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Note sur l’édition numérique. 43 страница



Question de costume, je me suis vite mis à la page... Peu à peu la terre ç a vous prend... On oublie les contingences... Je m’é tais finalement arrangé un solide petit ensemble avec des culottes cyclistes et un pardessus demi-saison dont j’avais coupé à moitié les basques, le reste pris dans mon grimpant, bouffant... un peu chaud, mais commode... Ç a me faisait reconnaî tre de trè s loin... Le tout rehaussé de ficelles... de sustentations ingé nieuses. La grande mignonne elle s’est rendue à notre avis, elle a porté des pantalons, aussi, comme un homme... elle avait plus une jupe à se mettre. Elle trouvait ç a bien plus pratique... Elle se rendait ainsi au marché... Les mô mes de l’é cole, ils l’attendaient à l’entré e du bourg. Ils la provoquaient, ils la bombardaient de fiente, de culs de bouteille et de gros cailloux... Ç a finissait en bagarre!... Elle se laissait pas dé molir!... Les gendarmes sont intervenus... Ils lui ont demandé ses papiers!... elle a pris les choses de trè s haut! « Je suis, Messieurs, une honnê te femme! qu’elle a ré pondu!... Vous pouvez me suivre!... » Ils ont pas voulu.

Il a fait un bien bel é té !... C’é tait à croire ré ellement qu’on en verrait jamais la fin!... Ç a porte à flâ ner, la chaleur... Avec des Pereires, aprè s son petit pousse-café, nous prenions la clef des champs... et puis tout l’aprè s-midi on s’en allait au petit bonheur à travers gué rets et sillons. Si on rencontrait un terreux... « Bonjour! » qu’on lui faisait poliment... On menait une vie bien agré able!... Ç a nous rappelait à tous les deux les beaux jours de nos ascensions... Mais jamais il fallait causer de nos dé boires stratosphé riques devant Mme des Pereires... Ni du Zé lé !... Ni de L’Archimè de!... Ou alors, elle fusait en larmes... Elle retenait plus sa douleur... Elle nous traitait comme des pourris... On parlait plutô t de choses et d’autres... Fallait pas revenir sur notre passé !... Fallait faire gaffe quant à l’avenir... L’é voquer avec mille prudences... L’avenir aussi c’est dé licat... Le nô tre il avait du flottement... Il se dessinait pas beaucoup... Courtial hé sitait toujours... Il pré fé rait attendre encore et puis ne se lancer qu’à coup sû r... Entre chaque mé ditation, au cours de nos aprè s-midi, pendant qu’on vagabondait, il donnait, par-ci, par-là, des petits coups de bê che prospecteurs... Il se baissait pour examiner, soupeser, scruter la terre remué e fraî che... Il la pressurait, il la rendait toute poudreuse... Il se la faisait filtrer dans les doigts comme s’il voulait retenir de l’or... Enfin, il tapait dans ses mains, il soufflait dessus un grand coup trè s fort... Ç a s’envolait!... Il faisait la moue!... « Pstt! Ptstt! Ptstt!... Pas fameux ce terrain-là, Ferdinand! Pas riche! Hm! Hm! Comme j’ai peur pour les radis! Hm! Peut-ê tre pour de l’artichaut?... Et encore?... Et encore! Oh! là ! là ! C’est bien chargé en magné sium!... » Nous repartions sans conclure.

À table, sa femme nous demandait pour la centiè me fois si on l’avait notre lé gume?... si c’é tait enfin choisi?... Que ç a serait peut-ê tre le moment?... Elle proposait les haricots... pas discrè tement, je dois le dire!... Il sursautait d’emblé e Courtial en entendant une chose pareille!...

« Des haricots?... Des haricots?... Ici?... Dans ces failles?... Tu entends, Ferdinand?... Des haricots? dans un terrain sans manganè se! Et pourquoi pas des petits pois?... Hein?... des aubergines! pendant que tu y es!... C’est un comble!... » Il é tait outré !... « Du vermicelle! Te dis-je!... Des truffes!... Tiens! des truffes!... »

Il s’en dandinait longtemps à travers la turne... grognant comme un ours... Ç a durait des heures entiè res, le courroux que lui provoquait toute proposition insolite... Là -dessus il é tait intraitable! Le choix libre! la sé lection scientifique!... Elle partait se coucher toute seule, dans son dé barras sans fenê tre, une espè ce d’alcô ve, qu’elle s’é tait amé nagé e contre les traî tres courants d’air... entre la batteuse et le pé trin... On l’entendait sangloter de l’autre cô té de la cloison... Il é tait dur avec elle...

Ç a vraiment on peut pas dire qu’elle ait jamais manqué de courage ni de persé vé rance!... ni d’abné gation... Pas un seul jour! pour rapproprier cette vieille turne elle a ré ussi des prodiges!... Elle arrê tait pas de trafiquer... Rien marchait plus... tirait plus... ni la pompe ni le moulin qui devait monter l’eau... L’â tre il s’é croulait dans la soupe... Il a fallu qu’elle mastique toutes les fentes dans les clô tures, qu’elle bouche elle-mê me tous les trous... toutes les fissures de la cheminé e... qu’elle rafistole les volets, qu’elle remette des tuiles, des ardoises... Elle grimpait sur toutes les gouttiè res... Mais cependant au premier orage il a plu beaucoup dans les piaules envers et quand mê me... par les trous du toit... On mettait là -dessous des timbales... une pour chaque rigole... De ré formes en transformations, elle s’appuyait des vrais boulots, pas que des petites bricoles!... Elle a remplacé comme ç a les gonds é normes de la grande porte, la grande « maraî chè re »... L’é bé nisterie... la serrurerie... rien lui faisait peur... Elle devenait parfaitement adroite... On aurait dit un compagnon... Et puis bien sû r, tout le mé nage et la tambouille c’é tait son business... Elle le disait bien elle-mê me, aucune entreprise lui faisait peur, hormis la lessive!... De ç a, y en avait de moins en moins... Nous avions le trousseau « minimum »... Des chemises à peine... et des chaussures plus du tout.

Pour les lé zardes des gros murs, elle s’é tait gouré e un petit peu, elle avait loupé son plâ tre!... Des Pereires, il faisait la critique, il aurait voulu qu’on recommence... seulement nous avions d’autres soucis!... C’est bien grâ ce à elle, en dé finitive, que cette taniè re vermoulue a repris un peu consistance... enfin, plus ou moins. C’é tait qu’une ruine tout de mê me... quoi qu’on fasse pour la requinquer elle tournait gadouille...

Elle avait beau ê tre hé roï ne son opé ration des ovaires ç a la tracassait de plus en plus notre pauvre daronne... Peut-ê tre les trop grands efforts?... Elle transpirait par vraies cascades... Elle en ruisselait dans ses bacchantes... avec les bouffé es congestives... Le soir elle é tait si à cran, tellement excé dé e du poireau... qu’au moindre mot un peu de travers... Taraboum!... C’é tait l’orage! Une intense furie!... Crispé e en boule elle attendait... elle explosait pour des riens... Ç a finissait plus l’engueulade...

Ce qu’il fallait surtout se mé fier, c’é tait des moindres allusions aux belles histoires de Montretout!... Elle les gardait sur l’œ sophage... Ç a la rongeait comme une tumeur. Sitô t qu’on en touchait un mot, elle nous traitait horriblement, elle disait que c’é tait un complot!... Elle nous appelait des suç ons, des lopes, des vampires... Il fallait qu’on la couche de force!...

Le difficile pour des Pereires c’é tait toujours de se dé cider à propos de son fameux lé gume... Il fallait trouver autre chose... On doutait maintenant des radis... Quel lé gume qu’on entreprendrait?... Lequel qui serait approprié à la radio-tellurie?... Et qu’on ferait dé cupler de volume?... Et puis y avait le choix du terrain!... C’é tait pas une petite question!... C’é tait des minutieuses recherches... Nous avions dé jà donné des petits coups de pelle exploratrice dans tous les lopins de la ré gion, à quinze kilomè tres à la ronde!... On se lancerait donc pas à lure-lure... On ré flé chissait! C’est tout...

À l’opposé de Persant, c’est-à -dire au sud, dans le cours de nos prospections, nous sommes tombé s, un joli jour, sur un village bien agré able, vraiment accueillant... C’é tait Saligons-en-Mesloir!... C’é tait assez loin à pied... Il fallait au moins deux bonnes heures de Blê me-le-Petit... Jamais notre rombiè re aurait l’idé e de venir nous relancer dans cette planque... La terre tout autour de Mesloir, Courtial l’a dé couvert tout de suite, é tait bien plus riche que la nô tre en teneur « radio-mé tallique » et par consé quent, d’aprè s ses estimations, infiniment plus fé conde, et rapidement exploitable... On est revenus l’é tudier presque chaque aprè s-midi!... Le fort de ce terreau-là, c’é tait son « cadmio-potassique! » et son calcium particulier!... Au toucher, à l’odeur surtout, on s’apercevait... il sentait tout de suite des Pereires, il paraî t qu’en fait de teneur c’é tait simplement prodigieux... En y repensant davantage, il arrivait à se demander si ç a ne serait pas mê me par trop riche pour catalyser « tellurique! »... Si on atteindrait pas des fois des concentrations si fortes qu’on ferait pé ter nos lé gumes?...

Ah! à leur faire é clater la pulpe!... C’é tait le danger, le seul point critique... Il le pressentait... Il aurait alors fallu renoncer aux petites primeurs, dans ce terrain vraiment trop riche... Choisir quelque chose de rustre et de vulgairement ré sistant... Le potiron par exemple... Mais alors pour les dé bouché s?... Un seul potiron par ville?... Un monumental? Le marché n’absorberait pas tout!... C’é tait le moment de se concerter! C’é tait des nouveaux problè mes! L’action c’est toujours comme ç a.

Dans ce patelin de Saligons les cafetiers faisaient surtout du cidre... Et qui sentait pas l’urine! ce qui est, il faut bien l’avouer, tout à fait rare en pleine campagne! Il montait un peu à la tê te, surtout leur mousseux... On s’é tait mis à bien en boire... pendant nos tourné es prospectrices! Ç a se passait tout à la Grosse Boule... la seule auberge de l’endroit... Nous y retournâ mes de plus en plus... c’é tait central et bien placé juste devant le marché aux bestiaux... La conversation des bouseux ç a nous instruisait des usages...

Des Pereires il a fait qu’un bond pour se jeter sur le Paris-Sport... Y a longtemps qu’il é tait sevré... Comme il parlait à tout le monde... il a tout pu leur faire connaî tre en é change des bons procé dé s... des petites leç ons sur le cheptel... quelques excellentes maniè res, infiniment ingé nieuses pour jouer à Vincennes... mê me à grande distance... Il se faisait des belles relations... C’é tait le rendez-vous des é leveurs... Je le laissais causer... Moi la bonniche elle me revenait bien... Elle avait le cul presque carré tellement qu’il é tait fait en muscles. Ses nichons aussi de mê me c’é tait pas croyable comme dureté... Plus on secouait dessus, plus ils se tendaient... Une dé fense terrible... On y avait jamais mangé le crac... Je lui ai tout montré... ce que je savais... Ce fut un coup magné tique! Elle voulait quitter son dé bit, venir avec nous à la ferme! Avec la mè re des Pereires, ç a aurait pas é té possible... Surtout qu’à pré sent la vieille elle sentait un peu la vapeur... elle trouvait qu’on y allait souvent du cô té de ce Mesloir... Elle se gourait d’un petit paillon... Elle nous posait des drô les de colles... On restait fort embarrassé s... La prospection des lé gumes, elle y croyait de moins en moins... Elle nous cherchait la petite bê te... L’é té s’avanç ait sé rieusement... ç a serait bientô t la grande ré colte... Merde!...

À la Grosse Boule, les paysans ils changeaient brusquement d’allure, ils devenaient extrê mement drô les... Gomme ç a entre deux bolé es ils se dé pê chaient de lire Paris-Courses... C’est des Pereires qui se dé merdait... Il expé diait les petits paris... pas plus d’une thune pour chacun... dans une enveloppe à son vieux pote... jusqu’à cinquante francs maximum!... Il prenait pas davantage!... Mardi, Vendredi, Samedi... et toujours au bar des É meutes en cheville toujours avec Naguè re!... On gardait nous, cinq sous par mise!... C’é tait notre pé cule mignon!... À la bonniche, la dure Agathe, je lui ai appris comment faut faire, pour é viter les enfants... Je lui ai montré que par-derriè re, c’est encore plus violent... Du coup, je peux dire qu’elle m’adorait... Elle me proposait de faire tout pour moi... Je l’ai repassé e un peu à Courtial, qu’il voye comme elle é tait dressé e! Elle a bien voulu... Elle serait entré e en maison, j’avais vraiment qu’un signe à faire... Pourtant c’est pas par la toilette que je l’ai envoû té e!... On aurait fait peur aux moineaux!... Ni par le flouze!... On lui filait jamais un liard!... C’é tait le prestige parisien! Voilà.

Mais en rentrant le soir, par exemple, y avait de plus en plus la casse!... Elle é tait plus marrante l’Irè ne!... On rappliquait de plus en plus tard!... On avait droit aux forts excè s!... Aux sé ances horribles!... Elle s’en arrachait les tifs au sang! par touffes et par plaques! à force qu’il ne se dé cidait pas pour choisir son « bon » lé gume... et son terrain maximum!... Elle s’y é tait mise la daronne, toute seule aux travaux des champs... Elle retournait la terre pas mal!... Elle savait pas encore faire un sillon absolument droit... mais y avait de l’application... Elle y parviendrait!... Elle dé broussait joliment bien!... Et c’est pas l’espace qui manquait pour s’entraî ner un peu partout... À Blê me-le-Petit, on pouvait y aller carré ment... tout le territoire c’é tait des friches... À droite, au Nord, au Sud, à gauche, y avait pas de voisins et à l’Ouest non plus!... C’é tait tout dé sert... dessé ché... parfaitement aride...

« Tu t’é puises, ma grosse toutoute! qu’il l’interpellait Courtial, comme ç a en pleine nuit, quand nous la retrouvions sur le tas encore en train d’en retourner... Tu t’é puises! ç a ne sert à rien!... Cette terre est des plus ingrates! J’ai beau me tuer à te le dire!... Les paysans d’ici eux-mê mes, ils ont graduellement renoncé !... Je pense qu’ils se tourneront vers l’é levage!... Encore que l’é levage dans ces plaines!... Avec toutes ces marnes subjacentes!... ces failles calcico-potassiques!... Je ne les vois pas frais!... C’est une sé vè re entreprise!... avec des alé as é normes!... Des pé pins abominables!... Je pré vois!... Je pré vois!... Irriguer un pé trin pareil?... Ah! là ! là !...

— Et toi, grande ordure? dis donc? qui c’est qui va t’irriguer?... Dis-le-moi un peu?... que je l’entende?... Allons!... Vas-y! Avance-toi! » Il refusait de parler davantage... Il se pré cipitait vers la ferme... Moi j’avais encore un boulot. J’avais à classer, en rentrant chaque soir, tous nos pré lè vements du jour... Sur des planches à part... tout autour de la cuisine... dans des petits cornets... Ils sé chaient à la queue leu leu... tous les é chantillons de terrain de vingt kilomè tres à la ronde!... Ç a faisait un riche maté riel pour le jour où on choisirait!... mais sû rement que notre rayon le plus riche, c’é tait celui de Saligons.

À la Grosse Boule comme ç a peu à peu, nous é tions devenus populaires... Ils l’avaient pris, nos simples ivrognes, le vif goû t de courses!... Il fallait mê me les modé rer... Ils risquaient leurs fafiots sans peine... Ils voulaient flamber des trois thunes sur un seul canard!... On refusait net de pareilles mises!... On é tait plus bons nous autres pour les grandes rancunes... On gardait la paille au cul... avec des extrê mes mé fiances... Agathe, la bonne, elle se marrait bien, elle prenait tout le bon temps possible!... Elle tournait putain sur place... C’est les sautes de notre rombiè re qui nous emmerdaient davantage!...

Avec toutes ses quintes, ses ultimatums... on pouvait plus la digé rer... Elle nous courait sur la trompe... Des Pereires pourtant à ce petit é gard, il avait bien changé de tactique... Il se foutait plus d’elle au labour... Il l’encourageait à bê cher!... Il la stimulait!... Elle a dé friché ainsi, lopin par lopin, semaine aprè s semaine, des espaces é normes!... Sû rement qu’elle nous é pouvantait... mais si elle venait à s’arrê ter, ç a devenait bien pire... Elle avait marre qu’on tergiverse, c’est elle qu’a pris la dé cision pour la pomme de terre! On n’a pas pu l’empê cher... Elle a trouvé que comme lé gume c’é tait finalement l’idé al... Elle s’est mise tout de suite à l’œ uvre. Elle a plus demandé notre avis. Une fois ses tubercules planté s, une surface immense, elle a raconté à tout le monde, à Persant, à l’aller, au retour, qu’on se lanç ait dans des expé riences à « patates gé antes » grâ ce à des ondes é lectriques! Ç a s’est propagé son ragot, comme une tramé e de poudre...

À la Grosse Boule l’aprè s-midi, ils nous accablaient de questions... Nous qu’avions é té jusqu’alors trè s bien blairé s et peinards à l’autre bout de l’arrondissement, bien accueillis, bien tolé ré s, attendus mê me chaque tantô t par tous les terreux d’alentour, on s’est mis à nous faire la gueule... Ç a paraissait louche nos cultures... Ils devenaient jaloux à l’instant... « Pâ tâ tes! Pâ tâ tes! » qu’ils nous appelaient.

Y avait plus à se dé filer! La grosse ché rie é tait devenue, progressivement, une vraie terreur!... Maintenant, qu’elle avait toute seule retourné un petit hectare, elle nous menait la vie des plus dures!... On hé sitait pour lui causer... Elle menaç ait de nous suivre partout si on repartait en vadrouille, si on se mettait pas au boulot dans les vingt-quatre heures!... C’é tait plus la pause!... Il a fallu qu’on s’exé cute, qu’on extraye de dessous la bâ che et le moteur et sa dynamo... On a dé rouillé le gros volant... On l’a é lancé un petit peu... On a bien rabobichonné un beau tableau des « Ré sistances »... Et puis c’é tait marre!... Et puis on s’est aperç u qu’on manquerait de fil de laiton... Il en fallait é normé ment, des bobines et des bobines pour faire des quantité s de zigzags entre chaque rangé e de patates, sur toute l’é tendue de notre culture... Il suffisait pas de cinq cents mè tres!... Il en fallait des kilomè tres! Autrement ç a marcherait jamais... Sans laiton, pas de radio-tellurisme possible!... Pas de maraî chage intensif! Finis les effluves cathodiques... C’é tait la stricte condition... Au fond c’é tait pas si mal... Nous avons bien cru tout d’abord que ce malheureux laiton il deviendrait notre fine excuse, le bel alibi, qu’elle serait, notre vieille, é pouvanté e par le prix du maté riel pour un dé bours aussi critique... que ç a la ferait ré flé chir, qu’elle nous ficherait un peu la paix... Mais au contraire, pas du tout!... Ç a l’a plutô t refoutue en rogne... Elle nous a menacé s si on lanternait davantage... si on faisait traî ner les choses, d’aller toute seule s’é tablir à Saligons comme sage-femme et pas plus tard que la semaine prochaine! Ah! vraiment y avait plus d’amour! Elle nous fabriquait sur le vif!... Mais mê me de bonne volonté, il nous restait plus assez de sous pour des achats aussi coû teux... Mais nom de Dieu! c’é tait la ruine!... Qui ç a nous aurait fait cré dit?... C’é tait pas la peine de tenter...

D’autre part, c’é tait pas possible de lui faire comprendre à la vieille au juste notre situation... Qu’on venait en particulier de flamber pré cisé ment notre suprê me petite ré serve... le reste du cureton, dans les courses par correspondance... Ah! Car enfin on l’avait perdu... C’é tait à coup sû r une horrible attaque... La fin du systè me!... Un cataclysme pas affrontable... Nous é tions vraiment ennuyé s. Elle devenait d’une intolé rance absolument fanatique maintenant qu’elle é tait buté e sur la question de pommes de terre... Ç a devenait absolument kif comme pour le coup des ascensions!... ou pour son chalet de Montretout... Y avait plus à en dé mordre!... Quand elle s’é tait voué e à un truc, elle se vrillait dedans comme un boulon, fallait arracher toute la piè ce!... C’é tait extrê mement douloureux!...

« Tu me l’as dit, n’est-ce pas?... Tu vas pas te dé dire?... Je t’ai bien entendu?... Tu me l’as ré pé té dix fois... cent fois!... Que t’allais la faire marcher ta sale engeance é lectrique? J’avais pas la berlue?... C’est pour ç a, n’est-ce pas, qu’on est venus tous par ici?... J’imagine rien?... C’est pour ç a que t’as vendu la boî te pour un morceau de pain?... Lavé ton journal?... Que tu nous as tous embarqué s de gré, de force, de violence dans cette fondriè re!... dans cette porcherie!... Cette pourriture!... Oui?...

— Oui, ma toute aimé e!...

— Alors, c’est bien!... Moi je veux voir! Tu m’entends?... Je veux voir!... Je veux voir tout!... J’ai tout sacrifié ! Toute mon existence!... Ma santé... Tout mon avenir... Tout!... Il me reste plus rien... Je veux les voir pousser!... Tu m’entends?... Pous-ser! ! !... »

Elle se plantait là en dé fi, elle lui jetait ç a entre quatre yeux!... À force de faire des travaux durs elle possé dait des biscotos qu’é taient pas pour rire!... Des masses redoutables!... Elle chiquait à travers champs... Elle ne fumait sa pipe que le soir, et pour aller au marché... Le facteur Eusè be, qui ne desservait plus notre endroit depuis des anné es, il a fallu qu’il recommence... Il se payait ç a deux fois par jour!... Le bruit s’é tait ré pandu, trè s vite, dans les autres provinces, que certains agriculteurs faisaient des merveilles, ré alisaient des miracles dans la culture des pommes de terre par les effluves magné tiques...

Notre vieille clique des inventeurs nous avait reflairé s à la trace!... Ils semblaient tous bien heureux de nous retrouver tous les trois... sains et saufs... Ils nous rassaillaient de projets!... Ils ne gardaient pas du tout de rancune!... Le facteur il avait sa claque... Il se coltinait trois fois par semaine des sacs entiers de manuscrits... Sa besace é tait si lourde que son cadre en avait rompu... Il avait mis une double chaî ne... sa bicyclette s’é tait replié e sur elle-mê me... Il en ré clamait une autre, une neuve, au Dé partement...

Des Pereires, dè s les premiers jours, il s’é tait remis à mé diter... Il profitait intensé ment des loisirs et de la solitude... Il se sentait pré paré enfin contre les alé as du sort. Et n’importe lesquels!... Il é tait plein de mé ditations! Absolument ré solu! La Ré solution!... Il l’affronterait son Destin!... Ni trop confiant... Ni trop dé fiant... juste averti!...

« Ferdinand! Regarde! et constate!... Les é vé nements se dé roulent à peu prè s comme j’avais pré vu!... Seulement avec un peu d’avance!... Une cadence un peu nerveuse!... Et je n’y tenais pas!... Toutefois, tu vas voir... Observe! N’en perds pas une petite miette! Pas un atome lumineux!... Admire comme Courtial, mon enfant, va terrasser, dompter, contraindre, enchaî ner, soumettre la rebelle fortune!... Regarde ç a! É baubis-toi! Renseigne-toi! Tâ che d’ê tre impavide et prê t à la seconde! Aussitô t servi je te la passe! Et hop! É treins! É trangle! Ce sera ton tour! Bise! Crè ve la garce! Mes stricts besoins personnels sont ceux d’un ascè te! Je serai promptement repu! Gavé ! Submergé d’abondance! Saigne-la toi! Vide-lui toute la sauce!... T’as l’â ge de toutes les ivresses! Profite! Abuse! Nom de Dieu! Reluis! Fais-en ce que tu veux! J’en aurai moi toujours de trop!... Embrasse-moi!... Tiens! nous sommes veinards! »

C’é tait pas commode de s’é treindre, à cause de mon pardessus qu’é tait solidement amarré avec ses ficelles dans l’inté rieur de mon falzar!... Ç a limitait les mouvements, mais ç a me tenait extrê mement chaud... C’é tait né cessaire! L’hiver é tait dé jà sur nous!... Le corps de logis principal, malgré la cheminé e, le calfatage il é tait pourri de courants d’air... Il gardait tous les vents coulis et pas beaucoup de chaleur... C’é tait une passoire pour frimas... C’é tait vraiment une trè s vieille tô le.

Ce fut une idé e splendide qu’il eut alors, des Pereires, aprè s bien des mé ditations à la Grosse Boule et dans les bois... Il voyait encore bien plus grand et bien plus lointain que d’habitude!... Il devinait les besoins du monde...

« Les individus c’est fini!... Ils ne donneront plus jamais rien!... C’est aux familles, Ferdinand! qu’il convient de nous adresser! Une fois pour toutes, toujours aux familles! Tout pour et par la famille!... »

C’est aux « Pè res angoissé s de France » qu’il a lancé son grand appel! À ceux que l’avenir de leurs chers petits pré occupait par-dessus tout!... À ceux que la vie quotidienne crucifiait lentement au fond des villes perverses, putrides, insanes!... À ceux qui voulaient tenter l’impossible pour que leur petit ché rubin é chappe à l’atroce destiné e d’un esclavage en boutique... d’une tuberculose de comptable... Aux mè res qui rê vaient pour leurs chers mignons d’une saine et large existence absolument en plein air!... loin des pourritures citadines... d’un avenir pleinement assuré par les fruits d’un sain labeur... dans des conditions champê tres... De grandes joies ensoleillé es, paisibles et totales!... Des Pereires solennellement garantissait tout cela et bien d’autres choses... Il se chargeait avec sa femme de tout l’entretien complet de tous ces petits veinards, de leur premiè re é ducation, de la secondaire aussi, la « rationaliste »... enfin de l’enseignement supé rieur « positiviste, zootechnique et potager »...

Notre exploitation « radiotellurique » se transformait, sé ance tenante, par l’apport des souscripteurs en « Familistè re Ré nové de la Race Nouvelle »... Nous intitulions ainsi sur nos prospectus notre ferme et ses domaines... Nous couvrî mes en quelques jours, avec nos « appels », plusieurs quartiers de Paris... (tous expé dié s par Taponier)... les plus populeux... les plus confiné s... encore quelques î lots du cô té d’Achè res où ç a pue, pour voir... Nous n’é prouvions qu’une seule crainte, c’est qu’on nous envahisse trop tô t! Nous redoutions comme la peste les engouements trop fré né tiques!... L’expé rience!



  

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