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Note sur l’édition numérique. 34 страницаIl aurait bien voulu savoir, le vieux crocodile, où je l’afurais mon petit pè ze!... mon aubert mignon!... Il pouvait toujours courir! J’avais la prudence absolue... J’avais bien é té à l’é cole... Il quittait jamais ma fouille ce petit volage, et mê me une planque bien é pinglé e dans l’inté rieur de mon plastron... La confiance ne ré gnait pas... Moi, je les connaissais ses cachettes... il en avait trois... Y en avait une dans le plancher... une autre derriè re le compteur... (une brique en bascule) et enfin une autre dans la tê te mê me d’Hippocrate! Je lui en ai calotté partout... Il comptait jamais... Il lui venait des doutes à la fin... Mais il avait pas à râ ler... Il me foutait pas un rond de salaire... Encore c’est moi qui nourrissais!... Soi-disant avec la masse, et pas trop mal... et copieusement... Il sentait qu’y avait rien à dire... Le soir je me faisais pas de cuistance, j’allais seul à l’ « Automatic » au coin de la rue Rivoli... J’avalais debout, un petit morceau... j’ai toujours pré fé ré ç a... c’é tait trè s vite liquidé... Aprè s je partais en vadrouille... Je faisais le tour par la rue Montmartre... Les Postes... la rue É tienne-Marcel... Je m’arrê tais à la statue, Place des Victoires, pour fumer une cigarette... C’é tait un carrefour majestueux... Il me plaisait bien... Là, trè s tranquille pour ré flé chir... Jamais j’ai é té si content qu’à cette é poque au Gé nitron... Je faisais pas des projets d’avenir... Mais je trouvais le pré sent pas trop tarte... J’é tais rentré sur les neuf heures... J’avais encore bien du boulot... Toujours des piè ces au Zé lé ... Des colis qu’on avait en retard... et des babilles pour la Province... Et puis comme ç a, vers les onze heures, je ressortais sous les arcades... C’é tait le moment curieux... C’é tait plein de branleuses notre pourtour... tout des traî nardes à vingt ronds... Et mê me encore moins... Une tous les trois ou quatre piliers avec un ou deux clients... Elles me connaissaient bien à force... Souvent elles é taient joviales... Je les faisais monter dans le burlingue au moment des rafles... Elles se planquaient dans les dossiers, elles avalaient la poussiè re... Elles attendaient qu’ils soyent loin... On s’est fait des drô les de suç ages dans le « Coin du Commanditaire »... Moi, j’avais droit à toute la fesse... entiè rement à l’œ il parce que je biglais bien les approches, de mon entresol, au moment de la crise... quand je voyais pointer les rouquins... Elles se carraient toutes par la petite porte... J’é tais le « serre » de la tribu! ni vu!... ni connu... C’est un peu avant minuit qu’on escomptait la bourrique... J’en avais assez souvent une douzaine des mô mes dans le capharnaü m du premier... On é teignait la calebombe... Fallait pas moufter du tout... On entendait leurs « 43 » passer, repasser sur les dalles... Y avait de la terreur... On aurait dit comme des rats qu’elles se ratatinaient dans leur coin... Aprè s c’é tait la dé tente... Le plus beau c’é tait les histoires... Elles savaient tout sur les Galeries... tout ce qui se trame et qui se trafique... sous les arches... dans les soupentes... dans les arriè re-magasins... J’ai tout appris sur le commerce... tous ceux qui se faisaient enculer... toutes les fausses couches... tous les cocus du pé rimè tre... Comme ç a, entre onze heures et minuit... J’ai tout appris sur des Pereires, comme qu’il allait cet immonde se faire foutre la flagellation aux « Vases É trusques » au 216, l’allé e d’en face... presque à la sortie du « Franç ais » et qu’il les aimait sé vè res... et qu’on l’entendait rugir derriè re le rideau de velours... et ç a lui coû tait chaque fois vingt-cinq points... comptants!... bien sû r!... Et que des semaines c’é tait pas rare qu’il prenne trois fouetté es coup sur coup!... Ç a me faisait rugir, moi aussi, d’entendre des salades pareilles!... Ç a m’é tonnait plus beaucoup qu’on aye jamais un fifre d’avance... qu’avec la « volé e » plus les « gayes » qu’on manque toujours de pognon!... Y avait pas de miracles!... Celle qui racontait le mieux, c’é tait la Violette, une dé jà vioque, une fille du Nord, toujours en cheveux, triple chignon en escalade et les longues é pingles « papillon », une rouquine, elle devait bien avoir quarante piges... Toujours avec une jupe noire courte, moulante, un minuscule tablier rose, et de hautes bottines blanches à lacets et talons « bobines »... Moi, elle m’avait à la bonne... On prenait tous des hoquets rien qu’à l’é couter... tellement qu’elle mimait parfaitement... Elle en avait toujours des neuves... Elle voulait aussi que je l’encule... Elle m’appelait son « transbordeur » à la faç on que je la bourrais... Elle parlait toujours de son Rouen! elle y avait passé douze anné es dans la mê me maison, presque sans sortir... Quand on descendait à la cave, je lui allumais la bougie... Elle me recousait mes boutons... c’est un travail que j’abhorrais!... Je m’en faisais sauter beaucoup... à cause des efforts du trafic en poussant la voiture à bras... Je pouvais recoudre n’importe quoi... mais pas un bouton... jamais!... Je pouvais pas les supporter... Elle voulait me payer des chaussettes... elle voulait que je devienne coquet... Y avait longtemps que j’en mettais plus... des Pereires non plus, faut ê tre juste... En quittant le Palais-Royal, elle remontait sur la Villette... tout le long ruban à pompes... C’é tait les clients de cinq heures... Là, elle gagnait encore pas mal... Elle voulait plus ê tre enfermé e... De temps en temps, malgré tout, elle passait un mois à l’Hospice... Elle m’envoyait une carte postale... Elle se rappliquait en vitesse! Je connaissais ses coups aux carreaux... Je l’ai eue en bonne amitié pendant prè s de deux ans... jusqu’à ce qu’on parte des Galeries... Sur la fin elle é tait jalouse, elle avait des bouffé es de chaleur... Elle devenait mauvais caractè re. ✩ À la saison des lé gumes on s’en foutait plein le lampion... Je les pré sentais en « jardiniè re » avec des lardons varié s... Il en ramenait des salades! des haricots à plein panier! de Montretout!... De la carotte, du navet, des bottes et des bottes entiè res et mê me des petits pois... Courtial il é tait porté sur les plats en « sauce ». Moi j’avais appris tout ç a dans son manuel de cuisine... Je connaissais toutes les ragougnasses, toutes les maniè res de faire « revenir ». C’est un genre extrê mement commode... Ç a peut ê tre resservi longtemps. Nous possé dions un fort ré chaud à gaz lampant « Sulfridor », un peu explosif, dans l’arriè re-boutique-gymnase... L’hiver, je mettais le pot-au-feu... C’est moi qui achetais la barbaque, la margarine et le frometon... Pour la question des bibines on en ramenait chacun son tour. La Violette, sur les minuit, elle aimait bien casser la croû te... Elle aimait le veau froid sur du pain... Seulement tout ç a coû te assez cher... En plus des autres folles dé penses! J’ai eu beau me gendarmer... faire entrevoir les pires dé sastres... il a fallu qu’on y tâ te à son « Concours du Perpé tuel ». C’é tait un expé dient rapide... Ç a devait nous rapporter tout de suite. La foire é tait sur le pont!... Vingt-cinq francs, c’é tait le droit d’entré e pour faire partie des é preuves... Doté d’un prix de douze mille balles, premiè re ré compense dé cerné e par le « grand Jury des plus hautes sommité s mondiales » et puis un autre prix subalterne, accessit-consolation... quatre mille trois cent cinquante francs, ç a faisait pas un concours radin!... Tout de suite, y a eu des amateurs!... Un flux!... Un raz!... Une invasion!... Des é pures!... Des libelles!... et de fort copieux mé moires!... Des dissertations imagé es... On a bouffé de mieux en mieux! Mais c'é tait pas dans l’insouciance! Ah! certainement non!... J’é tais extrê mement persuadé qu’on la regretterait l’initiative!... Qu’on allait se faire emmouscailler dans tous les sens à la fois... et pas pour de rire!... Qu’on les expierait largement les fafiots qu’on allait tâ ter!... Les deux... les trois... les peut-ê tre cinq mille... d’imaginations pittoresques!... Que certainement ç a nous retomberait en putaines vengeances sur la gaufre... Et que ç a tarderait plus bé zef. On en a eu pour tous les goû ts, toutes les tendances, toutes les marottes des maquettes pour ce perpé tuel!... En « pompes », en volants dynamiques, en tubulures cosmi-terrestres, en balanciers pour les induits... en pendules calorimé triques, en coulisses ré frigé rantes, en ré flecteurs d’ondes hertziennes!... Y avait qu’à taper dans la masse, on é tait servi à coup sû r... Au bout d’une quinzaine de jours les é nergumè nes souscripteurs ont commencé à radiner! en personne! eux-mê mes!... Ils voulaient connaî tre les nouvelles... Il vivaient plus depuis notre « Concours ». Ils ont assailli la cambuse... Ils se bigornaient devant notre porte... Courtial s’est montré sur le seuil, il leur a fait un long discours... Il les a reporté s à un mois... Il leur a expliqué comme ç a que l’un de nos commanditaires s’é tait cassé l’humé rus en se promenant sur la cô te d’Azur... mais qu’il serait bientô t ré paré... et qu’il s’empresserait de venir apporter lui-mê me son flouze... C’é tait une affaire entendue... une petite anicroche seulement... C’é tait pas mauvais comme bobard... Ils sont repartis... mais hargneux... Ils ont dé gagé la vitrine... Ils crachaient leur fiel partout... mê me quelques-uns des grumeaux solides... des genres de tê tards... C’é tait vraiment une vilaine race de maniaques tout à fait dangereux que Courtial avait dé clenché e... Il s’en rendait bien un peu compte... Mais il voulait pas en convenir... Au lieu de confesser son erreur, c’est à moi qu’il cherchait noise... Aprè s le dé jeuner, comme ç a, en attendant que je passe le jus dans le torchon, il se pressurait le bout du blaze, il se faisait suinter des petites gouttes de graisse, ç a sortait comme des asticots, aprè s ç a, il se les é crasait entre les deux ongles... infiniment sales et pointus... Il tenait quelque chose comme tarin... le vrai petit chou-fleur... plissé... rissolé... vé reux... En plus, il grossissait encore... Je lui faisais remarquer. On attendait buvant notre jus qu’ils se ramè nent en trombe les maniaques, les fé bricitants de la goupille... qu’ils recommencent à nous agonir... menacer... piquer l’é pilepsie... emboutir la porte... se faire rebondir dans le dé cor... C’é tait moi alors Courtial qu’il entreprenait... qu’il essayait d’humilier... Ç a le soulageait qu’on aurait dit... Il me saisissait au dé pourvu... « Un jour quand mê me Ferdinand, il faudra que je t’explique quelques trajectoires majeures... quelques ellipses essentielles... Tu ignores tout des grands Gé meaux!... et mê me de l’Ours! la plus simple!... Je m’en suis aperç u ce matin, quand tu parlais avec ce morpion... C’é tait pitoyable! atterrant!... Suppose un peu, qu’un jour ou l’autre un de nos collaborateurs en vienne au cours d’un entretien, à te pousser quelques colles, par exemple sur le « Zodiac »?... ses caractè res?... le Sagittaire?... Que trouveras-tu à ré pondre? Rien! ou à peu prè s! Absolument rien vaudrait mieux... Nous serions discré dité s Ferdinand! Et sous le signe de Flammarion!... Oui! C’est un bouquet! C’est le comble de la dé rision! Ton ignorance? Le ciel? Un trou!... Un trou pour toi Ferdinand! Un de plus! Voilà ! Voilà ! Voilà le ciel pour Ferdinand! » Il se saisissait alors la tê te entre les deux poignes... Il se la balanç ait de droite à gauche, toujours dans l’emprise... comme si la ré vé lation, comme si une telle aberrance lui devenait d’un coup là devant moi, douloureuse au maximum... qu’il pourrait plus la supporter!... Il poussait de tels soupirs, que j’y aurais é crasé la tronche. « Mais d’abord au plus urgent! qu’il me faisait alors, brutal... Passe-moi donc, tiens, une vingtaine de ces dossiers! Au hasard. Pique! Je veux les parcourir de suite... Demain matin, je mettrai les notes! Il faut commencer sacrebleu! Qu’on ne me dé range plus surtout! Mets un é criteau sur la porte! « Ré union pré liminaire du Comité de la Ré compense »... Je suis au premier tu m’entends?... Toi, il fait beau... va faire un tour chez Taponard!... Demande-lui où il en est de notre supplé ment?... Passe d’abord par les « É meutes ». Mais n’entre pas! Ne te fais pas repé rer! Regarde seulement dans la petite salle si tu vois Naguè re?... S’il est dé jà parti, alors demande au garç on, mais pour absolument toi-mê me! Tu m’entends? Pas pour moi du tout!... Combien « Sibé rie » elle a fait dimanche dans la « quatriè me » des Drags? Passe pas par-devant pour rentrer! Glisse-toi par la rue Dalayrac!... Et qu’on ne me dé range plus surtout! Je n’y suis pas pour un million! Je veux travailler dans le silence, le calme absolu!... » Il montait en haut se calfeutrer dans le bureau tunisien. Comme il avait trop bouffé j’é tais tranquille qu’il roupillerait... Moi, j’avais encore des « adresses » pour les comité s... toujours les babilles à finir... Je quittais aussi la boutique, j’allais m’installer sous les arbres en face... Je me planquais bien derriè re le kiosque. Ç a ne me disait rien l’imprimeur... Je savais d’avance ce qu’il me ré pondrait... J’avais des choses plus urgentes. J’avais les deux mille é tiquettes et toutes les bandes à coller... pour le prochain numé ro... si l’imprimeur le gardait pas!... C’é tait pas du tout garanti!... Depuis la quinzaine pré cé dente, il é tait rentré du pognon avec les mandats du « concours »... Mais nous devions bien davantage! Trois quittances au proprio!... et puis le gaz depuis deux mois... et puis surtout les Messageries... Pendant que j’é tais là en planque, je voyais arriver de trè s loin le cortè ge des concurrents... Ils s’é lanç aient vers la boutique... Ils gigotaient devant la vitrine... Ils secouaient la lourde avec rage!... J’avais emporté le bec-de-cane... Ils auraient tout dé glingué... Ils se rencardaient les uns les autres!... Ils é changeaient leurs fureurs... Ils stationnaient encore longtemps... Ils bourdonnaient devant la porte... À quatre, cinq cents mè tres de distance, j’entendais le ronchonnement... je pipais pas!... Je me montrais pas... Ils seraient tous radiné s en trombes!... Ils m’auraient é cartelé !... Jusqu’au soir sept heures encore, il en surgissait des nouveaux... L’autre hideux là -haut, dans son souk, il devait roupiller toujours... À moins qu’il se soye tiré dé jà... entendant la meute... par la fine porte de la rue... Enfin! Y avait pas d’urgence... Je pouvais un peu ré flé chir... Ç a faisait dé jà des anné es que j’avais quitté les Berlope... et le petit André... Il devait avoir plutô t grandi, ce gniard dé gueulasse!... Il devait bagotter ailleurs maintenant... pour des autres darons... Peut-ê tre mê me plus dans les rubans... On é tait venus assez souvent par là ensemble tous les deux... Là pré cisé ment auprè s du bassin, sur le banc à gauche... attendre le canon de midi... C’é tait loin dé jà ce temps-là qu’on é tait arpè tes ensemble... Merde! Ce que ç a vieillit vite un mô me! J’ai regardé par-ci, par-là, si je le revoyais pas par hasard le petit André... Y a un placier qui m’avait dit qu’il é tait plus chez les Berlope... Qu’il travaillait dans le Sentier... Qu’il é tait placé comme « jeune homme »... Quelquefois, il m’a semblé le reconnaî tre sous les arcades... et puis non!... C’é tait pas lui!... Peut-ê tre qu’il é tait plus tondu?... Je veux dire que la couenne comme en ce temps-là... Peut-ê tre qu’il l’avait plus sa tante!... Il devait sû rement ê tre quelque part en train de courir aprè s sa croû te!... sa ré jouissance... Peut-ê tre que je le reverrais plus jamais... qu’il é tait parti tout entier... qu’il é tait entré corps et â me dans les histoires qu’on raconte... Ah! c’est bien terrible quand mê me... on a beau ê tre jeune quand on s’aperç oit pour le premier coup... comme on perd des gens sur la route... des potes qu’on reverra plus... plus jamais... qu’ils ont disparu comme des songes... que c’est terminé... é vanoui... qu’on s’en ira soi-mê me se perdre aussi... un jour trè s loin encore... mais forcé ment... dans tout l’atroce torrent des choses, des gens... des jours... des formes qui passent... qui s’arrê tent jamais... Tous les connards, les pilons, tous les curieux, toute la frimande qui dé ambule sous les arcades, avec leurs lorgnons, leurs riflards et les petits clebs à la corde... Tout ç a, on les reverra plus... Ils passent dé jà... Ils sont en rê ve avec des autres... ils sont en cheville... ils vont finir... C’est triste vraiment... C’est infâ me!... les innocents qui dé filent le long des vitrines... Il me montait une envie farouche... j’en tremblais moi de panique d’aller sauter dessus finalement... de me mettre là devant... qu’ils restent pile... Que je les accroche au costard... une idé e de con... qu’ils s’arrê tent... qu’ils bougent plus du tout!... Là, qu’ils se fixent!... une bonne fois pour toutes!... Qu’on les voye plus s’en aller. ✩ Peut-ê tre deux, trois jours plus tard, on a demandé Courtial au commissariat... Un flic est venu tout exprè s... Ç a arrivait assez souvent... C’é tait un peu ennuyeux... Mais ç a s’arrangeait toujours... Je le brossais avec grand soin pour la circonstance... Il retournait un peu ses manchettes... Il partait se justifier... Il restait longtemps dehors... Il revenait toujours ravi... Il les avait confondus... Il connaissait tous les textes... tous les moindres alibis, toutes les goupilles de la poursuite... Seulement pour cette rigolade-ci... y avait du sé rieux tirage!... C’é tait pas du tout dans la fouille!... Nos affreux gniards du « Perpé tuel » ils emmerdaient les commissaires... celui de la rue des Francs-Bourgeois, il recevait des douze plaintes par jour!... et celui de la rue de Choiseul il é tait lui à bout de patience... absolument excé dé !... Il menaç ait de faire une descente... Depuis janvier, c’é tait plus le mê me... l’ancien qu’é tait si arrangeant il avait permuté pour Lyon... Le nouveau c’é tait un fumier. Il avait pré venu le Courtial que si nous recommencions des manigances de « Concours », il lui foutrait un de ces mandats qui ne serait pas dans une musette!... Il voulait se faire remarquer par le zè le et la vigilance... Il arrivait d’un bled au diable!... Il é tait plein de sang!... Ah! c’est pas lui qui dé chait pour notre imprimeur, le terme et la casse! Il pensait qu’à nous ahurir!... On n’avait mê me plus le té lé phone. On nous l’avait supprimé, il fallait que je saute à la poste... Il é tait coupé depuis trois mois... Les inventeurs qui ré clamaient, ils venaient forcé ment en personne... Nos lettres on les lisait plus... On en recevait beaucoup de trop!... On é tait devenus trop nerveux avec ces menaces judiciaires... Question d’ouvrir notre courrier, on pré levait seulement les fafiots... Pour le reste on laissait courir... C’é tait sauve qui peut!... ç a se dé clenche vite une panique!... Courtial il avait beau pré tendre... Le commissaire du « Choiseul » il y avait coupé l’appé tit, c’é tait un vrai ultimatum!... Il é tait revenu blafard... « Jamais! tu m’entends, Ferdinand! Jamais!... Depuis trente-cinq anné es que je labeure dans les sciences!... que je me crucifie! c’est le mot... pour instruire... é lever des masses... Jamais on m’a traité encore comme ce salaud-là !... Ç a dé passe toute indignation! Oui! Ce blanc-bec!... Ce mince paltoquet!... Pour qui me prend-il, ce lascar?... Pour un collignon dé voyé ?... Pour un marchand de contre marques? Quel arsouille! Quelle impudeur! Une « descente »! Comme au bobinard! Une « descente », il n’a plus que ç a dans la gueule! Mais qu’il y vienne donc, ce cré tin! Que trouvera-t-il? Ah! on voit bien qu’il est nouveau! Qu’il est puceau dans la ré gion! Un provincial! Je te le dis! Un terreux, sans aucun doute! Il fait du zè le, ce pitoyable! L’imagination! Il se tient plus! l’imagination! Ah! ç a lui coû tera plus cher qu’à moi... Ah! oui! Nom de Dieu!... Celui de la rue d’Aboukir! Il a voulu y venir aussi! Il l’a voulue sa descente! Il est venu! Il a regardé ! Ils ont retourné toute la cambuse! Ces cales dé gueulasses dé goû tants... Ils ont tout foutu en l’air et ils sont repartis... Veni! Vidi! Vici! Une bande de sales cons miteux! C’é tait il y a deux ans passé s. Ah! je m’en souviens! Et que trouva-t-il ce Vidocq à l’oseille... De la paperasse et du plâ tre... Il é tait couvert de gravats, mon ami! Piteux cloporte! Pitoyable!... Ils avaient creusé partout! Ils avaient pas compris un mot... l’infime cafard!... Ah! Les enfoiré s!... Malheureux bé otiens crotteux!...  nes lé gaux...  nes du purin, moi que je dis!... » Il me montrait en l’air, jusqu’au cintre, les piles et les piles... les entassements prodigieux... Les vé ritables glacis, les promontoires menaç ants! Branleurs!... Ç a serait bien rare en effet si l’é pouvante le prenait pas le commissaire de « Choiseul » devant ces montagnes!... ces avalanches en suspens... « Une descente! Une descente! É coute-moi comme ç a cause! Pauvre petit! Pauvre gamin! Pauvre larve!... » Il avait beau installer, ces menaces le troublaient quand mê me... Il é tait bien dé confit!... Il y est retourné le lendemain exprè s pour le revoir ce jeunot... Pour essayer de le convaincre qu’il s’é tait gouré sur son compte... Et de fond en comble! Absolument!... Qu’on l’avait noirci à plaisir!... C’é tait une question d’amour-propre... Ç a le rongeait à l’inté rieur l’engueulade de ce greluchon... Il touchait mê me plus aux haltè res... Il restait troublé... Il marmonnait sur sa chaise... Il me causait plus que de cette descente... Il né gligeait mê me pour une fois mon instruction scientifique!... Il voulait plus recevoir personne! Il disait que c’é tait plus la peine! J’accrochais en permanence le petit é criteau « Ré union du Comité ». C’est à peu prè s à ce moment-là, quand on parlait de « perquisitions », qu’il a encore recommencé à me faire des remarques sur son avenir... Sur son surmenage... Qu’il en souffrait de plus en plus... « Ah! qu’il me disait Ferdinand! comme il cherchait des dossiers pour les porter au petit “ Quart ”... Tu vois ce qu’il me faudrait!... Encore une journé e de perdue! Salie! gâ ché e! pervertie absolument! ané antie en cafouillages!... En cré tines angoisses!... C’est que je puisse me recueillir!... Vé ritablement... Enfin! que je puisse m’abstraire!... tu comprends?... La vie exté rieure me ligote!... Elle me grignote! Me dissé mine!... M’é parpille!... Mes grands desseins demeurent impré cis, Ferdinand! J’hé site!... Voilà ! Impré cis! J’hé site... C’est atroce! Tu ne me comprends pas? Calamité sans pareille! On dirait une ascension, Ferdinand!... Je m’é lè ve!... Je parcours un bout d’infini! Je vais franchir!... Je traverse dé jà quelques nuages... Je vais voir enfin... Encore des nuages!... La foudre m’é tonne!... Toujours des nuages... Je m’effraye!... Je ne vois rien!... Non, Ferdinand!... Je ne vois rien! J’ai beau pré tendre... Je suis distrait, Ferdinand!... Je suis distrait! » Il trifouillait dans son bouc... Il se rebiffait la moustache!... Il avait la main toute vibrante... On n’ouvrait plus à personne! Mê me aux maniaques du « Perpé tuel »... À force de venir buter, ils ont abandonné l’espoir!... Ils nous foutaient un peu la paix... On n’a pas eu de perquisition... Ils ont pas entamé de poursuites... Mais il y avait eu la chaude alerte... Il se mé fiait de tout à pré sent Courtial des Pereires de son bureau tunisien! De son ombre propre! C’é tait encore trop exposé son entresol personnel, trop facilement accessible!... Ils pouvaient venir à l’improviste lui sauter sur le paletot... Il voulait plus rien risquer!... À la seule vue d’un client, sa figure passait à la cire!... Il en chancelait presque! Il é tait vraiment affecté par le dernier trafalgar!... Il pré fé rait de beaucoup sa cave... Il y restait de plus en plus!... Là il é tait un peu tranquille!... Il mé ditait à son aise!... Il s’y planquait des semaines entiè res... Moi je faisais le courant du journal... C’é tait une chose de routine! Je pré levais des pages dans ses manuels... Je dé coupais avec soin. Je rafraî chissais des endroits... Je refaisais un peu les titres... Avec les ciseaux, la gomme et la colle, je me dé brouillais bien. Je laissais en blanc beaucoup d’espace pour donner des « lettres d’abonné s »... Les reproductions c’est-à -dire... Je faisais sauter les engueulades... Je conservais que les enthousiasmes... Je dressais une liste des souscripteurs... J’atigeais bien la cabane... Quatre queues au bout des zé ros!... J’insé rais des photographies. Celle de Courtial en uniforme, en poitrine avec les mé dailles... une autre, du grand Flammarion, cueillant des roses dans son jardin... Ç a faisait contraste, ç a faisait plaisant... Si des inventeurs s’aboulaient... qui revenaient encore s’informer, me dé rangeaient dans ma tâ che... j’avais trouvé une autre excuse... « Il est avec le Ministre! que je ré pondais raide comme balle. On est venu le chercher hier soir... C’est sû rement pour une expertise... » Ils y croyaient pas tout à fait... mais ils restaient quand mê me rê veurs. Le temps que je me tire dans le gymnase... « Je vais voir s’il est pas rentré !... » Ils me revoyaient plus. ✩ Un malheur arrive jamais seul!... Nous eû mes de nouveaux dé boires avec le Zé lé toujours de plus en plus fendu, ravaudé, perclus de raccrocs... tellement permé able et foireux qu’il s’effondrait dans ses cordes!... L’automne arrivait, ç a commenç ait à souffler! Il flanchait dans la rafale, il s’affaissait, le malheureux, au dé part mê me, au lieu de s’é lancer dans les airs... Il nous ruinait en hydrogè ne, en gaz mé thanique... À force de pomper tout de mê me, il prenait un petit é lan... Avec deux ou trois soubresauts il franchissait assez bien les premiers arbustes... s’il arrachait une balustrade, il fonç ait alors dans le verger... Il repartait encore une secousse... Il ricochait contre l’é glise... Il emportait la girouette... Il refoulait vers la campagne... Les bourrasques le ramenaient en vache... en plein dans les peupliers... Des Pereires attendait plus... Il lâ chait tous les pigeons... Il envoyait un grand coup de bugle... Il me dé chirait toute la sphè re... Le peu de gaz s’é vaporait... J’ai dû comme ç a le ramasser en situation pé rilleuse aux quatre coins de la Seine-et-Oise, dans la Champagne et mê me dans l’Yonne! Il a raclé avec son cul toutes les betteraves du Nord-Est. La belle nacelle en rotin, elle avait plus de forme à force... Sur le plateau d’Orgemont, il est resté deux bonnes heures entiè rement enfoui, coincé dans le milieu de la mare, un purin é norme! Mouvant, floconnant, prodigieux!... Tous les croquants des abords ils se poê laient à se casser les cô tes... Quand on a replié le Zé lé , il sentait si fortement les matiè res et le jus de la fosse, et Courtial d’ailleurs aussi, entiè rement capitonné, fangeux, enrobé, soudé dans la pâ te à merde! qu’on a jamais voulu de nous dans le compartiment... On a voyagé dans le fourgon avec l’ustensile, les agrè s, la came.
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