Хелпикс

Главная

Контакты

Случайная статья





Note sur l’édition numérique. 26 страница



Capron s’est ramené dare-dare... Il a pu seulement constater... Il a levé les deux bras au ciel... L’abcè s se formait certainement... L’articulation é tait prise, tumé fié e dé jà... Courage ou pas, c’é tait du mê me!... Elle pouvait plus remuer son derriè re, se changer de cô té, se soulever mê me d’un centimè tre... Elle en poussait des cris atroces... Elle en finissait plus de gé mir, pas tant à cause de sa souffrance, elle é tait dure comme Caroline, mais d’ê tre vaincue par son mal.

C’é tait une terrible dé bâ cle.

Il a bien fallu forcé ment qu’on l’embauche la femme de mé nage!... On a pris des autres habitudes... L’existence dé sorganisé e... Maman restait sur le lit, mon pè re et moi on faisait le plus gros, le balayage, les tapis, le devant de la porte, la boutique avant de partir le matin... C’é tait bien fini d’un seul coup la flâ nerie, l’hé sitation, les tortillements... Il fallait que je me dé pê tre, que je m’en trouve vite un boulot. À la six-quatre-deux!...

La femme de mé nage, Hortense, elle venait qu’une heure le tantô t et puis deux heures aprè s dî ner. Toute la journé e elle servait dans une é picerie, rue Vivienne à cô té de la Poste. C’é tait une personne de confiance... chez nous elle faisait un supplé ment... Elle avait eu de la dé veine, il fallait qu’elle turbine double, son mari avait tout perdu en voulant s’é tablir plombier. En plus elle avait ses deux mô mes et une tante encore à sa charge... C’é tait pas la pause... Elle racontait tout à ma mè re, soudé e sur son plume. Avec mon pè re, un matin, on l’a descendue telle qu’elle. On l’a installé e sur une chaise. Il fallait faire bien attention pour la pas cogner dans les marches, ni la laisser choir. On l’a é tablie, coincé e, avec des coussins, dans un angle de sa boutique... qu’elle puisse ré pondre aux clients. C’é tait difficile... Et puis se soigner sans arrê t... Avec ses compresses « vulné raires »...

Question des attraits, Hortense, bien que travaillante à plein tube, pire qu’un bœ uf en somme, elle demeurait assez croustillante... Elle disait toujours elle-mê me qu’elle se privait de rien, surtout quant à la nourriture, mais c’est dormir qu’elle pouvait pas! elle avait pas le temps de se coucher... C’est le manger qui la soutenait et surtout les café s-crè me... Elle s’en tapait au moins dix dans une seule journé e... Chez le fruitier, elle bouffait comme quatre. C’é tait un numé ro, Hortense, elle faisait mê me rigoler ma mè re sur son lit de douleurs avec ses ragots. Mon pè re, ç a l’agaç ait beaucoup quand il me trouvait dans la mê me piè ce... Il avait peur que je la trousse... Je me branlais bien à cause d’elle, comme on se branle toujours, mais c’é tait vraiment pas mé chant, plus du tout comme en Angleterre... J’y mettais plus la fré né sie, c’é tait plus la mê me saveur, on avait vraiment trop de misè res pour se faire encore des prouesses... Salut! Merde! C’é tait plus l’entrain!... D’ê tre comme ç a sur le ballant avec la famille à la traî ne, c’é tait devenu la terreur... J’en avais la caboche farcie par les pré occupations... C’é tait encore un pire tintouin de me trouver une place à pré sent qu’avant que je parte à l’é tranger. Revoyant ma mè re en dé tresse je suis reparti à la chasse, à la repoursuite des adresses!... J’ai refait de fond en comble les boulevards, la cuve du Sentier, les confins de la Bourse... Sur la fin d’aoû t, ce coin-là, c’est sû rement le pire des quartiers... Y a pas plus moche, plus é touffant... J’ai repiqué dans tous les é tages avec mon col, ma cravate, mon « ressort papillon », mon canotier si blindé... J’ai pas oublié une seule plaque... à l’aller... en sens inverse... Jimmy Blackwell et Careston, Exportateurs... Porogoff, Transactionnaire... Tokima pour Caracas et Congo... Hé rito et Kugelprunn, nantissements pour Toutes les Indes...

Une fois de plus, je me trouvais fadé, farci, ré solu. Je me jetais un petit coup de peigne en m’engageant sous les voû tes. J’attaquais mon escalier. Je sonnais à la premiè re lourde et puis à une autre... Par exemple où ç a gazait plus, brusquement c’é tait pour ré pondre aux questions... S’ils me demandaient mes ré fé rences?... ce que je voulais faire dans la partie?... mes vé ritables aptitudes?... mes exigences?... Je me dé gonflais à la seconde mê me... je bredouillais, j’avais des bulles... je murmurais des minces dé faites et je me tirais à reculons... J’avais la panique soudaine... La gueule des inquisiteurs me refoutait toute la pé toche... J’é tais devenu comme sensible... J’avais comme des fuites de culot. C’é tait un abî me!... Je me trissais avec ma colique... Je repiquais quand mê me au tapin... J’allais resonner un autre coup dans la porte en face... c’é tait toujours les mê mes « affreux »... J’en faisais comme ç a, une vingtaine avant le dé jeuner... Je rentrais mê me plus pour la croû te. J’avais trop de soucis vraiment... J’avais en avance plus faim! j’avais trop horriblement soif... Je serais bientô t plus revenu du tout. Je sentais les scè nes qui m’attendaient. Ma mè re et toute sa douleur! Mon pè re dans sa mé canique, avec encore d’autres colè res, ses marmelades, ses hurlements dé traqué s... La mince perspective!... J’avais tous les compliments!... J’en gardais toute ma caille au cul!... Je restais sur le bord de la Seine, j’attendais qu’il soye deux heures... Je regardais les chiens se baigner... Je suivais mê me plus un systè me... Je prospectais au petit bonheur! J’ai farfouillé toute la rive gauche... Par le coin de la rue du Bac, je me suis relancé dans l’aventure... la rue Jacob, rue Tournon... Je suis tombé sur des entreprises qu’é taient presque abandonné es... Des comptoirs d’é chantillonneurs pour les merceries dé funtes... dans les provinces à recouvrer... Des fournisseurs d’objets si tristes que la parole vous manquait... Je leur ai fait quand mê me du charme... J’ai essayé qu’ils m’examinent chez un revendeur pour les chanoines... J’ai tenté tout l’impossible... Je me suis montré intré pide chez un grossiste en chasubles... J’ai bien cru qu’ils allaient me prendre dans une fabrique de candé labres... Je louchais dé jà. J’arrivais à les trouver beaux... Mais au moment tout s’é croulait! les abords de Saint-Sulpice m’ont finalement bien dé ç u... Ils avaient eux aussi leur crise... De partout, je me suis fait virer...

À force de pié tiner l’asphalte j’avais les nougats en tisons... Je me dé chaussais un peu partout. J’allais me les tremper en vitesse dans les cuvettes des lavabos. Je me dé chaussais en une seconde... J’ai fait la connaissance comme ç a d’un garç on de café qui souffrait de ses arpions encore davantage que moi. Il servait lui matin et soir et mê me plus tard, passé minuit, à l’é norme terrasse dans la cour de la Croix-Nivert, la Brasserie Allemande. Ses pompes lui faisaient souvent si mal, qu’il se versait des petits morceaux de glace à mê me les godilles... Je l’ai essayé moi son truc... Ç a fait du bien sur le moment, seulement aprè s c’est encore pire.

Ma mè re, elle est resté e comme ç a, avec sa jambe é tendue pendant plus de trois semaines encore, au fond de sa boutique. Il venait pas beaucoup de clients... Ce fut encore une raison de plus pour se faire une bile intense... Elle pouvait plus sortir du tout...

Y avait que les voisins qui entraient de temps à autre pour bavarder, pour lui tenir compagnie... Ils lui ramenaient tous les cancans... Ils lui montaient bien le bourrichon... À propos de mon cas, surtout, ils faisaient des ragots fumiers... Ç a les é nervait ces charognes de me voir à la traî ne. Pourquoi que je trouvais pas un boulot?... Hein? Ils arrê taient pas de demander... La faç on que je restais pour compte en dé pit de tant d’efforts, de sacrifices extraordinaires, c’é tait pas imaginable!... Ç a dé passait l’entendement!... Ah! Hein? C’é tait une é nigme!... De me voir ainsi sur le sable, ils en prenaient tous de la graine... Ah ç a oui! Ah parfaitement! Ils seraient pas eux cons comme mes vieux!... Ils commettraient pas la bé vue!... Ils le proclamaient ouvertement!... Ah nom de Dieu non! Ils se retourneraient pas la caille! Pour des loupiots qui s’en torchent... Ils s’empailleraient pas pour leurs mô mes! Ah que non! que non! À quoi ç a servait d’abord!... Surtout pour leur apprendre les langues! Ah! la sacré e nom de Dieu de farce! Ah! la rigolade! En faire des voyous, voilà tout! Nom de Dieu Ç a servait à rien!... La preuve? c’é tait bien visible! Y avait seulement qu’à me regarder... Un patron? J’en trouverais jamais!... Je les mettrais tous en dé fiance... J’avais pas le bon genre, voilà tout!... Eux qui me connaissaient depuis l’enfance, ils é taient tous bien persuadé s!... Oui.

Ma mè re, d’entendre des choses semblables, ç a l’effondrait totalement, surtout en plus de son é tat, de son abcè s si douloureux qui l’é lanç ait de plus en plus. Ç a lui tumé fiait à pré sent tout le cô té de la cuisse... D’habitude, elle se retenait quand mê me un petit peu de ré pé ter toutes ces conneries... Mais dans la souffrance comme ç a, d’une telle acuité, elle contrô lait plus ses ré flexes... Elle a tout redit à papa, rebavé presque mot à mot... Y avait dé jà bien longtemps qu’il avait pas piqué une crise... Il s’est jeté sur l’occasion... Il a recommencé à hurler que je l’é corchais vif, et ma mè re aussi, que j’é tais tout son dé shonneur, son opprobre irré mé diable, que j’é tais responsable de tout! Des pires malé fices! Du passé comme de l’avenir! Que je l’acculais au suicide! Que j’é tais un assassin d’un genre absolument inouï !... Il expliquait pas pourquoi... Il sifflait, soufflait tellement la vapeur, qu’il faisait un nuage entre nous... Il se tirait les peaux dans le fond du cuir dans les tifs... Il se labourait le crâ ne au sang... Il s’en retournait tous les ongles... À gesticuler en furie, il se bigornait dans les meubles... Il emportait la commode... C’é tait tout petit la boutique... Y avait pas de place pour un furieux... Il bute dans le porte-parapluies... Il fout par terre les deux potiches. Ma mè re veut les ramasser, elle se donne un terrible tour à sa jambe! Elle en pousse un cri si perç ant... si absolument atroce... que les voisins radinent en trombe!

Elle s’é tait presque trouvé e mal... On lui fait respirer des sels... Elle retrouve peu à peu ses sens... Elle recommence à respirer, elle se ré tablit sur ses chaises... « Ah! qu’elle nous fait... Il est crevé ! » C’é tait son abcè s!... Elle é tait heureuse, c’est Visios lui-mê me qui lui a fait sortir le pus. Il avait bien l’habitude. Il avait fait ç a souvent à bord des navires.

J’avais beau ê tre habillé extrê mement correct avec le col parfait carcan, tatanes toutes luisantes au chiffon, ma mè re en ré flé chissant comme ç a dans l’arriè re-boutique, ma mè re elle a dé couvert que c’é tait pas encore le rê ve... Qu’il me manquait encore du sé rieux, malgré ma montre, ma chaî ne brunie... Je gardais des allures voyou en dé pit de toutes les semonces... Ç a se voyait avec la monnaie, la faç on que je prenais les sous comme ç a en pleine poche!... Voilà qui faisait arsouillé ! Apache! Effroyable!

Sur-le-champ elle s’est avisé e... Elle a envoyé Hortense au bazar Vivienne... Pour nous ramener des commissions un parfait morlingue... Le fort crapaud cousu main, à multiples compartiments, article inusable... Elle m’a en plus fait cadeau de quatre piè ces de cinquante centimes... Mais je devais pas les dé penser!... Jamais!... C’é tait une é conomie... Pour me donner le goû t de l’é pargne!... Elle m’a mis aussi mon adresse, en cas d’accident sur la voie publique... Ç a lui faisait plaisir comme ç a. Moi j’ai pas fait d’objection.

Je l’ai vite soiffé ce petit pè ze en bocks à deux sous... Il a fait une chaleur infâ me pendant l’é té 1910. Heureusement du cô té du Temple, il é tait facile de se rincer... C’é tait pas cher sur les tré teaux, tout le long de la rue, la limonade à pleins trottoirs, les bistrots forains...

J’ai repris mes tentatives du cô té de la sertissure. C’est un vrai mé tier en somme que je connaissais quand mê me un peu... Je suis retourné vers le Marais... Sur le Boulevard, on n’y tenait plus! C’é tait tassé comme procession devant le Nè gre et la Porte Saint-Denis! On s’é crasait dans la fournaise... Les frimants du square des Arts, c’é tait encore pire! C’é tait plus la peine de s’asseoir, c’é tait plus qu’un gouffre de poussiè re... on râ lait rien qu’à respirer!... Y avait là en planque tous les placiers des environs avec leurs caisses et leurs marmottes... et leur roupiot à la godille, celui qui pousse la petite carriole... Ils restaient tous sur le rebord, affalé s, attendant l’heure d’affronter leur singe à l’é tage... Ils bandaient pas dur!... Ils faisaient une telle morte-saison, qu’ils pouvaient plus du tout se dé fendre... Mê me à quatre-vingt-dix jours, on n’en voulait plus nulle part, dans n’importe quelle tô le de leurs exemplaires!... Ils avaient l’allure é garé e... Ils se noyaient dans la brume de sable... Jamais ils referaient une seule commande avant le 15 octobre! C’é tait pas pour m’encourager... Ils pouvaient fermer leurs calepins! Je me fascinais sur leur dé tresse...

Moi, à force de demander partout si on connaissait pas de boulot, j’avais importuné tout le monde, j’avais regardé toutes les plaques, analysé tous les bottins et puis les annuaires. Je suis repassé rue Vieille-du-Temple... Je me suis promené au moins huit jours le long du canal Saint-Martin pour regarder toutes les pé niches... le doux mouvement des é cluses... Je suis retourné rue Elzé vir. À force de me pré occuper je me ré veillais en sursaut dans le milieu de la nuit... J’avais une obsession comme ç a, qui me possé dait de plus en plus fort... Ç a me tenaillait toute la bouille... Je voulais retourner chez Gorloge... Je ressentais là, tout d’un coup, un é norme remords, une honte irré sistible, la malé diction... Il me venait des idé es de paumé, je commenç ais des tours de sale con... Je voulais remonter chez Gorloge, me donner à eux tout franchement, m’accuser... devant tout le monde... « C’est moi qu’ai volé ! » que je dirais... « C’est moi qu’ai pris la belle é pingle! Le Ç â kya-Mouni tout en or!... C’est moi! C’est moi positivement! »... Je m’embrasais tout seul! Merde! Aprè s ç a, je me faisais, la poisse s’en ira... Il me possé dait le mauvais sort... par toutes les fibres du trognon! J’en avais tellement l’horreur que j’en grelottais constamment... Ç a devenait irré sistible... Bordel! Pour de vrai quand mê me à la fin je suis retourné devant leur maison... en dé pit de la chaleur d’é tuve, il me passait des froids dans les cô tes... J’avais dé jà la panique! Voilà que j’aperç ois la concierge... Elle me regarde bien, elle me reconnaî t de loin... Alors j’essaye de me rendre compte, de tâ ter comment je suis coupable... Je me rapproche de sa cambuse... Je vais lui dire tout d’abord à elle!... Merde!... Mais là, je peux plus... Je me dé concerte... Je fais demi-tour subito... Je me dé bine à grandes foulé es... Je recavale vers les boulevards... ç a va pas mieux!... Je me tenais comme un vrai « plouc »! J’avais la hantise... des extravagances foireuses... Je rentrais plus pour dé jeuner... J’emportais du pain, du fromage... J’avais sommeil le tantô t d’avoir si mal dormi la nuit... Tout le temps ré veillé par les songes... Fallait que je marche sans arrê t ou bien je somnolais sur les bancs... Ç a me tracassait encore quand mê me de quoi je pouvais bien ê tre coupable? Y devait y avoir là des motifs? Des pas ordinaires... J’avais pas assez d’instruction pour ré flé chir dans les causes... j’avais trouvé un autre endroit en dé ambulant, à force, pour me reposer l’aprè s-midi. À « Notre-Dame-des-Victoires » dans le pourtour des petites chapelles, à gauche en entrant... L’endroit é tait frais au possible... Je me sentais durement traqué par la guigne puante... On est mieux dans l’obscurité... Les dalles c’est bon pour les pompes... Ç a rafraî chit mieux que tout... Je me dé chaussais en douceur... Je restais comme ç a bien planqué... Dé jà c’est joli les cierges, ç a fait des buissons fragiles... tout fré tillants dans le grand velours sombre des voû tes... Ç a m’hallucinait... Peu à peu ç a m’endormait... Je me ré veillais aux petites sonnettes. Ç a ne ferme jamais forcé ment... C’est le meilleur endroit.

Je trouvais toujours des alibis pour rentrer plus tard encore... Une fois il é tait prè s de neuf heures... J’avais é té, pour me pré senter jusqu’à Antony... dans une usine de papiers peints. On demandait des coursiers dans le centre... C’é tait bien pour mes aptitudes... J’y suis retourné deux ou trois fois... Elle é tait pas prê te leur usine!... Pas encore bien terminé e... Enfin des salades!

Je ressentais un effroi immonde au moment de rentrer au Passage. Tous mes sous pour les tramways je les dilapidais en canettes... Alors je marchais de plus en plus... Il faisait aussi un é té absolument extraordinaire! Il avait pas plu depuis deux mois!..

Mon pè re il tournait comme un tigre devant sa machine... Dans mon plumard à cô té y avait plus moyen que je dorme tellement qu’il jurait sur le clavier... Il lui est sorti au dé but du mois de septembre toute une quantité de furoncles, d’abord sous les bras et puis ensuite derriè re le cou alors un vé ritable é norme, qu’est devenu tout de suite un anthrax. Chez lui, c’é tait grave les furoncles, ç a le dé moralisait complè tement... Il partait quand mê me au bureau... Mais on le regardait dans la rue, tout embobiné dans les ouates. Les gens se retournaient... Il avait beau s’ingé nier et prendre beaucoup de levure de biè re, ç a n’allait pas du tout mieux..

Ma mè re é tait fort inquiè te de le voir comme ç a en é ruption... De son cô té, à force de se poser des compresses et puis de rester immobile, son abcè s allait un peu mieux. Il suppurait abondamment, mais il avait bien dé gonflé. Il s’est vidé encore un peu... Alors, elle s’est remise debout, elle a pas voulu attendre que la plaie se referme, elle a recommencé tout de suite à s’agiter dans la crè che, à boquillonner à nouveau autour des objets et des chaises... Elle voulait surveiller Hortense, elle montait tous les escaliers, elle voulait plus qu’on la transporte. Elle se cramponnait à la rampe pour gravir les marches toute seule, elle arrivait à se hisser d’un é tage à l’autre pendant que nous é tions occupé s... Elle voulait refaire le mé nage, ranger la boutique, les bibelots...

Mon pè re, emmitouflé de pansements, il pouvait plus tourner la tronche, il é touffait dans les furoncles, mais il entendait bien quand mê me ma mè re à travers les é tages, qui chambardait d’une piè ce à l’autre, avec sa guibolle à la traî ne... Ç a l’horripilait plus que tout... Il dé fonç ait toute sa machine... Il s’en é corchait les deux poings tellement qu’il se foutait dans des rognes. Il lui criait de faire attention...

— Ah! nom de Dieu de Dieu, Clé mence! Tu m’entends quand mê me! Tonnerre de bordel! de bon sang! Veux-tu t’allonger, nom d’un foutre! Tu trouves que nous avons trop de veine! Tu trouves que ç a n’est pas assez? Bordel de bon Dieu d’existence!...

« Voyons, Auguste! Laisse-moi, je t’en prie... Ne t’occupe pas de mes affaires!... ne t’occupe pas de moi!... Je vais trè s bien! »

Elle lui faisait comme ç a la voix d’ange...

« C’est facile à dire! qu’il hurlait... C’est facile à dire! Nom de Dieu de sacré saloperie de Nom de Dieu de merde! Tonnerre! Vas-tu t’asseoir à la fin? »

Le matin j’avertis ma mè re...

« Dis donc, maman, aujourd’hui je serai pas revenu pour dé jeuner... Je m’en vais encore jusqu’aux Lilas... Demander un peu pour mon usine...

— Alors é coute, Ferdinand, qu’elle me ré pond comme ç a... J’ai bien pensé à une chose... Ce soir, je voudrais qu’Hortense me fasse la cuisine à fond... Ç a va faire au moins deux mois que c’est ré pugnant ses casseroles, l’é vier, les cuivres... Depuis que je suis malade, j’ai pas pu m’en occuper... Ç a sent le graillon jusqu’au troisiè me... Si je l’envoie aux commissions, elle va encore lambiner, me rester des heures dehors, elle est bavarde comme une pie!... Elle s’incruste chez la fruitiè re... Elle en finit plus. Toi, puisque tu passes par là, du cô té de la Ré publique... rentre donc un peu chez Carquois et ramè ne-moi pour ton pè re quatorze sous de leur trè s bon jambon... de la premiè re qualité... tu sais ce que je veux dire?... Du trè s frais et presque pas de gras... Tu le regarderas bien avant... Pour nous deux, il nous reste des nouilles, on les fera rebouillir un peu... et puis ramè ne-moi aussi trois cœ urs à la crè me en mê me temps et puis si tu peux te souvenir une laitue pas trop ouverte... Ç a m’é vitera de faire à dî ner... Tu te souviendras de ç a! De la biè re, nous en avons... Hortense va rapporter de la levure... Avec ton pè re et ses furoncles je crois que la salade c’est la meilleure chose pour le sang... Tu prendras avant de partir une piè ce de cent sous dans ma bourse sur la cheminé e de notre chambre. Compte surtout bien ta monnaie!... Sois bien rentré avant le dî ner!... Veux-tu que je t’é crive tout ç a! Par la chaleur je me mé fie des œ ufs pour ton pè re... Il a de l’enté rite... et puis des fraises aussi d’ailleurs... Moi-mê me, ç a me donne des rougeurs... alors lui avec ses nerfs!... Il vaut mieux faire attention... »

J’en savais assez, je pouvais m’en aller... J’ai pris les cent sous... Je suis sorti du Passage... Je suis resté un petit moment prè s du bassin square Louvois... Comme ç a sur un banc je ré flé chis... Pas plus de « Lilas » que de beurre au cul! Par contre, j’avais un petit tubard à propos d’un faç onnier, un petit bricoleur en chambre pour les accessoires d’é talage, les velours, les plaquettes. Quelqu’un m’en avait causé... Ç a se passait rue Greneta au n° 8... C’é tait bien par acquit de conscience!... Il devait ê tre environ neuf heures... Il faisait pas encore trop chaud... Je me dirige donc tout doucement. J’arrive à la porte... Je monte au cinquiè me... Je sonne, on m’entrouvre... La place é tait prise! Ç a va! Y avait pas à insister... Ç a me dé livrait d’un seul coup! Je redescends peut-ê tre deux é tages... Là, sur le palier du troisiè me je m’assois un petit instant, j’ô te mon col... Je ré flé chis encore... En y pensant, repensant bien, je possé dais une autre adresse, un maroquinier de luxe, tout au fin bout de la rue Meslay... C’é tait pas du pressé non plus... Je regarde le dé cor tout autour. Il é tait bien majestueux l’endroit... dé glingué par les planchers, ç a sentait vraiment mauvais à cause du moisi, des chiots... mais c’é tait tout de mê me des larges proportions, c’é tait grandiose... sû rement une ancienne demeure de miché s du Siè cle... Ç a se voyait aux dé corations, aux moulures, aux rampes entiè rement forgé es, aux marches en marbre et porphyre... C’é tait pas du toc!... Rien que du travail à la main!... Je les connaissais les choses de style! Merde! C’é tait vraiment magnifique!... Pas une patè re simili!... Ç a faisait comme un immense salon, où les gens s’arrê teraient plus... Ils entraient vite dans les turnes chercher leurs boulots dé gueulasses. C’é tait bien fini de regarder... C’é tait moi le souvenir!... Et l’odeur pourrie.

Là, juste auprè s de la fontaine je voyais tout le palier, j’é tais bien assis... J’en demandais pas davantage... Y avait mê me encore toutes les vitres qui dataient de l’é poque... des minuscules, des carré s couleurs, violets, vert bouteille, des roses... J’é tais donc là, extrê mement calme, les gens faisaient pas attention... Ils allaient à leurs turbins... Je mé ditais à ma journé e... Tiens! j’aperç ois une connaissance! un grand double mè tre, un barbichu qui montait... Il soufflait aprè s la rampe... C’é tait un repré sentant, un bon gars d’ailleurs... un vrai loustic. Je l’avais pas revu depuis chez Gorloge... Il se dé fendait dans les gourmettes..., Il me reconnaî t sur le palier... Il m’apostrophe d’une rampe à l’autre... Il me raconte ses petites histoires et puis il me demande à moi ce que je suis devenu depuis un an?... Je lui é numè re tous les dé tails... Il avait pas le temps de m’é couter, il partait tout juste en vacances... Au dé but de l’aprè s-midi... Il en é tait tout guilleret de la perspective... Il me quitte donc assez rapidement... Il bondit là -haut quatre à quatre... Il fonç ait chez son patron rentrer sa marmotte... Il avait juste ensuite le temps de sauter à la gare d’Orsay et de prendre le train pour la Dordogne... Il s’en allait pour huit jours. Il m’a souhaité bien de la chance... Je lui ai souhaité bien de l’amusement...

Mais il m’avait foutu la caille ce grand saucisson, avec son histoire de campagne... D’un seul coup, soudain, j’avais perdu toute ma contenance. Ah! Je ferais plus rien de ma journé e! J’en é tais absolument sû r!... Je pensais plus qu’aux batifoles, aux grands espaces, à la cambrousse! Merde! Il m’avait dé moralisé... Ç a me hantait subitement la manie de voir la verdure, les arbres, les plates-bandes... Je pouvais plus me contenir... Ç a me poussait en fré né sie! Tonnerre de putain de nom de Dieu!... Je me dis: « Je vais aller faire tout de suite mes commissions pour la croû te!... » Voilà comme je pense... « Aprè s j’irai aux Buttes-Chaumont!... D’abord dé barrassons-nous! Je rentrerai juste pour sept heures... Je serai libre tout l’aprè s-midi! » Bon!...



  

© helpiks.su При использовании или копировании материалов прямая ссылка на сайт обязательна.