Хелпикс

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Note sur l’édition numérique. 19 страница



Dans la bande, c’é tait encore moi, le plus grand et le plus affamé. Je finissais dare-dare ma croissance. Au bout d’un mois j’avais doublé. La violence des é lé ments ç a me faisait une ré volution dans les poumons, dans la stature. À force de taper, de racler tous les plats bien avant que les autres m’invitent je devenais comme un flé au à table. Les mô mes ils reluquaient mon é cuelle, ils me filaient des regards criminels, y avait la lutte c’est é vident... Je m’en foutais je causais à personne... J’aurais remangé mê me quelques nouilles, si on m’avait provoqué, tellement que j’avais faim encore... Un collè ge où on boufferait en suffisance, il irait à la faillite... Il faut toujours ré flé chir! Je me rattrapais sur le « porridge », là j’é tais impitoyable... J’abusais mê me de ma force, pire encore sur la « marmelade »... La petite soucoupe pour nous quatre mô mes, je la lampais pour moi tout seul et à mê me... je la sifflais, on l’avait pas vue... Les autres, ils pouvaient râ ler, jamais je ré pondais, forcé ment... Le thé, c’é tait à discré tion, ç a ré chauffe, ç a gonfle, c’est de l’eau parfumé e agré able, mais ç a creuse plutô t. Quand la tempê te durait longtemps, que toute la colline rugissait pendant des jours et des jours, je fonç ais dans le pot de sucre, à la louche et mê me à pleines poignes, ç a me donnait du ré confort, le jaune, le candi.

Aux repas, M. Merrywin, il se posait juste devant le grand plat, il distribuait tout lui-mê me... il essayait de me faire causer. Il avait pas bon... La causerie, moi!... La seule tentative je voyais rouge!... J’é tais pas docile... avait seulement que sa belle femme qui m’ensorcelait un petit peu, qui aurait peut-ê tre pu m’adoucir... J’é tais placé à cô té d’elle... Vraiment elle é tait adorable. Ç a oui, de figure! de sourire! des bras! de tous les mouvements, de tout. Elle s’occupait à chaque seconde de faire manger le petit Jonkind, un enfant spé cial, un « tardif ». Aprè s chaque bouché e, ou presque, il fallait qu’elle intervienne, qu’elle l’aide, le bichonne, qu’elle essuye tout ce qu’il bavait. C’é tait du boulot.

Ses parents, à lui, au cré tin, ils restaient là -bas aux Indes, ils venaient mê me pas le voir. C’é tait une grande sujé tion, un petit forcené pareil, surtout au moment des repas, il avalait tout sur la table, les petites cuillers, les ronds de serviettes, le poivre, les burettes et mê me les couteaux... C’é tait sa passion d’engloutir... Il arrivait avec sa bouche toute dilaté e, toute distendue, comme un vrai serpent, il aspirait les moindres objets, il les couvrait de bave entiè rement, à mê me le lino. Il en ronflait, il é cumait en fonctionnant. Elle l’empê chait, à chaque fois, l’é loignait, Mme Merrywin, toujours bien gracieuse, inlassable. Jamais une seule brusquerie...

À part le truc d’engloutir, le mô me il é tait pas terrible. Il é tait mê me plutô t commode. Il é tait pas vilain non plus, seulement ses yeux qu’é taient fantasques. Il se cognait partout sans lunettes, il é tait ignoblement myope, il aurait renversé les taupes, il lui fallait des verres é pais, des vrais cabochons comme calibre... Ç a lui exorbitait les châ sses, plus large que le reste de la figure. Il s’effrayait pour des riens, Mme Merrywin le rassurait en deux mots, toujours les mê mes: No trouble! Jonkind! No trouble! ...

Il ré pé tait ç a lui aussi pendant des journé es entiè res à propos de n’importe quoi, comme un perroquet. Aprè s plusieurs mois de Chatham c’est tout ce que j’avais retenu... No trouble, Jonkind!

Deux semaines, trois semaines ont passé... Ils me laissaient bien tranquille. Ils cherchaient pas à me brusquer. Ils auraient bien aimé que je cause... que j’apprenne un peu d’anglais. C’é tait é vident. Mon pè re il demandait dans ses lettres si je faisais pas quelques efforts?... Si je m’adonnais aux é tudes?...

Je me laissais pas embringuer... J’é tais plus bon pour la parlote... J’avais qu’à me rappeler mes souvenirs... Le gueuloir de la maison!... les limonades à ma mè re!... Toutes les vannes qu’on peut vous filer avec des paroles! Merde! Plus pour moi! J’avais mon sac!... J’en é tais gavé pour toujours des confidences et des salades!... Salut! J’en gardais des pleines brouettes... Elles me remontaient sur l’estomac, rien qu’à essayer... Ils m’auraient plus... C’é tait « la classe »! J’avais un bon truc pour me taire, une occasion vraiment unique, j’en profiterais jusqu’à la gauche... Pas de sentiment! Pas d’entourloupes! Elles me faisaient rendre moi leurs causettes... Peut-ê tre encore plus que les nouilles... Et pourtant il m’en venait du rabe rien que de penser à la maison...

Ils savaient plus eux, comment faire, M. et Mme Merrywin, ils se demandaient d’où ç a me venait un mutisme pareil, une bouderie si obstiné e... C’est surtout lui qui faisait des avances, tout de suite en se mettant à table, à propos des moindres objets... en dé pliant sa serviette... Il y tenait à ce que j’apprenne... « Hello! Ferdinand! » qu’il m’interpellait... Il é tait pas bien tentant... « Hello! Hello! » que je ré pondais, et puis c’é tait tout. Ç a s’arrê tait là... on commenç ait à briffer... Derriè re ses binocles, il me regardait avec peine... Il avait des mé lancolies, il devait dire: « Ce garç on-là, il nous restera pas!... Il va partir s’il s’ennuie!... » Mais il osait plus insister... Il clignait ses petits yeux « trous de bite », son menton galoche, il remontait ses sourcils qui se barraient de travers et les deux diffé rents comme teinte. Il gardait son genre ancien, avec encore des favoris et la petite moustache cosmé tique, les bouts trè s pointus... Il avait l’air assez jovial. Il se dé menait par monts et par vaux, en sport et mê me en tricycle...

Elle, sa femme, c’é tait pas semblable, elle craignait personne pour le charme, je dois avouer qu’elle ensorcelait... Elle me faisait un effet profond.

C’é tait pé nible comme dé cor leur ré fectoire au rez-de-chaussé e. Les murs presque jusqu’au plafond peinturluré s en cachou. Ç a donnait sur une impasse. La premiè re fois qu’elle est entré e avec Jonkind dans la piaule... C’é tait pas possible d’y croire tellement que je la trouvais belle... Un trouble qu’é tait pas ordinaire... je la regardais encore... Je clignais des deux yeux... J’avais la berlue... Je me replongeais dans mon rata... Nora elle s’appelait... Nora Merrywin...

Au dé but, à la fin du repas, on se prosternait tous à genoux pour que le vieux puisse ré citer les priè res... Il commentait longuement la Bible. Les mô mes, ils se farfouillaient les narines, ils tortillaient dans tous les sens...

Jonkind, il voulait pas rester, il voulait bouffer le bouton de porte qu’é tait devant lui à sa hauteur. Le daron, il s’en donnait de l’oraison, il aimait ç a marmonner... il bourdonnait un bon quart d’heure, ç a finissait la bectance... On se relevait à la fin, au moment d’ever and ever!

Les murs é taient brunis seulement jusqu’à mi-hauteur, le reste é tait de la chaux. En plus, il y avait des gravures de l’Histoire Sainte... Ç a montrait Job et son bâ ton, en loques, il traversait un dé sert... Et puis, il y avait l’Arche de Noé ! complè tement bouclé e sous la pluie, qui rebondissait dans les vagues, dans les furies tout é cumantes... On é tait comme ç a, nous aussi, sur la colline à Rochester. Notre toit, il é tait pareil. On avait, je suis sû r, des rafales encore beaucoup plus violentes... Les doubles fenê tres en crevaient... Plus tard c’é tait l’accalmie, le grand domaine des brouillards... Ç a devenait alors tout magique... Ç a devenait comme un autre monde... On voyait plus à deux pas autour de soi, au jardin... Y avait plus qu’un nuage, il entrait doucement dans les piè ces, il cachait tout, il passait peu à peu partout, dans la classe, entre les mô mes...

Les bruits de la ville, du port, montaient, remplissaient l’é cho... Surtout ceux de la riviè re en bas... On aurait dit que le remorqueur il arrivait en plein jardin... On l’entendait mê me souffler derriè re la maison... Il revenait encore... Il repartait dans la vallé e... Tous les sifflements du chemin de fer, ils s’enroulaient en serpentins à travers les bué es du ciel... C’é tait un royaume de fantô mes... Il fallait mê me rentrer vite... On serait tombé s de la falaise...

Pendant qu’ils disaient la priè re, j’avais des sensations dangereuses... Comme on é tait agenouillé s, je la touchais presque moi, Nora. je lui soufflais dans le cou, dans les mè ches. J’avais des fortes tentations... C’é tait un moment critique, je me retenais de faire des sottises... je me demande ce qu’elle aurait pu dire si j’avais osé ?... Je me branlais en pensant à elle, le soir au dortoir, trè s tard, encore aprè s tous les autres, et le matin j’avais encore des « revenez-y »...

Ses mains, c’é taient des merveilles, effilé es, roses, claires, tendres, la mê me douceur que le visage, c’é tait une petite fé erie rien que de les regarder. Ce qui me taquinait davantage, ce qui me possé dait jusqu’au trognon c’é tait son espè ce de charme qui naissait là sur son visage au moment où elle causait... son nez vibrait un petit peu, le bord des joues, les lè vres qui courbent... J’en é tais vraiment damné... Y avait là un vrai sortilè ge... Ç a m’intimidait... J’en voyais trente-six chandelles, je pouvais plus bouger... C’é tait des ondes, des magies, au moindre sourire... J’osais plus regarder à force. Je fixais tout le temps mon assiette.

Ses cheveux aussi, dè s qu’elle passait devant la cheminé e, devenaient tout lumiè re et jeux!... Merde! Elle devenait fé e! c’é tait é vident. Moi, c’est là au coin de la lè vre que je l’aurais surtout bouffé e.

Elle é tait aussi aimable avec moi qu’avec le cré tin, elle me traduisait les moindres mots, tout ce qui se racontait à table, toutes les histoires de morveux... Elle me donnait des explications, en franç ais d’abord, elle prononç ait tout lentement... Elle se donnait un double boulot... Son vieux, il clignait toujours derriè re ses lorgnons... Il faisait plus beaucoup l’oiseau, il se contentait d’acquiescer... « Yes Ferdinand! Yes! » qu’il approuvait... Engageant... Et puis, il s’amusait tout seul, il se curait les crocs trè s lentement, et puis les oreilles, il jouait avec son râ telier, il le dé collait, il le faisait remonter encore. Il attendait que les gosses finissent, alors, il refonç ait en priè res.

Une fois qu’on é tait relevé s, Mme Merrywin essayait encore un petit peu, avant qu’on retourne en classe, de m’inté resser aux objets... « The table, la table, allons Ferdinand!... » Je ré sistais à tous les charmes. Je ré pondais rien. Je la laissais passer par-devant... Ses miches aussi elles me fascinaient. Elle avait un pot admirable, pas seulement une jolie figure... Un pé tard tendu, contenu, pas gros, ni petit, à bloc dans la jupe, une fê te musculaire... Ç a c’est du divin, c’est mon instinct... La garce je lui aurais tout mangé, tout dé voré, moi je le proclame... Je gardais toutes mes tentations. Des autres moujingues de la tô le je m’en mé fiais comme de la peste. C’é tait qu’une bande de petits morveux, des petits batailleurs, bien ragoteurs, bien enragé s, bien connards. J’avais plus de goû t pour les babioles, je les trouvais mê me é cœ urants... tous ces mô mes avec leurs grimaces... J’avais plus l’â ge ni la patience. Je trouvais plus ç a possible l’é cole... Tout ce qu’ils fabriquent, tout ce qu’ils ré citent... c’est pas é coutable en somme... à cô té de ce qui nous attend... de la maniè re qu’on vous arrange aprè s qu’on en est sorti... Si j’avais voulu jaspiner, je les aurais moi, incendié es en trois mots, trois gestes, toutes ces fausses branlures. Il en serait pas resté un debout. Rien que de les voir caramboler autour des « crickets », il me passait des haines... Dans les dé buts, ils m’attendaient dans les coins pour me dresser soi-disant... Ils avaient dé cidé comme ç a que je causerais quand mê me. Ils s’y mettaient une douzaine. Ils avalaient leurs cigarettes... je faisais celui qui voyait rien. J’attendais de les avoir tout prè s. Alors à bloc, je les faisais rebondir, à grands coups de beignes dans les châ sses, à pleines grolles dans les tibias... Une vraie pâ té e! La dé coction! Comme des quilles ç a carambolait!... Ils se tâ taient les os longtemps... Aprè s ils é taient plus convenables... Ils devenaient doux, respectueux... Ils revenaient un peu flairer... J’en rallongeais deux ou trois... Ils se le tenaient alors pour dit.

C’é tait vraiment moi le plus fort, et peut-ê tre le plus mé chant... Franç ais ou Anglais, les lardons c’est tout du kif comme vermine... Faut pié tiner ç a dè s l’entré e... Faut pas y aller avec le dos, ç a se corrige d’autor ou jamais! À la dé trempe! la Capitale! Sinon c’est vous qu’on escalade!... Tout est crevé, pourri, fondu. Il vous resterait plus que la chiasse si vous laissiez passer l’occase! Si je m’é tais mis à leur causer, j’aurais raconté forcé ment comment c’é tait les vrais « business... »! les choses exactes de l’existence, les apprentissages... Moi je les aurais vite affranchis ces mirmidons à la gomme! Ils savaient rien ces petits... Ils soupç onnaient pas... Ils comprenaient que le football, c’est pas suffisant... Et puis se regarder la bite...

Les heures de classe é taient pas longues, on s’y collait que le matin...

En fait d’instruction, de religion, de sports varié s, M. Merrywin avait la haute main, il se chargeait de tout, il é tait seul, il avait pas d’autres professeurs.

Dè s le petit jour, c’est lui-mê me, en sandales et robe de chambre qui passait pour nous ré veiller. Il fumait dé jà sa pipe, une petite en terre. Il agitait autour des lits sa longue badine, il fustigeait par-ci, par-là, mais jamais trè s fort. Hello boys! Hello boys! avec sa voix de petite vieille.

On le suivait aux lavabos... Y avait une rangé e de robinets, on s’en servait le moins possible. C’é tait trop froid pour savonner. Et la pluie n’arrê tait plus. À partir du mois de dé cembre ce fut vraiment du dé luge. On voyait plus rien de la ville, ni du port, ni du fleuve au loin... Toujours le brouillard, un coton é norme... Les pluies le dé trempaient aussi, on apercevait des lumiè res, elles disparaissaient encore... On entendait toutes les sirè nes, tous les appels des bateaux, dè s l’aube c’é tait la rumeur... Les treuils qui grincent, le petit train qui longe les quais... qui halè te et piaule...

Il remontait en arrivant le gaz « papillon », Merrywin, pour qu’on puisse trouver nos chaussettes. Aprè s le lavabo, on se trissait, encore tout humides, vers la mince bectance, au sous-sol. Un coup de priè re et le breakfast! C’est le seul endroit où on brû lait un peu de charbon, le si gras, le si coulant, qui fait volcan, qui dé tone, qui sent l’asphalte. C’est agré able comme odeur, mais c’est son relent de soufre qui pique quand mê me un petit peu fort!

À table, y avait les saucisses sur du pain grillé, mais par exemple trop minuscules! C’est bon, certes! une gourmandise, mais y en avait jamais assez. Je les aurais avalé es toutes. À travers la fumé e, les flammes jouaient en reflets sur le mur, sur Job et puis l’Arche... ç a faisait des mirages fantastiques.

Ne causant pas la langue anglaise, j’avais tout le temps de m’amuser l’œ il... Le vieux, il mastiquait lentement. Mme Merrywin, elle arrivait aprè s tout le monde. Elle avait habillé Jonkind, elle l’installait sur sa chaise, elle é cartait les ustensiles, surtout les couteaux, c’é tait vraiment admirable qu’il se soye pas dé jà é borgné... Et le voyant si goulu, qu’il ait pas dé jà bouffé une petite cafetiè re, qu’il en soye pas dé jà crevé... Nora, la patronne, je la regardais furtivement, je l’entendais comme une chanson... Sa voix, c’é tait comme le reste, un sortilè ge de douceur... Ce qui m’occupait dans son anglais c’é tait la musique, comme ç a venait danser autour, au milieu des flammes. Je vivais enveloppé aussi moi, un peu comme Jonkind en somme, dans l’ahurissement. Je vivais gâ teux, je me laissais ensorceler. J’avais rien à faire. La punaise, elle devait bien se rendre compte! C’est fumier les femmes. Elle é tait vicelarde comme les autres. « Mais dis donc! que je me fais, Arthur! T’as pas mangé du cerf-volant? T’es pas malade? Dis, des fois? Tu la perds! Tu t’envoles Bouboule! Mon trognon ché ri! Raccroche mon Jé sus! Pince-toi l’œ uf! Il est quart moins deux! »... Aussitô t c’é tait fatal, je me racornissais à l’instant... Je me ratatinais tout en boule. C’é tait fini! c’é tait passé ! J’avais la trappe recousue!

Fallait que je reste sur mes gardes, l’imagination m’emportait, l’endroit é tait des plus songeurs avec ses rafales opaques et ses nuages partout. Il fallait se planquer, se reblinder sans cesse. Une question me revenait souvent, comment qu’elle l’avait é pousé l’autre petit vé reux? le raton sur sa badine? ç a paraissait impossible! Quel trumeau! quel afur! quelle bobinette! en pipe il ferait peur! il ferait pas vingt sous! Enfin c’é tait son affaire!...

C’est toujours elle qui me relanç ait, qui voulait que je conversationne: « Good Morning Ferdinand! Hello! Good Morning! »... J’é tais dans la confusion. Elle faisait des mimiques si mignonnes... J’ai failli tomber bien des fois. Mais je me repiquais alors dare-dare... Je me faisais revenir subitement les choses que j’avais sur la pomme... Je revoyais la tê te à Lavelongue, à Gorloge, mé limé lo!... J’avais un choix pour dé gueuler! la mè re Mé hon!... Ç â kya-Mouni!... J’avais qu’à me laisser renifler, j’avais le nez toujours dans la merde! Je me ré pondais par l’inté rieur... « Parle toujours, parle encore dis ma langouste! C’est pas toi qui me feras tiquer... Tu peux te fendre toute la musette... Faire des sourires comme douze grenouilles! Je passerai pas!... Je suis bien gercé, je garantis, j’ai la colonne qui dé borde »... Je repensais à mon bon papa... à ses entourloupes, ses salades... à tous les bourres qui m’attendaient, aux turbins qu’é taient à la traî ne, à tous les fientes des clients, tous les haricots, les nouilles, les livraisons... à tous les patrons! aux dé rouilles que j’avais poiré es! Au Passage!... Toutes les envies de la gaudriole me refoulaient pile jusqu’au trognon... Je m’en convulsais, moi, des souvenirs! Je m’en é corchais le trou du cul!... Je m’en arrachais des peaux entiè res tellement j’avais la furie... J’avais la marge en compote. Elle m’affû terait pas la gironde! Bonne et mirifique c’é tait possible... Qu’elle serait encore bien plus radieuse et splendide cent dix mille fois, j’y ferais pas le moindre gringue! pas une saucisse! pas un soupir! Qu’elle se trancherait toute la conasse, qu’elle se la mettrait toute en laniè res, pour me plaire, qu’elle se la roulerait autour du cou, comme des serpentins fragiles, qu’elle se couperait trois doigts de la main pour me les filer dans l’oignon, qu’elle s’achè terait une moule tout en or! J’y causerais pas! jamais quand mê me!... Pas la moindre bise... C’é tait du bourre! c’é tait pareil! Et voilà ! J’aimais encore mieux fixer son daron, le dé visager davantage... ç a m’empê chait de divaguer!... Je faisais des comparaisons... Y avait du navet dans sa viande... Un petit sang vert et frelaté... Y avait de la carotte aussi à cause des poils tout en vrilles barrant des oreilles et en bas des joues... Qu’est-ce qu’il avait pu lui faire pour la tomber la jolie?... C’é tait sû rement pas la richesse... C’é tait une erreur alors?... Maintenant aussi faut se rendre compte, les femmes c’est toujours pressé. Ç a pousse sur n’importe quoi... N’importe quelle ordure leur est bonne... C’est tout à fait comme les fleurs... Aux plus belles le plus puant fumier!... La saison dure pas si longtemps! Gi! Et puis comment ç a ment toujours! J’en avais des exemples terribles! Ç a n’arrê te jamais! C’est leur parfum! C’est la vie!...

J’aurais dû parler? Bigornos! Elle m’aurait bourré la caisse? C’é tait raide comme une balle... J’aurais encore moins compris. Ç a me faisait au moins le caractè re de boucler ma gueule.

M. Merrywin, en classe, il essayait de me convaincre, il se donnait du mal exprè s, il mettait tous les é lè ves au boulot de me faire causer. Il inscrivait des phrases entiè res sur le tableau noir, en lettres capitales... Bien faciles à dé chiffrer... et puis en dessous la traduction... Les mô mes rabâ chaient tous ensemble, des quantité s de fois... en chœ ur... en mesure... J’ouvrais alors la gueule toute grande, je faisais semblant que ç a venait... J’attendais que ç a sorte... Rien sortait... Pas une syllabe... Je rebouclais tout... C’é tait fini la tentative... J’é tais tranquille pour vingt-quatre heures... « Hello! Hello! Ferdinand! » qu’il me relanç ait le sapajou à bout d’astuce, dé solé... Il m’agaç ait alors vraiment... J’y aurais fait, moi, ingurgiter toute sa longue baguette... Je l’aurais passé à la broche... Je l’aurais suspendu à la fenê tre par le troufignon... Ah! il l’a pressenti à la fin... Il a plus insisté du tout. Il devinait mes instincts... Je fronç ais les sourcils... Je grognais à l’appel de mon nom... Je quittais plus mon pardessus, mê me en classe et je couchais avec...

Il tenait à moi, Merrywin, elle é tait pas é paisse sa classe, il voulait pas que je me trisse, que je rentre avant mes six mois. Il se mé fiait de mes impulsions. Il se gardait sur la dé fensive...

Au dortoir, on é tait chez nous, je parle entre les mô mes, une fois la priè re ré cité e... Ç a s’accomplissait à genoux et en chemise de nuit sur le dur, au bout du plumard... Merrywin faisait une espè ce de sermon, on restait en cercle autour... et puis il se barrait dans sa chambre... On le revoyait plus... Aprè s les ré ponses en vitesse, on se pieutait dare-dare, on avait hâ te de branlages. Ç a remonte la tempé rature... L’idiot, lui, Nora Merrywin l’enfermait dans un lit spé cial, qu’avait une grille comme couvercle. Il demandait qu’à s’é chapper... quelquefois, il renversait le plumard tellement il é tait somnambule...

Moi j’avais fait la connaissance d’un petit mô me bizarre, qui me suç ait presque tous les soirs, il avalait toute la sauce, j’avais du jus, plus que les autres… Il é tait friand, il faisait marrer toute la chambre avec ses drô leries... il suç ait encore deux petits mecs... Il faisait le chien... Wouf! Wouf! qu’il aboyait, il cavalait comme un clebs, on le sifflait, il arrivait, il aimait ç a qu’on le commande... Les soirs de vraiment grande tempê te, que ç a s’engouffrait au plus fort, dans l’impasse, sous nos fenê tres, y avait des paris à propos du ré verbè re, si le vent l’é teindrait? Celui qui grinç ait si fort, le suspendu prè s de la poterne... C’est moi qui tenais les paris, le ginger, les chocolats, les images, les bouts de cigarettes... mê me des bouts de sucre... trois allumettes. J’avais la confiance... On me mettait tout ç a sur mon lit... le « wouf-wouf chien » gagnait souvent... Il avait l’instinct des bourrasques... La veille de Noë l, il est venu un tel cyclone, que la lanterne de l’impasse a complè tement é claté. Je me souviens toujours... C’est moi et le mô me wouf-wouf qu’avons bouffé tous les paris.

La mode et la tradition, c’é tait qu’à partir de midi, on s’habille tous en sportifs, en requimpette d’uniforme rayé e vert et jaune, la calotte ad hoc, tout ç a orné d’é cussons aux armoiries du collè ge... J’y tenais pas trè s spé cialement à m’affubler en chienlit et puis ç a devait ê tre bien coû teux, une tenue pareille?... Surtout les godasses à crampons... J’avais pas l’humeur aux joujoux... Je voyais pas de jeux dans mon avenir... C’é tait encore un genre foireux qu’é tait bien fait pour les petits caves...

Le vieux Merrywin lui-mê me, aussitô t aprè s le dé jeuner, il quittait sa demi-soutane, il passait le veston panaché, et froutt!... le voilà parti... Il devenait tout de suite tout guilleret, absolument mé connaissable... Il gambillait comme un cabri d’un bout à l’autre du terrain... Sous les averses et les rafales, il s’en ressentait comme personne... Il suffisait qu’il enfile son petit arlequin pour tressaillir d’effet magique. Il é tait cocasse, « vif-argent »!

Les Anglais, c’est drô le quand mê me comme dé gaine, c’est mi-curé, mi-garç onnet... Ils sortent jamais de l’é quivoque... Ils s’enculent plutô t... Ç a le tracassait é normé ment qu’on m’achè te à moi aussi une livré e complè te, que je sois nippé à la fin en champion du « Meanwell College »! Que je fasse plus tache dans les rangs, à la promenade, au football... Il m’a mê me montré une lettre qu’il é crivait à mon pè re au sujet de cette garniture... Peut-ê tre qu’il toucherait une ristourne? qu’il attendait sa petite « fleur »? C’é tait suspect comme insistance... J’ai pas bronché devant la missive. En moi-mê me, j’avais du sourire... « Envoie toujours, mon petit dabe, tu connais pas les parents!... Ils sont pas sportifs pour un rond »... Sû rement qu’il se rendait pas compte!... Sû rement qu’il allait se faire é tendre... Ils renarderaient au cotillon... Redouble!... Ç a ferait du joli!...

Alors donc, aprè s le dé jeuner, y avait pas de bon Dieu, ni de bourrasques!... Il fallait qu’on s’y colle tout le monde... On escaladait, deux par deux, une autre colline, derriè re la nô tre, absolument dé trempé e, torrentueuse, un chaos, des fondriè res... Je fermais la marche du collè ge avec Mme Merrywin et l’idiot, entre nous deux... On emportait sa pelle, son seau, pour qu’il puisse faire des pâ té s, des gros, des fondants, des pleins de boue, ç a le retenait un peu tranquille... Y avait plus de parapluies possibles ni d’impermé ables... Rien ré sistait aux tornades... Si y avait pas eu la gadouille qu’é tait plus é paisse que du plomb on serait partis chez les oiseaux...

J’avais la bonne place au football, je tenais les buts... ç a me permettait de ré flé chir... J’aimais pas, moi, qu’on me dé range, je laissais passer presque tout... Au coup de sifflet, les morveux ils s’é lanç aient dans la bagarre, ils labouraient toute la mouscaille à s’en retourner les arpions, ils chargeaient dans la baudruche, à toute foulé e dans la glaise, ils s’emplâ traient, ils se refermaient les deux châ sses, la tronche, avec toute la fange du terrain... Au moment de la fin de la sé ance, c’é tait plus nos garç onnets, que des vrais moulages d’ordure, des argiles dé goulinantes... et puis les touffes de colombins qui pendaient encore aprè s. Plus qu’ils é taient devenus bouseux, hermé tiques, capitonné s par la merde, plus qu’ils é taient heureux, contents... Ils dé liraient de bonheur à travers leurs croû tes de glace, la crê pe entiè rement soudé e.



  

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