Хелпикс

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Note sur l’édition numérique. 22 страница



Y avait des heures douces en promenade. Jonkind il é tait plutô t sage... Seulement fallait pas l’exciter... Il é tait plus tenable par exemple dè s qu’on croisait les militaires, les fanfares, les fortes musiques... Y en avait des quantité s autour de Chatham... et de la « flotte » aussi... Quand ils revenaient de l’exercice, ils soufflaient des airs cascadeurs, des conqué rants rigodons. Jonkind, ç a lui retournait les moelles... Il fonç ait dans le tas comme un dard... Il pouvait pas supporter... Ç a lui faisait l’effet du football... Il s’emportait dans les flonflons!

C’est vivace un ré giment, comme couleur et comme cadence, ç a se dé tache bien sur le climat... Ils é taient grenats les « musiques »... Ils ressortaient en pleine violence dans le ciel... sur les murs cachou... Ils jouent gonflé, cambré, musclé, ils jouent costaud les É cossais... Ils jouent marrant la cornemuse, ils jouent gaillard, ils jouent poilu comme des molletons...

On les suivait jusqu’aux « barracks », leurs tentes en plein champ... On dé couvrait d’autres campagnes, toujours derriè re les soldats... aprè s Stroude plus loin encore... de l’autre cô té d’une autre riviè re. On revenait toujours par l’é cole, celle des filles, derriè re la gare, on attendait leur sortie... On disait rien, on reluquait, on prenait des grands coups de visions... On redescendait par « l’Arsenal », le terrain spé cial en « mâ chefer », celui des « pros », les vrais « durs », ceux qui s’entraî nent à la cadence, sur buts « ré triqué s », pour la coupe Nelson. Ils crevaient toutes les baudruches, tellement qu’ils shootaient en force...

On rentrait nous le plus tard possible... J’attendais qu’il fasse vraiment nuit, que je voye toutes les rues allumé es, alors je suivais la High Street, celle qui finissait devant nos marches... C’é tait souvent aprè s huit heures... Le vieux nous attendait dans le couloir, il se permettait pas de ré flexions, il é tait à lire son journal...

Aussitô t qu’on arrivait, on passait à table... C’est Nora qui faisait le service... Il causait plus Merrywin... Il disait plus rien à personne... ç a devenait la vraie vie tranquille... Jonkind aussitô t la soupe, il se remettait à baver. On le laissait faire à pré sent. On l’essuyait plus qu’à la fin.

Aucun des gniards n’est revenu des vacances de Pâ ques. Il restait plus au Meanwell que Jonkind et moi. C’é tait un dé sert notre crè che.

Pour avoir moins d’entretien, ils ont fermé tout un é tage. L’ameublement s’est barré, fourgué, morceau par morceau, les chaises d’abord et puis les tables, les deux armoires et mê me les lits. Il restait que nos deux pageots. C’é tait la liquidation... Par exemple, on a mieux bouffé, sans comparaison!... Y en a eu de la confiture! Et en pots à volonté... on pouvait reprendre du pudding... Un ordinaire abondant, une mé tamorphose... jamais ç a s’é tait vu encore... Nora s’appuyait le grand turbin, mais elle faisait quand mê me la coquette. À table, je la retrouvais toute avenante, et mê me enjoué e si je peux dire.

Le vieux, il restait à peine, il se tapait la cloche trè s vite, il repartait sur son tricycle. C’est Jonkind qui animait toutes les parlotes, lui tout seul! No trouble! Il avait appris un autre mot! No fear! Il en é tait fier et joyeux. Ç a n’arrê tait pas! « Ferdinand! No fear! » qu’il m’apostrophait sans cesse, entre chaque bouché e...

Dehors, j’aimais pas qu’on me remarque... Je lui bottais un petit peu le train... Il me comprenait bien, il me foutait la paix... Pour sa ré compense, je lui donnais des cornichons. J’en emportais une ré serve, j’en avais toujours plein mes poches... C’é tait sa friandise exquise, avec ç a, je le faisais marcher... Il se serait fait crever en pickles...

Notre salon se dé plumait... Les bibelots sont barré s d’abord... et puis le divan capitonné rose, et puis les potiches, enfin pour finir les rideaux... Au milieu de la piè ce, les derniers quinze jours, il ne restait plus que le Pleyel, un gros noir, monumental...

Ç a me disait pas beaucoup de rentrer, puisqu’on avait plus trè s faim... On prenait des pré cautions, on emportait des provisions, on pillait un peu la cuistance au moment de sortir. Je me sentais plus pressé du tout... Mê me fatigué je me trouvais mieux dehors à baguenauder par-ci, par-là... On se reposait au petit bonheur... On se payait une derniè re station, sur les marches ou sur les rocailles, juste à la porte de notre jardin... Là où passait le grand escalier, la monté e du port, c’é tait presque sous nos fenê tres... On restait avec Jonkind, le plus tard possible, planqué s, silencieux.

On discernait bien les navires, de cet endroit-là, les venues, les rencontres du port... C’é tait comme un vrai jeu magique... sur l’eau à remuer de tous les reflets... tous les hublots qui passent, qui viennent, qui scintillent encore... Le chemin de fer qui brû le, qui tremblote, qui incendie par le travers les arches minuscules... Nora, elle jouait toujours son piano en nous attendant... Elle laissait la fenê tre ouverte... On l’entendait bien de notre cachette... Elle chantait mê me un petit peu... à mi-voix... Elle s’accompagnait... Elle chantait pas fort du tout... C’é tait en somme un murmure... une petite romance... Je me souviens encore de l’air... J’ai jamais su les paroles... La voix s’é levait tout doucement, elle ondoyait dans la vallé e... Elle revenait sur nous... L’atmosphè re au-dessus du fleuve, ç a ré sonne, ç a amplifie... C’é tait comme de l’oiseau sa voix, ç a battait des ailes, c’é tait partout dans la nuit, des petits é chos...

Tous les gens é taient passé s, tous ceux qui remontaient du boulot, les escaliers é taient vides... On é tait seuls avec no fear... On attendait qu’elle s’interrompe, qu’elle chante plus du tout, qu’elle ferme le clavier... Alors on rentrait.

Le piano à queue, il a plus existé longtemps. Ils sont venus le chercher les dé mé nageurs un lundi matin... Il a fallu qu’ils le dé mantibulent piè ce par piè ce... Avec Jonkind on a pris part à la manœ uvre... Ils ont agencé d’abord un vrai treuil au-dessus de la croisé e... Ç a passait mal par la fenê tre... Toute la matiné e, au salon, ils ont trafiqué des cordes, des poulies... Ils ont basculé la grande caisse par la vé randa du jardin... Je le vois encore le grand placard tout noir qui s’é lè ve dans l’air... au-dessus du panorama...

Nora, dè s le dé but du travail, elle est descendue en ville, elle est resté e tout le temps dehors... Elle devait faire peut-ê tre une visite?... Elle avait mis sa plus belle robe!... Elle est rentré e qu’assez tard... Elle é tait extrê mement pâ le...

Le vieux s’est ramené pour dî ner tout juste à huit heures... Il faisait ç a depuis plusieurs jours. Aprè s il remontait chez lui... Il é tait plus rasé du tout, ni dé barbouillé mê me, il é tait sale comme un peigne... Il sentait trè s aigrelet. Il s’est assis à cô té de moi... Il a commencé son assiette et puis il a pas terminé... Il se met à farfouiller son froc, les replis, tous les revers... Il retrousse sa robe de chambre... Il cherche dans les poches au fond... Il en avait la tremblote... Il rote des petits coups... Il bâ ille... Il ronchonne... Il le trouve enfin son papelard! C’é tait encore une missive, une recommandé e cette fois... Ç a faisait au moins la dixiè me qu’on recevait de mon pè re depuis la Noë l... Je ré pondais jamais... Merrywin non plus... On é tait bloqué s par le fait... Il me l’ouvre, il me la montre... Je regarde par acquit de conscience... Je parcours les pages et les pages... C’é tait copieux, documenté... Je recommence. C’é tait un vrai rappel formel!... C’é tait pas nouveau qu’ils m’engueulent... Non... Mais cette fois-ci y avait le billet!... un vrai retour par Folkestone!

Mon pè re, il é tait outré ! Dé jà on en avait reç u d’autres! Des presque semblables, des dé sespé ré es des lettres, des râ leuses, des radoteuses... des menaç antes... Le vieux, il les entassait aprè s la lecture, dans un petit carton exprè s... Il les classait bien soigneusement par ordre et par date... Il les remontait toutes dans sa piaule... Il hochait un peu la tê te, en papillotant des châ sses... C’é tait pas la peine qu’il commente... Ç a suffisait bien qu’il aye classé la babille!... À chaque jour suffit sa peine! Et toutes ses conneries... Seulement comme ultimatum c’é tait quand mê me diffé rent... Y avait un billet cette fois-ci... J’avais plus qu’à faire mes paquessons... Petit fiston ç a dé marre!... Ç a serait pour la semaine suivante... le mois finissait... Solde de tout compte!...

Nora semblait pas se rendre compte... elle restait comme absorbé e... Elle é tait ailleurs... Le vieux, il voulait qu’elle sache... Il lui a crié assez fort, pour qu’elle se ré veille. Elle est sortie de sa rê verie... Jonkind il chialait... Elle s’est levé e d’un coup, elle a recherché dans le carton, il a fallu qu’elle relise... Elle dé chiffrait à haute voix...

 

Je ne me berce plus d’illusions sur l’avenir que tu nous ré serves! nous avons, hé las, é prouvé à maintes reprises diffé rentes toute l’â preté, la vilenie de tes instincts, ton é goï sme effarant... Nous connaissons tous tes goû ts de paresse, de dissipation, tes appé tits quasi monstrueux pour le luxe et la jouissance... Nous savons ce qui nous attend... Aucune mansué tude, aucune considé ration d’affection, ne peut dé cidé ment limiter, atté nuer, le caractè re effré né, implacable de tes tendances... Nous avons, semble-t-il, à cet é gard tout mis en œ uvre, tout essayé ! Or, actuellement, nous nous trouvons à bout de force, nous n’avons plus rien à risquer! Nous ne pouvons plus rien distraire de nos faibles ressources pour t’arracher à ton destin!... À Dieu vat!...

Par cette derniè re lettre, j’ai voulu t’avertir, en pè re, en camarade, avant ton retour dé finitif, pour la premiè re fois, afin de te pré munir, pendant qu’il en est temps encore, contre toute amertume inutile; toute surprise, toute ré bellion superflue, qu’à l’avenir, tu ne devais plus compter que sur toi-mê me, Ferdinand! Uniquement sur toi-mê me! Ne compte plus sur nous! Je t’en prie! Pour assurer ton entretien, ta subsistance! Nous sommes à bout ta mè re et moi! Nous ne pouvons plus rien pour toi!...

Nous succombons litté ralement sous le poids de nos charges anciennes et ré centes... Aux portes de la vieillesse, notre santé, miné e dé jà par les angoisses continuelles, les labeurs harassants, les revers, les perpé tuelles inquié tudes, les privations de tous ordres, chancelle, s’effondre... Nous sommes in extremis mon cher enfant! Maté riellement, nous ne possé dons plus rien!... Du petit avoir, que nous tenions de ta grand-mè re, il ne nous reste rien!... absolument rien!... pas un sou! Tout au contraire! Nous nous sommes endetté s! Et tu sais dans quelles circonstances... Les deux pavillons d’Asniè res sont grevé s d’hypothè ques!... Au Passage, ta mè re, dans son commerce, se trouve aux prises avec de nouvelles difficulté s, que je pré sume insurmontables... Une variante, une saute brutale, absolument inattendue dans le cours des modes, vient de ré duire à rien nos chances d’une saison quelque peu ré muné ratrice!... Toutes nos pré visions sont dé joué es... Pour une fois dans notre vie, nous nous é tions payé s d’audace... Nous avions constitué, à grands frais, en rognant sur toutes nos dé penses et mê me sur notre nourriture au cours de ce dernier hiver, une vé ritable ré serve, un stock de bolé ros d’ « Irlande ». Or, brutalement! Sans aucun indice pré monitoire la faveur de la clientè le s’est ré solument dé tourné e, s’est mise à fuir litté ralement ces articles pour d’autres vogues, d’autres lubies... C’est à n’y plus rien comprendre! Une vé ritable fatalité s’acharne sur notre pauvre barque!... Il est à pré voir que ta mè re ne pourra se dé barrasser d’un seul de ces bolé ros! Et mê me à n’importe quels prix! Elle tente actuellement de les convertir en abat-jour! pour les nouveaux dispositifs é lectriques!... Futiles parades!... Combien cela peut-il durer? Où allons-nous? De mon cô té, à la Coccinelle, je dois subir quotidiennement les attaques sournoises, perfides, raffiné es dirai-je, d’une coterie de jeunes ré dacteurs ré cemment entré s en fonctions... Nantis de hauts diplô mes universitaires (certains d’entre eux sont licencié s), trè s forts de leurs appuis auprè s du Directeur gé né ral, de leurs alliances mondaines et familiales nombreuses, de leur formation trè s « moderne » (absence presque absolue de tout scrupule), ces jeunes ambitieux disposent sur les simples employé s du rang, tels que moi-mê me, d’avantages é crasants... Nul doute qu’ils ne parviennent (et fort rapidement semble-t-il) non seulement à nous supplanter, mais à nous é vincer radicalement de nos postes modestes!... Ce n’est plus, sans noircir aucunement les choses, qu’une simple question de mois! Aucune illusion à cet é gard!

Pour ma part, je m’efforce de tenir aussi longtemps que possible... sans perdre toute contenance et toute dignité... Je ré duis au minimum les chances et les risques d’un incident brutal dont je redoute les suites... Toutes les suites! Je me contiens!... je me contrains!... je me domine pour é luder toute occasion d’anicroche, d’escarmouche! Hé las! je n’y parviens pas toujours... Dans leur zè le ces jeunes « arrivistes » se livrent à de vé ritables provocations!... Je deviens moi-mê me une cible, un but à leur malignité !... Je me sens poursuivi par leurs entreprises, leurs sarcasmes et leurs incessantes saillies... Ils s’exercent à mes dé pens... Pourquoi? Je me perds en conjectures... Est-ce le seul fait de ma pré sence? Ce voisinage, cette hostilité persistante me sont, tu peux l’imaginer, atrocement douloureux. Au surplus, je me sens, toutes choses bien pesé es, vaincu d’avance dans cette é preuve d’entregent, d’astuce et de perfidie!... Avec quelles armes rivaliserais-je? Ne possé dant aucune relation personnelle ou politique, parvenu presque au bout de mon rouleau, n’ayant ni fortune ni parents, ne possé dant pour tout atout dans mon jeu que l’acquis des services rendus honnê tement, scrupuleusement, pendant vingt et deux anné es consé cutives à la Coccinelle, ma conscience irré prochable, ma parfaite probité, la notion trè s pré cise, indé fectible de mes devoirs... Que puis-je attendre? Le pire é videmment... Ce lourd bagage de vertus sincè res me sera compté, j’en ai peur, plutô t à charge qu’à cré dit, le jour où se ré gleront mes comptes!... J’en ai l’absolu pressentiment, mon cher fils!...

Si ma position devient intenable? (et elle le devient rapidement), si je suis é vincé, une fois pour toutes? (un pré texte suffira! il est de plus en plus souvent question d’une ré organisation totale de nos services). Que deviendrons-nous? Avec ta mè re nous ne songeons point à cette é ventualité sans é prouver de terribles et justifié es angoisses! une vé ritable é pouvante!...

À tout hasard, dans un ultime sursaut dé fensif, je me suis attelé (derniè re tentative! ) à l’apprentissage de la machine à é crire, hors du bureau bien entendu, pendant les quelques heures que je peux encore soustraire aux livraisons et aux courses pour notre magasin. Nous avons loué cet instrument (amé ricain) pour une duré e de quelques mois (encore des frais). Mais de ce cô té non plus je ne me berce d’aucune illusion!... Ce n’est pas à mon â ge, tu t’en doutes, que l’on s’assimile aisé ment une technique aussi nouvelle! d’autres mé thodes! d’autres maniè res! d’autres pensé es! Surtout accablé s, comme nous le sommes d’avatars continuels! indé finiment tourmenté s!... Tout ceci nous porte à envisager notre avenir, mon cher fils, sous tes aspects les plus sombres! et nous n’avons sans aucun doute, sans aucune exagé ration, plus une seule faute à commettre! mê me la plus minime imprudence!... Si nous ne voulons point finir notre existence ta mè re et moi, dans le plus complet dé nuement!

Nous t’embrassons, mon cher enfant! Ta mè re se joint encore à moi, encore une fois! pour t’exhorter! te supplier! t’adjurer avant ton retour d’Angleterre (si ce n’est point dans notre inté rê t, ni par affection pour nous, au moins dans ton inté rê t personnel), de prendre quelque dé termination courageuse et la ré solution surtout de t’appliquer dé sormais corps et â me au succè s de tes entreprises.

Ton pè re affectueux: AUGUSTE.

P. -S. — Ta mè re me charge de t’annoncer le dé cè s de Mme Divonne, survenu lundi dernier, en son asile, au Kremlin-Bicê tre.

Elle é tait alité e depuis plusieurs semaines. Elle é tait atteinte d’emphysè me et d’une affection cardiaque. Elle a peu souffert. Pendant les tout derniers jours, elle a sommeillé constamment... Elle n’a pas senti venir la mort. Nous avions é té la voir, la veille, le tantô t.

Le lendemain, il devait ê tre à peu prè s midi, on é tait tous les deux dans le jardin Jonkind et moi-mê me, on attendait le dé jeuner... Il faisait un temps admirable... Voilà un type en bicyclette... Il s’arrê te, il sonne à notre grille... C’é tait encore un té lé gramme... Je me pré cipite, c’é tait de mon pè re... « Rentre immé diatement, mè re inquiè te. Auguste. »

Je grimpe dare-dare au premier, je rencontre Nora dans l’é tage, je lui passe le papier, elle lit, elle redescend à table, elle nous sert la soupe, on commenç ait à manger... Vouf! La voilà qui fond en larmes... Elle chiale, elle se tient plus, elle se lè ve, elle se sauve, elle s’enfuit dans la cuisine. Je l’entends qui sanglote dans le couloir... ç a me dé concerte son attitude! C’é tait pas son genre du tout... ç a lui arrivait jamais... Je bronche pas quand mê me... Je reste en place avec l’idiot, je finis de le faire bouffer... C’é tait le moment de la promenade... J’avais plus envie du tout... Ç a m’avait coupé le sifflet, ce triste incident.

Et puis je repensais au Passage, ç a me hantait tout d’un coup, toute mon arrivé e là -bas... tous les voisins... la recherche du joli condé... C’é tait fini l’indé pendance! Merde le Silence... Chiotte la vadrouille! Il faudrait reprendre toute l’enfance, refaire le navet du dé but! L’empressé ! Ah! la sale caille! la glaireuse horreur!... l’abjecte condition! Le garç on bien mé ritant! Cent mille fois Bonze! Et Rata-Bonze! j’en pouvais plus d’é vocations!... J’avais la gueule en colombins rien que de me repré senter mes parents! Là, ma mè re, sa petite jambe d’é chasse, mon pè re, ses bacchantes et son bacchanal, tous ses trifouillages de conneries...

Le mô me Jonkind, il me tirait par la manche. Il comprenait pas ce qui se passait. Il voulait toujours qu’on parte. Je le regardais No trouble. On allait finalement se quitter... Je lui manquerais peut-ê tre dans son monde, ce petit biscornu, tout avaleur, tout cinglé... Comment qu’il me voyait lui, au fond? Comme un bœ uf? Comme une langouste?... Il s’é tait bien habitué à ce que je le promè ne, avec ses gros yeux de loto, son contentement perpé tuel... Il avait une sorte de veine... Il é tait plutô t affectueux si on se gafait de pas le contrarier... De me voir en train de ré flé chir, ç a lui plaisait qu’à demi... Je vais regarder un peu par la fenê tre... Le temps que je me retourne, il saute, le loustic, parmi les couverts... Il se calme, il urine! Il é clabousse dans la soupe! Il l’a dé jà fait! Je me pré cipite, je l’arrache, je le fais descendre... Juste au moment la porte s’entrouvre... Merrywin entre... Il avance tout machinal, il bronche pas, il a les traits comme figé s... Il marche comme un automate... Il fait d’abord le tour de la table... deux fois, trois fois... Il recommence... Il avait remis sa belle roupane, la noire d’avocat... mais dessous, tout un habillage sportif, des culottes de golf, ses jumelles... un beau bidon tout nickelé, et puis une blouse verte à sa femme... Toujours pareil, en somnambule, il continue sa balade... il franchit le perron par saccades... Il se promè ne un peu dans le jardin... il tente mê me d’ouvrir la grille... il hé site... Il revire, il revient vers nous, vers la maison... toujours complè tement songeur. Il repasse encore devant Jonkind... Il nous salue majestueux, d’un geste trè s large... Son bras s’é lè ve et s’abaisse... Il s’incline un peu chaque fois... Il s’adresse à une foule au loin, trè s loin... Il a bien l’air de ré pondre à une é norme ovation... Et puis enfin il remonte chez lui... trè s lentement... dans une dignité parfaite... Je l’entends refermer sa porte...

Jonkind ç a lui avait fait peur, ces é tranges maniè res... ce bonhomme articulé... Il tenait plus du tout en place. Il voulait se sauver à toute force, il é tait pris par la panique. Je lui faisais des claquements de la langue et puis des ho! ho! comme ç a... tout à fait comme pour un cheval, ç a le raisonnait bien d’habitude... Enfin, il a fallu que je cè de... On est repartis à travers champs...

Prè s des baraquements é cossais, on a croisé la promenade des gniards du « Hopeful College ». Ils s’en allaient au cricket de l’autre cô té de la vallé e. Ils emportaient leurs battoirs et les wickets et les arceaux... On a reconnu tous nos « anciens »... Ils nous faisaient des signes d’amitié... Ils avaient grossi, grandi forcé ment... Ils é taient extrê mement guillerets... Ils avaient l’air content de nous revoir. En requimpettes orange et bleues qu’ils é taient à pré sent sapé s... ç a faisait bien vif sur l’horizon leur caravane.

On les a regardé s s’é loigner... On est revenus nous, de trè s bonne heure... Jonkind, il tremblait toujours.

Nous nous trouvions avec Jonkind, en haut du chemin, le « Willow Walk » celui qui menait au collè ge, quand on a croisé la voiture, la grande tapissiè re à trois chevaux... C’é tait des autres dé mé nageurs...

Ils é vitaient la forte descente, ils faisaient tout le tour par les jardins, ils emportaient encore des choses... cette fois c’é tait le grand nettoyage, les raclures, le dernier balai... On a regardé dans l’inté rieur, leurs tentures é taient retroussé es... Y avait les deux lits des bonnes, un des placards de la cuisine, le petit bahut pour la vaisselle, et puis le tricycle du vieux dabe... et puis encore un tas de tessons... Ils avaient dû vider le grenier! Entiè rement la tô le! Il resterait plus rien!... Ils emportaient mê me les bouteilles, on les entendait vadrouiller dans le fond du caisson... Il devait plus rester grand-chose, de la maniè re qu’ils s’y mettaient...

Je commenç ais à redouter moi, pour mes quatre frusques et mes godasses! Si ils continuaient les ravages y avait plus de limites, ni de Bon Dieu!... C’é tait une vraie « salle des ventes »! Je me dé pê che donc quatre à quatre, je voulais voir tout de suite la casse! Et puis c’é tait l’heure qu’on croû te... La table é tait mise somptueusement... Avec les plus beaux couverts... les assiettes à fleurs, tous les cristaux!... Dans la piè ce nue, ç a se dé tachait admirable!...

Des patates à l’huile pour repas, des artichauts vinaigrette, des cerises à l’eau-de-vie, un gâ teau juteux, un jambon entier... Une vraie abondance en somme, et en plus, un semis de jonquilles à mê me la nappe, entre les tasses! Ah! alors oui! Je m’attendais pas à celle-là !

Je reste bien interloqué !... Je suis resté avec Jonkind devant ces merveilles!... ni lui ni elle ne descendaient... On avait faim tous les deux. On goû te d’abord un peu à tout... et puis on se dé cide, on touche, on pique, on avale... on tape dans le tas avec les doigts... le tout c’est de s’y mettre... Et c’est excellent! Jonkind il se roulait de plaisir, il é tait heureux comme un roi... On a pas laissé grand-chose... Il descendait toujours personne...

Une fois qu’on a é té repus, on est ressortis au jardin...

C’é tait le moment de ses besoins... Je regarde un peu tout autour... Rien que de la nuit... pas â me qui vive... Tout de mê me c’é tait extraordinaire!... En haut, je voyais qu’une seule lumiè re dans toute la faç ade... à la chambre du vieux... Il devait encore ê tre enfermé... Je me dis, je vais pas perdre mon temps, j’en ai marre moi des manigances... Puisque j’ai dé jà mon billeton je vais toujours faire ma valise... Demain matin, je me trisserai au premier « dur », à sept heures trente. Gi! Comme ç a! Je coupe à la chanson! J’ai jamais blairé les adieux.

J’aurais voulu, cependant, trouver encore un petit flouze, un shilling ou deux peut-ê tre pour m’acheter de la ginger beer, c’est bon en voyage... Je fais d’abord coucher mon idiot pour qu’il me foute sé rieusement la paix... Je le branloche un tout petit peu, ç a le tenait tranquille d’habitude... ç a l’endormait aisé ment... Mais ce soir-là il é tait transi par toutes les trouilles de la journé e, il voulait pas fermer l’œ il... J’avais beau lui faire des ho! ho!... Il se dé menait quand mê me, il faisait des bonds, il rouscaillait dans sa cage. Il grognait comme un vrai fauve! Malgré qu’il é tait fada, il se gourait bien d’une passe bizarre... Il se mé fiait que je le plaque au flan au milieu de la nuit... Il é tait pas bon! Seul il se tenait plus d’é pouvante... merde.

C’est vrai qu’il é tait grand le dortoir... Ç a lui faisait un espace immense... On é tait plus que nous deux là -dedans, sur douze autrefois, mê me quatorze...

Je collectionnais mes quatre chaussettes, je faisais la chasse aux mouchoirs, je rassemblais ma vache lingerie, c’é tait plus que des loques et des trous... Faudrait encore qu’on me ré installe! Ç a en ferait encore des clameurs!... J’avais la douce perspective!... J’avais pas fini d’ê tre traité... L’avenir c’est pas une plaisanterie... De repenser du coup, au Passage, si proche à pré sent, je m’en passais des grelots merdeux!...



  

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