Хелпикс

Главная

Контакты

Случайная статья





Note sur l’édition numérique. 18 страница



Tout affranchi, je reviens vers les boutiques... je traî ne le long des victuailles... Mais j’ai bâ fré, j’en peux plus... À pré sent c’est onze heures qui sonnent... Des rafales d’ivrognes arrivent... dé ferlent tout à travers l’esplanade... Ç a vient, ç a va, ç a s’é crase contre la muraille des douanes, ç a retombe, ç a mugit, ç a s’é tend, ç a s’é parpille... Ceux qui sont chlass en badine, raideur, cadence, boutonné s de travers, ils franchissent l’estaminet, ils piquent tout droit vers le comptoir... Ils restent là rien à dire, transis, soudé s par le tintamarre mé canique, la « valse d’amour »... Moi, il me reste encore beaucoup de sous... J’ai rebu deux soupes à la biè re, celle qui tire sur l’haricot...

Je suis ressorti avec un voyou et puis encore un autre roteur qu’avait un petit chat sous son bras. Il miaulait entre nous deux... Je pouvais plus beaucoup avancer... J’ai reculé dans le bar à cô té... foncé dans la porte à battants... J’ai attendu sur le banc... le long du mur que ç a revienne... avec tous les autres soiffards... Y avait des quantité s de gonzesses en caracos, plumes et bé rets, en canotiers à durs rebords... Tout ç a parlait en animaux... avec des é normes aboiements et des renvois de travers... C’é taient des chiens, des tigres, des loups, des morpions... Ç a gratte...

Dehors à travers le carreau, sur le trottoir, à pré sent, c’é taient des poissons qui passaient... On les voyait joliment bien... Ils allaient doucement... Ils ondulaient sur la vitrine... Ils venaient comme ç a dans la lumiè re... Ils ouvraient la bouche, il en sortait de petits brouillards... c’é taient des maquereaux, des carpes... Ils avaient l’odeur aussi, ils sentaient la vase, le miel, la fumé e qui pique... tout... Encore un petit coup à la biè re... On pourra jamais se relever... Alors ç a sera beaucoup mieux... Ils bavachent... Ils s’esbaudissent tous les fainé ants... Toute la rangé e se bigorne, se fout des claques à s’assommer les deux cuisses... Putains!...

Il s’arrê te tout de mê me le piano, le tô lier nous fout tous dehors!... Je me retrouve encore dans la rue! Je dé boutonne tout mon col!... Je me sens vraiment mal foutu... Je me trimbale à travers les ombres. Je vois encore un petit peu les deux ré verbè res... pas beaucoup!... Je vois l’eau... Je revois des clapotis... Ah! je vois aussi la descente. Je prends les marches une aprè s l’autre... Je m’appuye, je suis trè s prudent... Je touche à la flotte... à genoux... je dé gueule dessus... je fais des violents efforts... Je suis bien content... De plus haut, il m’arrive une rafale... une é norme... Tout un manger... Je vois le mec penché... Du refile... une bouffé e glaireuse... Je veux me redresser! Merde! Je peux plus... Je m’assois encore... Je prends tout! Tant pis!... Ç a coule dans les yeux... Encore un hoquet... Ouah!... Je vois l’eau danser... en blanc... en noir... C’est vraiment froid. Je grelotte, j’en dé chire mon froc... J’en peux plus de dé gueuler... Je me raplatis dans un angle... C’est un beaupré du voilier qui me passe à travers... Il me frô le juste la tronche... Ils arrivent les gars! C’est une vé ritable escadre!... Ah! oui! Ils sortent tout juste du brouillard... Ils poussent à la rame... Ils bordent à quai... Les voiles roulé es à mi-mâ t... J’entends le troupeau qui radine... Ç a pié tine tout le long des embarquements, c’est la corvé e qui arrive...

Je remonte pas du ras de la flotte... J’ai un peu moins froid... J’ai la tê te en mou... Je suis tranquille... Bien ré gulier. Je fais de mal à personne... C’est des espè ces de « tartanes »... Je m’y connais moi en navires... Il en arrive encore d’autres... Elles s’agglomè rent... Elles se tassent dans les vagues... Jusqu’à la lisse qu’elles plongent dans l’eau... Elles croulent sous les nourritures. Y a des lé gumes pour un monde... Y a des choux rouges, des oignons, des radis noirs, des navets en monticule, en cathé drales, ç a flotte à contre-courant et remorque à la voile!... Ç a se pavane dans les projecteurs... Ç a jaillit d’un coup des té nè bres... Les manœ uvres ont paré l’é chelle... Ils avalent tous d’un coup leurs chiques. Ils accrochaient alors leurs « bloums » aprè s leurs vestons d’alpaga... On aurait dit des comptables... Ils mettaient mê me des lustrines... C’é tait ainsi les dockers du temps d’autrefois... Ils é chafaudaient des paniers, des piles é tonnantes, des é quilibres, le haut montait dans la nuit... Ils revenaient avec des tomates, ils se creusaient des profonds tunnels en plein dans le remblai... les choux-fleurs... Ils redisparaissaient dans les cales... Ils revenaient sous les lanternes... Ils repassaient pleins d’artichauts... Le rafiot il ne bandait plus, il croulait sous les passerelles... il en arrivait toujours d’autres, pour pomper les marchandises, des transbordeurs à la gomme.

Je m’é tonne, j’ai les dents qui claquent... Je crè ve, oui litté ralement. Je ne divague plus... J’ai un sursaut dans la mé moire... Où je l’ai mise ma couverture? Je me souviens de la mô me Graillon... Je passe d’une baraque à une autre... Enfin je la retrouve la mignonnette. Elle m’attendait justement. Elle avait dé jà tout bouclé, toutes les marmites, sa grande fourchette, replié tout son bataclan... Elle avait plus qu’à s’en aller... Ç a lui faisait plaisir que je revienne. Elle avait vendu toutes ses pâ tes. Elle m’a mê me montré que c’é tait vide... les grosses frites... les pommes à l’huile... elle avait plus dans une assiette qu’un seul petit fromage de tê te... Elle se l’est é talé sur du pain avec un couteau, une belle tranche, on se l’est divisé e... J’avais faim encore un coup. Elle a remonté sa voilette pour mieux me dé visager. Elle me faisait des gestes de gronderie, que j’é tais resté trop longtemps. Elle é tait dé jà jalouse!... Elle a pas voulu que je l’aide pour tirer dans les brancards... C’é tait dans la ville son hangar où elle garait sa guimbarde. C’est moi qui portais le falot... J’avais pas tout vu de son chapeau... Il en restait à regarder, il lui en retombait jusqu’à la taille des colifichets garnitures. Une plume de paon, une immense, é tait noué e sous son menton par un foulard vraiment splendide, à ramages mauves et doré s.

Dans la remise on a entassé les casseroles... On a tout bouclé la lourde, on est repartis en baguenaude. Alors, elle s’est rapproché e... Elle voulait me causer sé rieusement... Là encore j’ai pas cé dé... J’ai fait l’oseille. Je lui ai montré mon adresse... le « Meanwell College ». Exprè s, je me suis arrê té sous un bec de gaz... Elle savait justement pas lire... Elle arrê tait plus de chahuter... Elle me ré pé tait seulement son nom, son nom à elle. Elle se le tapait sur la poitrine... Gwendoline! Gwendoline!... J’entendais bien, je lui massais, moi, les nichons, mais je comprenais pas les paroles... Ç a va les tendresses! les aveux! C’est comme les familles! Ç a se repè re pas du premier coup, mais c’est pourri et compagnie, c’est fourmillant d’infection... C’est pas ce graillon-là toujours qui me ferait prononcer des paroles. Salut minette! Va chier punaise! Elle pouvait porter ma valise! À ton bon cœ ur ma Né nette! Te gê ne pas pour ç a! Elle é tait bien plus costaud que moi!... Elle profitait des coins sombres pour m’accaparer en tendresses. Elle m’é treignait en lutteuse... Y avait pas à ré sister... Les rues é taient presque dé sertes... Elle voulait que je la malaxe... que je la pressure... que je lui passe aussi des ceintures... C’é tait un fort tempé rament... une exigeante, une curieuse... On se cachait derriè re des brouillards... Il fallait que je l’embrasse encore, elle m’aurait pas rendu mes trucs... J’avais l’air con à me tortiller... On é tait sous un ré verbè re, il lui vient tous les culots, elle me sort la queue en plein vent... Je bandais dé jà plus... Elle me fait encore raidir... je reluis... Elle redevient comme une vraie folle... Elle sautillait dans le brouillard. Elle relevait son cotillon, elle faisait la danse du sauvage... J’é tais forcé de rigoler... C’é tait pas une heure! Elle voulait tout! Merde! Elle me courait aprè s... Elle devenait mé chante! Elle me rattrape... Elle cherche à me croquer! des suç ons farouches! C’est une mô me qui aimait l’é tranger...

L’esplanade é tait dé garnie, les saltimbanques à l’autre bout, ils repliaient leurs tentes... Les petites charrettes des frimants, les bonbons, les confitures... traversaient tout l’espace vide en bringuebalant dans les trous, les fondriè res... Ils avaient du mal à pousser... On arrive devant une estrade, c’é tait la derniè re moukè re, une grand-mè re qui dé crochait ses tentures... Elle é tait nippé e en houri... Elle soufflait toutes ses camoufles... Elle roulait ses tapis d’Orient... C’é tait fermé par des pancartes... avec des lignes de la main... Elle bâ illait é normé ment, à se dé crocher la mâ choire... Ouah! Ouah! qu’elle grognait à travers la nuit. On se rapproche nous deux, ma gironde. On l’interrompt dans son mé nage. Elles se reconnaissent les grognasses... Elles se causent... Elles devaient ê tre des copines... Elles bafouillaient des trucs ensemble. Je les inté ressais toutes les deux... La fatma, elle me fait signe de venir, de monter dans son gourbi. Je peux pas refuser, l’autre garde mes trucs... Elle me prend la main, la moukè re, elle me la retourne, elle me regarde dedans, les paumes... De tout prè s, avec la lampe. Elle va me faire les lignes... Je gaffe! Elles sont curieuses de mon avenir!... Ç a veut tout savoir les grognasses! Dè s qu’on refuse de leur causer!... Je m’en fous, j’é tais bien confortable, sur une pile de coussins... Il faisait bien moins froid que dehors... J’é tais en train de me dé lasser... Elles continuaient leurs manigances... Elles s’inté ressaient à mon cas... Elle s’animait l’Orientale... elle me fignolait l’horoscope... La mienne elle fronç ait les sourcils. Je devais avoir un destin triste... Je me laissais faire, manipuler... C’é tait pas dé sagré able. D’abord, j’avais d’autres soucis! Je regardais un peu tout autour, comment c’é tait fait leur tente... bariolé e avec des é toiles, et au plafond des comè tes et des lunes brodé es... C’é tait trop tard pour se passionner, merde! Je comprenais rien dans leurs ragots... Il é tait au moins deux heures!... Elles arrê taient pas, elles traî naient toujours... Elles discutaient à pré sent à propos des petits sillons... C’é tait des natures scrupuleuses... Moi, j’avais toujours les mains sales, ç a devait ê tre dé jà plus facile. Et aussi les ongles... Je me serais toujours bien endormi... Enfin, elles ont terminé... Elles é taient d’accord. Ma mô me a payé la vioque avec son pognon à elle, deux piè ces, j’ai regardé... Elle s’est fait aussi les cartes... Et puis c’é tait fini l’avenir... On est repassé s sous les rideaux. La moukè re est regrimpé e sur son comptoir, elle s’est remise à ses tentures.

Ma conquê te, la Gwendoline, à partir de ce moment-là, elle m’a regardé autrement... J’é tais plus la mê me personne... Je sentais qu’elle avait des pré sages, elle me trouvait transfiguré... Elle me caressait plus la mê me chose... Il devait ê tre poisseux mon destin... Aussi bien aux brè mes qu’aux sillons, il é tait sû rement à la caille!...

Je me sentais un tel sommeil, que je serais bien retombé sur place, mais il faisait encore trop frisquet. Il a fallu qu’on dé ambule à travers le dé barcadè re... Vraiment y avait plus personne, juste un petit chien qui a suivi pendant un petit moment. Il s’en allait vers les hangars. On est passé s dans un abri, tout au ras de l’eau, on entendait, on voyait la maré e contre la muraille... comme des langues, ç a venait claquer... et puis des coups de rames... et l’essoufflement des gars qui reprenaient le large.

Mon graillon, elle m’entraî nait, elle voulait, je crois, que j’aille chez elle... J’aurais bien couché sur les sacs, y en avait des tas é normes qui montaient jusqu’aux solives... Ç a protè ge du vent... Elle me faisait des signes, qu’elle avait une vraie carré e avec un vrai lit... Ç a me disait pas davantage... C’é tait des intimité s... Mê me là, au fond de la fatigue, elle me foutait encore la cerise. J’ai fait signe que non... J’avais l’adresse que je voulais rejoindre... au Meanwell College... J’aimais mieux repasser par l’é cole que de me taper la Gwendoline. C’est pas qu’elle é tait trop tarte, dans son genre elle avait son charme, elle avait comme une é lé gance... Elle avait de la fesse, et des musculeux guizots, et des rondins bien mignons... Une sale gueule, mais il faisait noir. On aurait fait nos dé gueulasses, on se serait sû rement bien amusé s... Mais une fois qu’on aurait dormi!... Mais c’é tait encore trop de fatigue!... Et puis c’é tait pas possible!... Ç a me remontait le fond du fiel! Ç a me coupait le nœ ud d’y penser... À toute la perfidie des choses! Du moment qu’on se laisse envelopper!... La saloperie! la bourrique! Et à ma mè re? Ah! la pauvre femme! Et à Gorloge! à la Mé hon! aux citations! au robinet de la cuisine! à Lavelongue! au petit André ! au complet bazar des ordures! Oui! Merde!... J’en avais tout un colis! qui pue! Un é norme! un tout fumant sur le cassis!... Pardon! Pas bonnard!

La mô me Bigoudi, mon graillon, la bien innocente, la soucieuse, j’y aurais refilé moi, une trempe, une avoine extra! qu’elle aurait plus su lard de cochon! Si je m’é tais senti le costaud!... Pour lui apprendre comment c’é tait... Mais elle m’aurait dé rouillé sû r! Elle avait du ré pondant, un poitrail d’athlè te, elle m’aurait retourné comme une crê pe si j’é tais devenu trè s mé chant!... Je pensais qu’à ç a, dans les petites rues pendant qu’elle m’ouvrait la coquette... Elle avait la poigne d’ouvriè re, la sans-faç on, la rugueuse. J’ai é té branlé par tout le monde. Bien...

Enfin, j’ai ressorti mon adresse. Il fallait qu’on la dé couvre quand mê me. Puisqu’elle savait pas du tout lire, on a cherché un policeman... On s’est trompé s deux, trois fois. C’é tait seulement des fontaines qui faisaient drô le dans les carrefours, entre les brumes... Ce fut un monde pour le trouver... On a cherché d’un dock à l’autre. On a carambolé partout dans les futailles et les passerelles... On se marrait malgré l’é puisement... Elle me soutenait avec ma valise... Elle avait vraiment bonne humeur. Elle perdait tout son chignon... Je lui tirais mê me les tifs. Ç a la faisait aussi rigoler. Le chien à la traî ne est rappliqué avec nous... Enfin dans la fente d’un kiosque on a repé ré une vraie lumiè re... Le cogne il é tait accroupi, il a sursauté de nous voir. Il avait au moins trois houppelandes l’une par-dessus l’autre. Il a raclé longtemps sa gorge... Il est sorti dans le brouillard, il se secouait, s’é brouait, comme un canard. Il a allumé sa pipe... Il é tait bien complaisant. Il put la lire mon adresse. Il nous a montré tout là -haut, il a pointé avec le doigt, tout au bout de la nuit, où se trouvait « Meanwell College », au-dessus de la colline aprè s tout un chapelet de lanternes qui gravissait en zigzag... Il est retourné dans sa cahute. Il s’est comprimé dans la porte avec toutes ses é paisseurs.

Du moment qu’on savait le chemin, on é tait plus si pressé s... Y avait encore une escalade, une trè s longue rampe... C’é tait pas fini l’aventure!... On a grimpé tout doucement. Elle voulait pas que je m’é reinte... Elle é tait pleine de pré venances. Elle osait plus m’importuner... Elle m’embrassait seulement un peu, dè s qu’on allait pour se reposer. Elle me faisait des gestes sous les ré verbè res que j’é tais bien à son goû t... Qu’elle m’avait tout à la bonne... À peu prè s au milieu de la pente, on s’est assis sur une roche, de là on voyait trè s loin à travers le fleuve passer des nué es de brouillard, elles se pré cipitaient dans le vide, elles effaç aient les petits navires sur le courant lisse. On voyait plus leurs falots... aprè s c’é tait un clair de lune et puis des nuages reprenaient tout... La mô me, elle me refaisait des gestes... Si je voulais pas encore bouffer? Elle s’offrait d’aller m’en chercher, ç a devait partir d’un bon cœ ur... Malgré que j’é tais si abruti, je me demandais encore tout de mê me si j’aurais pas eu la dé tente pour la balancer dans le ravin d’un grand coup de pompe dans les miches? Hein?...

Dessous c’é tait la falaise... C’é tait à pic au-dessus de la flotte.

Voilà des voix qu’on entend, c’é tait des hommes, une ribambelle, je les reconnais avec leurs torches, c’est des « ministrels », des faux nè gres, les barbouillé s... Ils remontent du port eux aussi... Ils traî nent dans le brouillard leur carriole. Ils ont bien du mal avec. C’est pesant tout leur bazar, tout dé monté... Leurs instruments, les piquets ç a bringuebale, ç a sonne... Ils nous aperç oivent, ils causent à la mô me Graillon... Ils font la pause, ils s’installent un peu, ils discutent, ils mettent tous leurs sous en pile au bout de banc. Ils y arrivent plus à les compter... Ils ont dé jà bien trop de fatigue... Chacun son tour, ils vont se rincer la figure dans la cascade un peu plus loin. Ils en reviennent alors tout livides, dans le petit jour du matin... qu’on dirait qu’ils sont dé jà morts... Ils relè vent un moment la tê te, ils reflanchent, ils reviennent s’asseoir sur les graviers... Ils se refont des plaisanteries avec ma coquine... Enfin tout le monde se rassemble. On dé marre ensemble... On pousse à la roue leur truc, on tire avec eux la guimbarde pour qu’ils arrivent quand mê me là -haut. Il me restait un bout à faire! Ils ont pas voulu qu’on se quitte... C’é tait encore aprè s les arbres le « Meanwell College » et puis encore un dé tour, et puis une pente et un jardin...

C’é tait bleu à pré sent les choses... En arrivant à la porte, nous é tions tous assez copains. Le numé ro bien exact, ce fut difficile à repé rer. On a gratté des allumettes, à deux, trois endroits d’abord... enfin ç a y fut!... La mô me elle s’est mise à chialer. Il fallait bien qu’on se sé pare!... Je lui ai fait des dé monstrations, des signes, qu’elle reste pas là... qu’elle continue donc la route, qu’elle s’en aille avec les copains... Que j’irais sû rement la revoir... en bas... au port... plus tard... un jour... Je lui faisais des gestes affectueux... C’est vrai, que j’y tenais, en somme. Je lui ai donné ma couverture pour qu’elle aye confiance... que j’irais la reprendre... Elle comprenait difficilement... Je ne savais moi, comment faire... Elle m’embrassait tant et plus... Les « ministrels » ils se fendaient à voir nos mimiques... Ils imitaient les baisers...

Dans la petite rue bien resserré e, il passait un zé phyr glacial... Dé jà qu’on é tait si flapis... Je tenais plus en l’air... Quand mê me c’é tait trop marrant nos tendresses... On se bidonnait tous pour finir, tellement tout ç a devenait con... à une heure pareille!... Enfin elle s’est dé cidé e... Comme elle voulait pas repartir seule, elle a suivi les baladins... Ils ont dé marré tous en chœ ur derriè re la bagnole, les instruments, la grosse caisse... tout ç a en baguenaude... La mô me elle me faisait encore des ultimes appels de loin avec sa lanterne... Enfin ils ont disparu... au dé tour de l’allé e des arbres...

Alors, j’ai regardé la plaque, là devant moi, où je devais entrer!... C’é tait é crit bien exact « Meanwell College » et puis au-dessus des lettres bien plus rouges: Director J. P. Merrywin. C’é tait les indications, je m’é tais pas gouré du tout. J’ai soulevé le petit marteau: Plac! Plac! Rien d’abord est survenu... alors j’ai sonné à l’autre porte. Personne n’a encore ré pondu... Un bon moment... Enfin, ils ont remué dans la tô le... J’ai vu une lumiè re qui passait dans l’escalier... Je voyais à travers les rideaux... Ç a m’a fait une sale impression... Pour un peu je me barrais d’autor... J’aurais couru aprè s la mô me... J’aurais rattrapé les frimants... Je serais jamais revenu au College... Je faisais dé jà un demi-tour... Tac! je bute en plein dans un mec... un petit voû té en robe de chambre... Il se redresse. Il me dé visage... Il bafouille des explications... Ç a devait ê tre le proprié taire... Il é tait é mu... Il portait des favoris... un rouquin... et puis des poils blancs... Un petit toupet sur les yeux. Il me ré pé tait comme ç a mon nom. Il é tait venu par le jardin... C’é tait la surprise! C’é tait une drô le de maniè re... Il devait se mé fier des voleurs... Il proté geait sa bougie... Il restait devant moi bredouillard. Il faisait pas chaud pour l’entretien. Il trouvait pas tous ses mots, le vent a soufflé sa calebombe:

« Ferdinand!... Je... vous... dis... bon... jour... Je... suis... content... que vous ê tes ici... mais... vous avez... un grand retard... que vous est-il arrivé ?...

— J’en sais rien... que j’ai ré pondu. »

Il a pas insisté du tout... Alors il est passé devant. Il marchait à tout petits pas... Enfin, il a ouvert sa lourde... Il tremblotait dans la serrure. Il pouvait plus sortir la clef, tellement qu’il sucrait... Une fois comme ç a dans l’entré e il m’a montré que je l’attende. De m’asseoir là sur le coffre... qu’il allait arranger là -haut. En plein milieu de l’escalier, il se ravise encore un coup, il se penche au-dessus de la rampe, il me pointait comme ç a du doigt:

« Demain, Ferdinand! Demain... Je ne vous parlerai plus qu’anglais! Eh? What? ... » Ç a le faisait mê me rire d’avance...

« Attendez-moi un moment! Wait! Mô ment! Ah! vous voyez! Dé jà ! Ferdinand! Dé jà !... »

Il faisait le rigolo...

Il en finissait pas là -haut à trifouiller dans les tiroirs, de refermer encore des portes, de trimbaler des bahuts. Je me disais: « Il exagè re!... Je vais me coucher tel que!... » J’attendais toujours.

Au bout du couloir, en veilleuse, je voyais le papillon sautiller...

En m’habituant peu à peu l’œ il, j’ai discerné la grande horloge... un cartel maous... un vraiment splendide... et sur le cadran tout en cuivre une petite fré gate minuscule arrê tait pas de danser les secondes... tic! tac!... tic! tac!... Elle voguait comme ç a... Elle finissait par m’é tourdir avec la fatigue...

Le vieux, il maniganç ait toujours... il se dé battait dans les objets... Il faisait couler l’eau... Il parlait à une femme... Enfin il est redescendu... Il s’é tait mis dans les frais!... Complè tement lavé, rasé, fringué d’importance... et du style alors!... Un genre avocat... une cape noire flottante... depuis les é paules... des plis... des accordé ons... et sur la pointe du cassis une jolie calotte avec un gros gland... Je me dis que c’est pour faire les honneurs. Il veut m’avoir à l’estomac... Il me fait un petit geste... Je me lè ve... Je m’é branle... Je tenais plus debout à vrai dire... Il cherchait encore d’autres phrases... des approprié es, à propos de mon voyage... Si j’avais trouvé facilement? Je ré pondais toujours rien... Je le suivais... À travers le salon d’abord... autour d’un piano... Ensuite par la buanderie... les lavabos... la cuisine... Et le voilà qui ouvre une autre porte... Ce que je vois... Un pageot!... J’attends pas mon reste!... Qu’il m’invite!... Je me lance!... Je m’é tale en plein dessus!... Du coup, alors, il rebondit le petit crabe, il se met en furie... Ç a lui allait pas du tout. Il ameute!... Il ressaute!... Il se tré mousse autour du plume!... Il s’attendait pas à celle-là !... Il me raccroche par les tatanes... Il essayait de me basculer...

« Chaussures! Chaussures! Boots! Boots!... » Comme ç a de plus en plus furibard!... Il devenait horrible! C’é tait ma boue sur son beau lit... sur les ramages à grandes fleurs!... C’est ç a, qui lui faisait du mal, ç a le foutait é pileptique! « Va chier! Va craquer petite foirure! » que moi j’y disais... Il essayait de se dé battre... Il cavalait dans les couloirs... Il cherchait partout du monde, du renfort!... Si ils m’avaient seulement touché alors je devenais effroyable!... Je me relevais d’autor et je lui filais une sacré e trempe à lui, ce guignol! Tel quel!... j’é tais disposé !... Ré solu!... Il é tait mince et maigrelet! Il me courait avec ses salades!... Je l’aurais retourné comme un gant! Et puis ç a suffit!... Malgré qu’il glapissait toujours, j’ai pas eu de mal pour m’endormir.

Le « Meanwell College » on ne pouvait pas dé sirer mieux comme air, comme point de vue. C’é tait un site magnifique... Du bout des jardins, et mê me des fenê tres de l’é tude, on dominait tout le paysage. Dans les moments d’é claircies on pouvait voir toute l’é tendue, le panorama du fleuve, les trois villes, le port, les docks qui se tassent juste au bord de l’eau... Les lignes de chemin de fer... tous les bateaux qui s’en vont... qui repassent encore un peu plus loin... derriè re les collines aprè s les prairies... vers la mer, aprè s Chatham... C’é tait unique comme impression... Seulement il faisait extrê mement froid au moment où je suis arrivé, tellement c’é tait dé couvert en haut de la falaise... c’é tait impossible à tenir chaud. Le vent bourrait contre la tô le... Tous les embruns, toutes les rafales venaient rebondir sur la colline... Ç a rugissait dans les piaules, les portes en branlaient jour et nuit. On vivait dans une vraie tornade. Dè s que ç a mugissait en tempê te, ils gueulaient les mô mes comme des sourds, ils s’entendaient plus... Y avait pas de Bon Dieu qui tienne! Il fallait que ç a pè te ou que ç a cè de. Les arbres prenaient de la forte bande, ils restaient crochus, les pelouses é taient en lambeaux, arraché es par plaques. C’est tout dire...

Dans de tels climats si ravagé s, si rigoureux, on prend des appé tits farouches... Ç a fait devenir les mô mes costauds, des vrais mastards! Avec une croû te suffisante! Seulement au « Meanwell College » c’é tait pas fadé en bectance!... c’é tait tout juste comme ordinaire. Le prospectus il bluffait. À table, en me comptant moi-mê me, ç a nous faisait quatorze! En plus du patron, la patronne... C’é tait au moins huit de trop! d’aprè s mon avis, considé rant la pâ ture! On aurait tout fini à six! Dans les jours de vent violent... Il é tait trè s chiche le ragoû t!



  

© helpiks.su При использовании или копировании материалов прямая ссылка на сайт обязательна.