Хелпикс

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Note sur l’édition numérique. 41 страница



Elle revenait à son idé e fixe!... Elle a reparlé du Zé lé ... Des premiers temps de son mariage... Des sorties avec le sphé rique... Dé jà il é tait pas facile à gonfler à bloc... Ils avaient jamais assez de gaz... C’é tait une enveloppe fragile et pas trè s impermé able... Enfin quand mê me ils é taient jeunes et c’é tait la belle é poque... Elle faisait les ascensions le dimanche avec des Pereires... Dans la semaine, elle é tait sage-femme... Elle posait aussi des ventouses, des scarifié es... les petits soins... Elle avait bien connu Pinard qu’avait accouché la Tzarine... À en parler elle s’excitait... c’é tait un accoucheur mondial... Moi je trouvais qu’il faisait frisquet entre les carré s potagers... C’é tait dé jà tout bleuâ tre le ciel et les alentours... Je grelottais en pié tinant, en battant la semelle... On remontait la petite allé e pour la centiè me fois!... On la redescendait encore... Elle me reparlait des hypothè ques!... C’é tait de la meuliè re leur guitoune... Ç a devait encore coû ter pas mal!... Si je croyais que c’é tait exact qu’il avait vraiment tout soldé ?... Moi je pouvais pas tout connaî tre... Il é tait secret et sournois! Moi je le connaissais mê me pas ce M. Rambon!... Je l’avais jamais vu... Et le Cré dit Lé menthal? Je savais pas non plus!... En somme je savais rien du tout!...

Comme ç a, en regardant au loin, on commenç ait à deviner la forme des autres boî tes... Et puis aprè s le grand terrain vague... les hautes cheminé es... la fabrique d’Arcueil... celle qui sentait fort la cannelle par-dessus la vigne et l’é tang. On voyait maintenant les villas tout alentour... et tous les calibres!... Les coloris peu à peu... comme une vraie bagarre... qu’elles s’attaqueraient dans les champs, en fantasia, toutes les mocheté es!... Les rocailleuses, les raplaties, les arrogantes, les bancroches... Elles carambolent les mal finies!... les pâ les! les minces! les fondantes... Celles qui vacillent aprè s la charpente!... C’est un massacre en jaune, en brique, en mi-pisseux... Y en a pas une qui tient en l’air!... C’est tout du joujou dans la merde!...

Dans l’enclos, juste à cô té, y avait un vrai petit monument, une é glise en ré duction, en bois dé coupé, une espè ce de Notre-Dame, une fantaisie d’é bé niste!... Dedans, il é levait des lapins...

Elle causait, jactait encore, elle m’expliquait tout, la daronne!... À la fin, elle l’avait sec... elle trouvait plus le fil de rien... elle en a eu marre... Ç a faisait au moins deux bonnes heures complè tes qu’on é tait dehors dans la bise!...

« Ç a suffit! Il se fout de notre fiole... Il nous fait quand mê me assez chier avec ses grimaces!... Je vais le sortir aussi, moi, tiens... Je vais l’assaisonner ce sale voyou!... Venez par ici, Ferdinand! Par la porte de la cuisine! Il abuse ce sale pantin... Quand j’aurai une pleuré sie!... » Elle grimpe dare-dare jusqu’au perron... Au moment qu’elle ouvre la porte, le voilà juste le des Pereires, il dé bouche... il surgit de l’ombre... Il venait justement nous chercher... Il é tait drô lement attifé... Il s’é tait entiè rement revê tu avec le grand tapis de table!... Il se l’é tait passé en pè lerine avec un trou pour la tê te et refermé avec des « nourrices » et puis une grosse corde en ceinture... Il descend comme ç a les cinq marches, il me saisit le bras au passage... Il a l’air absorbé à fond... tout possé dé par quelque chose... Il m’entraî ne au bout du jardin, là -bas sur le dernier carré de châ ssis... Il se baisse, il arrache un radis, il me le montre, il me le met sous le pif...

« Tu vois?... qu’il me fait... Regarde-le bien!... Tu le vois?... Tu vois sa grosseur?... Et ce poireau? Tu le vois aussi? Et puis encore, dis, cet autre?... »

Un drô le de lé gume d’ailleurs que je reconnais pas...

« Le vois-tu?...

— Oui! Oui! que je ré ponds.

— Viens alors par ici! Vite! Vite! » Il me traî ne vers l’autre bout du jardin... Il s’incline, il se met à genoux, il rampe, il passe le bras tout entier à travers la palissade... Il souffle... Il trifouille chez le mec à cô té... Il arrache encore un radis... Il me le ramè ne... Il me le pré sente... Il veut que je compare... Il triomphe!... Celui-là de chez le voisin, il est vraiment tout petit... absolument minuscule... Il existe à peine... Et pâ le! Il me les met tous les deux sous le nez... le sien et le rabougri...

« Compare, Ferdinand! Compare!... Compare! Je ne t’influence pas! Conclus par toi-mê me!... Je ne sais pas ce qu’elle a pu te dire Mme des Pereires! mais regarde un peu!... Examine! Soupè se!... Ne te laisse en rien troubler!... Le gros: Le mien!... Avec tellurie! Regarde! Le sien! Sans tellurie! Infime! Compare! Voilà ! Je n’ajoute rien! Pourquoi te brouiller... Conclusions seulement!... Conclusions!... Ce qu’on peut faire!... Ce qu’on doit faire!... “ Avec ”!... Et moi je ne possè de ici, notons-le trè s pré cisé ment, dans ce champ extrê mement hostile par sa contexture, qu’un simple auxiliaire tellurique!... Auxiliaire! Je te le ré pè te!... Pas le grand modè le “ Tourbillon ”!... Ajoutons bien entendu... Conditions trè s essentielles! Toutes les racines doivent ê tre portantes! Ah! oui! portantes! Et sur terrain « ferro-calcique!... » et si possible magné sie... Sans ç a rien à faire!... Juge donc par toi-mê me... Tu me comprends? Non?... Tu ne comprends pas? Tu es comme elle!... Tu ne comprends rien!... Mais oui! Mais oui! exactement! Des aveugles! Et le gros radis cependant! Tu le vois tout de mê me? Là dans ta paume? Et le petit, tu le vois bien aussi? Le ché tif! l’infime!... Cet avorton de radis?... C’est pourtant bien simple un radis?... Non, c’est pas simple? Tiens, tu me dé sarmes!... Et un radis trè s gros, Ferdinand?... Suppose un é norme radis!... Tiens, gros comme ta tê te!... Suppose que je le gonfle ainsi, à coups de bouffé es telluriques, moi! ce tout petit radicule!... Alors? Hein? Comme un vrai ballon!... Ah? et que j’en fasse comme ç a cent mille!... des radis! Toujours des radis! De plus en plus volumineux... Chaque anné e à volonté !... Cinq cent mille!... D’é normes radis! des poires!... Des vrais potirons de radis!... Ah! comme ils en auraient jamais vu!... Mais je supprime d’un seul coup tous les petits radis! J’é pure le marché ! Je truste! J’accapare! Finie! Impossible! Toute cette broutille vé gé tale! Ces brimborions! Ce sale fretin potager. Terminé es les bottes minuscules! Ces expé ditions mineures!... Les conservations par miracle!... Gaspillages! mon ami! Dé sué tudes!... Coulages!... Honteux!... Je veux des radis immenses! Voilà la formule! L’avenir appartient au radis! Le mien!... Et qui m’empê chera?... La vente? Le monde entier!... Est-il nutritif mon radis! Phé nomé nal!... De la farine de radis cinquante pour cent plus riche que l’autre... “ le pain radineux ” pour la troupe!... Bien supé rieur à tous les froments d’Australie!... J’ai les analyses!... Alors tu y penses? Ç a s’é claire? Ç a ne te dit rien? À elle non plus!... Mais moi!... Si je m’adonne au radis... pour prendre le radis comme exemple! J’aurais pu choisir le navet!... Mais prenons le radis!... La surprise sera plus vive! Ah! Alors! Je m’en occupe!... À fond dé sormais!... À fond! tu m’entends... Tu vois d’ici?... »

Il m’agrippe toujours, il m’entraî ne vers la perspective... vers le cô té Sud... De là, c’est exact... on aperç oit tout Paris!... C’est comme une bê te immense la ville, c’est é crasé dans l’horizon... C’est noir, c’est gris... ç a change... ç a fume... ç a fait un bruit triste, ç a gronde tout doucement... ç a fait comme une carapace... des crans, des trous, des é pines qui raccrochent le ciel... Il s’en fout, des Pereires, il cause... Il interpelle le dé cor... Il se redresse contre la balustrade... Il fait la voix grave... Ç a porte là -bas... ç a s’amplifie au-dessus des carriè res d’é boulements...

« Regarde, Ferdinand! Regarde!... » Je m’é carquille encore un coup... Je fais un effort suprê me... Je suis vraiment bien fatigué... Je voudrais pas qu’il remette tout ç a...

« Plus loin, Ferdinand! Plus loin!... La vois-tu à pré sent la ville? Au bout! Tu vois Paris? La capitale?...

— Oui! Oui!... Oui!... C’est bien exact!...

— Ils mangent, n’est-ce pas?...

— Oui, monsieur Courtial!...

— Tous les jours, n’est-ce pas?...

— Oui! Oui!... Oui!...

— Eh bien!... É coute-moi encore!... »

Silence... Il brasse l’air magnifiquement... Il se dé ploie... Il dé bride un peu sa houppelande... Il a des gestes pas ordinaires... Il va relancer des dé fis?... Il ricane d’avance... Il est sardonique... Il repousse... é loigne... une vision... un fantô me... Il se tapote le ciboulot... Ah! là oui! bon Dieu! Par exemple! Il s’é tait trompé ! Ah! mé garde! Et depuis longtemps! Ah! Erreur n’est pas compte!... Il m’interroge... Il m’interpelle!...

« Dis donc, ils mangent, Ferdinand!... Ils mangent! Oui voilà ! Ils mangent!... Et moi, pauvre fou! Où é tais-je?... Ô futile vaillance! Je suis puni! Touché !... Je saigne! C’est bien fait! Oublier? Moi?... Ah! Ah! Ah! Je vais les prendre pour ce qu’ils sont!... Où ils sont! Dans leur ventre, Ferdinand! Pas dans leur tê te! Dans leur ventre! Des clients pour leurs ventres! Je m’adresse au ventre, Ferdinand!... »

Il s’adresse à la ville aussi... Tout entiè re! Là -bas qui gronde dans la brume...

« Siffle! Siffle, ma garce! Râ le! et Rugis! Grogne! je t’entends!... Des goinfres!... Des gouffres!... Ç a va changer, Ferdinand!... Des goinfres! je te dis!... »

Il se rassure. C’est la confiance! Il me sourit!... Il se sourit...

« Ah! C’est bien fini! Ç a je te jure!... Ah ç a! tu peux me croire! Tu peux servir de té moin! Tu peux le dire à la patronne! Ah! La pauvre choute! Ah! C’est terminé nos misè res! Ah! J’ai compris! C’est entendu! L’esprit souffre!... On le bafoue! On me pourchasse! On me glaviote! En plein Paris! Bien! Bon! Soit! Qu’ils aillent tous se faire pustuler!... Que la lè pre les dissè que! Qu’ils fricassent en cent mille cuves remplies de morves et cancrelats! J’irai les touiller moi-mê me! Qu’ils macè rent! Qu’ils tourbillonnent sous les gangrè nes! C’est pain bé nit pour ces purulents! S’ils veulent m’avoir, je n’y suis plus!... Assez par l’esprit! Funé railles!... Aux tripes, Ferdinand!... Aux ferments coliques! Ouah! À la bouse! Oh! patauger! Pouh! Mais c’est la noce! Dé fi? Me voici! De quelles semences je me chauffe? Courtial! Lauré at du Prix Popincourt! Nicham et tous autres! mille sept cent vingt-deux ascensions!... De radis! Par les radis! Oui! Je te montrerai! Toi aussi tu me verras! Ô Zé nith! Ô mon Irè ne! Ô ma terrible jalouse!... Pas une heure à perdre!... Il examinait un peu.

« Dans ces graviers d’alluvions... Ce terreau sableux? Jamais! Ici? Pouah! Mes preuves sont faites! Petite culture! Ç a suffit!... Pas de temps à perdre! » Il repiquait en ricanements à la simple supposition!... C’é tait trop drô le!...

« Oh! là là ! Otez-moi tout ç a!... » Il balayait la pauvre cambuse...

« À la campagne! Ah! là ! Oui! À la campagne? Ah! Là j’en suis! L’espace? La forê t?... Pré sent!... Des é levages?... Mamelles! Foin! Volailles! Soit!... Et tu peux me croire, du radis!... Regarde-moi bien!... Et alors avec toutes les ondes!... Toutes tu m’entends!... Des vraies ondes!... Tu verras tout ç a, Ferdinand! Tout! Toute la sauce!... des orgies d’ondes!... »

La daronne elle tenait plus debout sur ses pattes. Elle s’é tait arc-bouté e contre la palissade... Elle ronflait un peu... Je l’ai secoué e pour qu’elle rentre aussi...

« Je vais vous faire un peu de café !... Je crois qu’il en reste!... » Voilà ce qu’elle a dit... mais on a eu beau chercher... il avait tout bu la vache!... Et puis tout bouffé les restants... Y avait plus rien dans le placard... Pas une miette de pain! Un camembert presque entier! Et pendant qu’on crevait nous autres!... Mê me le fond des haricots, il l’avait fini!... Merde! Là du coup je l’avais mauvaise!...

On a gueulé pour qu’il rentre... « Je vais au té lé graphe! qu’il ré pondait de loin... Je vais au té lé graphe!... » Il é tait dé jà sur la route... Il é tait pas fou.

Toute la journé e on a pioncé... C’est le lendemain qu’on devait dé guerpir!... C’é tait absolument exact qu’il avait soldé la bicoque! et en plus une partie des meubles... Tout ç a dans le mê me prix... L’entrepreneur qui la rachetait il avait versé par surcroî t une petite avance pour qu’on se barre plus vite... Il fallait voir sa pé toche qu’on la lui dé truise sa cambuse avant de s’en aller!...

Le jour mê me, ce midi-là, pendant qu’on bouffait, il faisait les cent pas devant notre grille. On voulait pas le laisser rentrer. On l’avait dé jà viré à plusieurs reprises... Il devait nous laisser finir... Merde! Il tenait plus en place, cet affreux! Il é tait terrible à regarder... Il é tait tellement excé dé qu’il attrapait tout son galure, il croquait les rebords... Il les arrachait... Il repartait en bagotte, les mains crispé es derriè re son dos... Voû té, sourcilleux. Il allait, venait, comme bê te en cage! Et c’est lui pourtant qu’é tait sur la route! La route est large!... En plus, toutes les cinq minutes, il nous criait un bon coup à travers la porte: « Esquintez surtout pas mes gogs! J’ai vu la cuvette! Elle é tait intacte! Faites attention à mon é vier! Ç a coû te deux cents francs pour un neuf!... »

Un moment, il en pouvait plus!... Il entrait quand mê me dans le jardin. Il faisait trois pas dans l’allé e... On descendait tous au pas de charge... On le refoulait encore dehors... Il avait pas le droit! Courtial en é tait outré de ce culot monstre!...

« Vous ne prendrez possession qu’à six heures du soir! Au cré puscule! cher Monsieur, au cré puscule!... Ce fut nettement spé cifié dans nos conditions... » Y avait de quoi perdre toute mesure!...

L’autre il retournait en faction. Il ronchonnait de plus en plus. Au point qu’on a fermé la fenê tre pour pouvoir mieux discuter de nos affaires entre nous... Comment qu’on allait se trisser?... De quel cô té ? plutô t qu’un autre? Combien il restait comme pognon? Celui à Courtial? et le mien?...

Des Pereires, avec son plan d’agriculture, sa mé canique radio-terrestre, ç a devait nous coû ter des sommes folles! Il jurait que ç a serait pas trè s cher... Enfin, c’é tait une aventure... Il fallait qu’on le croie sur parole... Il avait dé jà un endroit pour cette tentative... À la lisiè re de Seine-et-Oise... Un petit peu vers le Beauvaisis... Une occasion admirable. D’aprè s lui toujours... une ferme qu’on nous laisserait pour rien... D’ailleurs, c’é tait presque entendu avec son agence... Le voyou, il nous enveloppait! On é tait fait dans son business!... Il avait té lé graphié... Il nous a sorti une annonce, d’une feuille L’É cho du Terroir. Il se ré galait de voir notre tronche en é coutant ç a... La grosse mignonne et moi-mê me on faisait pas beau... « Terrain de plusieurs tenants, exposé au Sud. Culture maraî chè re pré fé rable mais non imposé e... Bâ timents parfait entretien... etc... »

« Du cran! Du cran! Palsambleu! Qu’est-ce que vous vouliez que je dé couvre? Un chalet au Bois de Boulogne?... à Bagatelle?... Il fallait me pré venir!... C’é tait pourtant un chopin! » À la page des « Proprié té s »... Il se ré galait des perspectives... Il savait lire entre les lignes... C’é tait maintenant ou jamais!...

Notre acqué reur du pavillon, à mesure qu’on dé jeunait, il augmentait son raffut, crispé sur la grille... Il nous faisait vraiment pitié avec ses yeux hors de la tê te... Ils lui retombaient sur les joues. Il avait tellement hurlé qu’il pouvait plus refermer la bouche... Il lui venait maintenant plein de bulles... Il tiendrait pas jusqu’à six heures!... C’é tait atroce sa convoitise!... « Pitié ! Pitié ! » qu’il suppliait...

Il a fallu que Courtial pré cipite un peu le fromage, qu’il fasse un saut au té lé graphe pour confirmer son « option ». On a laissé rentrer le client. Il lé chait les marches du perron, le malheureux, de reconnaissance!...

Avec Mme des Pereires, on s’est mis nous deux aux bagages... Au rassemblement de toutes les nippes, des casseroles et des matelas... Tout ce qui n’é tait pas vendu!... Ce qu’on emportait dans l’aventure!... En plus, moi, je devais encore, à la faveur des té nè bres, pousser une reconnaissance jusqu’aux Arcades Montpensier... Je devais me rendre compte là -bas, sur place, si vraiment je pouvais rien sauver?... Si je trouverais pas un moyen de repê cher notre « Polycopie » la si neuve machine, notre fierté ! si belle, si indispensable... Et le petit fourneau « Mirmidor »? qui marchait à l’huile?... et peut-ê tre aussi en mê me temps trois ou quatre « grosses » de vieilles brochures?... Surtout les cosmogonies qu’é taient sur « Alfa »! auxquelles il tenait tant Courtial... Ils avaient peut-ê tre pas eu, les brutes, l’occasion, le temps, de tout dé truire? De tout foutre en bombe?... Peut-ê tre qu’il en restait un peu sous les dé tritus?... Et l’altimè tre miniature?... Un cadeau de l’Amé rique du Sud!... Courtial en aurait du chagrin qu’il soye pas sauvé du sinistre!... Enfin! Je ferais la tentative!... C’é tait entendu comme ç a!... Seulement, ce qu’é tait beaucoup moins drô le, c’est qu’elle pré tendait venir aussi!... Elle avait pas tellement confiance! Elle voulait se rendre compte par elle-mê me!... Question de ré cupé rer, elle voulait pas me laisser tout seul!... « J’irai avec vous, Ferdinand! J’irai avec vous!... » Elle avait pas vu tout le dé sastre de ses propres yeux!... Elle conservait quelques espoirs!... Elle croyait peut-ê tre qu’on la charriait...

Courtial est revenu de la Poste. On est passé s dans la chambre avec Mme des Pereires pour vider les derniers placards... Lui c’é tait bien à son tour à se dé battre avec l’autre enflure... qu’arrê tait pas de protester qu’on violait les conditions!... Il a fallu qu’on se bute presque pour pouvoir reprendre nos fringues et quelques serviettes en plus... Ç a lui avait redonné du sang d’ê tre rentré en possession. On l’a refoutu encore dehors, pour lui apprendre les bonnes maniè res! Il s’est mis alors, cet affreux, à tirer tellement sur les barres, qu’il a retourné toute la grille... Il s’est coincé dedans... Il é tait pris comme un rat!... Jamais j’avais vu chez un homme des contorsions aussi atroces! C’é tait un acqué reur terrible!... Il s’est mê me pas aperç u, tellement il é tait disloqué, qu’on se dé binait la vieille et moi... On a pris un train omnibus...

En arrivant à Paris, il é tait dé jà fort tard... On s’est dé pê ché s... Dans les Galeries du Palais nous n’avons rencontré personne... Toutes les boutiques des voisins elles é taient bouclé es... La nô tre c’é tait plus qu’un trou... une bé ance é norme... Un gouffre avec des grandes poutres branlantes au travers... La vieille alors elle se rendait compte que c’é tait une vraie catastrophe!... Qu’il restait rien du Gé nitron! Que c’é tait pas une rigolade!... Rien plus qu’un sale fatras infect... En se penchant tout au-dessus du trou, on gafait bien les dé tritus... On arrivait mê me à reconnaî tre des grands morceaux de notre Alcazar!... Le Coin du Commanditaire!... en dessous de l’é norme avalanche, du torrent des cartonneries, des ordures!... Et puis aussi y avait la cloche, la monstrueuse! La catapulte! Elle avait sombré tout de traviole... entre la charpente et la cave... Elle bouchait mê me toute la crevasse!... La mè re Courtial en regardant ç a elle a voulu tâ ter quand mê me, descendre par en dessous... Elle é tait bien convaincue qu’elle trouverait quelque chose à sauver... Je l’ai bien pré venue ce qu’elle risquait comme ç a... en touchant... de faire chavirer tout le dé combre!... que le tout lui é crase la gueule!... Elle a insisté... Elle s’est lancé e en é quilibre sur la solive en suspens... Je lui tenais, moi, la main... d’en haut... Je bandais que d’une de la voir branler au-dessus du gouffre... Elle avait tout ficelé ses jupes, retroussé es autour de la taille. Elle a biglé un interstice entre la muraille et la cloche... Elle s’est faufilé e toute seule... Elle a disparu dans le noir... Je l’entendais qui farfouillait dans tout le fond de l’abî me... Je l’ai rappelé e alors... j’avais trop la trouille... Ç a faisait de l’é cho comme dans une grotte... Elle me ré pondait plus... Au bout peut-ê tre d’une demi-heure, elle s’est remontré e à l’orifice... C’est elle qui m’appelait à son aide... Je l’ai rattrapé e heureusement par les anses de son caraco... Je l’ai hissé e de toutes mes forces... Elle a é mergé en surface. Elle é tait tout enlisé e dans un bloc d’ordures... C’é tait plus qu’un paquet é norme... J’ai tout souqué sur le rebord... C’é tait extrê mement pé nible!... Y avait une dure ré sistance... Je voyais bien qu’elle tirait quelque chose encore en plus derriè re elle... Tout un grand lambeau de ballon!... Tout un empiè cement de l’Archimè de!... Une trè s grande largeur! Le palan rouge « des dé chirures »... Je le connaissais bien ce dé bris-là... C’est moi-mê me qui l’avais planqué entre le compteur et le soupirail. Elle avait l’excellente mé moire!... Elle é tait joliment heureuse...

« Ç a nous servira, tu sais! qu’elle me faisait guillerette... Ç a, c’est du vrai caoutchouc! du vrai! pas du flan!... T’as pas idé e comme c’est solide...

— Mais oui! Mais oui!... » Je le savais bien, je l’avais assez dé piauté pour faire des raccords dans la peau du nô tre... En tout cas, ç a pesait lourd et c’é tait volumineux... Mê me replié au plus menu, ç a faisait quand mê me un vrai paquesson... haut et presque lourd comme un homme... Elle a pas voulu le laisser là... Elle a voulu le prendre à toute force...

« Enfin, pressons-nous... » que je lui dis... Elle é tait costaud, elle se l’est arrimé sur l’é chine. Elle bagottait avec ç a... Je l’ai raccompagné e dare-dare jusqu’à la rue Radziwill... À ce moment-là, je lui ai dit:

« Allez devant toujours, Madame, mais maintenant vous pressez plus! Allez tout doucement!... Arrê tez-vous tous les coins de rue. Faites bien attention aux voitures! Vous avez tout le temps devant vous! Je vous suis!... Je vous rejoindrai rue Lafayette! Il faut que je passe par les É meutes... ! C’est pas la peine qu’ils vous voient... J’ai laissé une clef au garç on!... La clef du grenier!... Je veux remonter encore un coup... »

C’é tait qu’un pré texte pour revenir un peu sur mes pas. Je voulais regarder sous les arcades si je trouverais pas la Violette... Elle se tenait plutô t à pré sent vers la Galerie Coloniale... plus loin que la Balance... De longue distance, elle me bigle!... Elle me fait: « Yop! Yop!... » Elle radine... Elle m’avait vu avec la vieille... Elle avait pas osé se montrer... Alors, là, on cause franchement et elle me raconte tous les dé tails... Comment ç a s’é tait passé depuis notre dé part... Depuis l’instant de la catastrophe... Quelle salade! Ç a n’avait pas cessé de barder une seule brè ve minute!... Mê me aux femmes que la police avait posé mille questions!... Des vé ritables baratins à propos de nos habitudes!... Si l’on vendait pas de la « came »? Si on se faisait pas miser?... Si on tenait pas des « paris »? Des images salopes? Si on recevait des é trangers? Si on avait des revolvers? Si on recevait des anarchistes?... Les mô mes elles s’é taient affolé es... Elles osaient mê me plus revenir devant nos dé combres!... Elles tapinaient à pré sent dans les autres Galeries... Et puis alors une pé toche noire qu’on leur ô te leur carte!... C’é tait pour elles les consé quences!... Tout le monde se plaignait... Tous les commerç ants limitrophes ils é taient à la caille aussi... Ils se trouvaient monté s contre nous que c’é tait à peine croyable... Soufflé s à bloc, paraî t-il... comme indignation... comme fureur! Une pé tition qu’é tait partie au Pré fet de la Seine. Qu’on nettoye le Palais-Royal!... Que ç a soye plus un lieu de dé bauche! Qu’ils faisaient dé jà pas leurs affaires! Ils voulaient pas encore en plus ê tre corrompus par nous, fumiers phé nomè nes!... Violette, elle qui me blairait bien, son dé sir, c’é tait que je reste... Seulement elle é tait persuadé e que, si on revenait sur les lieux, ç a allait faire un foin atroce et qu’on nous embarquerait d’autor... C’é tait dans la fouille! Il fallait plus qu’on insiste!... Dé marrer!... qu’on nous revoye plus!... Il fallait pas jouer du malheur!... C’é tait bien aussi mon avis!... Barrer, voilà tout! Mais moi, qu’est-ce que j’allais faire? Travailler comment? Ç a la souciait un petit peu... Je pouvais pas beaucoup lui dire!... Je le savais pas trè s bien moi-mê me... Ç a serait pour sû r à la campagne... Alors, tout de suite, elle a trouvé, en entendant ces mots-là, qu’elle pourrait sû rement venir me voir... surtout si elle retombait malade!... Ç a lui arrivait de temps à autre! À chaque coup, il fallait qu’elle parte au moins deux à trois semaines, non seulement pour sa maladie, mais aussi pour ses poumons... Elle avait craché du sang... À la campagne, elle toussait plus... C’é tait absolument souverain... Elle prenait un kilo par jour... Ainsi fut-il entendu... bien conclu entre nous deux... Mais c’est moi qui devais lui é crire, le premier, à la poste restante... Les circonstances m’ont empê ché... On a eu des telles anicroches... que j’ai pas pu tenir ma parole... Je remettais toujours ma lettre à la semaine suivante... C’est seulement des anné es plus tard que je suis repassé par le Palais... C’é tait alors pendant la guerre... Je l’ai pas retrouvé e avec les autres... J’ai bien demandé à toutes les femmes... Son nom mê me, Violette... leur disait plus rien... Personne se souvenait... Toutes, elles é taient des nouvelles...



  

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