Хелпикс

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Note sur l’édition numérique. 20 страница



Le seul ennui dont on souffrait, c’é tait le manque de compé titeurs... Les é quipes rivales é taient rares, surtout à proximité. La seule à vrai dire pour nous affronter, ré guliè rement, tous les jeudis, c’é tait celle des mô mes d’en face... de la « Pitwitt Academy », de l’autre cô té du pont à Stroude, un groupe de piteux boutonneux, des enfants abandonné s, un Institut charitable... Ceux-là, ils é taient devenus d’une extrê me maigreur, encore bien plus lé gers que les nô tres... Ils pesaient rien à vrai dire, au premier coup, une fois chargé s avec violence, au vent portant, ils s’envolaient, ils partaient avec le ballon... Il fallait surtout les maintenir, les aplatir... On leur mettait douze buts à quatre... C’é tait ré gulier. C’é tait comme ç a l’habitude... Si y avait un peu de rouscaille, qu’on entendait des murmures, ç a n’hé sitait pas une seconde, ils prenaient une terrible dé rouille, une pâ té e complè te... C’é tait entendu comme ç a. S’ils shootaient seulement un petit point de plus que c’é tait l’usage, alors nos mô mes devenaient fé roces... Ils râ laient qu’ils é taient trahis... dé jà, ils flairaient les coupables... Ils passaient à la corrida... ç a se rejugeait en rentrant le soir... aprè s la priè re quand le vieux avait refermé la porte... Ç a chiait alors cinq minutes... Jonkind qu’é tait responsable... C’est toujours lui par ses conneries qu’amenait les pé nalité s... Il recevait la dé coction... C’é tait mé morable... On soulevait sa grille d’un coup, il é tait vidé de son page... D’abord, on l’é tendait comme un crabe, à mê me le plancher, ils se mettaient dix pour le fouetter, à coups de ceintures vaches... mê me avec les boucles... Quand il gueulait un peu trop fort on l’amarrait sous une paillasse, tout le monde alors pié tinait, passait, tré pignait par-dessus... Ensuite, c’é tait sa branlé e, à bloc, à blanc... pour lui apprendre les bonnes faç ons... jusqu’à ce qu’il puisse plus juter... plus une seule goutte...

Le lendemain, il pouvait plus tenir debout... Mme Merrywin, elle é tait bien intrigué e, elle comprenait plus son morveux... Il ré pé tait plus No trouble... Il s’é croulait à table, en classe... trois jours encore tout gâ teux... Mais il restait incorrigible, il aurait fallu le ligoter pour qu’il se tienne peinard... Fallait pas qu’il s’approche des buts... Dè s qu’il voyait le ballon rentrer, il se connaissait plus, il se pré cipitait dans les goals, emporté par sa folie, il bondissait sur la baudruche, il l’arrachait au gardien... Avant qu’on ait pu le retenir il é tait sauvé avec... Il é tait vraiment possé dé dans ces moments-là... Il courait plus vite que tout le monde... Hurray! Hurray! Hurray!... qu’il arrê tait pas de gueuler, comme ç a jusqu’en bas de la colline, c’é tait coton pour le rejoindre, il dé valait jusqu’à la ville. Souvent on le rattrapait dans les boutiques... Il shootait dans les vitrines. Il crevait les é criteaux... Il avait le dé mon du sport. Il fallait se mé fier de ses lubies.

Pendant trois mois j’ai pas mouffeté ; j’ai pas dit hip! ni yep! ni youf!... J’ai pas dit yes... J’ai pas dit no... J’ai pas dit rien!... C’é tait hé roï que... Je causais à personne. Je m’en trouvais joliment bien...

Au dortoir, ç a continuait les grosses branlé es... les suç ades... Je m’intriguais bien sur Nora... Mais toujours en suppositions...

Entre janvier et fé vrier, il a fait alors terriblement froid et tellement de brouillard en plus, que c’é tait presque impossible de retrouver notre chemin quand on descendait de l’entraî nement... On s’orientait à tâ tons...

Le vieux, il me foutait la paix en classe et sur la colline, il essayait plus de me convaincre. Il se rendait compte de ma nature... Il croyait que je ré flé chissais... Que je m’y mettrais un peu plus tard! avec des douceurs... C’est pas ç a qui m’inté ressait. C’é tait mon retour au Passage qui me foutait le bourdon. J’en avais dé jà la grelotte trois mois à l’avance. Je dé lirais rien que d’y penser!... Merde! quand faudrait recauser!...

Enfin, au physique, j’avais pas à me plaindre, je progressais de ce cô té -là. Je me trouvais bien plus costaud... Ç a me convenait admirablement, à moi, les rigueurs du climat, la tempé rature de cochon... ç a me fortifiait de plus en plus, si on avait mieux croû té, je serais devenu un solide athlè te... J’aurais foutu tout le monde en bas...

Deux semaines ont encore passé sur ces entrefaites... Voilà quatre mois, que je me taisais. Merrywin alors brusquement, il a pris comme peur... Un aprè s-midi, comme ç a en rentrant du sport, je le vois qui saisit son papier. Il se met à é crire à mon pè re, convulsivement... des bê tises... Ah! la triste initiative!... Par le retour du courrier, j’ai reç u alors moi-mê me trois lettres bien compactes, que je peux qualifier d’ignobles... blindé es, gavé es, dé bordantes de mille menaces, jurons horribles, insultes grecques et puis latines, mises en demeure comminatoires... repré sailles, divers anathè mes, infinis chagrins... Il qualifiait ma conduite d’infernale! Apocalyptique!... Me revoilà dé couragé !... Il m’envoie un ultimatum, de me plonger sé ance tenante dans l’é tude de la langue anglaise, au nom des terribles principes, de tous les sacrifices extrê mes... des deux cent mille privations, des souffrances infectes enduré es, entiè rement pour mon salut! Il en é tait tout dé concerté, tout é mu, tout bafouillard, le sale andouille Merrywin d’avoir provoqué ce dé luge... Il é tait bien avancé ! Maintenant les digues é taient rompues... C’é tait sauve qui peut voilà tout!... J’en avais un é cœ urement qu’é tait mê me plus racontable de retrouver, sur la table, toutes les conneries de mon daron, é talé es là, noir sur blanc... C’é tait encore plus triste é crit.

C’é tait encore un bien sale cul ce Merrywin de la Jaquette! Encore bien plus dé gueulasse que tous les mô mes à la fois! Et bien plus cave, plus entê té... J’é tais sû r qu’il ferait ma perte avec ses lorgnons.

S’il é tait resté tranquille, peinard comme c’é tait convenu, j’é tais bon encore pour six mois... À pré sent qu’il avait gaffé, c’é tait plus qu’une question de semaines... Je me cloisonnais dans mon silence... Je lui en voulais horriblement... Si je me barrais tant pis pour lui... C’é tait un dé sastre pour sa tô le! Il l’avait voulu, provoqué ! Dé jà c’é tait pas florissant le business du Meanwell College... Avec moi en moins dans l’é quipe, il tenait plus le coup pour les sports. Il finirait pas la saison.

Aprè s les vacances de Noë l, on avait eu quatre dé parts... des mô mes qu’é taient pas revenus... Le collè ge il serait plus montrable avec son « football », mê me si on laissait jouer Jonkind... Ç a pouvait plus exister... Avec huit morveux seulement c’é tait pas la peine qu’on s’aligne... On se faisait sû rement é craser... Les « Pitwitt » rentraient ce qu’ils voulaient... mê me qu’ils seraient plus lé gers que des plumes et encore deux fois moins nourris... D’abord, tout le monde se dé binerait... Ils attendraient pas la dé route... Le collè ge é tait plus possible... Plus de football c’é tait la faillite!... Le vieux, il en avait la foire!... Il faisait encore quelques efforts. Il m’interrogeait en franç ais... si j’avais pas de ré clamations, des plaintes à lui adresser... Si les mô mes me faisaient pas de misè res!... Il manquerait plus que ç a! Si j’avais les grolles trop mouillé es?... Si je voulais pas un plat spé cial?... C’é tait pas la peine qu’on explique, j’avais honte devant Nora, de faire le boudeur et l’andouille... mais l’amour-propre c’est accessoire... Du moment qu’on est ré solu, il faut d’abord tenir ses promesses... Je devenais plus indispensable à mesure qu’on perdait des é lè ves... On me faisait mille avances... des sourires... des grâ ces... Les mô mes, ils se dé carcassaient... Le petit Jack, celui qui faisait le clebs le soir, il m’apportait des autres bonbons... et mê me de son petit cresson, le minuscule... qu’a goû t de moutarde... celui qui pousse dans des boî tes, raide comme de la barbe, dans des caisses exprè s, toutes moisies, sur l’appui des fenê tres...

Le vieux les avait rencardé s qu’ils devaient se montrer tous plaisants... Qu’on me retienne encore jusqu’à Pâ ques... que c’é tait une question sportive, l’honneur du collè ge... que si je m’en allais plus tô t, l’é quipe é tait dans les pommes... qu’elle jouerait plus les « Pitwitt »...

Pour me rendre la situation encore beaucoup plus agré able, on m’a dispensé des é tudes... Je distrayais tout le monde en classe... Je claquais tout le temps mon pupitre... J’allais regarder à la fenê tre, les brouillards et le mouvement du port... Je faisais des travaux personnels avec des marrons et des noix, je constituais des combats navals... des grands voiliers en allumettes... J’empê chais les autres d’apprendre...

L’idiot, il se tenait à peu prè s, mais c’é tait son porte-plume, qu’il se poussait, lui, dans le fond du nez... Il en mettait souvent deux, quelquefois quatre dans une seule narine... Il enfonç ait tout, il gueulait... Il buvait les encriers... C’é tait mieux aussi qu’il se promè ne... En grandissant il devenait dur à surveiller... On nous a sortis ensemble... J’ai regretté un peu la classe... J’apprenais pas mais j’é tais bien, je dé testais pas l’intonation anglaise... C’est agré able, c’est é lé gant, c’est flexible... C’est une espè ce de musique, ç a vient comme d’une autre planè te... J’é tais pas doué pour apprendre... J’avais pas de mal à ré sister... Papa le ré pé tait toujours que j’é tais stupide et opaque... C’é tait donc pas une surprise... Ç a me convenait mon isolement, de mieux en mieux... C’est l’entê tement moi, ma force... Il a fallu qu’ils s’inclinent, qu’ils cessent de m’importuner... Ils ont flatté mes instincts, mes penchants pour la vadrouille... On m’a promené tant et plus dans les environs, par monts et villages, avec l’idiot, sa brouette et tous ses joujoux...

Aussitô t que les cours commenç aient, on s’avanç ait vers la campagne avec Jonkind et la patronne... On revenait souvent par Chatham, ç a dé pendait des commissions. L’idiot, on le retenait par une corde, aprè s sa ceinture, pour pas qu’il s’é chappe dans les rues... Il avait des fugues... On descendait vers la ville, on longeait tous les é talages, on allait bien prudemment à cause des voitures, il avait trè s peur des chevaux, il faisait des bonds prè s des roues...

Tout en faisant les emplettes, Mme Merrywin essayait de me faire comprendre les inscriptions des boutiques... que je m’initie sans le vouloir... comme ç a sans fatigue aucune... Je la laissais causer... Je lui regardais seulement la figure, l’endroit juste qui m’intriguait, au sourire... au petit truc mutin... J’aurais voulu là, l’embrasser... ç a me dé vorait atrocement... Je passais par-derriè re... Je me fascinais sur sa taille, les mouvements, les ondulations... Le jour du marché on emportait le grand panier... comme un berceau qu’il é tait... chacun une anse avec Jonkind. On remontait toute la boustifaille pour la semaine entiè re... Ç a durait toute la matiné e les diverses emplettes.

De loin, j’ai revu mon graillon, la Gwendoline. Elle faisait toujours sa friture, elle avait mis un autre chapeau, encore un plus grand, plus fleuri... J’ai refusé de passer par là... J’en serais plus sorti des explications... des transports... Quand on restait au collè ge que Jonkind é tait grippé, alors elle s’allongeait Nora, sur le sofa du salon, elle se mettait à lire, partout il traî nait des bouquins... C’é tait une femme dé licate, une vraie imaginative, notre gracieux ange... Elle se salissait pas les mains, elle faisait pas la ratatouille ni les plumards ni les parquets... Elles é taient deux bonnes à demeure quand je suis arrivé : Flossie et Gertrude, elles semblaient assez obè ses... Comment donc elles s’y prenaient? Elles devaient tout garder pour elles, ou c’é tait une maladie... Elles é taient plus jeunes, ni l’une ni l’autre... Je les entendais tout le temps groumer, elles reniflaient dans les escaliers, elles se menaç aient du balai... Elles se caillaient pourtant pas beaucoup... C’é tait trè s sale dans les coins...

Flossie, elle fumait en cachette, je l’ai paumé e un jour dans le jardin... On lavait rien à la maison, on descendait tout le linge en ville à une buanderie spé ciale, au diable, plus loin que les casernes. Avec Jonkind, ces jours-là, c’é tait pas de la pause, on remontait, descendait la cô te des quantité s de fois avec des bardas é normes... À qui porterait davantage, le plus vite en haut... C’est un sport que je comprenais... ç a me rappelait les jours des boulevards... Quand la flotte devenait si lourde, si juteuse, que le ciel s’é croulait dans les toits, se cassait partout en trombes, en cascades, en furieuses rigoles, ç a devenait nos sorties des excursions fantastiques... On se rapprochait tous les trois pour ré sister à la tourmente... Nora, ses formes, ses miches, ses cuisses, on aurait dit de l’eau solide tellement l’averse é tait puissante, ç a restait tout collé ensemble... On n’avanç ait plus du tout... On pouvait plus prendre l’escalier, le nô tre, celui qui montait notre falaise... On é tait forcé s de nous rabattre vers les jardins... de faire un dé tour par l’é glise. On restait devant la chapelle... sous le porche... et on attendait que ç a passe.

L’idiot, la pluie ç a le faisait jouir... Il sortait exprè s de son abri... Il se renversait toute la tronche, en plein sous la flotte... La gueule grande ouverte, comme ç a... Il avalait les gouttiè res, il se marrait é normé ment... Il se tré moussait, il devenait tout fanatique... il dansait la gigue dans les flaques, il sautait comme un farfadet... Il voulait qu’on gigote aussi... C’é tait son accè s, sa crise... Je commenç ais à bien le comprendre, c’é tait dur pour le calmer... Il fallait tirer sur sa corde... l’amarrer aprè s le pied du banc.

Je les connaissais moi, mes parents, le coup du complet bariolé, il pouvait pas coller du tout, je m’en gourais d’avance... Ils ont ré pondu, en retard, ils en revenaient pas encore, ils en poussaient les hauts cris, ils croyaient que je me foutais d’eux, que je me servais d’un subterfuge pour maquiller des folles dé penses... Ils en profitaient pour conclure que si je perdais mes journé es à taper dans un ballon c’é tait plus du tout surprenant que j’apprenne pas un sou de grammaire... C’é tait leur dernier avis!... Le sursis final!... Que je m’entê te pas sur l’accent... Que je retienne n’importe lequel!... pourvu qu’on arrive à me comprendre c’é tait amplement suffisant... On a encore lu la lettre avec Nora et son dabe... Elle restait ouverte sur la table... Certains passages ils pigeaient pas. Ç a leur semblait tout obscur, tout extraordinaire... J’ai rien expliqué... Ç a faisait quatre mois que j’é tais là, c’é tait pas à cause d’un veston que je me lancerais dans les fadaises... Et pourtant ç a les tracassait... Mê me Nora elle semblait soucieuse... que je veuille pas me revê tir en sport, avec la roupane uniforme et la gâ pette panaché e... Sans doute pour promener en ville, c’é tait la ré clame du « Meanwell » surtout moi qu’é tais le plus grand, le plus dé gingandé de l’ensemble... ma dé mise sur le terrain, elle faisait honte au collè ge. Enfin, à force qu’ils se lamentaient... j’ai molli un peu... j’ai bien voulu d’un compromis, essayer un rafistolage... un que Nora avait constitué, dans deux vieilles pelures à son daron... Un arrangement composite... j’é tais mimi ainsi sapé... j’é tais encore bien plus grotesque, j’avais plus de forme, ni de milieu, mais ç a m’é vitait les soupirs... Dans la mê me inspiration j’ai hé rité d’une casquette, une bicolore armorié e, une minuscule calotte d’orange... Sur ma bouille é norme, elle faisait curieux... Mais tout ç a leur semblait utile au prestige de la maison... L’honneur fut ainsi ré tabli... On me promena dé libé ré ment, on avait plus besoin d’excuses...

Pourvu qu’on parte en vadrouille et qu’on me force pas aux confidences... Je trouvais que c’é tait l’essentiel, que ç a pouvait pas aller mieux... Je me serais mê me fendu d’un haut-de-forme s’ils avaient seulement insisté... pour leur faire un grand plaisir... Ils s’en posaient un eux le dimanche pour aller pousser des cantiques à leur messe protestante... Ç a marchait à la claquette: Assis! Debout! dans leur temple... Ils me demandaient pas mon avis... ils m’emmenaient aux deux services... ils avaient peur que je m’ennuie seul à la maison... Là encore, entre les chaises il fallait surveiller Jonkind, c’é tait un moment à passer... Entre tous les deux Nora, il se tenait assez peinard.

Dans l’é glise, Nora elle me faisait l’effet d’ê tre encore plus belle que dehors, moi je trouvais du moins. Avec les orgues, et les demi-teintes des vitraux, je m’é blouissais dans son profil... Je la regarde encore à pré sent... Y a bien des anné es pourtant, je la revois comme je veux. Aux é paules, le corsage en soie il fait des lignes, des dé tours, des ré ussites de la viande, qui sont des images atroces, des douceurs qui vous é crabouillent... Oui, je m’en serais pâ mé dans les dé lices, pendant qu’ils gueulaient, nos lardons, les psaumes à Saü l...

L’aprè s-midi du dimanche, ç a repiquait à la maison le coup du cantique, j’é tais à genoux à cô té d’elle... Le vieux, il faisait une longue lecture, je me retenais le panais à deux mains, je me l’agrippais au fond de la poche. Le soir l’envie é tait suprê me à la fin des mé ditations... Le petit mô me qui venait me dé vorer, il é tait fadé le dimanche soir, il é tait nourri... Ç a me suffisait pas quand mê me, c’est elle que j’aurais voulue, c’est elle tout entiè re à la fin!... C’est toute la beauté la nuit... ç a vient se rebiffer contre vous... ç a vous attaque, ç a vous emporte... C’est impossible à supporter... À force de branler des visions j’en avais la tê te en salade... Moins on briffait au ré fectoire plus je me tapais des rassis... Il faisait si froid dans la crè che qu’on se rhabillait entiè rement une fois que le vieux é tait tiré...

Le ré verbè re, sous notre fenê tre, celui des rafales, il arrê tait plus de grincer... Pour perdre encore moins de chaleur, on restait couché s deux par deux... On se passait des branlé es sé vè res... Moi, j’é tais impitoyable, j’é tais devenu comme enragé, surtout que je me dé fendais à coups d’imagination... Je la mangeais Nora dans toute la beauté, les fentes... J’en dé chirais le traversin. Je lui aurais arraché la moule, si j’avais mordu pour de vrai, les tripes, le jus au fond, tout bu entiè rement... je l’aurais toute sucé e moi, rien laissé, tout le sang, pas une goutte... J’aimais mieux ravager le pageot, brouter entiè rement les linges... que de me faire promener par la Nora et puis par une autre! J’avais compris moi, s’il vous plaî t, le vent des grognasses, le cul c’est la farandole! C’est la caravane des paumé s! Un abî me, un trou, voilà !... Je me l’é tranglais moi, le robinet... Je rendais comme un escargot, mais il giclait pas au-dehors... Ah! mais non! Miteux qui trempe est pire qu’ordure!... À l’é gout la vache des aveux!... Ouah! Ouah! Je t’aime! Je t’adore! Ouin! Ouin! À qui vous chie sur l’haricot!... Faut plus se gê ner c’est la fê te! On rince! C’est nougat! C’est innocent!... Petit j’avais compris berloque moi! Au sentiment! Burnes! C’est jugé ! À la gondole!... Vogue hé charogne!... Je me cramponnais à ma burette, j’avais la braguette en godille! Ding Ding Dong! Je veux pas crever comme un miché ! La gueule en poè me! Ouin!

En plus du truc des priè res, j’ai subi encore d’autres assauts... Il arpentait tous les sentiers, il se tenait derriè re chaque buisson l’esprit malin des enculages... Comme on se tapait d’immenses parcours avec l’idiot et la si belle, j’ai traversé toute la campagne de Rochester et par tous les temps...

On a connu tous les vallons, toutes les routes et les traversiè res. Je regardais beaucoup le ciel aussi, pour me dé tourner l’attention. Aux maré es, il changeait de couleurs... Au moment des accalmies, il arrivait des nuages tout roses, sur la terre et sur l’horizon... et puis les champs devenaient bleus...

Comme c’é tait disposé la ville, les toits des maisons dé valaient en pente vers le fleuve, on aurait dit toute une avalanche, des bê tes et des bê tes... un é norme troupeau tour noir et tassé dans les brumes qui descendait de la campagne... Tout ç a fumait dans les bué es... jaunes et mauves...

Elle avait beau faire des dé tours et des longs repos propices, ç a me portait pas aux confidences... mê me quand ç a durait des heures, qu’on passait par des petites rues pour revenir à la maison... Mê me un soir, qu’il faisait dé jà nuit sur le pont qui passe à Stroude... On a regardé comme ç a le fleuve... Pendant longtemps, le remous contre les arches... on entendait toutes les cloches de loin... de trè s loin... des villages... Elle m’attire alors la main, elle me l’embrasse comme ç a... J’é tais bien é mu, je la laisse faire... Je ne remue pas... Personne pouvait voir... Je ne dis rien, j’ai pas bronché... Elle a pas eu un soupç on... Ré sister j’avais du mé rite... Plus ç a me coû tait, plus je devenais fort... Elle me ferait pas fondre la vampire! mê me qu’elle serait mille fois plus gironde. D’abord, elle couchait avec l’autre, le petit macaque! Ç a dé becte tant qu’on est jeunes les vieux qu’elles se tapent... Si j’avais un peu parlé, j’aurais essayé de savoir pourquoi lui? pourquoi lui si laid? Y avait de la disproportion!... J’é tais peut-ê tre un peu jaloux?... Sans doute! Mais c’est vrai qu’il é tait affreux à regarder et à entendre... avec ses petits bras tout courts... agité s comme des moignons... sans raison... sans cesse... Il avait l’air d’en avoir dix, tellement qu’il les agitait... Rien que de le regarder, on se grattait... Il arrê tait pas aussi de faire claquer ses doigts en pichenettes, de taper des mains, de recommencer des moulinets, de se croiser les bras... une petite seconde... Vroutt! il é tait reparti ailleurs... un vrai picrate... une engeance... des saccades... un lunatique... un poulet...

Elle, au contraire, elle é manait toute l’harmonie, tous ses mouvements é taient exquis... C’é tait un charme, un mirage... Quand elle passait d’une piè ce à l’autre, ç a faisait comme un vide dans l’â me, on descendait en tristesse d’un é tage plus bas... Elle aurait pu ê tre soucieuse, montrer plus souvent du chagrin. Dans les premiers mois, je l’ai toujours vue contente, patiente, inlassable, avec les merdeux et l’idiot... Ils é taient pas toujours marrants... C’é tait pas une situation... Avec une beauté comme la sienne, ç a devait ê tre plutô t facile d’é pouser un sac... Elle devait ê tre ensorcelé e... elle avait dû faire des vœ ux. Et il é tait sû rement pas riche! Ç a me demeurait sur l’estomac, ç a me passionnait mê me à la fin...

Pour Nora, l’idiot, il é tait un tintouin affreux, elle aurait pu ê tre é puisé e à la fin des aprè s-midi... Rien qu’à le moucher, le faire pisser, le retenir à chaque instant de passer sous les voitures, d’avaler des trucs au hasard, de tout dé glutir, c’é tait une corvé e ignoble...

Elle é tait jamais trè s pressé e. Dè s qu’il a fait moins vilain, on est rentré s encore plus tard, en flâ nant dans le village et le bord de la riviè re... Il bavait beaucoup moins Jonkind en promenade qu’à la maison, seulement il raflait des objets, il fauchait les allumettes... Si on le laissait un peu seul, il foutait le feu aux rideaux... Pas par mé chanceté du tout, il courait vite nous avertir... Il nous montrait comme c’é tait beau les petites flammes...

Les boutiquiers du pays, à force de nous voir passer, ils nous connaissaient tous trè s bien... C’é taient des grocers... c’est le nom des boutiquiers, un genre d’é piceries... J’ai tout de mê me appris ce nom-là... Ils é quilibraient en vitrine des vraies montagnes en pommes, en betteraves, et sur leurs comptoirs infinis des vraies vallé es d’é pinards... Ç a grimpe à pic jusqu’au plafond... ç a redescend d’une boutique à l’autre... en choux-fleurs, en margarine, en artichauts... Jonkind il é tait heureux quand il voyait ces choses-là. Il sautait sur le potiron, il mordait dedans comme un cheval...

Moi aussi, les fournisseurs ils me croyaient cinglé... Ils lui demandaient de mes nouvelles... ils lui faisaient des signes à Nora, au moment que j’avais le dos tourné... du doigt, comme ç a sur la tê te... Better! Better? qu’ils chuchotaient. No! No! qu’elle ré pondait tristement... J’allais pas Better nom de Dieu! Jamais que j’irais Better! ... Ç a me foutait en rebrousse des maniè res comme ç a!... Pitoyeuses... Soucieuses...

Pendant le tour des commissions, y avait une bonne petite chose que j’avais toujours remarqué e... et alors bien intrigante... Le coup des bouteilles de whisky... On en remontait au moins une et souvent mê me deux dans la semaine... et parfois en plus du brandy... Et je les revoyais jamais à table!... ni au parloir!... ni dans les verres!... pas une seule goutte!... On buvait, nous autres, de la flotte et de la bien claire et strictement... Alors où qu’elle partait la gniole? Y avait un paillon dans la tô le? Ah! je m’en gourais fortement! Je me ré pé tais à tout hasard, y a quelqu’un là -dedans qui suce!... C’est un petit gâ té qu’a pas froid!... Avec ce qu’y se jette, mê me en hiver, il doit pas craindre les rhumatismes!... Voilà !

Il commenç ait à faire meilleur, on est venu à bout de l’hiver... Il s’est é puisé en promenades, en performances, cross-country, en averses et en branlages...



  

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