Хелпикс

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Note sur l’édition numérique. 32 страница



Je savais quand ç a le reprenait ce cafard des architectures, c’é tait surtout à la campagne... Et au moment des ascensions... quand il allait passer la jambe pour escalader la nacelle... Il lui revenait un coup de souvenirs... C’é tait peut-ê tre aussi en mê me temps un petit peu la frousse qui le faisait causer... Il regardait au loin, le paysage... Comme ç a dans la grande banlieue, surtout devant les lotissements, les cabanes, les gourbis en planches! Il s’attendrissait... Il lui passait une é motion... Les bicoques, les plus biscornues, les loucheuses, les fissuré es, les bancales, tout ç a qui crougnotte dans les fanges, qui carambouille dans la gadoue, au bord des cultures... aprè s la route... « Tu vois bien tout ç a, Ferdinand, qu’il me les dé signait alors, tu vois bien toute cette infection? » Il dé crivait d’un geste é norme... Il embrassait l’horizon... Toute la moche cohue des guitounes, l’é glise et les cages à poules, le lavoir et les é coles... Toutes les cahutes dé glingué es, les croulantes, les grises, les mauves, les ré sé da... Toutes les croquignoles du platras...

« Ç a va hein? C’est bien abject?... Eh bien, j’y suis pour beaucoup! C’est moi! C’est moi le responsable! Tu peux le dire, c’est à moi tout ç a, Ferdinand! Tu m’entends bien? C’est à moi!...

— Ah! que je faisais comme é baubi. Je savais que c’é tait sa sé ance... Il enjambait par-dessus bord... Il sautait dans le carré d’osier... Si le vent soufflait quand mê me pas trop... il gardait son panama... Il pré fé rait encore beaucoup... mais il se le nouait sous le menton avec un large ruban... C’est moi qui mettais sa casquette... « Lâ chez tout »! Ç a dé bloquait au millimè tre... d’abord extrê mement doucement... et puis un petit peu plus vite... Il fallait bien qu’il se dé grouille pour passer par-dessus les toits... Il lâ chait jamais son sable... Il fallait pourtant qu’il monte... On gonflait jamais à bloc... Ç a coû tait treize francs la bonbonne...

Quelque temps aprè s l’avatar du « Chalet par soi », le fol é miettement par la foule, Courtial des Pereires s’é tait brusquement dé cidé à reviser toute sa tactique... « Les fonds d’abord! » voilà comment il parlait!... Telle é tait sa nouvelle maxime. « Plus d’alé as! Que du solide! »... Il avait conç u un programme entiè rement d’aprè s ces donné es... Et des fondamentales ré formes!... Toutes absolument judicieuses, pertinentes...

Il s’agissait d’amé liorer, de prime abord, envers et contre tous obstacles la condition des inventeurs... Ah! il partait de ce principe que dans le monde de la trouvaille les idé es ne manqueraient jamais! Qu’il y en a mê me toujours de trop! Mais que le capital par contre il est horriblement fuyard! pusillanime! et fort farouche!... Que tous les malheurs de l’espè ce et les siens en particulier proviennent toujours du manque de fonds... de la mé fiance du disponible... du cré dit terriblement rare!... Mais tout ç a pouvait s’arranger!... Il suffisait d’intervenir, de remé dier à cet é tat par quelque heureuse initiative... D’où la fondation immé diate aux Galeries Montpensier mê me, derriè re le bureau tunisien, entre la cuisine et le couloir, d’un « Coin du Commanditaire »... Une petite enclave trè s spé ciale, meublé e extrê mement simplette: une table, une armoire, un casier, deux chaises, et pour dominer les dé bats, « de Lesseps », fort joli buste sur l’é tagè re supé rieure, entre les dossiers, toujours des dossiers...

En vertu des nouveaux statuts, n’importe quel inventeur, moyennant cinquante et deux francs (totalité versé e d’avance), avait droit dans notre journal à trois insertions successives de tous ses projets, absolument ad libitum mê me les plus inouï es fariboles, les plus vertigineux fantasmes, les plus saugrenues impostures... Tout ç a fournissait quand mê me deux belles colonnes du Gé nitron, plus dix minutes d’entretien particulier, technique et consultatif avec le Directeur Courtial... Enfin, pour rendre la musique un peu plus flatteuse encore, un diplô me olé ographique de « membre dé positaire au Centre des Recherches Eurê ka pour le financement, l’é tude, l’é quilibre, la mise en valeur immé diate des dé couvertes les plus utiles au progrè s de toutes les Sciences et de l’Industrie!... »

Pour faire tomber les cinquante points c’é tait jamais si commode!... Y avait toujours du tirage... Mê me en donnant la chansonnette... En se dé pensant du baratin... Ils renâ claient presque toujours au moment de douiller, mê me les plus absolus fadas, il leur passait une inquié tude... Mê me comme ç a dans leur dé lire, ils sentaient malgré tout la vape... Que c’é tait un petit flouze qu’ils reverraient jamais... « Constitution du dossier »... ç a s’intitulait notre astuce...

Courtial se chargeait dè s lors, c’é tait ainsi entendu, de toutes les dé marches essentielles, les petites comme les grandes approches, entrevues... recherches d’arguments... ré unions... discussions pré monitoires, dé fense des mobiles, tout ce qu’il fallait en somme pour attirer, amadouer, convaincre, enthousiasmer, tranquilliser un Consortium... Tout ceci, bien entendu, en temps opportun!... Là -dessus on ne rigolait pas!... Point de hâ te!... Point de cafouillages!... De brutalité !... Nous la craignions... La brusquerie fait tout rater! C’est la pré cipitation qui culbute tous les pronostics!... Les plus fructueuses entreprises sont celles qui mû rissent trè s lentement!... Nous é tions extrê mement ennemis, implacablement hostiles à tout bousillage pré coce... à toute hysté rie!... « Tout commanditaire est un vrai oiseau pour s’enfuir, mais une tortue sur la douille. »

L’inventeur, afin qu’il entrave le moins possible les pourparlers, toujours si tellement dé licats, devait dé blayer tout le terrain... rentrer immé diatement chez lui... fumer sa pipe en attendant... ne plus s’occuper du manè ge... Il serait dû ment averti, convoqué, instruit du dé tail, dè s que son histoire prendrait tournure... Cependant c’é tait fort rare, qu’il reste comme ç a peinard au gî te!... À peine une semaine d’é coulé e, il revenait dé jà à la charge... pour demander des nouvelles... Nous apporter d’autres maquettes... les complé ments des projets... Des é pures supplé mentaires... Des piè ces dé taché es... Il revenait encore et quand mê me, on avait beau râ ler trè s fort, il se ramenait de plus en plus... lancinant, inquiet, navré... Un coup il se foutait à beugler dè s qu’il se rendait un peu compte... Il faisait une crise plus ou moins grave... Et puis on le revoyait plus... Y en avait qu’é taient pas si cons... mais c’é tait un tout petit nombre... qui parlaient d’aller au pé tard, par les voies lé gales, porter la plainte au commissaire, si on rendait pas leur pognon... Courtial, il les connaissait tous. Il se dé binait à leur approche. Il les voyait arriver de loin, de l’autre cô té des arcades... C’é tait pas croyable comme il avait l’œ il perç ant pour le repé rage d’é nergumè nes... C’é tait rare qu’il se fasse poisser... Il se tirait dans l’arriè re-boutique agiter un brin les haltè res, mais encore plutô t à fond de cave... Là il é tait encore plus sû r... Il refusait tout entretien... Le dabe qui revoulait sa mise il é cumait pour des pommes...

« Tiens-le! Ferdinand! Tiens-le bien! » qu’il me recommandait cette salope. « Tiens-le! Pendant que je ré flé chis!... Je le connais de trop ce prolixe! Ce bouseux de la gueule! chaque fois qu’il vient m’interviewer j’en suis pour deux heures au moins!... Il m’a fait perdre dé jà dix fois tout le fil de mes dé ductions! C’est une honte! C’est un scandale! Tue-le ce flé au! Tue-le! je t’en prie, Ferdinand! Le laisse plus courir par le monde!... Brû le! Assomme! É parpille ses cendres! Je m’en fous ré solument! Mais de grâ ce à aucun prix, tu m’entends, ne me l’amè ne! Dis que je suis à Singapour! à Colombo! aux Hespé rides! Que je refais des berges é lastiques à l’isthme de Suez et Panama. C’est une idé e!... N’importe quoi! Tout est bon pour pas que je le revoye!... Grâ ce, Ferdinand! Grâ ce!... »

C’é tait moi donc, raide comme balle, qui prenais l’averse en entier... J’avais un systè me, je veux bien... J’é tais comme le « Chalet par soi », je l’abordais en souplesse... J’offrais aucune ré sistance... Je pliais dans le sens de la furie... J’allais encore mê me plus loin... Je le surprenais le dingo par la virulence de ma haine envers le dé gueulasse Pereires... Je le baisais à tous les coups en cinq sec... au jeu des injures atroces!... Là j’é tais parfaitement suprê me!... Je le vilipendais! stigmatisais! couvrais d’ordures! de sanies! Cette abjecte crapule! cette merde prodigieuse! vingt fois pire! cent fois! mille fois encore pire qu’il avait jamais pensé seul!...

Je lui faisais de ce Courtial, pour sa ré jouissance intime, à pleine gueule vocifé ration, une bourriche d’é trons plastiques, fusibles, formidablement é cœ urants... C’é tait pas croyable d’immondice!... Ç a dé passait tout! Je m’en donnais à plein tuyau... J’allais tré pigner sur la trappe juste au-dessus de la cave, en chœ ur avec le maboul... je les surpassais tous de beaucoup question virulence par l’intensité de ma ré volte, la sincé rité, l’enthousiasme destructeur! mon té tanisme implacable... la Transe... l’Hyperbole... le gigotage anathé mique... C’é tait vraiment pas concevable à quel prodigieux paroxysme je parvenais à me hausser dans la colè re absolue... Je tenais tout ç a de mon papa... et des rigolades parcourues... Pour l’embrasement, je craignais personne!... Les pires insensé s dé lirants interpré tatifs dingos, ils existaient pas quand je voulais un peu m’y mettre, m’en donner la peine... j’avais beau ê tre jeune... Ils s’en allaient de là, tous vaincus... absolument ahuris par l’intensité de ma haine... mon incoercible virulence, l’é ternité de vengeance que je recelais dans mes flancs... Ils m’abandonnaient dans les larmes le soin d’é craser bien cette fiente, tout ce Courtial abhorré... ce bourbier de vices... de le couvrir en foutrissures impré visibles, bien plus glaireux que le bas des chiots! Un amas d’inouï e purulence! d’en faire une tarte, la plus fé tide qui puisse jamais s’imaginer... de le redé couper en boulettes... de le raplatir en lamelles, d’en plâ trer tout le fond des latrines, entre la tinette et la fosse... De le coincer là, une fois pour toutes... qu’on chierait dessus à l’infini!...

Dè s qu’il é tait barré le copain, qu’il é tait assez é loigné... Courtial se ramenait vers la trappe... Il soulevait un peu son battant... Il risquait d’abord un œ il... Il remontait à la surface...

« Ferdinand! Tu viens de me sauver la vie... Ah! Oui! La vie!... C’est un fait! J’ai tout entendu! Ah! C’est exactement tout ce que je redoutais! Ce gorille m’aurait disloqué ! Là sur place! Tu t’es rendu compte!... » Il se ravisait alors un peu. Une inquié tude lui passait d’aprè s ce que j’avais hurlé... La bonne sé ance avec le mec...

« Mais je n’ai pas au moins, Ferdinand! dis-moi-le tout de suite, baissé tant que ç a dans ton estime! Tu me le dirais? Tu ne me cacherais rien, n’est-ce pas? Je m’expliquerai si tu veux? Vas-y!... Ces comé dies, je veux le croire, n’affectent en rien ton sentiment? Ce serait trop odieux! Tu me gardes toute ton affection? Tu peux, tu le sais, entiè rement compter sur moi! Je n’ai qu’une parole! Tu me comprends! Tu commences à me comprendre, n’est-ce pas? Dis-moi un peu si tu commences?

— Oui! Oui! C’est exact!... Je crois... Je crois que je suis bien en train...

— Alors, é coute-moi encore mon cher Ferdinand!... Pendant l’incartade de ce fou... je songeais à cent mille choses... pendant qu’il nous é cœ urait... tonitruait ses dé lires... Je me disais mon pauvre Courtial! Toutes ces rumeurs! ces cafouillages, ces fracas infâ mes, ces calembredaines mutilent atrocement ton destin... Sans rien ajouter à ta cause! Quand je dis la cause! Comprends-moi! Il est pas question d’argent! C’est le frê le tré sor que j’invoque! La grande richesse immaté rielle! C’est la grande Ré solution! L’acquis du thè me infini! Celui qui doit nous emporter... Comprends-moi plus vite, Ferdinand! Plus vite! Le temps passe! Une minute! Une heure! À mon â ge? mais c’est dé jà l’É ternité ! Tu verras! C’est tout comme Ferdinand! C’est tout comme! » Ses yeux se mouillaient... « Ecoute encore Ferdinand! J’espè re qu’un jour tu me comprendras tout à fait... Oui!... Tu m’appré cieras vraiment! Quand je ne serai plus là pour me dé fendre!... C’est toi Ferdinand! qui possé deras la vé rité !... C’est toi qui ré futeras l’injure!... C’est toi! J’y compte Ferdinand! Je compte sur toi!... Si on vient alors te dire... de bien des endroits divers: “ Courtial n’é tait qu’un salopiaud, la pire des charognes! Un faussaire! Y avait pas deux ordures comme lui... ” Que ré pondras-tu Ferdinand?... Seulement ceci... Tu m’entends? “ Courtial n’a commis qu’une erreur! Mais elle é tait fondamentale! Il avait pensé que le monde attendait l’esprit pour changer... Le monde a changé... C’est un fait! Mais l’esprit lui n’est pas venu!... ” C’est tout ce que tu diras! Absolument tout! Jamais autre chose! Tu n’ajouteras rien!... L’ordre des grandeurs Ferdinand! L’ordre des grandeurs! On peut faire entrer peut-ê tre le tout petit dans l’immense... Mais alors comment ré duire l’é norme à l’infime? Ah! Tous les malheurs n’ont point d’autre source! Ferdinand! Point d’autre source! Tous nos malheurs!... »

Quand il avait comme ce tantô t-là é prouvé une extraordinaire pé toche, il se sentait pris à mon é gard d’une trè s touchante sollicitude. Il voulait plus du tout que je boude...

« Vas-y, Ferdinand! Va te promener! qu’il me disait alors... Va donc jusqu’au Louvre! Ç a te fera beaucoup de bien! Va-t’en donc jusqu’aux Boulevards! Tu aimes ç a toi Max Linder! Notre turne est encore empesté e par les senteurs de ce mammouth! Allons-nous-en! Filons vite! Ferme-moi la cambuse! Suspends l’é criteau! Viens me rejoindre aux “ Trois Mousquetons ”! Je paye les gobelets! Prends l’argent dans le tiroir de gauche... Je sortirai pas en mê me temps que toi!... Je vais me tirer par le couloir... Repasse donc par les “ É meutes ”... Tu verras un peu le Naguè re!... Demande-lui s’il a du nouveau?... T’as bien placé sur “ Shé hé razade ”? et les “ reports ” sur “ Violoncelle ”? Hein? Toujours n’est-ce pas pour toi seul? Tu ne sais mê me pas où je me trouve!... Tu m’entends? »

Il me faisait de plus en plus souvent le coup de la Grande Ré solution... Il se dé binait au sous-sol, soi-disant pour mé diter, comme ç a pendant des heures entiè res... Il emmenait un gros bouquin et sa grosse bougie... Il devait avoir des ardoises chez tous les « boucs » du quartier, non seulement aux « Grandes É meutes », au mô me Naguè re, mais encore aux « Mousquetons » et mê me à la Brasserie Vigogne rue des Blancs-Manteaux... Là, c’é tait un vrai coupe-gorge... Il interdisait qu’on le dé range... Moi, j’é tais pas toujours content... Ç a me forç ait sa fantaisie, d’aller ré pondre en personne à tous les cinglé s du casuel... les abonné s mal embouché s, les petits curieux, les grands maniaques... Ils me dé ferlaient par bordé es... Je les prenais tous sur les endosses... les ré crimineurs en tous sens... la bande immonde des rumineux... les illuminé s de la bricole... Il arrê tait pas d’en jaillir... d’entrer et sortir... Pour la sonnette c’é tait la crise... Elle grê lait continuellement... Moi ç a m’empê chait toutes ces distractions d’aller ré parer mon Zé lé ... Il embarrassait toute la cave Courtial avec ses conneries... C’é tait pourtant mon vrai boulot!... C’est moi qu’é tais responsable et ré pré hensible au cas qu’il se casserait la hure... Il s’en fallait toujours d’un fil!... C’é tait donc cul son procé dé... J’ai fait la remarque à la fin, à ce propos-là parmi tant d’autres, que ç a pouvait plus continuer... que je marchais plus!... que je m’en tamponnais dé sormais... qu’on courait à la catastrophe!... C’é tait pur et simple... Mais il m’é coutait à peine! Ç a lui faisait ni chaud ni froid... Il disparaissait de plus en plus. Quand il é tait au sous-sol il voulait plus que personne lui cause!... Mê me sa calebombe elle le gê nait... Il arrivait à l’é teindre pour mieux ré flé chir.

J’ai fini, comme ç a par lui dire... il m’avait tellement agacé, que je me contenais plus... qu’il devrait aller dans l’é gout! Qu’il serait encore bien plus tranquille pour chercher sa ré solution!... du coup alors, il m’incendie!...

« Ferdinand! qu’il m’interpelle! Comment? C’est toi qui me parles ainsi! À moi? Toi, Ferdinand? Arrê te! Juste Ciel et de grâ ce! Pitié ! Appelle-moi ce que tu voudras! Menteur! Boa! Vampire! Engelure! Si les mots que je prononce ne sont point la stricte expression de l’ineffable vé rité ! Tu as bien voulu, n’est-ce pas, Ferdinand? supprimer ton pè re? Dé jà ? Ouais! C’est un fait! Ce n’est pas un leurre? Quelque fantasmagorie? C’est la ré alité mê me! extraordinairement dé plorable!... Un exploit dont plusieurs siè cles ne sauraient effacer la honte! Certes! Ouais! Mais absolument exact! Tu ne vas pas nier à pré sent? Je n’invente rien! Et alors? Maintenant! Que veux-tu? dis-moi? Me supprimer à mon tour? Mais c’est é vident! Voilà ! C’est simple! Profiter!... Attendre!... Saisir le moment favorable!... Dé tente... Confiance... Et m’occire!... M’abolir!... M’annihiler!... Voilà ton programme!... Où avais-je l’esprit? Ah! Dé cidé ment Ferdinand! Ta nature! Ton destin sont plus sombres que le sombre É rè be!... Ô tu es funè bre Ferdinand! sans en avoir l’air! Tes eaux sont troubles! Que de monstres Ferdinand! dans les replis de ton â me! Ils se dé robent et sinuent! Je ne les connais pas tous!... Ils passent! Ils emportent tout!... La mort!... Oui! À moi! Auquel tu dois dix mille fois plus que la vie! Plus que le pain! Plus que l’air! Que le soleil mê me! La Pensé e! Ah! C’est le but que tu poursuis, reptile? N’est-ce pas! Inlassable! Tu rampais!... Divers... Ondoyant! Impré vu toujours!... Violences... Tendresse... Passion... Force... Je t’ai entendu l’autre jour!... Tout t’est possible, Ferdinand. Tout! l’enveloppe seule est humaine! Mais je vois le monstre! Enfin! Tu sais où tu vas? M’avait-on pré venu? Ah ç a oui! Les avis ne m’ont point manqué... Cautè le!... Sollicitude!... et puis soudain sans une syllabe douteuse... toutes les fré né sies assassines! Fré né sies!... La rué e des instincts! Ah! Ah! Mais c’est la marque mon ami! Le sceau absolu! La foudre du criminel... Le congé nital! Le pervers inné !... Mais c’est toi! Je l’ai là ! Soit! mon ami!... Soit! Devant toi, tu n’as pas un lâ che! Le foutriquet peut-ê tre que tu comptais terroriser? Ah mais non! Mais non! Je fais face à tout mon Destin! Je l’ai voulu! J’irai jusqu’au bout! Achè ve-moi donc si tu le peux!... Vas-y! Je t’attends! De pied ferme! Ose! Tu me vois bien? Je te dé fie, Ferdinand! Tu m’excites dirai-je! Tu m’entends! Tu m’exaspè res! Je ne suis pas dupe! Entiè rement conscient! Regarde l’Homme dans le blanc des yeux! J’avais é valué tous mes risques!... Le jour de ton accueil ici! Que ce soit ma suprê me audace! Allons vas-y! Frappe! Je fais face au crime! Fais vite!... »

Je l’ai laissé encore baver... je regardais ailleurs... les arbres... Au loin dans le jardin... les pelouses... les nourrices... la volé e des piafs qui sautillent à travers les bancs! le jet d’eau qui caracole!... dans les bouffé es de brise... Ç a valait mieux que de lui ré pondre!... Que me retourner mê me pour le voir... Il savait pas si bien dire... C’é tait juste au poil que j’y branle tout le presse-papiers dans la gueule... le gros mastoc, l’Hippocrate... il me grattait le dedans de la main... Il pesait au moins trois kilos... J’avais du mal... Je me contenais... J’avais du mé rite... Il continuait encore la tante!...

« Les jeunes gens au jour d’aujourd’hui ont le goû t du meurtre! Tout ç a Ferdinand! moi je peux te dire, ç a finit Boulevard Arago! Avec la cagoule mon ami! Avec la cagoule! Malheur de moi! Juste Ciel! J’aurais é té responsable!... »

J’en connaissais moi aussi des mots... Je me sentais monter la moutarde... Y en avait la coupe!... « Maî tre! Maî tre! allez donc chier! que je lui faisais au moment mê me. Allez chier tout de suite! Allez chier trè s loin! Moi, je ne vous tue pas! Moi, je vous dé culotte! Moi, je vais vous tatouer les fesses! Moi! comme trente-six bottes de pivoines... que je vais vous bâ cler le trou du cul! Et avec de l’odeur en plus! Ah! Voilà ce qui va vous advenir! Que vous dé conniez seulement qu’une petite traviole de plus! »

J’allais l’agrafer pour de bon... Il é tait vivace le bougre... Il carrait dans l’arriè re-boutique... Il voyait bien que c’é tait sé rieux! que j’avais fini de supporter... Il restait dans son bobino... Il tripotait ses barres fixes... Il me foutait la paix un moment... Il avait é té assez loin... Un peu plus tard, il repassait... Il traversait la boutique... Il prenait par le couloir à gauche, il filait en ville... Il remontait pas à son bureau... Enfin je pouvais bosser tranquille.

C’é tait pas une petite pause de recoudre, remboutir, rafistoler la moche enveloppe, reglinguer ensemble des piè ces qui ne tenaient plus... C’é tait un tracas infini... Surtout que pour mieux regarder de prè s je m’é clairais à l’acé tylè ne... Comme ç a dans la cave c’é tait extrê mement imprudent... auprè s des substances adhé sives... qui sont toujours pourries de benzine... Ç a dé goulinait de partout... Je me voyais dé jà torche vivante!... L’enveloppe du Zé lé c’é tait une pé rilleuse affaire, en maints endroits une vraie passoire... D’autres dé chirures! D’autres raccrocs! Toujours encore des plus terribles à chaque sortie, à chaque descente! À la traî né e d’atterrissages à travers labours!... Au revers de toutes les gouttiè res... Dans l’enfilade des mansardes, surtout les jours de vent du nord!... Il en avait laissé partout des grands lambeaux, des petits dé bris, dans les forê ts, aprè s les branches, entre les clochers! Les remparts... Il emmenait des cheminé es en tô le! des toits! des tuiles au kilo! des girouettes à chaque sortie! Mais les é ventrages les plus traî tres, les plus affreuses dé chirures, c’é tait les fois qu’il s’empalait sur un poteau té lé graphique!... Là souvent il se fendait en deux... Faut ê tre juste pour des Pereires il courait des fameux risques avec ses sorties aé riennes. La monté e toujours c’é tait extrê mement fantaisiste... ç a tenait toujours du miracle, à cause du gonflage minimum... Pour les raisons d’é conomie!... Mais ce qui devenait effroyable c’é tait les descentes avec tout son bastringue foireux... Heureusement y avait l’habitude! C’est pas le mé tier qui lui manquait. Il chiffrait dé jà, lui tout seul, au moment où je l’ai connu, 1422 ascensions! Sans compter celles en « captif »... Ç a lui faisait un joli total! Il avait toutes les mé dailles, tous les diplô mes, les brevets... Il connaissait tous les trucs, mais c’é tait ses atterrissages qui m’é blouissaient constamment... Je dois dire que c’é tait merveilleux comme il retombait sur ses pompes! Dè s que le bout du « rope » raclait la terre... que le fourbi ralentissait il se ramassait tout en boule au fond du panier... quand l’osier touchait la mouscaille... que tout le bordel allait rebondir... il sentait son moment exact... Il giclait comme un guignol... Il se dé roulait en bobine... un vrai jockey pour la chute... boudiné dans sa couverture, il se faisait rarement une atteinte... Il s’arrachait pas un bouton... Il perdait pas une seconde... Il partait dare-dare en avant... Il bagottait dans les sillons... Il se retournait plus... Il piquait derriè re le Zé lé ... tout en sonnant dans son petit bugle qu’il emportait en bandouliè re... Il faisait le raffut lui tout seul... la vache! Le cross durait trè s longtemps avant que tout le fourbi s’affaisse... Je le vois encore dans les sprints... C’é tait un spectacle de grande classe, en redingote, panama... Mes sutures autoplastiques faut dire les choses assez franchement... elles tenaient en l’air plus ou moins... mais il les aurait pas faites, par lui-mê me... Il é tait pas assez patient, il aurait tout bousillé encore davantage... C’é tait un art, à la fin, cette routine des reprises! Malgré des ruses infinies, ma grande ingé niosité, je dé sespé rais fort souvent sur cette garce enveloppe... Elle en voulait vraiment plus... Depuis seize ans, qu’on la sortait en toutes circonstances, à toutes les sauces, les tornades, elle tenait plus que par les surjets, des rafistolages é tranges... Chaque gonflement c’é tait un drame!... À la descente, à la tramé e, c’é tait encore pire... Quand il manquait toute une bande, j’allais faire un pré lè vement dans la vieille peau de l’Archimè de... Il é tait celui-là plus que des piè ces, des gros lambeaux dans un placard, en vrac, au sous-sol... C’é tait le ballon de ses dé buts, un « captif » entiè rement « carmin », une baudruche d’é norme envergure. Il avait fait vingt ans les foires!... J’y mettais bien de la minutie pour recoller tout, bout à bout, des scrupules intenses... Ç a donnait des curieux effets... Quand il s’é levait au « Lâ chez tout » le Zé lé au-dessus des foules, je reconnaissais mes piè ces en l’air... Je les voyais godailler, froncer... Ç a me faisait pas rire.

Mais en plus y avait les dé marches, les pré liminaires... Ce condé des ascensions c’é tait pas un nibé tout cuit!... Il faudrait pas croire... Ç a se pré parait, ç a se boutiquait, ç a se discutait des mois et des mois d’avance... Il fallait qu’on corresponde par tracts, par photographies. Semions la France de prospectus!... Repiquer tous les notables!... se faire salement agonir par les Comité s festoyeurs, toujours é normé ment radins... En plus donc des inventeurs nous recevions pour le Zé lé un courrier du tonnerre de Dieu!...



  

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