Хелпикс

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Note sur l’édition numérique. 21 страница



Pour remonter l’ordinaire, je me suis fait un peu la main, chez les fournisseurs... Ils me croyaient tellement innocent, qu’ils se mé fiaient pas de mes subterfuges... Je faisais l’espiè gle, je disparaissais... Je jouais à coucou avec Jonkind derriè re les travé es, les comptoirs. Je calottais un peu de saucisse, un petit œ uf, par-ci, par-là, quelques biscuits, des bananes... enfin des vé tilles... Jamais on m’a ennuyé...

Au mois de mars, il est revenu un coup de pluie, le ciel é tait lourd à subir, il tape quand mê me sur le systè me, à la fin, au bout des mois qu’il vous é crase... Il pè se sur tout, sur les maisons, sur les arbres, il s’affale au ras du sol, on marche dessus tout mouillé, on marche dans les nuages, les bué es qui fondent dans la gadouille, dans la puré e, les vieux tessons... C’est dé gueulasse!...

Le plus loin qu’on est allé au cours des promenades c’est aprè s Stroude, par les sentiers, aprè s les bois et les collines, une proprié té immense, où ils é levaient des faisans. Ils é taient pas sauvages du tout, ils se promenaient en quantité. Ils picoraient comme des poules sur une grande pelouse, autour d’une sorte de monument, un bloc de charbon é norme, dressé, formidable, presque aussi grand qu’une maison... Il dominait le paysage... On n’a jamais é té plus loin... Au-delà y avait plus de chemin...

Un endroit que je regrettais, mais je pouvais pas y aller le soir, c’é tait les quais en bas de la ville, le samedi surtout... Nora aurait pas demandé mieux pour me faire plaisir d’y passer encore plus souvent... Mais c’é tait un dé tour dangereux, toujours à cause de Jonkind, il tré buchait dans les cordages, dix fois il a failli se noyer... C’é tait en somme pré fé rable qu’on se cantonne sur les hauteurs et plutô t en pleine campagne, où on voit de loin les dangers, les gros chiens, les bicyclettes...

Un tantô t, comme ç a au hasard, quand on cherchait de l’impré vu, on a gravi une autre colline, celle qui montait vers le bastion 15... de l’autre cô té des cimetiè res... celui où les É cossais faisaient l’exercice tous les jeudis, le 18e Ré giment... On les a regardé s se dé battre, ils faisaient pas ç a au chiqué... Ils en mettaient un terrible coup derriè re cornemuses et trompettes. Ils dé fonç aient tellement le terreau, qu’ils s’embourbaient de plus en plus. Ils dé filaient de plus en plus fort. Ils en avaient jusqu’aux é paules... Sû rement qu’ils allaient tous s’enfouir...

Notre promenade é tait pas finie, on continue par le ravin... Au beau milieu des prairies, on aperç oit un vrai chantier, on se rapproche... Plein d’ouvriers! Ils construisaient une grande maison... On regarde dans les palissades... y avait un immense é criteau... c’é tait facile à dé chiffrer... C’é tait aussi pour un collè ge... Un terrain vraiment superbe... une situation magnifique entre le fort et les villas... Et puis une clairiè re pour les sports au moins quatre fois grande comme la nô tre... Les pistes é taient dé jà tracé es, cendré es... les fanions planté s aux quatre coins... les buts marqué s... Tout en somme é tait prê t... La construction devait pas traî ner, ç a devait finir bientô t... Y en avait dé jà deux é tages... Ç a semblait rempli de compagnons... Le nom é tait en lettres rouges « The Hopeful Academy » pour boys de tous les â ges... Sacré e surprise!...

Nora Merrywin, elle en retrouvait plus ses sens... Elle restait là devant comme figé e... Enfin on est repartis dare-dare. Elle é tait extrê mement hâ tive d’aller rapporter les choses au petit bigorno... Moi, je m’en collais de leurs salades, mais quand mê me, je me rendais compte que c’é tait une vraie tragé die!... Le coup affreux pour la fanfare!... On les a vus, ni l’un ni l’autre, de toute la journé e... C’est moi qu’ai fait bouffer le Jonkind, à table aprè s les autres mô mes...

Le lendemain, Nora, elle en é tait encore toute pâ le, elle avait perdu toute contenance, elle, d’habitude si aimable, si enjoué e, discrè te, elle faisait des gestes un peu comme lui, des pichenettes à chaque moment, elle avait pas dû roupiller, elle tenait plus du tout en place, elle se levait, elle remontait les escaliers... elle redescendait pour lui causer... Elle repartait encore une autre fois...

Le vieux, il restait immobile, il clignait mê me plus des yeux, il restait pile comme é bloui. Il fixait devant lui l’espace. Il mangeait plus, il buvait rien que son café. Il en reprenait des pleines tasses et sans arrê t... Entre les gorgé es, il se tapait dans la paume, à droite avec le poing gauche bien fermé, comme ç a violemment... Ptap! Ptap! et puis c’é tait tout...

Deux jours plus tard, à peu prè s, il est monté avec nous, jusque devant les « É cossais ». Il voulait se rendre compte par lui-mê me... C’é tait encore en progrè s les amé nagements du « Hopeful ». Ils avaient recommencé les pistes... tondu leur pelouse du « cricket »... Ils avaient deux tennis en plus et mê me un petit golf miniature... Sû rement ç a serait ouvert pour Pâ ques...

Le vieux lardon se tré mousse alors tout autour de la barriè re... Il voulait regarder par-dessus... Il é tait nabot... Il voyait pas bien... Il biglait dans les fissures... On a trouvé une é chelle... Il nous faisait signe de continuer... qu’il nous rejoindrait sur notre terrain... Il est revenu en effet... Il gambadait plus du tout. Il s’est assis prè s de sa femme, il en restait tout prostré... Il en avait pris plein les yeux des merveilles du « Hopeful College ».

Je comprenais, moi, la concurrence! Dé jà nos mô mes qui se barraient!... Ils trouvaient le Meanwell miteux... Alors à pré sent?... Qui c’est qu’allait les retenir?... C’é tait une crise sans recours!... Je saisissais pas ce qu’ils se racontaient les darons ensemble, mais le ton é tait sinistre... On y est retourné s tous les jours regarder les é chafaudages... Ils construisaient deux frontons pour l’entraî nement au shooting... C’é tait une dé bauche de luxe... Le vieux, en observant ces splendeurs, il s’en foutait les doigts dans le nez, les trois à la fois à ré flé chir, en confusion... À table, il restait toujours comme halluciné. Il devait plus voir son avenir... Il laissait refroidir le gravy... Il broutait son râ telier avec une telle force, qu’un moment il l’a fait jaillir... Il l’a posé sur la table, juste à cô té de son assiette... Il se rendait plus compte du tout... Il continuait à ruminer des bouts de priè res, des idé es... Un moment, il a fait Amen! Amen! Puis il se relè ve tout subitement... Il se pré cipite vers la porte. Il remonte là -haut quatre à quatre... Les mô mes alors, ils se fendaient... L’appareil restait sur la table. Nora, elle osait plus regarder personne... Jonkind il s’avanç ait dé jà, il se baissait, il bavait tout plein, il aspirait le dentier du dabe... Jamais ils avaient tant ri. Il a fallu qu’il le recrache.

La discipline é tait foutue. Les mô mes en faisaient plus qu’à leur tê te... Le vieux osait plus rien leur dire... Ni Nora non plus, ni à la maison ni dehors... Pour jouer à tous les trucs violents, on n’é tait plus guè re qu’une dizaine et pour faire é quipe le jeudi, on racolait au hasard des mô mes sur la route, des petits chenapans, des inconnus... Il fallait que ç a tienne jusqu’à Pâ ques...

Les jours ont rallongé un peu... Pour que mes parents patientent j’ai é crit des cartes postales, j’ai inventé des fariboles, que je commenç ais à causer... Tout le monde me fé licitait... Le printemps é tait presque là... Jonkind a attrapé un rhume... Il a toussé pendant quinze jours... On n’osait plus l’emmener si loin. On restait des aprè s-midi sur les glacis du châ teau fort, une é norme ruine pleine d’é chos, de cavernes et d’oubliettes... À la moindre averse on se ré fugiait sous les voû tes avec les pigeons... c’é tait leur domaine, ils é taient là par centaines, bien familiers, bien peinards... ils venaient roucouler dans la main, c’est mariole, ces petits bestiaux-là, ç a se dandine, ç a vous fait de l’œ il, ç a vous reconnaî t immé diatement... Lui Jonkind, ce qu’il pré fé rait, c’é tait encore les moutons, il s’en donnait à cœ ur joie, il cavalait aprè s les jeunes, ceux qui tré buchent, qui culbutent. Il roulait avec dans le mouillé, il bê lait en mê me temps qu’eux... Il jouissait, il se pâ mait... il tournait en vrai animal... Il rentrait trempé, traversé. Et il toussait huit jours de plus.

Les é claircies devenaient fré quentes, il soufflait des nouvelles brises, des odeurs douces et charmeuses. Les jonquilles, les pâ querettes tremblotaient dans toutes les prairies... Le ciel est remonté chez lui, il gardait ses nuages comme tout le monde. Plus de cette espè ce de marmelasse qui dé gouline sans arrê t, qui dé gueule en plein paysage... Pâ ques il arrivait au mois de mai, les mô mes se tenaient plus d’impatience... Ils allaient revoir leurs familles. C’é tait le moment que je parte aussi... Mon sé jour touchait à sa fin. Je m’apprê tais tout doucement... Quand on a reç u un pli spé cial, une lettre de mon oncle avec du pè ze et un petit mot... Il me disait comme ç a de rester, de patienter encore trois mois... que ç a valait beaucoup mieux... Il é tait bien l’oncle É douard! C’é tait une fameuse surprise!... Il avait fait ç a de lui-mê me... C’é tait son bon cœ ur... Il le connaissait bien mon pè re... Il se doutait des tragé dies qui allaient sû rement se dé rouler si je rentrais encore comme un con, ayant rien appris comme anglais... Ç a ferait forcé ment trè s vilain...

En somme, j’é tais bien rebelle, bien ingrat, bien rebutant... J’aurais pu m’y coller un peu... que ç a m’aurait pas é corché... pour lui faire plaisir à lui... Mais au moment où je cé dais je sentais le fiel me reprendre toute la gueule... toute la vacherie me remontait... un ragoû t abject... Sû rement merde! que j’apprendrais rien!... Je retournerais plus charogne qu’avant! Je les ferais chier encore davantage!... Des mois dé jà, que je la bouclais!... Ah! C’est ç a! parler à personne! Ni ceux d’ici ni ceux de là -bas!... Faut se concentrer quand on est mince... T’ouvres toute ta gueule, on rentre dedans. Voilà le travail à mon avis!... On est pas gros! On devient duraille! Je pouvais me taire encore des anné es moi! Parfaitement! J’avais qu’à penser aux Gorloge, au petit André, au Berlope et mê me à Divonne et à ses pianos! ses croches! et ses tours de Lune... Merde! Le temps y faisait rien du tout!... Ils me revenaient de plus en plus vifs, et mê me bien plus â cres toujours... Ah!... Ils me restaient sur la coloquinte avec tout les mille corrections, les baffes, les coups de pompe sonné s. Merde! Et puis toute leur putrissure la complè te, et les copains, les lopes, toutes les vapes et leurs sortilè ges!... J’allais quoi moi! de quoi? penser à des clous? Ever and ever! comme l’autre petit glaire... ? Amen! Amen!... Bigornos!... J’en refaisais moi des grimaces, je me les imitais tout seul! Je me refaisais la gueule à Antoine, pendant qu’il chiait aux cabinets... C’est moi qui lui chiais sur la gueule. Langage! Langage! Parler? Parler? Parler quoi?...

J’avais jamais vu Nora en toilette claire, corsage moulé, satin rose... ç a faisait bien pointer les né né s... Le mouvement des hanches c’est terrible aussi... L’ondulation, le secret des miches...

On é tait vers la fin d’avril... Elle a fait encore un effort pour me dé rider, me convaincre... Un aprè s-midi, je la vois qui descend un livre avec nous à la promenade... Un gros, un é norme, un genre de la Bible par le poids, la taille... On va vers l’endroit habituel... on s’installe... Elle ouvre le bouquin sur ses genoux... Je peux pas m’empê cher de regarder... Le mô me Jonkind, ç a lui fit un effet magique... Il plongeait le nez dedans... Il dé marrait plus... Les couleurs ç a le fascinait... Il é tait plein d’images ce livre, des magnifiques illustrations... J’avais pas besoin de savoir lire, j’é tait tout de suite renseigné... Je voyais bien les princes, les hautes lances, les chevaliers... la pourpre, les verts, les grenats, toutes les armures en rubis... Tout le bastringue!... C’é tait un boulot... C’é tait bien exé cuté... Je m’y connaissais en travail, c’é tait ré ussi. Elle tournait doucement les feuillets... Elle commenç ait à raconter. Elle voulait nous lire mot à mot... Ils é taient terribles ses doigts... c’é tait comme des rais de lumiè re, sur chaque feuillet à passer... Je les aurais lé ché s... je les aurais pompé s... J’é tais retenu par le charme... Je pipais pas malgré tout... Je regardais le livre pour moi tout seul... J’ai pas posé une question... J’ai pas ré pé té un mot... Jonkind, ce qui lui semblait le plus prodigieux, c’é tait la belle dorure des tranches... ç a l’é blouissait, il allait cueillir des pâ querettes, il revenait en semer plein sur nous, il bourrait les marges avec... Les deux pages les plus admirables c’é tait au milieu du bouquin... Toute une bataille, en haut, en large... ç a repré sentait une mê lé e extraordinaire... Des dromadaires, des é lé phants, des Templiers à la charge!... Une hé catombe de cavalerie!... Tous les Barbares en dé route!... Vraiment c’é tait merveilleux... Je me lassais pas d’admirer... J’allais parler presque... J’allais demander du dé tail... Zip!... Je me raccroche, je me dé té riore!... Putain de sort! Une seconde de plus!... J’ai pas fait un « Ouf » quand mê me!... Je me suis cramponné au gazon... J’en voulais plus moi, merde! des histoires!... J’é tais vacciné !... Et le petit André alors? C’é tait pas lui, la crè me des tantes?... Il m’avait pas fait grimper? Des fois?... La fine tournure de charogne! Je m’en rappelais pas moi des lé gendes?... Et de ma connerie? À propos? Non? Une fois embarqué dans les habitudes où ç a vous promè ne?... Alors, qu’on me casse plus les couilles! Qu’on me laisse donc tranquille!... Manger ma soupe, mon oignon!... J’aime mieux la caille que des histoires!... Gi! C’est pesé ! C’est dans la fouille!... J’ai mê me montré que j’é tais un homme, je me suis barré avec Jonkind, je l’ai laissé e seule lire son bouquin... En pantaine dans les herbages...

On a couru avec l’idiot jusqu’à la riviè re... On est revenus par les pigeons... Au retour, j’ai regardé sa mine... Elle les remportait ses images... Certainement qu’elle me trouvait tê tu... Elle avait sû rement du chagrin... Elle é tait pas pressé e de rentrer... On est partis tout doucement... On est resté s prè s du pont... Six heures avaient dé jà sonné... Elle regardait l’eau... C’est une forte riviè re la Medway... Aux fortes maré es elle devient mê me intré pide... Elle arrive par grandes volutes. Le pont vibre dans les tourbillons... Elle est rauque l’eau, elle fait des bruits creux... des é tranglements, dans des grands nœ uds jaunes...

Elle se penchait juste au-dessus Nora, et puis elle relevait vite la tê te... Elle regardait là -bas, trè s loin, le jour qui sombrait derriè re les maisons de la cô te... Ç a faisait une lueur sur son visage... Une tristesse qui faisait trembler tous ses traits... Ç a montait, elle pouvait plus tenir, ç a la rendait toute fragile... Ç a la forç ait de fermer les yeux...

À peine qu’il é tait terminé le « Hopeful Academy » tout de suite on a eu des dé parts... Ceux qu’avaient envie de trisser ils ont mê me pas attendu Pâ ques... Six externes qu’ont mis les bouts dè s la fin avril, et quatre pensionnaires, leurs darons sont venus les reprendre... Ils trouvaient plus que le « Meanwell College » é tait suffisant... Ils faisaient des comparaisons avec l’autre tô le é blouissante...

Il jetait le « Hopeful », il faut dire, un jus é tonnant au milieu de ses grounds... La bâ tisse seule valait le voyage... tout en briques rouges, elle dominait Rochester, on ne voyait qu’elle sur le coteau... En plus, ils avaient planté un mâ t, un immense au milieu de la pelouse avec grands pavois, tous les pavillons au Code, des vergues, les haubans, les drisses, tout un bazar, pour ceux qui voulaient apprendre la manœ uvre et les gré ements, se pré parer au Borda...

J’ai perdu comme ç a le petit Jack, mon petit branleur... Il a fallu qu’il transborde, son pè re voulait qu’il devienne marin... Ils faisaient les « Hopeful » une brillante ré clame pour pré parer la « Navy... »

À force de perdre des pensionnaires, on est resté seulement cinq au « Meanwell College » y compris Jonkind... Ils se marraient pas les survivants, ils faisaient plutô t la grimace... Ils devaient avoir des comptes en retard, ils pouvaient pas ré gler leurs notes, c’est pour cela qu’ils bougeaient plus... L’é quipe au « Football » elle a fondu en huit jours... Les boutonneux du « Pitwitt », les pâ les assisté s, ils sont revenus encore deux fois pour demander qu’on les é crase. On avait beau leur expliquer, leur dire que c’é tait fini, ils se rendaient pas compte... Ils regrettaient leurs « douze à zé ro ». Ils comprenaient plus l’existence... Ils avaient plus de rivaux du tout... Ç a les dé primait horrible... Ils sont repartis chez eux sinistres...

Les « Hopeful boys », les crâ neurs de la nouvelle boî te, ils voulaient pas les matcher, ils les refoulaient comme des lé preux... ils se montaient d’une caté gorie... Les « Pitwitt » tombaient à la bourre... Ils se matchaient tout seuls...

C’est à notre table au « Meanwell » qu’on avait des drames sé rieux, ç a devenait â pre et sans quartier... Nora Merrywin, elle ré alisait des prodiges pour que les repas tiennent encore. On a vu les bonnes se barrer... D’abord Gertrude, la plus â gé e, et puis quatre jours aprè s, Flossie... Il est venu une femme de mé nage... Nora touchait presque plus aux plats... Elle nous laissait la marmelade, elle y touchait pas, elle mettait plus de sucre dans son thé, elle s’envoyait le porridge sans lait... y avait du surplus pour nous autres... Mais j’avais bien honte quand mê me... Quand le dimanche on passait le pudding, y avait des pré cipitations à s’en retourner les cuillers... On é bré chait tous les plats... C’é tait la curé e... Merrywin, il s’impatientait, il disait rien, mais il s’agitait de partout, il remuait sans cessé sur sa chaise, il tapotait sur la table, il é courtait les oraisons pour qu’on se barre plus vite... Ç a devenait un lieu trop sensible la salle à manger...

En classe, il refaisait la mê me chose... Il montait sur son estrade... Il mettait sa cape, la plissé e, la magistrale robe... Il restait derriè re son pupitre et tout embusqué dans sa chaise, il fixait la classe devant lui... Il se remettait à cligner, il tortillait tous ses doigts en attendant l’heure... Il parlait plus aux é lè ves... les mô mes pouvaient faire ce qu’ils voulaient...

Il maigrissait Merrywin, dé jà qu’il avait des oreilles immenses, dé collé es, maintenant c’é tait comme des ailerons... Les quatre mô mes qui subsistaient, ils faisaient du barouf comme trente-six... et puis ç a les amusait plus... alors ils se trissaient simplement... ailleurs... au jardin... dans les rues... Ils laissaient Merrywin tout seul, ils venaient nous rejoindre à la promenade. Plus tard, on le rencontrait, lui, sur la route... on le croisait en pleine campagne... on le voyait arriver de loin... il venait vers nous en vitesse, perché sur un é norme tricycle...

Hello Nora! Hello boys! qu’il nous criait au passage... Il ralentissait, une seconde... Hello Peter! qu’elle lui ré pondait bien gracieuse... Ils se souriaient fort courtoisement... Good day, mister Merrywin, reprenaient tous les mô mes en chœ ur... Il renfonç ait dans la direction. On le regardait s’é loigner, pé daler à perte de vue. Il é tait rentré avant nous...

La maniè re que ç a tourniquait, je sentais mon dé part bien proche... J’ai encore cessé d’é crire... Je savais plus quoi dire, inventer... J’avais tout imaginé... J’en avais marre des salades... Le jeu valait plus la chandelle... Je pré fé rais jouir de mon reste, sans ê tre tracassé par des lettres. Mais depuis que le Jack é tait parti, c’é tait plus si drô le au dortoir... le petit saligaud, il suç ait fort et parfaitement...

Je me branlais trop pour la Nora, ç a me faisait la bite comme toute sè che... dans le silence, je me cré ais d’autres idé es nouvelles... et des bien plus astucieuses, plus marioles et plus tentantes, des tendres à force... Avant de quitter le Meà nwell, j’aurais voulu la voir la mô me, quand elle travaillait son vieux... Ç a me rongeait... ç a me minait soudain de les admirer ensemble... ç a me redonnait du rassis rien que d’y penser. Ce qu’il pouvait lui faire alors?

J’é tais dé jà bon au vice... Seulement comme jeton, c’é tait pas des plus faciles... Ils avaient des chambres sé paré es... Lui, la sienne, c’é tait à droite, dans le couloir, juste auprè s du « papillon... » Là, c’é tait assez pratique... Mais pour viser chez Nora, il aurait fallu que je sorte par l’autre cô té du dortoir et puis encore prendre l’escalier... c’é tait aprè s les lavabos... C’é tait difficile... compliqué...

Comment qu’ils baisaient? Ç a se passait-il chez lui? chez elle? Je me suis ré solu... Je voulais tout de mê me me payer ç a... J’avais attendu trop longtemps...

N’é tant plus que cinq pensionnaires, on pouvait bien mieux circuler... D’ailleurs il venait mê me plus le soir le daron pour faire la priè re... Les mô mes s’endormaient trè s vite une fois qu’ils s’é taient ré chauffé s... J’ai attendu qu’ils roupillent, j’ai entendu les ronflements et puis j’ai renfilé ma culotte, j’ai fait semblant d’aller aux gogs... et alors sur la pointe des pieds...

En passant devant la porte du dab, je me suis abaissé d’un coup. J’ai regardé comme ç a trè s vite dans le trou de la serrure... J’é tais chocolat!..., La clef é tait pas retiré e... Je continue ma promenade... Je vais comme pour aller pisser... Je retourne en vitesse... je me recouche... C’é tait pas fini! Je me dis c’est le moment ou jamais! Y avait pas un bruit dans la tô le... Je fais semblant d’en é craser... Je reste encore quelques minutes... palpitant mais silencieux... J’é tais pas fou!... J’avais bien vu la lumiè re par le vasistas... Juste au-dessus de sa porte... C’é tait le mê me blot que rue Elzé vir... Je me dis: « Là, si t’es paumé Toto, t’en entendras causer longtemps! » Je prends des extrê mes pré cautions... Je transporte une chaise dans le couloir... Si je suis frit que j’apprê tais, je ferai d’abord le somnambule... Je pose ma chaise juste à l’appui et contre sa porte. J’attends, je me planque un petit peu... Je me colle bien au mur... J’entends dedans alors comme un choc... Comme un bruit de bois... qui vient taper contre un autre... Ç a venait peut-ê tre de son lit?... J’é quilibre encore le dossier... je me fais gravir au millimè tre... Debout... encore plus doucement... J’arrive juste au ras du carreau... Ah! Alors! Pomme! je vois tout à fait! Je vois tout!... Je vois mon bonhomme... Il est affalé... comme ç a vautré dans le creux du fauteuil... Mais il est absolument seul! Je la vois pas la mô me!... Ah! il est à poil, dis donc!... Il est é talé tout é panoui devant son feu... Il en est mê me tout é carlate! Il souffle tellement qu’il a chaud... Il est à poil jusqu’au bide... Il a gardé que son caleç on et puis sa houppelande, celle à plis, la magistrale, elle traî ne sur le plancher derriè re...

Le feu est vif et intense... Ç a cré pite dans toute la piè ce!... Il est embrasé dans les lueurs, le vieux schnoque! illuminé complè tement... Il a pas l’air ennuyé... il a gardé son bonnet... le bibi à gland... Ah! la vache! Ç a penche, ç a bascule... Il le rattrape, il le renforce... Il est plus triste comme en classe... Il s’amuse tout seul... Il agite, il balance un bilboquet! Un gros! un colosse! Il essaye de l’enfiler... Il loupe le coup, il rigole... Il se fâ che pas... Son bonneton encore se dé bine... sa cape aussi... Il ramasse tout ç a comme il peut... Il rote, il soupire... Il repose un peu son joujou... Il se verse un grand coup de liquide... Il sirote ç a tout doucement... Je le revois alors le whisky!... Il en a mê me deux flacons à cô té de lui sur le parquet... Et puis deux siphons en plus... à cô té de sa main... et puis un pot de marmelade... en entier!... il fonce dedans à la grosse louche... il ramè ne... il s’en fout partout... il bâ fre!... Il retourne à son bilboquet... il vide encore un autre verre... La ficelle se prend, s’embobine dans la roulette du fauteuil... Il tire dessus, il s’embarbouille... il grogne... il jubile... Il peut plus retrouver ses mains... Il est ligoté... Il en ricane, la sale andouille... Ç a va!... Je redescends de mon truc... Je soulè ve tout doucement ma chaise... Je me reglisse comme ç a dans le couloir... Personne a bougé encore... Je me refile au plume!...

On y est parvenus tant bien que mal aux vacances de Pâ ques... Y avait un tirage terrible... sur le fricot... sur les bougies... sur le chauffage... Pendant les derniè res semaines, les mô mes, les cinq qui restaient, ils é coutaient plus personne... Ils se conduisaient à leur guise... Le vieux, il faisait mê me plus la classe... Il restait chez lui tout à fait... ou bien, il partait tout seul, sur son tricycle... en longues excursions...

La nouvelle bonne est arrivé e... Elle a pas tenu seulement huit jours... Les mô mes é taient plus possibles, ils devenaient intolé rables, ils chamboulaient toute la cuisine... Une femme de mé nage a remplacé la bonniche, mais seulement pour les matiné es. Nora l’aidait à faire les chambres, et puis aussi la vaisselle... Pour ç a elle mettait des gants... Elle se proté geait ses beaux cheveux avec un mouchoir brodé, elle s’en faisait comme un turban...

L’aprè s-midi, je promenais l’idiot, je m’en chargeais tout seul. Elle pouvait plus venir Nora, elle avait la cuisine à faire... Elle nous disait pas où aller... C’é tait moi seul qui commandais... On prenait le temps qu’il fallait... On est repassé s par toutes les rues, par tous les quais, tous les trottoirs. Je regardais un peu partout pour la mô me Graillon, j’aurais voulu la rencontrer. Elle y é tait plus en ville, nulle part, avec sa bagnole... Ni sur le port, ni au marché... ni autour des nouvelles casernes... Bien...



  

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