Хелпикс

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Note sur l’édition numérique. 28 страница



Je repense à papa... Je dé gouline de sueur et de la froide qui reste... J’en avale du nez... J’ai du sang... Il m’a arraché l’enfoiré !... J’ai pas appuyé... Jamais je l’aurais cru si faible, si mou... C’é tait la surprise... je suis é tonné... C’é tait facile à serrer... Je pense comment que je suis resté avec les mains prises devant, les doigts... la bave... et qu’il me té tait... Je peux plus m’arrê ter de tremblote... Je suis vibré dans toute la barbaque... Serrer voilà ! J’ai la grelotte dans la gueule... Je gé mis à force! Je sens maintenant tous les coups, tous les ramponneaux des autres vaches... C’est pas supportable la frayeur!... C’est le trou du cul qui me fait le plus mal... Il arrê te plus de tordre et de renfrogner... C’est une crampe atroce.

Dans la piaule comme ç a bouclé, é tendu tout le long sur le dallage, j’ai tremblé encore longtemps, je m’en allais cogner partout... J’allais choquer dans l’armoire... Je faisais un bruit de castagnettes... J’aurais jamais cru que je pouvais tenir dans l’inté rieur une tempê te pareille... C’é tait pas croyable comme saccades... Je cavalais comme une langouste... Ç a venait du fond... « Je l’ai estourbi! » que je me disais... J’en é tais de plus en plus certain et puis alors un moment j’ai entendu comme des pas... des gens qui discutaient le coup... Et puis qui poussaient le lit en haut...

« Ç a y est! Les voilà qui le transportent... » Aprè s encore un moment, j’ai entendu alors sa voix... La sienne!... Il é tait seulement sonné ! « J’ai dû lui dé foncer le cassis! Il va crever tout à l’heure!... » que je me suis mis à penser... Ç a va ê tre encore bien pire!... Toujours il é tait sur mon lit... J’entendais les ressorts... Enfin je savais rien. Et puis alors le cœ ur me soulè ve... Je commence à vomir... Je me poussais mê me pour me faire rendre... Ç a me soulageait é normé ment... J’ai tout dé gueulé... La grelotte m’a repris... J’en gigotais tellement fort, que je me reconnaissais plus... Je me trouvais é tonnant moi-mê me... J’ai vomi le macaroni... J’ai recommencé, ç a me faisait un violent bien. Comme si tout allait partir... Partout sur le carreau j’ai dé gueulé tout ce que j’ai pu... Je me poussais dans la contraction... Je me cassais en deux pour me faire rendre encore davantage et puis les glaires et puis de la mousse... Ç a filait... ç a s’é tendait jusque sous la porte... J’ai tout vomi la tambouille d’au moins huit jours auparavant et puis en plus de la diarrhé e... Je voulais pas appeler pour sortir... Je me suis traî né jusqu’au broc qu’é tait debout prè s de la cheminé e... J’ai chié dedans... Et puis je tenais plus d’é quilibre... J’avais la tê te qui tournait trop... Je me suis é croulé à nouveau, j’ai tout lâ ché sur le dallage... J’ai foiré encore... C’é tait une dé bâ cle marmelade...

Ils ont dû m’entendre farfouiller... Ils sont venus ouvrir... Ils ont jeté un œ il dans la piè ce... Ils ont refermé encore à clef... Aprè s peut-ê tre dix minutes, c’est l’oncle É douard qu’est entré... Il é tait absolument seul... J’avais pas remis ma culotte... j’é tais comme ç a en pleine cacade... Il avait pas peur de moi... « Rhabille-toi maintenant! qu’il m’a dit... Descends en avant, je t’emmè ne... » Il a fallu qu’il me donne la main... Je pouvais pas me reboutonner tellement que je tremblais de partout... Enfin j’ai fait comme il me disait... Je suis passé devant lui pour descendre... Y avait plus personne dans notre escalier, ni dans la boutique non plus. Tout le monde é tait dé biné... Ils devaient ê tre rentré s chez eux... Ils avaient de quoi raconter...

Au cadran, là -haut, sous le vitrage, il é tait quatre heures et quart... Il faisait dé jà un petit jour...

Au bout du Passage, on a fait relever le gardien pour qu’il ouvre la grille. « Vous l’emmenez alors? » qu’il a demandé à mon oncle...

— Oui! il va coucher chez moi!...

— Eh bien! à vous toute la chance! À votre bonne santé, cher Monsieur! Vous avez un beau phé nomè ne!... » qu’il a ré pondu.

Il a refermé derriè re nous et à double tour. Il est retourné dans sa turne. Il ramenait encore de loin: « Ah ben merde! Il est frais le coco! »

On a pris avec mon oncle toute la rue des Pyramides... On a traversé les Tuileries... Arrivé s au Pont Royal, j’avais toujours la tremblote... Le vent du fleuve, il ré chauffe pas. Alors, tout en avanç ant, il m’a raconté l’oncle É douard comment ils é taient venus le chercher... C’é tait Hortense, paraî t-il... Il é tait dé jà endormi... C’é tait pas tout prè s son bled... C’é tait plus loin que les Invalides, derriè re l’É cole Militaire... rue de la Convention, avant la rue de Vaugirard... J’osais pas demander d’autres dé tails... On marchait tout à fait vite... Et puis je pouvais pas me ré chauffer... Je claquais toujours des dents...

« Ton pè re va mieux! qu’il m’a fait un moment donné... Mais il restera sû rement couché encore deux ou trois jours... Il ira pas au bureau... Le docteur Capron est venu... » C’est tout ce qu’il m’a dit.

On a pris par la rue du Bac et puis à droite jusqu’au Champ-de-Mars... C’é tait au diable son « garno »... Enfin on arrive... C’est là !... Il me le montre son domicile, une petite maison au fond d’un jardin... Au deuxiè me sa crè che... J’osais pas me plaindre de la fatigue... mais quand mê me je tenais plus en l’air... Je me rattrapais aprè s la rampe. Il faisait maintenant complè tement jour... Une crise m’a repris dans l’é tage, une nausé e terrible! Il me conduisit lui-mê me aux chiots... J’ai dé gueulé encore longtemps... Ç a revenait... Il sort un lit-cage du placard... Il ô te un matelas à son lit... Il m’installe dans une autre piè ce... Il me passe aussi une couverture... Je m’affale dessus... Il me dé shabille... Je crache encore tout un flot de glaires... Enfin, je m’endors par à -coups... C’est un cauchemar qui m’attrape... J’ai sommeillé que par sursauts...

La faç on qu’il s’est arrangé l’oncle É douard pour que mon pè re insiste plus... Qu’il me foute entiè rement la paix... Je l’ai jamais sue exactement... Je crois qu’il a dû lui faire comprendre que son truc disciplinaire, de m’envoyer à la Roquette, c’é tait pas encore si peinard... Que j’y resterais peut-ê tre pas toujours!... Que je m’é chapperais peut-ê tre tout de suite... exprè s pour venir le buter... et puis qu’alors cette fois-là je le ratatinerais pour le compte... Enfin il s’est dé brouillé !... Il m’a pas fait de confidences... Je lui en demandais pas non plus.

Chez l’oncle, son logement, c’é tait gentiment situé, c’é tait riant, agré able... Ç a dominait sur les jardins rue de Vaugirard, rue Maublanc... Y en avait des ribambelles de petits bosquets, de potagers, devant et derriè re... Ç a grimpait les chè vrefeuilles tout autour des fenê tres en faç ades... Chacun avait son petit carré entre les maisons, radis, salades et mê mes tomates... et de la vigne! Ç a me rappelait tout ç a ma laitue... Elle m’avait pas porté bonheur! Je me sentais faible extrê mement comme si je relevais d’une maladie. Mais dans un sens je me trouvais mieux. Je me sentais plus du tout traqué au domicile de l’oncle É douard! Je recommenç ais à respirer!...

Dans sa chambre à lui, il y avait comme embellissement, des sé ries entiè res de cartes, é pinglé es en é ventails, en fresques, en guirlandes... Les « Rois du volant »... Les « Rois de la pé dale » et les « Hé ros de l’aviation »... Il se les payait toutes au fur et à mesure... Son projet final c’é tait que ç a forme une tapisserie, que ç a recouvre entiè rement les murs... Ç a serait plus bien long à pré sent... Paulhan et sa petite calotte en fourrure... Rougier, le grand tarin tordu... Petit-Breton, mollet d’acier, maillot de zè bre!... Farman, la barbe... Santos-Dumont, fœ tus intré pide!... Le vicomte Lambert, spé cialiste de la tour Eiffel... Latham, le grand dé sabusé !... La « Panthè re noire » Mac Namara... Sam Langford le tout en cuisses!... Une centaine d’autres gloires encore... aussi de la boxe forcé ment!...

On avait pas la mauvaise vie... On s’arrangeait pas mal du tout... Mon oncle, en rentrant de son business et des mille dé marches pour sa pompe il me parlait des « é vents » sportifs... Il supputait tous les risques... Il connaissait toutes les faiblesses, les tics, les astuces des champions... On dé jeunait, on dî nait sur la toile ciré e, on faisait la tambouille ensemble... On discutait le coup en dé tail, les chances de tous les favoris...

Le dimanche, on é tait gonflé s... Sur les dix heures du matin, dans la grande Galerie des Machines c’é tait fantastique comme coup d’œ il... On arrivait bien en avance... On se piquait là -haut dans le virage... On s’embê tait pas une seconde... Il bagottait sec l’oncle É douard, d’un bout de la semaine à l’autre... C’é tait un é cureuil aussi... C’é tait pas encore au point absolument comme il voulait son histoire de pompe... Il avait mê me beaucoup d’ennuis à cause des brevets... Il comprenait pas trè s bien les difficulté s... Ç a venait surtout de l’Amé rique... Mais de bonne ou de mauvaise humeur il me faisait jamais des discours... Jamais il parlait de sentiments... C’est ce que j’estimais bien chez lui... En attendant, il m’hé bergeait. Je demeurais dans sa seconde piè ce. Mon sort é tait en suspens. Mon pè re voulait plus me revoir... Il continuait ses bafouillages... Ce qu’il aurait voulu par exemple c’est que je parte au ré giment... Mais j’avais pas encore l’â ge... Je comprenais tout ç a par bribes... L’oncle, il aimait pas qu’on en cause... Il aimait mieux parler des sports, de sa pompe, de boxe, d’ustensiles... de n’importe quoi... Les sujets brû lants ç a lui faisait mal... et à moi aussi...

Tout de mê me à propos de ma mè re, il devenait un peu plus bavard... Il me ramenait comme ç a des nouvelles... Elle pouvait plus marcher du tout... Je tenais pas beaucoup à la revoir... À quoi ç a aurait servi?... Elle disait toujours les mê mes choses... Enfin le temps a passé... Une semaine, puis deux, puis trois... Ç a pouvait pas s’é terniser... Je pouvais pas prendre des racines... Il é tait gentil, mon oncle, mais pré cisé ment... Et puis alors comment vivre? Rester toujours à sa charge?... C’é tait pas sé rieux... J’ai fait une petite allusion... « On verra plus tard! », qu’il a ré pondu... C’é tait pas du tout pressé... Qu’il s’en occupait...

Il m’a appris à me raser... Il avait un systè me spé cial, subtil et moderne et remontable dans tous les sens et mê me à l’envers... Seulement alors si dé licat, que c’é tait un blot d’ingé nieur quand il fallait changer la lame... Ce petit rasoir si sensible c’é tait un autre nid à brevets, une vingtaine en tout, m’a-t-il expliqué.

C’est moi qui pré parais la table, qu’allais chercher les provisions... Je suis resté comme ç a dans l’attente et la fainé antise encore presque un mois et demi... à me pré lasser comme une gonzesse... Jamais ç a m’é tait arrivé... Je faisais aussi la vaisselle. Y avait pas d’excè s au chiffon!... Aprè s, je me promenais où je voulais... Exactement!... C’é tait une affaire!... J’avais pas un but commandé... Rien que des vé ritables balades... Il me le ré pé tait tous les jours, avant de sortir, l’oncle É douard. « Va te promener! Va donc Ferdinand! Comme ç a droit devant toi... T’occupe pas du reste!... Va par où ç a te fera plaisir!... Si t’as un endroit spé cial, vas-y! Vas-y donc! Jusqu’au Luxembourg si tu veux!... Ah! Si j’é tais pas si pris... J’irais moi voir jouer à la Paume... J’aime ç a moi la Paume... Profite donc un peu du soleil... Tu regardes rien, t’es comme ton pè re!... » Il demeurait encore un instant. Il bougeait plus, il ré flé chissait... Il a rajouté... « Et puis tu reviendras tout doucement... Je rentrerai ce soir un peu plus tard... » Il me donnait en plus un petit flouze, des trente sous, deux francs... « Entre donc dans un ciné ma... si tu passes par les boulevards... T’as l’air d’aimer ç a les histoires... »

De le voir aussi gé né reux... et moi de lui rester sur le râ ble, ç a commenç ait à me faire moche... Mais j’osais pas trop raisonner. J’avais trop peur qu’il se formalise... Depuis toute cette comé die je me gafais dur des consé quences... J’attendrais donc encore un peu que ç a se rambine de soi-mê me... Pour ne pas occasionner des frais je lavais tout seul mes chaussettes pendant le temps qu’il é tait sorti... Chez lui c’é tait disposé, par les piè ces en enfilade, mais les unes assez loin des autres. La troisiè me, prè s de l’escalier, elle é tait curieuse, ç a faisait comme un petit salon... mais presque avec rien dedans... une table au milieu, deux chaises et un seul tableau sur le mur... Une reproduction, une immense, de L’Angé lus de Millet... Jamais j’en ai vu d’aussi large!... Ç a tenait tout le panneau entier... « C’est beau ç a hein, Ferdinand? » qu’il demandait l’oncle É douard à chaque fois qu’on passait devant pour aller à la cuisine. Parfois on demeurait un instant pour le contempler en silence... On parlait pas devant L’Angé lus... C’é tait pas les « Rois du volant »!... C’é tait pas pour les bavardages!

Je crois qu’au fond l’oncle, il devait se dire que ç a me ferait joliment du bien d’admirer une œ uvre pareille... Que pour une vacherie comme la mienne c’é tait comme un genre de traitement... Que peut-ê tre ç a m’adoucirait... Mais il a jamais insisté... Il se rendait tout à fait compte des choses dé licates... Il en parlait pas, voilà tout... C’é tait pas seulement un homme pour la mé canique l’oncle É douard... Faudrait pas confondre... Il é tait extrê mement sensible on peut pas dire le contraire... C’est mê me enfin à cause de ç a que j’é tais de plus en plus gê né... Ç a me tracassait de plus en plus de rester là comme un plouc à goinfrer sa croû te... Un vrai sagouin culotté... Merde!... Ç a suffisait...

Je lui ai demandé une fois de plus, je me suis risqué, si y aurait pas d’inconvé nient à ce que je me remette en campagne... que je relise un peu les « annonces »... « Reste donc par ici! qu’il m’a fait... T’es pas bien? Tu souffres de quelque chose, mon zouave? Va donc te promener! Ç a te vaudra mieux!... Te mê le de rien!... Tu vas te refoutre dans tes andouilles!... C’est moi qui vais te trouver le boulot! Je m’en occupe suffisamment! Laisse-moi faire tranquille! Fourre pas ton blaze de ce cô té -là ! T’as encore trop la pé tasse! Tu peux seulement que tout bousiller... T’es trop nerveux pour l’instant! Et puis je me suis entendu avec ton pè re et ta mè re... Va encore faire des balades... Ç a durera sû rement pas toujours! Va par les quais jusqu’à Suresnes! Prends le bateau, tiens! Change-toi d’air! Y a rien de meilleur que ce bateau-là ! Descends à Meudon si tu veux! Change-toi les idé es!... Dans quelques jours je te dirai... Je vais avoir quelque chose de trè s bien!... Je le sens!... J’en suis sû r!... Mais il faut rien brutaliser!... Et j’espè re que tu me feras honneur!...

— Oui mon oncle!... »

Des hommes comme Roger-Marin Courtial des Pereires on en rencontre pas des bottes... J’é tais encore, je l’avoue, bien trop jeune à cette é poque-là pour l’appré cier comme il fallait. C’est au Gé nitron le pé riodique favori (vingt-cinq pages) des petits inventeurs-artisans de la Ré gion Parisienne que mon oncle É douard eut la bonne fortune de faire un jour sa connaissance... Toujours à propos de son systè me pour l’obtention d’un brevet, le meilleur, le plus hermé tique, pour tous genres de pompes à vé los... Pliables, emboutibles, souples ou ré versibles.

Courtial des Pereires, il faut bien le noter tout de suite, se distinguait absolument du reste des menus inventeurs... Il dominait et de trè s haut toute la ré gion cafouilleuse des abonné s du Pé riodique... Ce magma grouillant de raté s... Ah! non! Lui Courtial Roger-Marin, c’é tait pas du tout pareil! C’é tait un vé ritable maî tre!... C’é tait pas seulement des voisins qui venaient pour le consulter... C’é tait des gens de partout: de Seine, Seine-et-Oise, des abonné s de la Province, des Colonies... de l’É tranger voire!...

Mais fait remarquable, Courtial dans l’intimité n’é prouvait que du mé pris, dé goû t à peine dissimulable... pour tous ces tâ cherons minuscules, ces mille encombreurs de la Science, tous ces calicots dé voyé s, ces mille tailleurs oniriques, trafiqueurs de goupilles en chambre... Tous ces livreurs é tourdis, toujours saqué s, traqué s, cachectiques, acharné s du « Perpé tuel » de la quadrature des mondes... du « robinet magné tique »... Toute l’infime pullulation des cafouillards obsé dé s... des trouvailleurs de la Lune!...

Il en avait marre d’eux tout de suite, rien qu’à les regarder un peu, les entendre surtout... Il é tait contraint de faire bonne mine pour les inté rê ts du cancan... C’é tait sa routine, son casuel... Mais c’é tait sale et pé nible... Encore s’il avait pu se taire!... Mais il devait les ré conforter! les flatter! Les é vincer tout doucement... selon le cas et la manie... et surtout leur prendre une obole!... C’é tait à qui le premier parmi tous ces forcené s, ces effroyables miteux s’é chapperait un peu plus tô t... Encore cinq minutes!... De son garno... de son é choppe... de l’omnibus, de la soupente... le temps de pisser... pour foncer encore plus vite jusqu’au Gé nitron... s’é crouler là, devant le bureau à des Pereires en rupture de chaî nes... Haletant... hagard... crispé... de frayeur, agiter encore la marotte... poser encore à Courtial des colles infinies... toujours et quand mê me à propos des « moulins solaires »... de la jonction des « petites effluves »... du recul de la Cordillè re... de la translation des comè tes... tant qu’il restait un pet de souffle au fond de la musette fantasque... jusqu’au dernier soubresaut de l’infecte carcasse... Courtial des Pereires, secré taire, pré curseur, proprié taire, animateur du Gé nitron, avait toujours ré ponse à tout et jamais embarrassé, atermoyeur ou dé confit!... Son aplomb, sa compé tence absolue, son irré sistible optimisme le rendaient invulné rable aux pires assauts des pires conneries... D’ailleurs, il ne supportait jamais les longues controverses... Tout de suite, il bloquait, il prenait lui-mê me le commandement des dé bats... Ce qui é tait dit, jugé, entendu... l’é tait finalement et une sacré e fois pour toutes!... Il s’agissait pas d’y revenir... ou bien, il se fâ chait tout rouge... Il carambouillait son faux col... Il explosait en postillons... Il lui manquait d’ailleurs des dents, trois sur le cô té... Ses verdicts, dans tous les cas, les plus subtils, les plus douteux, les mieux sujets aux ergotages devenaient des vé rité s massives, galvaniques, irré futables, instantané es... Il suffisait qu’il intervienne... Il triomphait d’autorité... La chicane existait plus!

Au moindre soupir divergent il laissait cours à son humeur et le consultant martyr ne pesait pas lourd dans la danse!... Retourné à l’instant mê me, é crabouillé, dé confit, massicoté, é vaporé sans appel!... C’é tait plus qu’une fantasia, une voltige sur un volcan!... Il en voyait trente-six chandelles, le pauvre effronté !... Courtial aurait fait, dans ce cas-là, tellement qu’il é tait impé rieux dè s qu’il se mettait en colè re, recroqueviller dans sa poche le plus insatiable des maniaques, il l’aurait fait tout de suite dissoudre dans un trou de souris.

Il é tait pas gros Courtial, mais vivace et bref, et petit costaud. Il annonç ait lui-mê me son â ge plusieurs fois par jour... Il avait cinquante piges passé es... Il tenait encore bon la rampe grâ ce aux exercices physiques, aux haltè res, massues, barres fixes, tremplins... qu’il pratiquait ré guliè rement et surtout avant le dé jeuner, dans l’arriè re-boutique du journal. Il s’é tait amé nagé là un vé ritable gymnase entre deux cloisons. Ç a faisait exigu forcé ment... Cependant, il é voluait aux agrè s tel quel... Dans les barres... avec une aisance é tonnante... C’é tait l’avantage de sa taille qu’il pivotait comme un charme... Ou il butait par exemple et mê me avec brutalité c’est quand il prenait son é lan autour des anneaux... Il é branlait dans le cagibi comme un battant de cloche! Baoum! Baoum! On l’entendait sa voltige! Jamais je l’ai vu au plus fort de la chaleur ô ter une seule fois son froc, ni sa redingote, ni son col... Seulement ses manchettes et sa cravate à systè me.

Il avait, Courtial des Pereires, une raison majeure de se maintenir en parfaite forme. Il fallait qu’il garde soigneusement son physique et sa souplesse. Il en avait nettement besoin... En plus d’ê tre comme ç a inventeur, auteur, journaliste, il montait souvent en sphé rique... Il donnait des exhibitions... Le dimanche surtout, dans les fê tes... Ç a gazait presque toujours bien, mais quelquefois y avait du pé tard, des é motions pas ordinaires... Et puis c’é tait pas encore tout!... De cent maniè res diffé rentes son existence fort pé rilleuse, farcie d’impré vus, lui mé nageait des surprises... Il avait toujours connu ç a! C’é tait sa nature!... Il m’a expliqué ce qu’il voulait...

« Les muscles, Ferdinand, sans l’esprit, c’est mê me pas du cheval! Et l’esprit quand y a plus les muscles c’est de l’é lectricité sans pile! Alors tu sais plus où la mettre! Ç a s’en va pisser partout! C’est du gaspillage... C’est la foire!... » C’é tait son avis. Il avait d’ailleurs ré digé sur ce mê me sujet quelques ouvrages fort concluants: La pile humaine. Son entretien. Il é tait « culturiste » comme tout et bien avant que le mot existe. Il voulait la vie diverse... « Je veux pas finir en papier! » Voilà comment il me causait.

Il aimait ç a, lui, les sphé riques, il é tait aé ronaute presque de naissance, depuis sa toute premiè re jeunesse avec Surcouf et Barbizet... des ascensions trè s instructives... Pas des performances! ni des raids! ni des bouleversantes randonné es! Non! rien de tapageur, de pharamineux! d’insolite! Il les avait en horreur lui, les chienlits de l’atmosphè re!... Que des envols dé monstratifs! des ascensions é ducatives!... Toujours scientifiques!... C’é tait sa formule absolue. Ç a faisait du bien pour son journal, ç a complé tait son action. Chaque fois qu’il avait ascendu, il rapportait des abonné s. Il possé dait un uniforme pour monter dans la nacelle, il y avait droit sans conteste comme capitaine à trois galons, aé ronaute « fé dé ratif, breveté, agré gé ». Il comptait plus ses mé dailles. Sur son costard le dimanche, ç a lui faisait comme une carapace... Lui-mê me il s’en foutait pas mal, il é tait pas ostentatoire, mais pour l’assistance ç a comptait, il fallait du dé corum.

Jusqu’au bout, qu’il est resté Courtial des Pereires, dé fenseur ré solument des « beaucoup plus lé gers que l’air ». Il pensait dé jà aux hé liums! Il avait trente-cinq ans d’avance! C’est pas peu dire! Le Zé lé son vé té ran, son grand sphé rique personnel, il reposait entre les sorties dans la cave mê me du bureau, au 18 Galerie Montpensier. On ne le sortait en gé né ral que le vendredi avant dî ner pour pré parer les agrè s, rafistoler toute la trame avec d’infinies pré cautions, les plis, les enveloppes, les ficelles remplissaient le gymnase miniature, la soie boursouflait dans les courants d’air.

Lui, non plus, Courtial des Pereires, il arrê tait jamais de produire, d’imaginer, de concevoir, ré soudre, pré tendre... Son gé nie lui dilatait dur le cassis du matin au soir... Et puis mê me encore dans la nuit c’é tait pas la pause... Il fallait qu’il se cramponne ferme contre le torrent des idé es... Qu’il se garde à carreau... C’é tait son tourment sans pareil... Au lieu de s’assoupir comme tout le monde, les chimè res le poursuivant, il enfourchait d’autres lubies, des nouveaux dadas!... Vroutt!... L’idé e de dormir s’enfuyait!... ç a devenait vraiment impossible... Il aurait perdu tout sommeil s’il ne s’é tait pas ré volté contre tout l’afflux des trouvailles, contre ses propres ardeurs... Ce dressage de son gé nie lui avait coû té plus de peine, de vrais surhumains efforts que tout le reste de son œ uvre!... Il me l’a souvent ré pé té !...

Quand il é tait quand mê me vaincu, aprè s bien des ré sistances, qu’il se sentait comme dé bordé par ses propres enthousiasmes, qu’il commenç ait à y voir double, à y voir triple... à entendre des drô les de voix... il avait plus guè re qu’un moyen pour ré primer ces virulences, pour retomber dans la cadence, pour reprendre toute sa bonne humeur, c’é tait un petit coup d’ascension! Il se payait un tour dans les nuages! S’il avait eu plus de loisirs, il serait monté bien plus souvent, presque tous les jours en somme, mais c’é tait pas compatible avec le roulement du canard... Il pouvait monter que le dimanche... Et dé jà c’é tait compliqué... Le Gé nitron l’accaparait, sa permanence c’é tait là ! Y avait pas à plaisanter... Les inventeurs c’est pas des drô les... Toujours à la disposition! Il s’y collait courageusement, rien ne rebutait son zè le, ne dé concertait sa malice... ni l’abracadabrant problè me, ni le colossal, ni l’infime... Avec des grimaces, il digé rait tout... Depuis le « fromage en poudre », l’« azur synthé tique », la « valve à bascule », les « poumons d’azote », le « navire flexible », le « café -crè me comprimé » jusqu’au « ressort kilomé trique » pour remplacer les combustibles... Aucun des essentiels progrè s, en des domaines si divers, n’entra dans la voie pratique, sans que Courtial eû t l’occasion, à maintes reprises à vrai dire, d’en dé montrer les mé canismes, d’en souligner les perfections, et d’en ré vé ler aussi toujours impitoyablement les honteuses faiblesses et les tares, les alé as et les lacunes.



  

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