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Note sur l’édition numérique. 44 страница



Question d’abondante nourriture avec notre « radio-tellurie » le problè me n’existait pas!... Il ne subsistait en somme qu’un seul vé ritable é cueil... La saturation des marché s par nos pommes de terre « ondigè nes »!... On y penserait au moment!... On engraisserait les cochons!... Autant comme autant!... Nous tiendrions aussi une forte basse-cour!... Les pionniers boufferaient du poulet!... De cette alimentation mixte Courtial é tait trè s partisan... La carne c’est bon pour la croissance!... Nous vê tirions, il va de soi, sans aucune difficulté, tous nos petits pupilles avec le lin de notre ferme!... tissé en chœ ur, en cadence, pendant les longues soiré es d’hiver!... Ç a sonne... Ç a s’annonç ait au mieux! Une splendide ruche agricole! Mais sous le signe de l’intelligence! pas seulement de l’instinct! Ah! Des Pereires tenait beaucoup à cette distinction! Il voulait que ç a soye rythmique!... fluent! intuitif!... Des Pereires ré sumait ainsi la situation. Les enfants de la « Race Nouvelle » tout en s’amusant, s’instruisant de droite à gauche, se fortifiant les poumons, nous fourniraient avec joie une main-d’œ uvre toute spontané e!... rapidement instruite et stable, entiè rement gratuite!... mettant ainsi sans contrainte leur juvé nile application au service de l’agriculture... La « Né o-Pluri-Rayonnante »... Cette grande ré forme venait du fond, de la sè ve mê me des campagnes! Elle fleurissait en pleine nature! Nous en serions tous embaumé s! Courtial s’en reniflait d’avance!... On comptait sur les pupilles, sur leur zè le et leur entrain, tout à fait particuliè rement, pour arracher les mauvaises herbes! extirper! dé fricher encore!... Vrai passe-temps pour des bambins!... Torture infecte pour des adultes!... Des Pereires alors, dispensé par cet industrieux afflux des mesquineries de la basse culture, pourrait s’adonner totalement aux mises au point trè s dé licates, aux infinis tatillonnages de son « groupe polarisateur »!... Il gouvernerait les effluves! Il ne ferait plus autre chose! Il inonderait, accablerait notre sous-sol de tous les torrents telluriques!...

Notre programme se pré sentait bien... Nous en fî mes parvenir dix mille d’un quartier à l’autre... Sans doute venait-il combler bien des vœ ux latents?... Mille dé sirs inexprimé s... Toujours est-il que nous reç û mes presque immé diatement des lettres, des ré ponses à foison... avec truculents commentaires... presque tous extrê mement flatteurs... Ce qui sembla le plus remarquable à la plupart des adhé rents, ce fut l’extrê me modicité de nos pré tentions financiè res... Nous avions, c’est bien exact, calculé au dernier carat... Il eû t é té fort difficile de faire plus avantageux... Ainsi pour conduire un pupille, depuis la petite adolescence (sept ans minimum) jusqu’au ré giment, lui assurer gî te et couvert, pendant treize anné es de suite, lui dé velopper le caractè re, les poumons, l’esprit, les bras, lui donner le goû t de la nature, lui apprendre un si grand mé tier, le doter enfin et surtout, à la sortie du Phalanstè re, d’un splendide et valable diplô me d’ « Ingé nieur Radiogromé trique », nous ne demandions aux parents en tout et pour tout qu’une somme globale, dé finitive, de quatre cents francs!... Cette somme, cette rentré e immé diate, devait faire l’achat du laiton, la mise en é tat du circuit... la propagation souterraine... En pré cipitant nos cultures l’avenir nous appartenait!... Nous ne demandions pas l’impossible!... Pour commencer... en pommes de terre... quatre wagons par mois.

Aussitô t qu’une entreprise prend un petit peu d’envergure, elle se trouve ipso facto en butte à mille mené es hostiles, sournoises, subtiles, inlassables... On peut pas dire le contraire!... La fatalité tragique pé nè tre dans ses fibres mê mes... vulnè re doucement la trame, si intimement que, pour é chapper au dé sastre, ne pas finir en carambouille, les plus astucieux capitaines, les conqué rants les plus crâ neurs ne peuvent et ne doivent compter, en dé finitive, que sur quelque é trange miracle... Telle est la nature et l’antienne, la conclusion vé ridique des plus admirables essors... Rien à chiquer dans les cartes!... Le gé nie humain n’a pas la veine... La catastrophe du Panama?... c’est la leç on universelle!... doit porter à ré sipiscence les plus é normes culotté s!... les faire salement ré flé chir sur l’ignominie du sort!... Les troubles pré mices de la Poisse! Ouah! Les malfaisances contingentes... Le Destin bouffe les priè res comme le crapaud bouffe les mouches... Il saute aprè s! il les é crase! les bousille! les gobe! Il se ré gale, se les fait revenir en minuscules petites fientes, en boules ex-votives pour la demoiselle à marier.

Nous autres, à Blê me-le-Petit, toutes proportions bien sû r gardé es, nous é copâ mes largement... dè s le dé but des opé rations... D’abord le notaire de Persant... Il est venu à la charge presque chaque tantô t... et de faç on fort menaç ante... Pour qu’on lui liquide son reliquat!... Il avait lu dans les canards un reportage sensationnel sur nos magnifiques expé riences!... Il croyait à des ressources occultes... Il nous estimait tout bourré s!... Il exigeait le solde immé diat pour sa ferme en capilotade, les terrains marneux! Et puis tous nos cré anciers du Palais-Royal... ils pé taradaient d’impatience... Taponier aussi!... Lui si gentil pour commencer, il devenait fumier comme personne!... Il lisait aussi les journaux!... Il avait compris cette raclure, qu’on se beurrait dans les Subventions!... Qu’on é margeait rue de Grenelle!...

En plus des nombreux manuscrits pour les « Recherches » à entreprendre nous é tions criblé s à nouveau de papiers timbré s!... de tous les ressorts!... nous nous trouvions à un poil de plusieurs jolies saisies!... Avant d’avoir vu seulement la couleur d’une premiè re patate! Les gendarmes en ont profité pour venir un peu en excursion comme ç a, pour se rendre compte de nos petites dé gaines, de nos maniè res é tonnantes... Nos fins prospectus « pour la Race » ils avaient un peu é mu les gens du Parquet... L’Inspecteur d’Acadé mie, encore un jaloux forcé ment, il avait é mis certains doutes quant à nos droits d’ouvrir é cole!... C’é tait son affaire de douter! Ils se sont montré s qu’à moitié vaches en dé finitive. Ils ont seulement, c’é tait fatal, saisi la belle occasion, pour nous avertir, gentiment d’ailleurs, qu’il vaudrait mieux tout compte fait, qu’on s’en tienne au genre « garderie »... « colonie de vacances »... voire sanatorium... Que si on insistait beaucoup sur le cô té pé dagogique... On se mettrait immanquablement toutes les Autorité s à dos!...

Dilemme dé licat s’il en fut!... Pé rir?... Enseigner?... Nous ré flé chissions... nous n’é tions pas trè s dé cidé s... Quand un groupe de parents fouineurs nous arrive un tantô t, un dimanche, par la route, à pied, vers les quatre heures pour se faire leur opinion propre... Ils examinè rent avec soin les locaux, toutes les dé pendances, l’allure gé né rale du domaine... Jamais nous ne les revî mes!...

Ah! Nous perdions un peu l’espoir! Tant de courants si contraires?... Cette incompré hension infecte!... Cette malveillance incarné e! Ah! C’é tait trop là, vraiment!... Et puis un beau jour, à la fin quand mê me, le ciel s’é claircit!... Nous reç û mes presque coup sur coup dix-huit adhé sions enthousiastes!... Des parents trè s conscients alors, qui maudissaient franchement la ville, son air empesté ! Ils nous donnaient franchement raison!... Ils militaient immé diatement, pour notre ré forme « Race Nouvelle »... Ils nous envoyaient leurs loupiots avec un acompte du « forfait » pour qu’on les incorpore tout de suite à la phalange agricole!... Cent francs par-ci deux cents par-là... Le reste à venir!... Que des acomptes!... Pas une seule fois la somme entiè re! Ç a serait pour plus tard, qu’ils promettaient... Des bonnes volonté s en somme! Des dé vouements trè s ré els... mais un peu obscurs... L’é conomie, la pré voyance... et puis trois quarts de mé fiance!...

Enfin les mô mes ils é taient là !... quinze en tout... neuf garç ons... six filles... Trois manquè rent toujours à l’appel. C’é tait mieux de faire un petit peu gaffe aux conseils du Juge Supplé ant... C’é tait la sagesse!... Par la ruse d’abord! Un peu de prudence nous ferait pas de mal... Plus tard, l’expé rience ré ussie, les choses s’imposeraient d’elles-mê mes!... On viendrait nous supplier!... Là on dé ploierait notre drapeau... « La Race Nouvelle, fleur des sillons ».

Avec ce qu’ils amenaient comme pè ze, les gniards de ce premier renfort, on pouvait pas s’acheter grand-chose! mê me pas tous les lits né cessaires! mê me pas les matelas!... On a tous couché dans la paille... à l’é galité !... Filles d’un cô té... Garç ons d’un autre... On pouvait plus maintenant quand mê me les renvoyer chez leurs parents!... Le petit flouze tombé dans la masse il a pas duré huit jours... Il é tait dé jà spé culé dans une douzaine de directions... Ç a n’a pas traî né ! Le notaire à lui tout seul en a revendiqué les trois quarts!... Le reste est parti pour le cuivre... Peut-ê tre à peu prè s cinq bobines... mais du grand modè le!... monté es sur chevalet dé roulable.

Notre grosse mignonne, elle avait planté dè s le dé but, en pré vision des malheurs, une sorte de patate extra, qui poussait mê me en plein hiver... Il existait pas plus robuste... Si nous supposions le pire... que les effluves à Courtial ne donnent pas tout ce qu’on attendait... on pourrait ré colter quand mê me... Ç a serait bien extraordinaire qu’il les empê che de germer!... Ç a se serait jamais vu! On a tous foncé au boulot... On a enroulé des fils partout où il nous disait... Pour un peu, pour ê tre plus sû r, au pied de chaque patate on aurait tortillonné trois, quatre guirlandes de laiton!... Ce fut un travail mé morable!... Surtout comme c’é tait disposé à plein flanc de coteau... en plein vent du Nord!... Dans la bise la plus coupante nos mô mes ils s’amusaient tout de mê me! Le principal pour eux, c’é tait qu’ils soyent constamment dehors! pas une minute à l’inté rieur! Presque tous, ils venaient de la banlieue... Ils é taient pas obé issants. Surtout un petit maigre, le Dudule, qui voulait toucher toutes les filles... Il fallait qu’on le couche entre nous... Ils ont commencé à tousser. Notre grosse ché rie heureusement qu’elle savait un peu de mé decine, elle les couvrait de cataplasmes de la tê te aux pieds!... Ç a leur é tait bien é gal qu’on leur arrache mê me les peaux! pourvu qu’on les enferme pas!... C’est dehors qu’ils voulaient ê tre!... Toujours et quand mê me!... Nous bouffions à la grande tambouille!... On s’appuyait des soupes é normes!...

Aprè s trois semaines de labeur, l’immense champ des pommes de terre fut entiè rement canevassé en laiton à « sol frisant » avec mille raccords pointilignes... C’é tait du travail « pine de mouche »... Le courant!... Des Pereires n’avait plus qu’à lancer la sauce à travers les fibres du ré seau!... Ah!... Il a dé clenché son bastringue... Il leur a foutu aux patates... dè s le premier quart d’heure... des sé ries de secousses terribles... des puissantes dé charges, trè s « intensivement telluriques »... Et puis alors, encore entre, des petites saccades « alternatives »... Il se relevait mê me au milieu de la nuit, pour leur refoutre des coups de rabiot, pour les stimuler plus à bloc, les exciter au summum. Ç a l’inquié tait la grande ché rie de le voir sortir comme ç a dans le froid... Elle se ré veillait en sursaut... Elle lui criait de se couvrir.

Ç a marchait comme ç a, tant bien que mal, depuis prè s d’un mois, quand à un moment notre Courtial il s’est cherché des excuses... C’é tait le trè s mauvais signe!...

« J’aurais pré fé ré qu’il a dit, essayer quand mê me avec des poireaux!... » Il ré pé tait ç a devant sa vieille, et de plus en plus souvent!... Il voulait voir la ré action... « Que dirais-tu des radis?... » Sa femme le regardait de travers, elle relevait un peu son galure... elle aimait pas qu’il insinue... Les jeux é taient faits, Nom de Dieu!... Il fallait plus qu’il se dé file!

Nos pionniers eux ils prospé raient, ils profitaient de l’indé pendance!... On leur imposait pas de contrainte, ils faisaient en somme tout ce qu’ils voulaient!... mê me leur discipline... eux-mê mes!... Ils se foutaient des raclé es terribles... Le plus petit, c’é tait le plus mé chant, toujours le Dudule avec ses sept ans et demi!... L’aî né e du troupeau ç a nous faisait presque une jeune fille: la Mé sange Rimbot, la blonde aux yeux verts, avec des miches bien ondoyeuses et des né né s tout piqueurs... Mme des Pereires, qu’é tait pas extrê mement naï ve elle, s’en mé fiait bien de la donzelle! surtout au moment de ses rè gles!... Elle lui avait amé nagé une sorte de bat-flanc spé cial dans un coin de la grange, pour qu’elle soye bien seule à dormir tout le temps qu’elle avait ses ours! Ç a l’empê chait pas de trafiquer... y avait des appels de nature avec les morveux. Le râ leux facteur l’a surprise un soir, derriè re la chapelle, à l’extré mité du hameau qui prenait joliment son pied avec Tatave, Jules et Julien!... Ils é taient tous les quatre, ensemble!...

En abjection, qu’il nous avait ce facteur Eusè be, à cause toujours du parcours... Il l’avait pas eu son vé lo de l’administration... Pour avoir un neuf, il fallait qu’il attende deux ans... Il avait pas droit... Il pouvait plus nous piffer... Il nous ré clamait des chaussures, nous qu’en avions pas!... Forcé ment allant tout doucement il biglait les moindres dé tails. Le jour qu’il a paumé les mô mes en train de s’amuser... il est revenu sur ses pas tout à fait exprè s pour nous traiter de dé gueulasses!... aprè s qu’il a eu vu tout ç a!... Comme si nous é tions responsables! C’est toujours ainsi les voyeurs... ç a se ré gale d’abord à plein tube... ç a en perd pas un atome et puis quand la fê te est finie... alors ç a s’indigne!... Il a trouvé à qui causer!... Nous avions bien d’autres soucis et autrement graves!

Dans notre hameau croulant où y avait plus du tout de trafic depuis prè s de vingt anné es... depuis l’histoire des pommes de terre ç a n’arrê tait plus soudain la circulation... un dé filé de curieux, incessant, du matin au soir. Les ragots, les fausses nouvelles, cavalaient tout le dé partement... Ceux de Persant, ceux de Saligons, ils é taient aux premiè res loges, ils voulaient eux des spé cimens, mille indications successives. Ils é taient intransigeants... Ils demandaient si c’é tait dangereux? Si ç a pouvait pas é clater notre systè me? « pour vibrer la terre »?... Des Pereires au fur et à mesure qu’on avanç ait dans l’expé rience, que le temps passait... Il faisait montre d’une grande discré tion... Y avait des « si » et des « peut-ê tre » qu’é taient vraiment des mots né fastes... des quantité s... de plus en plus... C’é tait inquié tant... Ç a lui arrivait pas souvent le truc des « si » et des « peut-ê tre » au Palais-Royal... Une semaine à peu prè s plus tard il a fallu qu’il arrê te la dynamo et le moteur... Il nous a dè s lors expliqué que ç a devenait assez critique de pousser maintenant davantage les ondes et les fils... Que c’é tait mieux un petit arrê t... qu’on reprendrait un peu plus tard... aprè s un repos. Des ondes comme les telluriques pouvaient engendrer trè s bien certains dé sordres individuels... on ne savait pas... des ré percussions absolument impré visibles... bouleversant la physiologie... Personnellement des Pereires il ressentait la saturation... Il avait dé jà des vertiges...

Les cultivateurs, les curieux, en entendant des phrases pareilles ils commenç aient à tiquer, ils se retiraient fort inquiets. Du coup, y a encore eu des plaintes! Les gendarmes sont revenus nous voir... mais y avait pas grand-chose à dire sur notre phalanstè re... Les enfants ne souffraient de nulle part... aucun n’é tait tombé malade... On avait perdu seulement nos sept lapins! une é pizootie bien brutale! Peut-ê tre qu’ils ré sistaient pas au climat?... à la nourriture?... Enfin les gendarmes sont repartis... Nos chers pionniers peu aprè s ç a, ils en ont eu marre tout à fait de notre ordinaire pour Spartiates... Ils ont rouscaillé tant et plus. Ils é taient insubordonné s... Il fallait bien qu’ils forcissent!... Ils auraient bouffé tout le canton... Ils ont choisi des expé dients... C’é tait leur initiative... Un jour, ils nous ont ramené trois bottes de carottes... et le lendemain une caisse de navets... Des fayots veux-tu en voilà ! Tout ç a pour la soupe! Ç a remontait bien la tambouille!... Enfin une petite douzaine d’œ ufs et trois livres de beurre et du lard... Nous n’en avions plus il faut le dire!... C’est pas une maraude de luxe! une affaire de vice!... Mme des Pereires elle pouvait presque plus sortir depuis la culture intensive, elle é tait tout le temps aux « circuits » en train de ré parer pour que ç a passe... Elle allait plus à Persant qu’une fois par semaine. À table personne n’a tiqué... On s’est ré galé copieusement!... C’é tait le cas de force majeure!... Le lendemain en plus, ils ont ramené une vieille poule!... Toute dé plumé e... Elle est vite devenue bouillon... Festins pour festins, ç a manquait un petit peu de pinard... on n’a pas nettement suggé ré... mais enfin cependant malgré tout dans les jours suivants il y a eu de l’aramon sur la table... et quelques crus trè s divers... Où qu’ils trouvaient tout ç a les mô mes?... on demandait rien!... pas d’explications... Le feu au bois c’est trè s joli, mais c’est pas extrê mement commode. C’est compliqué à entretenir, ç a consume trop à la fois, il faut tout le temps ranimer... Ils ont dé couvert des boulets... Ils trimbalaient ç a en brouette à travers les champs... On a eu un foyer superbe... Seulement on jouait les pé rils! On comptait sur nos pommes de terre pour tout ré tablir l’é quilibre... L’Honneur et le reste!... Esquiver les pires repré sailles!...

On allait les voir ces patates, on les surveillait comme des vrais bijoux, on en arrachait une par heure... pour se rendre mieux compte!... Le truc des effluves on l’a remis en marche... Il ronronnait presque jour et nuit!... Ç a nous coû tait beaucoup d’essence, on voyait pas beaucoup de progrè s... Les patates que ramenaient les mô mes, les lé gumes de « fauche » é taient toujours beaucoup plus beaux!...

Des Pereires, il l’a bien remarqué. Ç a le rendait encore plus perplexe... Pour lui c’é tait notre laiton qui n’avait pas la qualité... Il é tait pas si conductible qu’on avait cru de prime abord... pas tant qu’il aurait fallu... C’é tait bien possible.

À la Grosse Boule on y est retourné s... Qu’une seule fois pour voir... Bien mal nous en prit, Nom de Dieu! Comme on a reç u un sale accueil! Agathe, la bonniche, elle é tait plus là, elle é tait partie en bombe avec le tambour de la ville, un pè re de famille!... Ils s’é taient mis ensemble « au vice »... C’est moi qu’on rendait responsable de cette turpitude! Dans le village et les environs, tout le monde m’accusait... et tous pourtant l’avaient tringlé e!... Y avait pas d’erreur! Je l’avais pervertie! qu’ils disaient... Ils voulaient plus nous connaî tre ni l’un ni l’autre!... Ils refusaient de jouer avec nous... Ils voulaient plus é couter « nos partants » pour Chantilly... À pré sent c’é tait le coiffeur en face de la Poste qui ramassait tous les enjeux!... Il avait repris tout notre systè me, avec les enveloppes et les timbres...

Ils savaient encore bien d’autres choses, les gens de la Grosse Boule à propos de nos putrides instincts!... Ils savaient, en particulier, qu’on se nourrissait sur l’habitant!... Les poulets qu’on retrouvait plus à vingt kilomè tres à la ronde... Le beurre de mê me et les carottes!... C’é tait nous les romanichels!... Ils nous l’ont pas dit trè s clairement, parce qu’ils é taient des hypocrites... Mais ils se faisaient des ré flexions absolument allusoires à propos de coups de fusil qui seraient pas volé s pour tout le monde... pour des ramassis de feignasses qui finiront quand mê me au bagne!... Ainsi soit-il!... Enfin des remarques dé sagré ables... On est repartis sans se dire « au revoir »... On avait bien deux heures de route pour rentrer chez nous à Blê me... On avait tout le temps de repenser à ce frais accueil!...

Ç a ne s’arrangeait pas trè s bien... ç a ne ronflait pas nos entreprises... Des Pereires se rendait bien compte... Je croyais qu’il allait m’en causer... mais il a parlé de tout autre chose, chemin faisant... Des é toiles et des astres encore... de leurs distances et satellites... des jolies fé eries qui s’enlacent pendant qu’on roupille d’habitude... De ces constellations si denses qu’on dirait des vrais nuages d’é toiles...

On marchait depuis assez longtemps... il commenç ait à s’essouffler... Il se passionnait toujours bien trop quand il é tait question du ciel et des trajets cosmogoniques... Ç a lui montait à la tê te... Il a fallu qu’on ralentisse!... On a grimpé sur un talus... Il cherchait son souffle... On s’est assis là.

« Tu vois Ferdinand je ne peux plus... Je ne peux plus faire deux choses à la fois... Moi qu’en faisais toujours trois ou quatre... Ah! C’est pas drô le Ferdinand!... c’est pas drô le!... Je ne dis pas la vie Ferdinand mais le Temps!... La vie c’est nous, ç a n’est rien... Le Temps! c’est tout!... Regarde donc les petites “ Orionnes ”... Tu vois “ Sirius ”? prè s du “ Flé au ”?... Elles passent... Elles passent... Elles vont bien là -bas les retrouver les grandes lacté ennes d’Antiope... » Il en pouvait plus... ses bras retombaient sur ses genoux... « Tu vois Ferdinand par une soiré e comme celle-ci j’aurais pu retrouver Bé telgeuse... une nuit de vision quoi! une vraie nuit de cristal!... Peut-ê tre qu’avec le té lescope nous pourrions encore... Par exemple c’est le té lescope que je suis pas prè s de retrouver!... Ah! Nom de Dieu! Quel foutu fatras quand j’y pense!... Ah! crois-tu Ferdinand? Ah! crois-tu?... Ah! Dis donc t’as bien mordu ç a?... »

Il en rigolait au souvenir... J’ai rien ré pondu... Je voulais pas ê tre responsable de lui redorer la pilule... Quand il reprenait plein optimisme il faisait plus que des conneries... Il a continué à me parler comme ci comme ç a...

« Ferdinand! Tu vois, mon brave... Ah! Je voudrais bien ê tre ailleurs! Ailleurs tu sais tout à fait!... Ailleurs! que... ç a serait... quoi... » Il refaisait encore des gestes, il dé crivait des paraboles... Il promenait les mains dans les voies lacté es... haut, trè s haut dans les atmosphè res... Il retrouvait encore une cligneuse... une petite chose à m’expliquer... Il voulait encore... mais il pouvait plus... Ses mots raclaient trop... C’est la poitrine qui le gê nait... « Ç a me donne de l’asthme moi l’automne! » qu’il a fait la remarque... Il s’est tenu alors tranquille... Il s’est endormi un petit peu... ratatiné comme ç a dans l’herbe... À cause du froid je l’ai ré veillé... Peut-ê tre une demi-heure plus tard... On est repartis tout doucement.

Jamais on avait vu des mô mes prospé rer si bien... si vite que les nô tres, devenir si costauds, musculaires, depuis qu’on bâ frait sans limite!... C’é tait des ratatouilles é normes! des vé ritables goinfreries! et tous les moujingues au pinard!... Ils acceptaient pas de ré primandes! aucun conseil!... Ils voulaient pas qu’on se caille pour eux!... Ils se dé brouillaient parfaitement seuls!...

Notre terreur c’é tait la Mé sange, qu’elle se fasse foutre en cloque un beau jour par un des arsouilles!... Il lui passait des airs rê veurs qui signifiaient les pires pé rils!... Mme des Pereires y pensait tout le temps... C’est elle qui traç ait des croix sur le calendrier pour quand ses ours devaient revenir.

Les pionniers, ils maniganç aient, trifouillaient dans les basses-cours et les granges du matin au soir! Ils se relevaient si ils voulaient... Ç a dé pendait de l’é tat de la lune... Ils nous racontaient un petit peu... Nous nos travaux d’agriculture ç a se passait plutô t dans la matiné e... Question de trouver la pitance, ils é taient devenus, nos mignards, merveilleux d’entrain, d’ingé niosité... Ils é taient partout à la fois, dans tous les sillons... Et cependant on les voyait pas!... Ils jouaient aux Peaux-Rouges pour de bon! Ils é taient pé tulants d’astuce. Au bout de six mois de reconnaissances et de pistages miraculeux dans tous les terrains varié s, ils possé daient jusqu’à la fibre l’orientation à l’estime, le dé dale des plus fins dé tours, les secrets des moindres abris! La position de toutes les mottes!... mieux que les liè vres du terroir!... Ils les pinglaient à la surprise!... C’est tout dire!

Sans eux d’abord c’é tait bien simple, nous serions crevé s misé rables!... On é tait complè tement « fleur »! Ils nous en foutaient plein le caisson... ils s’amusaient de nous voir grossir! On leur faisait que des compliments...

Notre grande mignonne rongeait son frein... Elle aurait voulu dire un mot... C’é tait plus possible! La question d’aliment ç a prime. Les mô mes barré s on calanchait!... La campagne c’est impitoyable... Jamais un mot de commandement! Toujours toute initiative!... Le pè re de Raymond, un lampiste du secteur de Levallois, c’est le seul qui soit venu nous voir pendant le premier hiver... Ç a lui é tait plus facile parce qu’il avait des « permis »... Il le reconnaissait plus son Raymond! tellement qu’il le trouvait costaud!... Lui qu’é tait arrivé ché tif, à pré sent c’é tait un champion!... On lui a pas tout raconté... Il é tait magnifique Raymond, il avait pas son pareil pour la « fauche » des œ ufs... Il les refaisait sous la poule... sans la faire couaquer!... La main de velours... Le pè re c’é tait un honnê te homme, il voulait nous ré gler sa dette... Il parlait aussi maintenant qu’il é tait devenu si mastard, si parfaitement fortifié son mô me le Raymond de le ramener à Levallois. Il lui trouvait assez bonne mine!... Nous n’avons pas tolé ré...



  

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