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Note sur l’édition numérique. 42 страница



C’est donc en courant qu’on s’est quitté s cette nuit-là. C’est bien le cas de le dire... Il fallait que je me dé carcasse!... Je voulais faire un saut encore jusqu’au Passage Bé ré sina, pour avertir un peu mes dabes que je me barrais en Province avec les Pereires... qu’ils se mettent pas à faire les chnoques... à me faire pister par les bourriques...

Ma mè re, quand je suis arrivé, elle é tait encore en bas, dans son magasin, à rafistoler ses camelotes, elle revenait de porter son choix, du cô té des Ternes... Mon pè re il est descendu... Il nous entendait causer... Je l’avais pas revu depuis deux ans. Le gaz que ç a vous fait dé jà des tê tes absolument livides, alors lui, du coup comme pâ leur, c’é tait effroyable!... À cause peut-ê tre de la surprise, il s’est mis à bé gayer tellement qu’il a fallu qu’il se taise... Il pouvait plus dire un seul mot!... Il comprenait pas non plus... ce que je m’é vertuais à expliquer. Que je m’en allais à la campagne... C’est pas qu’il faisait de la ré sistance... Non!... Ils voulaient bien n’importe quoi! Pourvu que je retombe pas « fleur »... à leur charge encore un coup!... Que je me dé brouille ici! ailleurs! n’importe comment! Ils s’en foutaient!... Dans l’Ile-de-France ou au Congo... Ç a les gê nait pas du tout!

Il faisait perdu, mon papa, dans ses vieux vê tements! Ses falzars surtout y tenaient plus à rien!... Il avait tellement maigri, ratatiné de toute la tronche, que la coiffe de sa grande casquette, elle lui voguait sur le cassis... elle se barrait à travers les yeux... Il me regardait par en dessous...

Il saisissait pas le sens des phrases... J’avais beau lui ré pé ter que je croyais avoir un avenir dans l’agriculture... « Ah! Ah! » qu’il me ré pondait... Il é tait mê me pas surpris!...

« J’ai eu, dis donc... dis-moi, Clé mence?... bien mal à la tê te... Cet aprè s-midi... Et pourtant c’est drô le... il a pas fait chaud?... »

Ç a le laissait encore tout rê veur... Il pensait qu’à ses malaises... Il pouvait plus s’inté resser que je reste ou que je m’en aille!... par-là ou par-ci! Il se morfondait suffisamment... surtout depuis son grave é chec à la Connivence Incendie... Il pouvait plus s’interrompre de ruminations... C’é tait un coup effroyable... Au Bureau à la Coccinelle, il continuait à souffrir... Ç a n’arrê tait plus du tout les meurtrissures d’amour-propre!... Autant comme autant! Il subissait des telles misè res que pendant certaines semaines il se rasait mê me plus du tout... Il é tait trop é branlé... Il refusait de changer de chemise...

Au moment où j’arrivais, ils avaient pas encore becqueté... Elle m’a expliqué les temps difficiles, les alé as du magasin... Elle mettait le couvert. Elle boitait un peu diffé rent, peut-ê tre plutô t un peu moins... Elle souffrait quand mê me beaucoup, mais surtout maintenant de sa jambe gauche. Elle arrê tait plus de renifler, de faire des bruits avec sa bouche... dè s le moment qu’elle s’asseyait pour bercer un peu sa douleur... Il rentrait, lui, juste de ses courses, de faire quelques livraisons... Il é tait trè s affaibli. Il transpirait de plus en plus... Il s’est aussi installé... Il parlait plus, il rotait plus... Il mangeait seulement avec une extrê me lenteur... C’é tait des poireaux... De temps à autre, par sursaut, il revenait un peu à la vie... Deux fois seulement, à vrai dire, pendant que j’é tais là... Ç a lui venait en ronchonnements... des insultes dans le fond de son assiette, toutes rauques... toutes sourdes... : « Nom de Dieu! Nom de Dieu de Merde!... » Il recommenç ait à groumer... Il se soulevait... Il quittait la table, il partait comme ç a vacillant!... jusque devant la petite cloison qui sé parait de la cuisine... celle qu’é tait mince comme une pelure!... Il tapait dessus deux, trois coups... Il en pouvait plus... Il se ramassait à reculons... Il se tassait sur son escabeau... les yeux plongeant vers le dallage... bas sous lui... les bras ballants... Ma mè re lui remettait sa casquette en douceur... tout à fait droite... Elle me faisait des signes pour pas que je le regarde... Elle avait maintenant l’habitude. D’ailleurs, ç a pouvait plus le gê ner... Il se rendait mê me plus bien compte... Il é tait bien trop renfermé dans ses malheurs de bureau... Ç a lui accaparait la bouille... Depuis deux, trois mois, il ne dormait plus qu’une heure de nuit... Il en avait la tê te ficelé e par toute l’inquié tude... comme un seul paquet... le reste le concernait plus... Mê me les choses de leur commerce, il s’en foutait à pré sent... Il voulait plus qu’on lui en cause... Ma mè re ç a l’arrangeait bien... Je savais plus vraiment quoi dire... Je me tenais comme un panaris, j’osais plus bouger! J’ai essayé un peu quand mê me de raconter mes propres histoires... Les petites aventures... Pas toute la ré alité !... des choses seulement pour les distraire, des petites balivernes innocentes pour faire passer l’embarras!... Alors, ils m’ont fait une gueule! Rien qu’à m’entendre badiner!... Ç a donnait juste l’effet contraire!... Ah! merde! Moi j’en avais tringle!... Je fumais alors aussi!... Moi aussi merde à la fin!... J’avais bien toute la caille au cul! Moi aussi, j’é tais bien sonné ! autant comme autant!... Je venais pas leur qué mander! Ni flouze! ni pitance!... Je leur demandais rien du tout!... Seulement je voulais pas m’enfoirer avec des soupirs à la con!... Parce que je pleurais pas dans les tasses!... que je broutais pas dans leurs chagrins... Je venais pas pour ê tre consolé !... Ni pour jé ré miader en somme... Je venais simplement dire « au revoir »... Merde! Un point, c’est tout!... Ils auraient pu ê tre contents...

À un moment, j’ai dit comme ç a, en maniè re de plaisanterie:

« Je vous enverrai de la campagne des graines de volubilis!... Ç a poussera bien au troisiè me!... ç a grimpera sur le vitrage!... »

Je disais ce que je trouvais un petit peu...

« Ah! On voit bien que c’est pas toi qui te dé mè nes! qui t’é chines ici! Qui te dé carcasses en dix-huit! pour faire face aux obligations! Ah! c’est joli l’insouciance... »

Ah! merde! y en avait que pour eux des dé tresses, des marasmes, des é preuves horribles. Les miens ils existaient pas en comparaison! C’é tait que seulement par ma faute, si je me mettais dans la pé touille!... toujours d’aprè s eux, les vaches... C’é tait une putaine astuce! Merde et contre-merde! Le culot! La grande vergogne! Tandis qu’eux, ils é taient victimes!... Innocents! toujours Martyrs! Il fallait pas comparer!... Il fallait pas que je me trompe avec ma fameuse jeunesse!... Et que je me fourvoyé à perpè te!... C’est moi qui devais é couter! C’est moi qui devais prendre la graine!... Toujours... Gomme! Et Ratagomme! C’é tait entendu!... Rien qu’à m’observer, comme ç a, à table, devant les fayots (aprè s c’é tait du gruyè re), tout le passé revenait devant maman... Elle avait du mal à retenir ses larmes, sa voix chevrotait... Et puis elle aimait mieux se taire!... C’é tait du vrai sacrifice... J’aurais bien demandé pardon, pour toutes mes fautes, mes caprices, mes indicibles dé vergondages, mes forfaits calamiteux!... Si y avait eu que ç a pour la remettre!... Si c’é tait seulement la cause qu’elle se refoutait à gé mir!... Si c’é tait seulement la raison qui lui fendait le cœ ur!... Je lui aurais bien demandé pardon! Et puis je me serais barré tout de suite!... J’aurais bien, pour en finir, avoué que j’avais une veine inouï e! Une chance pas croyable! que j’é tais un gâ té terrible!... Que je passais mon temps à me marrer!... Bon! J’aurais dit n’importe quoi pour qu’on en termine... Je regardais dé jà la porte... Mais elle me faisait signe de rester... C’est lui qu’est monté dans sa chambre... Il se sentait pas bien du tout... Il se raccrochait aprè s la lampe... Il a mis au moins cinq minutes pour arriver jusqu’au troisiè me... Et puis une fois comme ç a seuls, elle a repiqué de plus belle aux condolé ances... Elle m’a donné tous les dé tails... Comment qu’elle s’y prenait pour joindre les deux bouts! Son nouveau condé... Qu’elle sortait tous les matins, pour une maison de passementeries... qu’elle s’é tait fait depuis trois mois, presque deux cents francs de commission... L’aprè s-midi, elle se soignait; elle restait au magasin avec sa jambe sur une chaise... Elle voulait plus voir le Capron... Il parlait que d’immobilité !... Il fallait pourtant qu’elle remue!... C’é tait sa seule raison d’ê tre... Elle aimait mieux se traiter toute seule avec la mé thode Raspail... Elle avait acheté son livre... Elle connaissait toutes les tisanes... tous les mé langes... les infusions... Et puis une huile de ré sé da pour se masser la jambe le soir... Il lui venait quand mê me des furoncles, mais ils é taient supportables comme douleur et comme gonflement. Ils crevaient presque tout de suite. Elle pouvait marcher avec... C’é tait le principal!... Elle m’a fait voir toute sa jambe... La chair é tait toute plissé e comme enroulé e sur un bâ ton, à partir du genou... et jaune... avec des grosses croû tes et puis des places où ç a suintait... « C’est plus rien aussitô t que ç a rend!... Tout de suite ç a soulage, ç a va mieux... mais c’est avant que c’est terrible, tant que c’est encore tout violet! que ç a reste fermé !... Heureusement que j’ai mon cataplasme!... Sans ç a, je sais pas ce que je pourrais faire!... Ç a m’aide, tu n’as pas une idé e!... Autrement je serais une infirme! »... Et puis elle m’a reparlé d’Auguste... de la faç on qu’il se minait lui... qu’il commandait plus ses nerfs... de toutes ses terreurs nocturnes... Sa peur de la ré vocation... c’é tait la plus terrible de toutes... ç a le ré veillait en panique... Il se redressait d’un bond sur le lit... « Au secours! Au secours! » qu’il hurlait... et la derniè re fois si intense, que tous les gens du Passage avaient sursauté... Ils avaient bien cru un moment que c’é tait encore une bataille!... Que j’é tais revenu l’é trangler! Ils rappliquaient tous au galop! Papa une fois dans ses transes il se connaissait plus... C’é tait la croix et la banniè re pour qu’il se renfonce dans son plume... Ils avaient dû lui appliquer pendant plusieurs heures ensuite des serviettes glacé es sur la tê te... Depuis le temps qu’elles duraient ces crises... toujours un peu plus é puisantes... C’é tait un tourment infernal!... Il sortait plus du cauchemar... Il savait plus ce qu’il racontait... Il reconnaissait plus les personnes... Il se trompait entre les voisins... Il avait trè s peur des voitures... Souvent le matin alors comme ç a quand il avait pas fermé l’œ il c’est elle qui le reconduisait jusqu’à la porte des Assurances... au 34 de la rue de Tré vise... Mais là c’é tait pas terminé... Il fallait encore qu’elle entre pour demander au concierge si il avait pas du nouveau? Si il avait rien appris?... à propos de mon pè re... Si il é tait pas ré voqué ?... Il distinguait plus du tout le vrai de l’imaginatif... Sans elle absolument certain!... jamais qu’il y serait retourné !... Mais alors il serait devenu dingue... parfaitement louf de dé sespoir. Ç a faisait pas l’ombre d’un petit doute... C’é tait un terrible é quilibre pour qu’il sombre pas complè tement... C’est elle qui faisait toute la voltige... Y avait pas un moment à perdre pour lui remonter sa pendule... Et puis pour la croû te au surplus ç a venait pas tout seul!... il fallait encore qu’elle taille... pour ses passementeries... à travers Paris... piquer du client dare-dare... Elle trouvait encore moyen d’ouvrir quand mê me notre boutique... quelques heures l’aprè s-midi... Que ç a vé gè te au Passage, mais que ç a chavire pas complè tement!... Et la nuit tout é tait à refaire! Pour qu’il lui vienne pas plus d’angoisses, que ses terreurs augmentent pas... elle disposait sur une table, dans le milieu de la chambre, une petite lampe en veilleuse. Et puis encore au surplus, pour qu’il puisse peut-ê tre s’endormir un petit peu plus vite elle lui bouchait les deux oreilles avec des petits tampons d’ouate imbibé s dans la vaseline... Il sursautait au moindre bruit... Dè s qu’on bagottait dans le Passage... Et ç a commenç ait de trè s bonne heure avec le laitier... Ç a ré sonnait é normé ment à cause du vitrage... Comme ç a avec des tampons c’é tait quand mê me un petit peu mieux... Il le disait lui-mê me...

Ma mè re elle é prouvait bien sû r, on peut bien facilement se rendre compte, tout un surcroî t de fatigue é norme d’ê tre obligé e de le soutenir constamment mon pè re jour et nuit... Sans cesse sur la brè che... À lui remonter son moral... à le dé fendre contre les obsessions! Eh bien! elle se plaignait pas trop! Si j’avais pas fait, moi, ma vache! que j’aie pris l’air de me repentir!... De me rendre bien compte de tous mes vices... de ma charogne ingratitude... ç a lui aurait versé du baume... Ç a c’é tait visible!... Elle se serait comme tranquillisé... Elle se serait dit: « Tiens! mon fifi, il te reste quand mê me quelques petites chances... Tout espoir n’est pas perdu!... Son cœ ur est pas tout en pierre! Il est pas si dé naturé, absolument irré mé diable!... Il pourra peut-ê tre s’en sortir... » C’é tait une lueur dans sa dé tresse... Une consolation adorable... Mais j’é tais pas bon du tout... J’aurais eu bel et beau faire, ç a me serait pas sorti du trognon... J’aurais jamais pu... Sû r que j’avais du chagrin... Sû r que je la trouvais bien malheureuse! C’é tait au fait bien vé ritable! Mais j’avais pas du chagrin pour aller le baver devant personne! Et surtout pas devant elle!... Et puis quand mê me alors... tout de mê me... Quand j’é tais petit dans leur tô le... que je comprenais rien à rien... Qui c’est qui prenait sur la gueule? C’é tait pas alors elle seulement!... Moi aussi!... Moi toujours!... Et qu’elle m’en remettait largement... J’ai dé gusté moi la pâ té e!... la jeunesse! La merde!... Toujours qu’elle s’é tait bien dé voué e, sacrifié e faut dire... Bon! Ç a va!... Ç a me faisait infect de repenser à tout ç a, là, si fortement... Et merde! C’é tait de sa faute aussi! J’y repensais jamais moi tout seul!... Ç a me faisait encore plus sinistre... que tout le reste des infections... C’é tait pas du tout la peine que j’essaye de lui dire quelque chose!... Elle me regardait toute navré e, comme si je venais moi de la battre! Il fallait mieux que je me trisse!... On allait encore s’agonir... Je la laissais pourtant bien se ré pandre... J’ouvrais pas la bouche... Elle pouvait y aller, c’é tait libre!... Elle s’en est payé e une bonne tranche... Elle m’en a filé des conseils!... Toutes les excellentes paroles, je les ai encore entendues!... Tout ce qu’é tait indispensable pour me relever ma morale!... Pour que je cè de plus à mes instincts pour imiter, bien profiter des bons exemples!... Elle voyait que je me retenais, que je voulais pas lui ré pondre... Alors elle a changé de mé thode... Elle a eu peur de m’agacer, elle m’a fait ç a aux gâ teries... Elle a é té dans le buffet, me chercher un flacon de sirop... C’é tait pour moi, pour emporter à la campagne... puisque j’y allais... Et puis encore une autre bouteille d’un é lixir fortifiant... Il a fallu qu’elle insiste sur ma terrible habitude de manger beaucoup trop vite!... que je me dé truirais l’estomac... Et puis enfin, elle m’a demandé si j’avais pas besoin d’argent... pour mon voyage ou autre chose? « Non! Non! que j’ai ré pondu... Nous avons tout ce qu’il nous faut!... » Je lui ai mê me montré le capital... Je l’avais tout en billets de cent francs... Alors?... Pour conclure, j’ai promis d’é crire, de les tenir bien au courant... de la faç on que ç a tournerait notre exploitation... Elle comprenait rien dans des mots pareils... C’é tait un monde inconnu... Elle faisait confiance à mon patron!... J’é tais tout prè s de l’escalier, je me levais, je reficelais mon balluchon...

« Peut-ê tre, qu’il vaut mieux malgré tout qu’on le ré veille pas maintenant ton pè re?... Hein?... Qu’est-ce que tu penses?... Il dort peut-ê tre... Tu ne crois pas?... Tu as vu... comme ç a le retourne la moindre é motion?... De te voir t’en aller, j’ai une peur encore que ç a le bouleverse!... Tu crois pas que c’est plus prudent?... Vois-tu qu’il me refasse un accè s! Comme il m’a fait y a trois semaines!... Je pourrais plus jamais le rendormir!... Je sais pas ce que je ferais pour é viter!... » C’é tait bien aussi mon avis... Je trouvais ç a des plus raisonnables... de me tirer tout à fait en douce... de profiter du courant d’air... On s’est chuchoté des « au revoir »... Elle me rencardait encore un peu à propos de mon linge... J’ai pas é couté la suite... J’ai filoché dans le Passage... et puis dans la rue au pas de course... Je poulopais sec... J’avais du retard! mê me beaucoup!... Il é tait juste minuit au cadran doré du « Lyonnais »... Courtial et sa grande mignonne ils m’attendaient depuis deux bonnes heures devant l’é glise Saint-Vincent-de-Paul... avec leur voiture à bras!... J’ai grimpé toute la rue d’Hauteville en quatriè me pompe!... De trè s loin je les ai aperç us sous un bec de gaz... C’é tait un vrai dé mé nagement... C’est lui qu’avait tout transbordé ! Il avait sué pour un coup!... Il avait dû vider la crè che envers et quand mê me!... Il avait dû buter le daron (à la rigolade! )... La carriole elle s’enfonç ait, tellement qu’elle é tait pesante et remplie de bricoles!... La dynamo et le moteur dessous les matelas et les fringues!... Les doubles rideaux, la cuisine entiè re... Il avait sauvé le maximum!... On pouvait bien le fé liciter! Il avait remis une redingote, une autre, que je connaissais pas... Je me demande où qu’il l’avait trouvé e?... Une gris perle!... J’ai fait la remarque!... C’é tait de sa jeunesse! Il avait relevé les basques avec des é pingles. La vieille avait plus son chapeau, « l’hortensia aux cerises »! Il é tait planté à pré sent tout au sommet de la bagnole... C’é tait pour pas l’abî mer!... Elle s’é tait mis à la place un trè s joli châ le andalou entiè rement brodé, couleurs é clatantes... Ç a faisait bien sous leur ré verbè re... Elle m’a expliqué tout de suite, que pour faire des longs voyages c’é tait vraiment le plus pratique... que ç a pré servait bien les cheveux.

Alors, enfin rassemblé s, aprè s encore des discussions à propos d’un vieil horaire, on a dé marré tout doucement... Moi, j’é tais heureux, je peux bien le dire!... Elle est raide la rue Lafayette!... surtout à partir de l’é glise et jusqu’au coin de la pharmacie!... Il fallait pas qu’on s’endorme... C’é tait lui-mê me des Pereires qui s’est attelé dans la bricole... Nous deux avec la daronne on poussait derriè re... « Et vas-y petit!... Et je te connais bien!... Et que je te pousse! Et tant que ç a donne... » Seulement on é tait trop en retard!... On a raté notre train quand mê me!... Et c’é tait de ma faute!... C’é tait plus du « minuit quarante!... » C’é tait maintenant le « deux heures douze!... » Le « premier » du jour!... Pour celui-là par exemple, nous avions de l’avance!... cinquante minutes presque!... On a eu tout le temps pour dé monter notre chignole... Elle é tait pliable, ré versible... et transbahuter tout le bazar!... une fois de plus!... dans le fourgon de la queue. Et puis encore bien du temps de reste pour nous jeter comme jus deux crè mes, un mazagran, un « dé jeuner » coup sur coup! Au beau « Terminus!... » Nous é tions tous les trois terribles sur la question du moka... Porté s comme personne!... Et c’est moi qui tenais la caisse.

C’est à Persant-la-Riviè re, qu’on a dé barqué... En tant que village ç a se pré sentait gentiment, entre deux collines et des bois... Un châ teau avec des tourelles pour couronner le dé cor... Le barrage, en bas des maisons, faisait son fracas majestueux... C’é tait en somme bien coquet... On aurait pu choisir plus mal, mê me pour des vacances!... Je l’ai fait remarquer à la vieille chouette... Mais elle é tait pas disposé e... On avait un putain de boulot pour dé marrer le maté riel, sortir notre moteur du fourgon... Il a fallu qu’on demande des aides...

Le chef de gare, il inspectait notre attirail. Il a cru qu’on é tait « forains... » qu’on arrivait pour la fê te!... donner des soiré es de ciné ma!... Il nous jugeait sur la dé mise... Pour la fê te, il faudrait qu’on repasse!... Elle é tait finie depuis quinze jours!... Des Pereires a pas voulu qu’il demeure comme ç a dans l’erreur... Il l’a é clairé tout de suite ce petit nougat!... Mis parfaitement au courant de tous nos projets... Il voulait parler au notaire! Et sé ance tenante!... Il s’agissait pas de rigolade! mais de « Ré solution Agricole!... » Rapidement un brelan de terreux est venu fouiner dans notre bazar... Ils s’amalgamaient autour de la bâ che... Ils se faisaient mille ré flexions sur nos ustensiles. On pouvait plus pousser tout ç a nous trois seulement, sur la route!... C’é tait bien trop lourd!... On l’avait vu rue Lafayette!... C’é tait bien trop loin aussi notre bled agricole... Il nous fallait au moins un cheval!... Ils ont opposé les croquants tout de suite pas mal d’inertie!... Enfin on a pu partir!...

Notre grosse mignonne, une fois installé e sur le siè ge, elle s’est rallumé une bonne pipe!... Dans l’assistance, ils se pariaient qu’elle é tait aussi un homme habillé en femme!...

Pour arriver à notre domaine à Blê me-le-Petit, y avait encore onze kilomè tres! et avec des rampes nombreuses!... Ils nous ont pré venus à Persant... Des Pereires s’é tait dé jà soigneusement documenté par-ci, par-là, dans les groupes... Il avait pas é té long à signer tous ses papiers... Il avait houspillé le notaire... Il prospectait à pré sent la verte campagne du haut de la voiture... On a emmené un paysan... La carte é talé e sur les genoux Courtial pendant tout le trajet a pas arrê té de causer... Il commentait chaque relief, chaque ondulation du terrain... Il recherchait les moindres ruisseaux... de loin, la main en visiè re... Il les retrouvait pas toujours... Il nous fit une vraie confé rence qui dura au moins deux bonnes heures, cahin-caha, sur les possibilité s, les retards du dé veloppement, les essors et les faiblesses agronomiques d’une ré gion dont « l’infrastructure mé tallo-gé odé sienne » ne lui revenait pas complè tement... Ah! ç a!... Il l’a dit tout de suite! à plusieurs reprises!... Il se lancerait pas sans analyses!... Il faisait un temps magnifique.

Les choses à Blê me-le-Petit n’é taient pas absolument comme avait annoncé le notaire. On a mis deux jours entiers avant de s’en apercevoir...

La ferme é tait bien dé labré e... Ç a c’é tait pré vu dans les textes! Le vieux qui la tenait en dernier il venait de mourir deux mois plus tô t et personne dans toute la famille n’avait voulu le remplacer... Personne ne voulait du terrain, ni du gourbi, ni mê me du hameau, semblait-il... On est entré dans d’autres masures un peu plus loin... On a frappé à toutes les portes... On a pé né tré dans les granges... Y avait plus un signe de vie... Prè s de l’abreuvoir, à la fin, on a dé couvert quand mê me, dans le fond d’une espè ce de soupente, deux vieux croquants si â gé s qu’ils pouvaient plus quitter leur piaule... Ils é taient devenus presque aveugles... et sourds alors tout à fait... Ils se pissaient tout le temps l’un sur l’autre... Ç a semblait leur seule distraction... On a essayé de leur causer... Ils savaient pas quoi nous ré pondre... Ils nous faisaient des signes qu’on s’en aille... qu’on les laisse tout à fait tranquilles... Ils avaient perdu l’habitude qu’on leur rende visite... On leur faisait peur.

J’ai pas estimé moi, ç a, d’un trè s bon pré sage!... Cette maniè re de hameau vide... Ces portes toujours entrebâ illé es... Ces deux vieux qui nous en voulaient... Ces hiboux partout...

Au contraire, lui des Pereires, il trouvait tout ç a parfait!... Il se sentait tout ragaillardi par le bon air de la campagne... Il a voulu tout d’abord se vê tir convenablement... Ayant perdu son panama, il a bien fallu qu’il emprunte un chapeau à la grande ché rie... Une paille souple, immense, avec une bride mentonniè re... Il conserva sa redingote, la trè s belle grise... plus chemise souple et lavalliè re et puis enfin des sabots!... (qu’il a jamais bien supporté s)... Des longues marches à travers les champs, il revenait toujours pieds nus... Et pour faire vraiment laboureur il quittait pas sa « pelle-bê che »... Il la portait allè grement sur son é paule droite. Nous allions ainsi, chaque tantô t, prospecter les terrains en friche, chercher un emplacement convenable pour l’ensemencement des radis.

Mme des Pereires s’occupait de son cô té... C’est elle qui s’appuyait les courses, qui tenait la chaumiè re... enfin et surtout c’est elle qui s’envoyait le marché de Persant deux fois par semaine. Elle pré parait notre tambouille... Elle rafistolait le maté riel que ç a devienne logeable un peu... Sans elle, on aurait plus bouffé tellement c’é tait un tintouin la cuisine dans l’â tre!... rien que pour se faire cuire une omelette tout ce qu’il fallait rallumer! comme tisons! comme braises!... Ç a vous coupait l’appé tit!...

Nous deux des Pereires on se levait pas de trè s bonne heure, il faut reconnaî tre!... Ç a la faisait dé jà râ ler!... Elle voulait toujours qu’on dé grouille! Qu’on fasse quelque chose de bien utile!... Mais une fois qu’on é tait sortis... on avait plus envie de revenir... Elle entrait dans des autres colè res... Elle se demandait la pauvre daronne ce qu’on foutait si longtemps dehors?... Des Pereires ç a lui faisait plaisir nos grandes excursions... Il dé couvrait tous les jours des nouveaux aspects du pays... et grâ ce à la carte ç a devenait instructif en diable... Re-tantô t, comme ç a au coin d’un bois... ou au revers d’un talus... on se planquait confortablement... dè s qu’il faisait un peu de chaleur... On emportait des canettes... Pereires, il pouvait mé diter... Je le dé rangeais pas beaucoup... J’arrivais à somnoler... Il se parlait tout seul... Sa « pelle-bê che » en terre, enfoncé e tout à cô té de nous... Le temps passait gentiment... C’é tait un changement ré el... la tranquillité... la paix des bocages!... Mais le pè ze il foutait bien le camp... C’est elle maintenant qui s’inquié tait. Elle refaisait les comptes tous les soirs.



  

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