Moi je me rendais compte... L’â ge ç a c’est le plein tour de vache... Les enfants, c’est comme les anné es, on les revoit jamais. Le chien à Dudule on l’a refermé avec la vioque. Ils pleuraient ensemble tous les deux. C’est lui qui gé missait le plus fort. Ce jour-là c’est vrai, je peux bien le dire c’est un des plus moches de ma vie. Merde!

Une fois comme ç a les mô mes partis le brigadier s’est installé avec ses hommes dans la cuisine. Ils ont vu que j’é tais bien peinard, ils me les ont enlevé es mes menottes... Le corps é tait à cô té... On avait plus rien à faire puisqu’on attendait que le lendemain l’arrivé e du Procureur... Y aurait « Instruction » qu’ils disaient. Ils commentaient ç a les Pandores! Enfin ils nous engueulaient plus. Et puis alors ils avaient faim... Ils ont inspecté les placards... si ils voyaient pas du fricot... Ils cherchaient aussi à se rincer... Mais y avait plus rien comme tutu... On a rallumé du feu... Il pleuvait dans la cheminé e... Et puis il a refait trè s froid. Fé vrier c’est le mois le plus petit, c’est aussi le plus mé chant!... Le dé but de l’hiver avait pas é té trop dur... maintenant ç a se vengeait la saison... Ils causaient de tout ç a entre eux les guignols... C’é tait des paysans dans l’â me... Ils traî naient leurs bottes partout... Je regardais leurs tronches de prè s... Ils fumaient leurs pipes... Ils é taient autour de notre table... On avait le temps de se contempler... Ils avaient comme une é paisse panne à partir des yeux. Entiè rement les joues blindé es... et puis encore des bourlaguets tout autour du cou... qui leur remontaient aux esgourdes... Ils é taient fadé s en substances, ils é taient plutô t pansus! surtout un qu’é tait le double des autres... Il fallait pas leur en promettre! Leurs bicornes ils faisaient pyramide au milieu de la table, emboî té s en pile... Leurs bottes aussi c’é tait « ad hoc » pour faire les sept lieues!... Des porte-parapluies!... Quand ils se levaient tous les cinq en traî nant leurs sabres ils dé clenchaient une quincaille. qu’on a pas idé e... Mais ils ont eu de plus en plus soif... Ils ont é té chercher du cidre chez les vieux au bout du hameau... Plus tard encore, peut-ê tre vers les huit heures du soir, un autre griffeton est arrivé... Il venait de leur casernement... Il leur apportait du pinard et une petite croû te... cinq gamelles... Il nous restait nous du café. J’ai dit qu’on pouvait leur en faire à condition qu’on nous le laisse moudre. Ils ont bien voulu. La vieille elle est sortie de sa grange. Ils ont é té lui ouvrir. L’accè s de la colè re il é tait passé. Ç a les privait bien ces colosses d’avoir que ç a comme pitance! Une petite gamelle pour chacun!... et la boule pour cinq!... La daronne elle avait du lard, je le savais bien, encore un petit peu en ré serve... Et puis des lentilles, dans une planque à elle, des navets, et puis peut-ê tre mê me encore une demi-livre de margarine...



  

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