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Note sur l’édition numérique. 38 страница



C’é tait plus que des questions de technique! d’astuce! d’à -propos!... À nous de dé montrer nos talents!... Ç a n’a pas traî né, Ventredieu!... Des Pereires, comme ç a, dans la fiè vre, pour pas laisser rien refroidir... saisissant sa plume, une rame, la rè gle, la gomme, le buvard, il a ré digé devant nous, s’accompagnant à haute voix, une vé ritable proclamation!... C’é tait vibrant!... C’é tait sincè re!... Et puis en mê me temps minutieux et probe!... Voilà comment qu’il travaillait!... Il a situé tout le problè me au poil!... en moins de cinq minutes! dans l’inspiration! C’é tait un boulot de premiè re!... « Faut pas remettre les choses au lendemain!... Il faut que cet article sorte tout de suite... ç a fera un numé ro spé cial!... » Voilà comment il ordonnait... Le curé il é tait heureux! Il jubilait... Il pouvait plus causer du tout...

Je ne fis qu’un bond rue Rambuteau... J’emmè ne tout le pè ze dans ma poche... Je laisse seulement cinquante francs pour la grosse mignonne... Merde!... Je m’é tais donné assez de mal!... je les aurais laissé s dans la caisse, sû rement jamais je les aurais revus!... Le vieux il en faisait une gueule!... Il devait des avances à Naguè re... Il avait dé jà fait sa mise!... Tout ç a c’é tait plus fort que lui... Mais ç a devenait bien pré fé rable que je reste moi le tré sorier!... Ç a risquait infiniment moins!... On dé penserait que peu à peu... et pas du tout sur les « gayes »... Ah! j’en é tais sû r!... C’est moi qui ré glerais les notes... Taponier d’abord, premier privilè ge! son « numé ro spé cial »!... Il vivait plus cet imprimeur... Quand il a regardé mes « espè ces », il en croyait par ses deux châ sses!... Il les a bien visé es quand mê me!... et par transparence!... Du liquide! Il é tait groggy complè tement!... Il savait plus quoi me ré pondre... Je lui ai ré glé six cents francs pour les dettes en retard, et puis encore deux cents autres pour le « numé ro » et pour le tam-tam du concours!... Là il s’est alors dé pê ché... Deux jours aprè s on les a reç us les exemplaires... Expé dié s, bandé s, collé s, timbré s, tout!... Je les ai porté s à la grande poste en voiture à bras avec Courtial et Madame!...

Le curé, au moment de sortir, on le lui a bien demandé qu’il nous inscrive son adresse, son nom, sa rue, etc... mais il avait nettement refusé !... Il voulait rester anonyme!... Ç a nous intriguait... Evidemment qu’il é tait drô le! Mais beaucoup moins que tant des autres... C’é tait un homme corpulent, il avait extrê mement bonne mine, et propre et rasé, à peu prè s le mê me â ge à Courtial... mais complè tement chauve... Il explosait en bé gayant dans les poussé es de l’enthousiasme!... Il tenait plus alors sur son siè ge tellement qu’il se tré moussait!... On l’avait trouvé bien optimiste... Certainement bizarre... Mais enfin, ce qu’il avait prouvé, c’est qu’il avait bien du pognon!... C’é tait le vrai commanditaire!... C’é tait le premier nous qu’on voyait... Il pouvait ê tre un peu é trange...

En revenant tous trois de la Grande Poste, on a passé juste devant le « quart » avec la bagnole, rue des Bons-Enfants... Je fais au vieux: « Arrê tez minute!... Chiche que je l’avertis!... Je vais lui dire que tout va bien! » Une idé e de merdeux qui me traverse d’aller crâ ner avec le flouze... d’y dire qu’on é tait plein de pognon!... Je bondis donc, je pousse leur pote... Ils me reconnaissent les poulets:

— Alors, Zigomar?... qu’il me demande celui du pupitre... Quoi tu viens foutre?... Tu veux faire un tour au local?...

— Non, que je lui dis... Non, Monsieur!... C’est pas pour moi la cabane! Je venais simplement en passant vous montrer un petit numé raire... » Et je lui sors mes quatre fafiots... Je les agite devant ses yeux... « Voilà que je fais... Et pas volé !... Je viens vous pré venir tout simplement que c’est encore pour un concours... “ La Cloche à plongeur! ”...

— Plongeur! Plongeur!... qu’il me ré pond... Tu vas voir moi, si je vais te plonger!... Mais tu te fous de ma gueule, ma parole!... Sale petite craquette morveuse! »

J’ai redescendu encore plus vite... Je voulais pas aller au pé tard... On s’est marré dans la rue!... On a piqué un petit galop avec la bagnole... On a fait vinaigre jusqu’à la rue du Beaujolais!...

Forcé ment un concours pareil pour ré cupé rer les tré sors... ç a devait nous attirer les foules... Notre part d’organisateurs é tait fixé e à seize pour cent sur tout ce qui remonterait en surface!... Ç a n’avait rien d’exagé ré ! Quand mê me sur l’Armada seule, ç a nous faisait, en calculant juste, sans forcer du tout les chiffres, à peu prè s dans les trois millions... C’é tait raisonnable!...

Je dois dire que la grosse mignonne elle voyait pas les choses dans le sac... Elle reniflait un peu la soupiè re... Elle gardait ses appré hensions... Tout de mê me, elle osait pas ramener... En somme, c’é tait du miracle!... Elle se laissait pas envahir... Elle regardait seulement les « espè ces »...

Le vieux alors lui Courtial, il s’en donnait à cœ ur joie!... Il y mettait toute la sauce... Il voyait dé jà tous les diams rendus en vrac sur la grè ve, les é meraudes à la poigné e... Les paillettes en monticules, les lingots... Tout le tré sor des Incas, pompé des galè res... « Nous sommes les Pilleurs des Abî mes! » qu’il gueulait à travers la crè che... Il sautillait... Il gambadait sur les papelards... Et puis il se fixait tout d’un coup, il se tapait sur le cassis. « Mais minute! ma cocotte poulette! Tout ç a n’est pas ré parti!... » Il recommenç ait à l’encre rouge et sur quatre colonnes!... C’é tait pour la division qu’il devenait sé vè re!... Terriblement scrupuleux!... Qu’il pré voyait les pires accrocs... C’é tait fini la rigolade! Il prenait toutes ses pré cautions. Il ré digeait un protocole!

« Ah! je te vois venir, toi, ma grosse choute, tu ne les connais donc pas encore!... Tu ne sais pas de quoi ils sont capables?... Moi, qui les pratique tous les jours, je sais ce qui nous pend au blaze... Et moi j’en ai vu des “ Mé cè nes ”... et des inventeurs, alors donc?... Moi je les mè ne depuis quarante ans!... Maintenant, je suis pris entre deux feux!... Ah! C’est le cas de le dire!... Ah! Je ne veux pas ê tre consumé ! ratatiné ! dé confit!... Au moment où tout se dé clenche!... À l’instant exact! Ah ç a! vraiment non! Ah! Pas du tout! Nom de Dieu!... Tonnerre de Brest!... La plume à la main, Ferdinand! Vite! Et dans l’autre la balance! Et sur les genoux une carabine! Oui! Voilà du Courtial!... Au poil!... Justice! Respect! Pré sence!... Je les ai vu cré er, moi, tous mes inventeurs miroboles! Tel que je vous cause tous les deux... Des merveilles et des merveilles! des vé ritables stupé factions! Et tout au long de ma longue carriè re! Autant comme autant je peux bien le dire! et pour la peau presque toujours!... Pour le Gruyè re! Pour la Gloire! Pour pire que rien!... Le gé nie il pourrit sur place!... Voici l’exacte vé rité !... Il ne se vend pas! Il se ramasse! Il est Gratis pro Deo. C’est moins cher que les allumettes... Mais si vous arrivez gentil! Que vous avez la bouche en cœ ur! Que vous venez faire un cadeau, une gracieuseté iné dite! Ah! mais oui! Vous avez cru ma mie Rontaine à la belle musique! Vous venez encourager le chercheur!... panser les plaies du martyr... Vous arrivez tout innocent avec une petite sardine... Le martyr fait un bond de vingt mè tres! c’est l’Affront!... Tout change! Tout est bouleversé ! Tout s’é croule! Un é clair! Et c’est l’enfer qui s’entrouvre!... L’illuminé tourne au chacal! Vampire! Sangsue! C’est la curé e!... Le carnage! Une carambouillade atroce! Pour mieux vous tirer les espè ces on vous é tripe à l’instant mê me!... Vous crucifie! Vous vaporise! Plus de quartier! Plus d’â me qui tienne! C’est l’or, mon ami! C’est l’or! Attention!... Tout beau! tout beau, mon copain! Aller farfouiller les abî mes? Mais pour cent points mal ré partis, je les connais les zè bres! Ils feraient sauter la mappemonde!... Ah! oui! tel quel! j’exagè re pas! Je suis placé pour me rendre compte!... À nos papiers! À nos papiers! Ferdinand! Attention à la dé tente! Des manuscrits irré prochables! lé galisé s! paraphé s! dé posé s avant midi chez Me Van Crock, rue des Blancs-Manteaux! É tude excellente! en triple exemplaire... Notre part d’abord! Et stipulé e en majuscules! Aucune contestation possible! Olé ographique! Point d’arguments dubitatifs! De ratiocinages perfides! Ah! ç a, jamais! Ah! Cureton de la Providence! tu auras bientô t de quoi te plonger! Ah! Il ne peut mê me pas se rendre compte, le pauvre innocent!... Des cloches!... Mais je donne pas seulement un mois avant qu’on m’en apporte ici au moins trois ou quatre par jour! Que dis-je!... Une douzaine! Et remplissant nos conditions!... 600 mè tres?... 1 200?... 1 800?... Je suis extrê mement tranquille! Je ne veux rien dire... Je ne veux pas me prononcer... à lure-lure!... Je veux rester tout impartial!... Veux pas avoir l’air circonvenu!... J’attendrai le jour des é preuves, soit!... Mais j’ai dé jà donné quand mê me, si j’ai bonne mé moire, plusieurs articles trè s potassé s sur la mê me question... Ah! voyons! je pourrais retrouver les dates exactes... Nous n’é tions pas encore marié s!... C’é tait vers 84 ou 86... Juste avant le Congrè s d’Amsterdam... L’Exposition des submersibles... Je pourrai peut-ê tre remettre la main dessus... Ils sont sû rement dans la boutique... J’avais bien expliqué tout ç a... C’é tait dans le « Supplé ment »... Tiens! Ç a me revient!... du Monde à l’Envers... Je la vois cette cloche!... Je la vois d’ici!... Renforcé e bien entendu... à boulons triples... et doubles parois à cré dences!... Ferro-magné tique au sommet!... Ç a va tout seul jusque-là !... Coussins taraudé s au “ milliè me ” sur le pourtour des ballasts... Voilà !... Les rivets en “ indo-bronze ”... Prodigieux à l’usure marine!... Pas un seul piqueté aux acides aprè s des anné es dans la flotte!... Trempé s au chlorido-sodium! Une surcharge galvano-plastique à pivolet centrifuge!... Une simple affaire de calcul!... Les donné es sont enfantines! É clairage radio-diffusible avec projecteur Valadon!... Un peu d’avance et du culot!... Ah! la! la!... Y a pas de quoi se casser les mé ninges! Pour la tenaille, une grande circulaire “ pré hensive ”... Ç a c’est peut-ê tre plus dé licat!... Moi je la passerais, moi, cette engeance par la face externe!... Mettons sur du “ 23-25 ”... C’est un calibre excellent... Les clapets en “ ré tro-bascule ” pour encore plus de sé curité !... La chaî ne d’envoi ç a va tout seul!... Une “ Rotterdam et Durtex ” à trois centimè tres au maillon... Et si ils veulent toujours plus fort... pour ê tre tout à fait peinards... Le maximum garanti! Qu’ils prennent un “ filin-capiton ” tressé cuivre et corde et franchement du “ 28-34 ”! Tu vois ç a d’ici?... Les “ Rastrata ” sont impeccables! Je n’ai pas d’“ actions ”! Capot renforcé “ pneumatique ”... brevet “ Lestragone ”... Et la question des hublots?... Ah! Il é tait repris par le doute... Si j’é tais eux, je me mé fierais des bourrelets des Arsenaux... les fameux “ Tromblon-Parmesan ”. Ç a n’a pas é té mirifique sur les sous-marins! Balle-Peau! Balle-Peau!... On n’a pas tout raconté ! Au Ministè re, c’est entendu, on le soutient “ mordicus ”... mais, moi, je garde ma conviction!... Je l’avais pré dit d’ailleurs... Aux pressions moyennes ils se dé fendent encore... Jusqu’à dix kilos carré s on peut voir venir... Mais à partir de “ vingt dixiè mes ”?... C’est du papier de soie mon ami!... Les poissons passent au travers... On m’ô tera pas ma certitude... Enfin, je suis certain qu’ils y pensent... Je ne peux pas les influencer!... Je ne citerai mê me pas mon article! Ah! non alors!... Ah! et puis si! Je le citerai tiens!... Inté gralement... Aprè s tout c’est bien mon devoir... N’est-ce pas, chè re Irè ne? C’est ton avis? Et le tien aussi, Ferdinand? Que je dois me prononcer? C’est un moment grave aprè s tout!... C’est maintenant l’instant ou jamais!... Je suis là ! C’est moi qui pré side! Je dois leur faire mes ré flexions! Et pas dans dix ans! Aujourd’hui! Elles ont bien leur petite valeur!... Et puis, tiens, suffit les phrases!... C’est trè s joli de conseiller, de jouer les Gé rantes, les Acadé mies, les Grosses Tê tes!... Mais ç a n’est pas suffisant!... Non!... J’ai toujours payé de ma personne!... Ici!... Là -bas!... Ailleurs!... Partout! Irè ne m’est té moin!... Jamais é ludé un pé ril! Jamais!... En quel honneur?... Dans leur fourbi? Mais j’y descendrai moi-mê me!... Peut-ê tre pas la premiè re fois... Mais sû rement alors à la seconde!... On pourra pas m’empê cher!... C’est exactement mon rô le!... Ç a m’appartient! C’est entendu!... C’est indispensable, je dirai... Ç a sera moi, mon regard, mon autorité, leur seul vé ritable contrô le! Aucune erreur à ce sujet!

— Ah! qu’elle sursaute alors la vioque, comme si on venait de lui mordre les fesses... Ah! ç a non alors... Ah! certainement pas!... J’irai plutô t couper la corde! Telle que tu me vois! Alors ç a vraiment c’est complet! Jamais tu m’entends! Jamais je te laisserai descendre! T’as pas fait assez l’imbé cile? Jamais dans leur truc! T’es pas un poisson quand mê me?... Laisse-les donc plonger ces mabouls! C’est leur affaire!... C’est pas la tienne!... Mais pas du tout!...

— Mabouls! Mabouls! T’as plus un petit sou de logique! Un liard de suite dans l’esprit!... M’as-tu assez canulé pour que je remonte dans les airs? Oui ou merde? T’en voulais-t-y pas du sphé rique? Une rage infernale! t’en é tais folle simplement! Zé lé ! Zé lé ! Tu pouvais pas dire autre chose... Et je suis pas un oiseau!...

— Oiseau! Oiseau! Tu m’insultes! Tu me cherches encore une querelle!... Ç a va! Je vois bien ce que tu veux, salop!... Tu veux, je le sais! Tu veux te tirer! Tu veux repartir en vadrouille!...

— Où ç a! Dans le fond des mers?...

— Fond des mers!... Fond des mers!... Mon œ il...

— Ah! Laisse-moi! Laisse-moi, Irè ne! Comment veux-tu que je ré flé chisse? Tu t’acharnes à tout barbouiller! Avec tes impulsions idiotes!... Toutes tes fré né sies insolites!... Laisse-moi ré flé chir posé ment!... L’heure, il me semble, est assez grave!... Ferdinand, toi! Garde la boutique! Et ne me parlez plus surtout! »

Il redonnait maintenant des ordres... Il reprenait du ton... de la couleur... voire de l’insolence... Il sifflait son air de charme, le Sole Mio des grands jours...

« Oui! C’est encore mieux que je sorte! Je vais respirer... Il te reste bien cent francs, dis, petit?... Je vais passer payer le té lé phone!... Ç a me promè nera!... Il est temps qu’ils nous le remettent... Tu trouves pas?... On en a besoin!... »

Il est demeuré comme ç a sur le pas de la porte... Il é tait pas dé cidé... Il regardait sous les Galeries... Il a filé vers la gauche plutô t donc vers les « É meutes »... S’il é tait parti sur la droite, c’é tait plutô t pour les « Vases » et son martinet... Dè s que dans l’existence ç a va un tout petit peu mieux, on ne pense plus qu’aux saloperies.

On peut pas dire le contraire, ce fut une vé ritable orgie, question de la vente au numé ro... C’é tait la rué e continuelle! Ils prenaient la turne en trombe... Encore aprè s neuf heures du soir, il radinait des abonné s pour ré clamer leur supplé ment... Toute la journé e c’é tait la foire!... Le magasin, il flé chissait sous le poids des curieux... le pas de la porte é tait usé par leurs pié tinements!... C’é tait des Pereires qui haranguait!... Comme ç a tout debout sur le comptoir... Il distribuait à pleines mains... Moi j’é tais toujours en route... Je tarabustais l’imprimeur... Je faisais sans cesse la navette!... avec le « crochet ». La bagnole c’é tait trop long dans le faubourg Montmartre... Je ramenais au fur et à mesure tous les numé ros broché s...

La grosse mignonne elle faisait les bandes... pour les dé parts de Province... C’é tait important aussi!... On en parlait un peu partout du Concours de la « Cloche profonde »... C’é tait devenu un é vé nement!...

L’oncle É douard, bien sû r, avait entendu des é chos! Il est passé aux Galeries... Il est rentré par la petite porte... Il é tait joliment heureux que notre « canard » reprenne des plumes!... Il avait pas é té tranquille... Il me voyait encore à la bourre... en train de chercher un autre nibé !... Et puis voilà juste qu’on remontait dans les pleines faveurs!... On avait un vent magnifique! C’é tait incroyable comme succè s!...

L’espoir du tré sor, c’est magique! Y a rien qui puisse se comparer!... Le soir encore aprè s mes courses, quand je revenais de l’Automatique, je recommenç ais des paquets... et jusqu’à des onze heures du soir... La Violette elle m’a bien pré venu...

« Tu te forces! T’es con! T’en auras pas la reconnaissance!... Si tu te crè ves... qui donc qui va te rambiner?... C’est pas ton dabe à coup sû r!... Paye-moi donc une menthe, mon petit pote!... Je vais te chanter la “ Fille à Mostaganem ”... Tu vas voir comme tu vas m’aimer!... » Dans ce cas-là elle relevait sa jupe par-devant et par-derriè re... Comme elle portait pas de pantalons, ç a faisait vraiment la danse du ventre... Elle se donnait comme ç a en plein vent... au beau milieu de la Galerie... Les autres grognasses elles rappliquaient... et puis avec presque toujours trois ou quatre clients chacune... Des pilons, des paume-qué quette, des voyeurs fauché s... « Vas-y, Mé lise! Pisse pas de travers! » Elle se la saccadait bien la fente... Elle se faisait tremblocher la moule!... Les autres, ils tapaient dans leurs mains, c’é tait une vraie fré né sie, la danse tunisienne... Toujours ç a ramenait plein de curieux. Aprè s ç a je lui payais sa menthe... On finissait tous aux É meutes… »

Son coin à la Violette, c’é tait plutô t vers la balance, derriè re le plus gros des piliers, dans la Galerie d’Orlé ans... Elle prenait pas deux minutes pour tirer un jus... Si elle piquait un vrai cave, elle l’embarquait au « Pé lican » à deux pas... en face du Louvre... C’é tait quarante sous la chambre... Elle aimait bien son pernod sec... On lui faisait rechanter sa chanson:

L’Orient Fé erique est venu...

S’asseoir sous ma ten-en-te...

Il avait le cul tout nu...

Un œ il dans le bas-ven-en-tre...

Ç a faisait pas bouillir ma marmite... Souvent elle collait... lancé e dans les commé rages... Quand je voulais la faire trisser, j’avais qu’un moyen.

« Rentre!... que je lui faisais... Rentre, la mô me! Tu vas m’aider pour les ficelles.

— Attends que j’en suce encore un autre!... Attends-moi mon petit rossignol... Il faut bien que je fasse ma soiré e... »

Je pouvais jamais compter dessus!... Elle cherchait tout de suite une esquive... Elle se dé gonflait immé diatement... À part le recousage des boutons qu’é tait sa manie, j’ai jamais pu rien en tirer pour des vrais boulots... Elle dé faillait à l’instant mê me... C’é tait un moyen magique.

À peine une semaine plus tard, les solutions, les projets ont commencé à raffluer... à la belle cadence d’une centaine par jour. Ad libitum, c’é tait marqué dans les conditions... Ils s’é taient pas embarrassé s par les contingences... Ils s’é taient permis presque tout!... Dans l’ensemble, au premier coup d’œ il, c’é tait extrê mement fadé comme textes et comme pré cisions... Ils s’é taient bien mis en branle nos admirables chercheurs.

C’é tait plutô t extravagant comme propositions balistiques! mais y avait du bon dans le dé tail!... On en sortirait quelque chose... D’une faç on fort gé né rale, quand ils se servaient de petits papiers, de format exigu bistrot, c’é tait presque à coup certain pour nous vanter les é pures de quelque engin phé nomé nal, une cloche plus grande que l’Opé ra... et sur les plans dé mesuré s, dix-huit formats « octavo », il s’agissait presque à coup sû r de petites sondes de vingt centimè tres.

Dans cette sarabande de marottes, y avait à boire et à manger! Tous les systè mes, les fantaisies, les subterfuges, pour aller chercher nos tré sors... Certains caissons proposé s prenaient la forme d’un é lé phant!... D’autres plutô t le genre hippopotame... Une majorité, on pouvait bien s’y attendre, avait pris la forme des poissons... Certains autres des aspects humains... des vraies personnes et des figures... L’une mê me notait l’inventeur, c’é tait sa proprié taire, ressemblante trè s fidè lement, avec des yeux qui brillaient à partir de huit cents mè tres... en rotations concentriques... pour attirer toute la faune... le tré fonds des mers...

À chaque courrier, sur la table, ç a ne cessait pas de rejaillir! é blouir, caracoler, les solutions mirifiques!... On attendait plus que notre cureton. Il avait promis de revenir le dernier jeudi du mois!... C’é tait fixé, entendu... On é tait là solide au poste... Il devait ramener dix mille francs... C’é tait l’avance sur notre part!... Ç a devait nous permettre tout de suite de liquider quelques drapeaux, les plus urgents dans le quartier, de faire revenir notre té lé phone! De faire passer des belles photos dans un « numé ro tout spé cial »!... Entier consacré à la Cloche!... Dé jà, on parlait beaucoup de nous dans les organes de grande presse pour le sauvetage des sous-marins, pas seulement pour pê cher les fabuleux flouzes engloutis... C’é tait juste l’anné e qui suivit la catastrophe du Farfadet... L’é motion é tait encore vive... Nous avions sû rement l’occasion d’une reconnaissance nationale!...

Cependant toutes ces perspectives ne grisaient guè re la grosse mignonne!... Elle faisait mê me plutô t une sale gueule! Elle voulait le revoir le curé avant de marcher davantage... Elle l’attendait donc ce jeudi avec impatience... Elle me demandait dix fois par heure, si quelquefois je l’apercevais pas?... au bout des Galeries?... Et le patron?... Où qu’il pouvait encore ê tre... ? Il tirait sû rement sa bordé e?... Il é tait pas dans la cave?... Non?... Il é tait barré depuis le matin... On venait nous le ré clamer de partout!... Ç a devenait assez inquié tant... Je dis à la vieille: « Attendez-moi! Je cours jusqu’aux É meutes »... À peine sur le pas de la porte... Je l’aperç ois Monsieur qui flanoche, qui traverse tout doucement le jardin... Il guigne les nourrices... Il s’en fait pas une petite miette... Il sifflote la vache! Il a des bouteilles plein les bras... Je bondis... Je saute... Je l’aborde...

« Eh bien! Ferdinand! Eh bien! T’as l’air joliment nerveux... Ç a brû le chez nous?... Quelque chose qui ne va pas?... Il est arrivé ?

— Non! que je lui fais... Il est pas là !...

— Alors il va venir bientô t!... qu’il me ré pond bien tranquille... Voilà du Banyuls toujours... et un Amer!... de l’Anisette! et des biscuits!... Je sais pas ce qu’il aime ce cureton!... Un curé qu’est-ce que ç a picole?... De tout, je l’espè re!... » Il voulait qu’on fê te la chose... « Je crois sincè rement, Ferdinand! que nous avanç ons dé sormais sur une Royale Route... Ah! oui! ç a s’annonce... Ç a se dessine!... Ah! Je regardais les plans ce matin!... Encore un de ces arrivages! Un torrent d’idé es, mon colon!... Une fois passé e l’avalanche... moi! Je vais alors faire un de ces tris!... De tout ce qui peut prendre une tournure... De tout ce qui doit ê tre oublié... C’est pas lui qui peut faire ç a... Moi je veux qu’il me laisse carte blanche! Pas d’empirisme!... Des connaissances! Ç a va se discuter dè s tantô t!... Et puis, tu comprends, c’est pas tout! Et le ré pondant? Je peux pas m’engager à lure-lure! Ah! non! Ç a serait trop commode! C’est plus de mon â ge! Ah! mais non!... Un compte en banque! D’abord! Avant tout!... Et deux cents billets sur la table! Signatures conjointes! Lui et moi! Je convoque les constructeurs!... On s’engage!... On peut causer!... On sait ce qu’on dit!... Nous ne sommes plus tout de mê me des puceaux! » Un petit doute cependant l’effleure...

« Tu crois que tout ç a va lui plaire?...

— Ah!... que je fais... Je suis bien tranquille... » J’en é tais absolument sû r.

Ainsi, tout en bavardant, nous nous rapprochons du journal... On attend encore un peu... Toujours aucun curé en vue! Ç a devenait quand mê me assez tarte!... Mme des Pereires, fort nerveuse, essayait de remettre un peu d’ordre... Que ç a ait pas l’air trop é table... Dé jà que c’é tait normalement une terrible pé taudiè re, alors depuis cette cohue, y avait plus un sifflet d’espace!... Un fumier é norme!... Un cochon retrouvait pas ses petits... Une litiè re en pleine é ruption... absolument é cœ urante... du plancher jusqu’au deuxiè me... papelards fendus, bouquins crevassé s, manuels pourris, manuscrits, mé moires, tout ç a rendu en serpentins... nué es de confetti voltigeurs... Tous les encartages dé piauté s, en vrac, en mé lasse... Ils avaient mê me, ces voyous, embarqué toutes nos belles statues!... Dé capité le Flammarion! Sur l’Hippocrate plaqué en buvard des belles bacchantes toutes violettes... On a extirpé du tumulte avec un mal invraisemblable, trois chaises, la table et le grand fauteuil. On a chassé les clients... On a dé gagé un espace pour recevoir le saint homme...

À cinq heures et demie tapant, en retard de seulement trente minutes... le voilà là -bas, qui s’annonce... Je l’aperç ois, moi, qui traverse par la Galerie d’Orlé ans... Il é tait porteur d’une serviette, une noire extrê mement bourré e... Il entre... On le salue. Il pose son fardeau sur la table... Tout va bien! Il s’é ponge... Il avait dû marcher trè s vite... Il cherchait son souffle... La conversation dé bute... C’est Courtial qui mè ne le train... La vieille, elle, monte à l’Alcazar... elle en redescend quelques dossiers, les plus remarquables!... Y en a dé jà un vrai petit choix! Elle pose le tout prè s de la serviette. Il sourit agré ablement... Il a l’air assez satisfait... Il feuillette comme ç a d’un doigt vague... Il pique au hasard... Il semble pas trè s ré solu... Nous attendons, nous ne bougeons pas... qu’il veuille bien faire ses ré flexions... Nous respirons trè s prudemment... Il trifouille encore quelques pages... et puis il plisse toute sa figure!... C’est un tic!... Encore un autre! Une saccade vraiment hideuse! Mais c’est la crise!... Comme une vraie transe qui le saisit... Il rejette alors toute cette paperasse... Il balance tout dans la vitrine... Et puis il s’attrape la té tè re... Il se la tripote à deux mains. Il se la malaxe, il se la trifouille... Il se pince, il se pé trit tout le menton... et les joues, le gras, les plis, le nez aussi, les oreilles... C’est une satané e convulsion!... Il se rabote les châ sses, il se relaboure le cuir chevelu... Et puis brutalement il s’incline... D’un coup il se baisse, le voilà par terre... Il replonge toute la tê te dans les papiers... Il renifle toute la masse... Il grogne, il souffle extrê mement fort... Il en é treint une grande brassé e et puis... Wouaff!... Il lance tout en l’air!... Il envoie tout dans le plafond... Ç a pleut les papelards, les dossiers, les plans, les brochures... On en a partout... On se voit plus... Une fois... deux fois... il recommence! Toujours poussant des hurlements! des joyeux!... Il est jubileur! il gigote... il fouille encore... Les gens s’attroupent devant notre porte... Il retourne toute sa serviette... Il en tire des autres journaux, rien que des coupures, des brasses entiè res... Il é parpille aussi tout ç a... Parmi, je vois bien... y a du biffeton!... J’ai repé ré dans la paperasse!... Je les vois qui s’envolent... Je vais piquer les ramasser... Je sais comment faire... Mais voilà deux costauds qui chargent... À coups d’é paule ils branlent la porte... Ils é cartent... Ils bousculent la foule. Ils passent. Ils sautent sur le curé. Ils le ceinturent, ils l’é crabouillent, ils le renversent, le bloquent à terre... Ah! il é trangle la pauvre vache! Il va râ ler sous la table... « Police! » qu’ils nous font à nous... Ils l’extirpent par les nougats... Ils s’assoient sur le malheureux...



  

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