Хелпикс

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Note sur l’édition numérique. 16 страница



Il est reparti d’un coup dehors, il s’est é lancé vers la rue, il a couru dans le Passage. Il se serait envolé aussi bien, tellement qu’il é tait sursoufflé... irré sistible... abominable...

Ma mè re est resté e avec moi... Elle rabâ chait toutes les sottises, les dé tails de la catastrophe... Ses idé es à elle... ses vieilles certitudes...

M. Gorloge é tait venu, il leur avait causé deux heures... Il savait tout... Il avait tout dé taillé... é numé ré tout l’Avenir. « Cet enfant fera votre malheur!... C’est dé jà un petit corrompu!... Un petit misé rable... J’avais mis ma confiance en lui!... Il commenç ait à se dé brouiller... »

Telles é taient ses finales paroles!... Maman, elle avait eu la trouille qu’il aille se plaindre à la Justice... qu’il me fasse arrê ter tout de suite... Elle avait rien osé ré pondre... Pour elle ç a faisait pas un pli... Que je m’é tais fait entuber... Fallait mieux que j’avoué tout de suite... Que je l’avais au moins perdu... Que d’ergoter... Indisposer mon patron... C’é tait l’hypothè se la moins sale!... Ils rembourseraient peu à peu... et dans tous les cas, mes parents... C’é tait entendu dé jà !...

« Qui t’a donné de tels exemples?... qu’elle me questionnait dans les larmes. Qu’as-tu donc fait de ce bijou?... Dis-le voyons! mon petit! On ne te mangera pas pour ç a!... Je ne ré pé terai rien à ton pè re!... Je te le jure!... Là, tu me crois? Nous irons la voir ensemble... Si tu l’as donné à une femme! Dis-moi vite avant qu’il revienne! Peut-ê tre qu’elle voudra le restituer avec un peu d’argent?... Tu la connais bien? Tu ne penses pas?... Comme ç a tout s’arrangera quand mê me! Nous ne dirons rien à personne!... »

J’attendais que ç a passe un peu, pour peut-ê tre pouvoir lui expliquer... Il rentre, mon pè re, juste à ce moment... Il é tait pas du tout refroidi... Il se met à bourrer dans la table, et tant que ç a peut dans les cloisons!... À deux poings fermé s! Toujours en sifflant des vapeurs... Si il s’arrê te une seconde, c’est alors par-derriè re qu’il rue! Il est soulevé par la colè re, il plane du cul comme un bourrin! Il choute à travers les parois... Il en é branle la tô le entiè re... Il est formidable comme dé tente, tout le buffet en dé gringole... Des rafales en é croulements la scè ne a duré toute la nuit... Il se cabrait d’indignation et il retombait à quatre pattes!... Il aboyait comme un dogue... Ils ont hurlé le pour et le contre, entre les crises et les furies... J’allais pas moi, leur causer...

À bout d’arguments, ma mè re est remonté e m’entreprendre... Elle voulait que je lui confesse... Je ré pondais rien... Elle pleurait à genoux contre mon lit, comme si j’é tais dé jà mort... Elle marmonnait des priè res... Elle continuait à m’implorer... Elle voulait tout de suite que j’avoue... que je lui dise si c’é tait une femme!... Qu’on irait tous ensemble la voir...

« Je te dis moi, que c’est la patronne!... » que j’ai à la fin dé gueulé. J’é tais à bout! Merde!

« Ah! Tais-toi, petit misé rable!... Tu ne sais pas le mal que tu nous fais!... »

C’é tait plus la peine d’insister... Parler à des engelures pareilles?... Ils é taient encore plus blindé s que tous les gogs de tout Asniè res! Voilà mon avis.

Ce fut tout de mê me un coup terrible. Je suis resté longtemps dans ma chambre, cinq ou six jours sans sortir. Ils me forç aient à descendre manger... Elle m’appelait une dizaine de fois. Elle montait me chercher à la fin. Moi, je voulais plus rien du tout, je voulais surtout plus parler. Mon pè re, il se causait tout seul. Il s’en allait en monologues. Il vitupé rait, il arrê tait pas... Tout le bataclan des malé fices... Le Destin... Les Juifs... La Poisse... L’Exposition... La Providence... Les Francs-Maç ons...

Dè s qu’il venait des livraisons, il montait là -haut dans le grenier... Il se remettait aux aquarelles, c’é tait extrê mement né cessaire... On avait des besoins pressants, il fallait rembourser Gorloge... Mais il pouvait plus s’appliquer. Son esprit battait la campagne... Dè s qu’il touchait au pinceau, il s’agaç ait é normé ment, la tige lui pé tait dans les mains. Il se sentait si é nervé que sa petite plume à l’encre de Chine il l’a é crasé e en miettes... les godets aussi... les couleurs dé bordaient partout... Y avait plus moyen... De me sentir seulement à cô té, il aurait botté tout le bastringue... Dè s qu’il é tait avec ma mè re, il retournait au pé tard, il renforç ait ses alarmes.

« Si tu le laisses encore vadrouiller des journé es entiè res dans les rues, sous pré texte d’apprendre le commerce nous n’avons pas fini d’en voir, ma pauvre amie! Ah non alors! Je peux te le jurer! Nous ne sommes encore qu’au dé but! C’est pas voleur qu’il finira! C’est assassin! m’entends-tu? Assassin! Je ne donne pas seulement six mois avant qu’il é trangle une rentiè re! Oh! Il est avancé dé jà sur la jolie pente!... Oh! là ! là ! Il ne glisse plus! Il caracole! Il galope! Il est effré né ! Je le vois moi! Tu ne le vois pas toi? Tu ne crois à rien! Tu es aveugle! Pas moi! Non! Ah! non! Pas moi!... »

Ici, une aspiration profonde... Il la fascinait...

« Veux-tu enfin m’é couter? Veux-tu que je te pré cise ce qui se pré pare?... Non? Tu n’y tiens pas?...

— Non, Auguste, je t’en supplie!...

— Ah! Ah! tu as donc peur de m’é couter!... Alors tu sais?... »

Il l’agrippait par les poignets, il fallait pas qu’elle s’é chappe... Il fallait qu’elle entende bien tout.

« C’est nous, m’entends-tu? qu’il estourbira! Un jour! Il nous fera notre affaire, ma belle!... Tu l’auras sa reconnaissance!... Ah! je te l’aurai assez pré dit!... T’aurai-je donc assez pré venue, Nom de Dieu!... J’ai la conscience nette!... Ah! Nom de Dieu de Nom de Dieu! Sur tous les tons! Sur tous les toits! Depuis toujours! Tant pis! Alea jacta!... »

Ma mè re, il lui foutait une telle trouille qu’elle en devenait toute gâ teuse! Elle bavotait, chevrotait, elle avait des bulles... Il l’achevait, il la sonnait totalement.

« Je veux bien ê tre é tranglé ! Entendu! Mais je ne suis pas dupe, Bordel de foutaise!... Arrange-toi comme tu voudras!... C’est toi qui seras responsable!... »

Elle savait plus quoi faire ni dire, sous des pré dictions si cruelles. Dans les convulsions du chagrin, elle se mâ chonnait le bord des lè vres, elle saignait abondamment. J’é tais damné, ç a faisait plus de doute. Il recommenç ait lui, Ponce Pilate, il é claboussait tout l’é tage, il se lavait les mains de mon ordure, à plein jet, à toute pression. Il faisait des phrases entiè res latines. Ç a lui revenait aux grands moments. Comme ç a, dans la petite cuisine, tout debout, il me jetait l’anathè me, il dé clamait à l’antique. Il s’interrompait pour des pauses, pour m’expliquer entre-temps, parce que j’avais pas d’instruction, le sens des « humanité s »...

Lui, il savait tout. Je comprenais au fond qu’une chose, c’est que j’é tais plus approchable, plus à prendre avec des pincettes. J’é tais mé prisé de partout, mê me par la morale des Romains, par Cicé ron, par tout l’Empire et les Anciens... Il savait tout ç a mon papa... Il avait plus un seul doute... Il en hurlait comme un putois... Ma mè re arrê tait pas de chialer... À force de recommencer sa scè ne, il s’en faisait comme un « numé ro »... Il saisissait le savon de Marseille, le lourd carré, il se dé menait tant et plus avec... Il gesticulait de fond en comble... Il le reposait maintes fois... toujours pé rorant... Il allait le reprendre encore... Le brandir... À force, le morceau lui giclait des poignes... Il allait rebondir sous le piano... On plongeait tous à la repê che... On farfouillait au balai... à grands coups de manche... Merde!... Bordel!... Tonnerre!... On se bigornait aprè s les angles!... Y avait des collisions farouches... On se foutait tout le balai dans l’œ il... Ç a se terminait en bataille. Ils se traitaient de tous les noms fumiers. Il la faisait sauter à cloche-pied autour de la table.

On m’oubliait un moment.

Ma mè re, à force de trembler, elle avait perdu toute pudeur... Elle allait partout dans le Passage et aux environs rabâ cher mes avatars... Elle sollicitait les conseils des autres parents... de ceux qu’avaient aussi des chtourbes avec leurs moutards... qu’avaient ramassé des bû ches en apprentissage... comment qu’ils s’é taient dé pê tré s?...

« Je suis toute prê te, qu’elle ajoutait, à faire encore des sacrifices!... Nous irons tant pis! jusqu’au bout!... »

Tout ç a c’é tait bien é loquent, mais ç a me sortait pas de la pé tasse. J’avais toujours pas de boulot.

L’oncle É douard, si ingé nieux, qu’avait tant de ficelles à son arc, il commenç ait à triquer, il me trouvait un peu encombrant... Il avait dé jà bassiné à peu prè s tous ses copains avec mes chichis, mes dé boires... Il en avait un peu marre... Je butais dans tous les obstacles... J’avais quelque chose d’insolite... Je commenç ais mê me à le courir.

Les voisins, ils se passionnaient à propos de mon drame... Les clients de la boutique aussi. Dè s qu’ils me connaissaient un peu, ma mè re les prenait à té moin... Ç a arrangeait pas les affaires... Mê me M. Lempreinte à la Coccinelle il a fini par s’en mê ler... C’est vrai que mon pè re ne dormait plus, qu’il prenait une mine d’agonique. Il arrivait si é puisé, qu’il chancelait dans tous les couloirs en transbordant son courrier d’un é tage à l’autre... Il é tait aphone en plus, il avait la voix de rogomme à force de hurler ses conneries...

« Votre vie privé e, mon ami, ne me regarde en rien, je m’en fous! Mais quand mê me je veux que vous assuriez votre service... Quelle gueule vous avez à pré sent!... Vous tenez plus debout, mon garç on. Il va falloir vous soigner! Qu’est-ce que vous faites donc dehors? Vous vous reposez pas? » Comme ç a qu’il l’assaisonnait.

Alors lui, qu’avait les jetons, il a tout avoué sur le coup... Tous les malheurs de la famille!...

« Ah mon ami! C’est tout ç a? Moi, si j’avais votre estomac! Ah alors! Ce que je m’en foutrais bien!... Et comment!... De tous mes proches et relations!... De tous mes fils et cousins!... de ma femme! de mes filles! de mes dix-huit pè res! Mais moi si j’é tais à votre place! mais moi je pisserais sur le monde! Sur le Monde entier! Vous m’entendez bien! Vous ê tes mou Monsieur! c’est tout ce que je peux voir! »

C’est comme ç a qu’il sentait les choses, lui, Lempreinte, toujours à cause de son ulcè re, placé à deux doigts du pylore, bien té ré brant, bien atroce... L’univers, pour lui, n’é tait plus qu’un é norme acide... Il avait plus qu’à essayer de devenir tout « bicarbonate »... Il s’é vertuait toute la journé e, il en suç ait des brouettes... Il arrivait pas à s’é teindre! Il avait comme un tisonnier en bas de l’œ sophage qui lui calcinait les tripes... Bientô t, il serait plus que des trous... Les é toiles passeraient à travers avec les renvois. Sa vie é tait plus possible... Avec papa, au courant, ils se proposaient des é changes...

« Tenez, moi, je le prendrais bien votre ulcè re! tout ce qu’on voudra pourvu qu’on me soulage de mon fils! Vous n’en voulez pas? »

Mon pè re, il é tait comme ç a. Il avait toujours placé les tourments moraux, bien au-dessus des tourments physiques... Bien plus respectables!... Essentiels! C’é tait comme ç a chez les Romains, et c’est comme ç a qu’il comprenait, lui, toutes les é preuves de l’existence... D’accord avec sa conscience... Envers et quand mê me! Au sein des pires calamité s!... Pas de compromis! Pas de faux-fuyants! C’é tait sa loi!... La raison d’ê tre! « Conscience pour moi! Ma conscience! » Il le hurlait sur tous les tons... quand je mettais les doigts dans mon nez... si je renversais la saliè re. Il ouvrait la fenê tre exprè s pour que tout le Passage se ré gale...

L’oncle É douard, à force de me voir en pantaine, baratiné dans tous les sens, il a fini par prendre pitié, il é tait extrê mement bon fiotte. Je marnais au fond de la mouscaille... Il a remis ses relations en route, il a retrouvé un expé dient... Mê me que c’é tait une malice pour me faire barrer... le coup des langues é trangè res...

Il a dé claré comme ç a, qu’il faudrait que j’en sache au moins une... Pour trouver une place dans le commerce... Que ç a se faisait à pré sent... Que c’é tait une né cessité... Le plus dur à faire venir ce fut l’agré ment de mes vieux... Ils en revenaient pas du tout d’une proposition pareille... É douard raisonnait pourtant juste... On y é tait plus habitué s dans notre cabanon à é couter du bon sens... Ce fut la sacré e surprise...

Mon oncle é tait pas d’avis qu’on s’entê te dans les rigueurs... Il é tait plutô t conciliant, il croyait pas à la force... Il croyait pas que ç a donnerait... Il leur a dit mot pour mot...

« Moi, il me semble pas qu’il le fasse exprè s d’ê tre aussi malencontreux... Il a pas de mauvaises intentions, je l’observe depuis toujours... mais il est plutô t abruti... Il comprend pas bien ce qu’on lui demande... Ç a doit ê tre des “ vé gé tations ”... Il faudrait qu’il aille au grand air et qu’il y reste assez longtemps... D’ailleurs votre mé decin l’a bien dit... Moi, je l’enverrais en Angleterre... On chercherait une Pension convenable... quelque chose de pas trè s coû teux... ni trè s loin surtout... peut-ê tre mê me une combine “ au pair ”?... Qu’est-ce que vous diriez? En revenant il parlerait la langue... Ç a serait facile pour le caser... Je lui trouverais quelque chose dans le dé tail. Chez un libraire... Dans la chemiserie... Une partie où on le connaî t pas. Gorloge ç a serait oublié... On n’en parlerait plus du tout!... »

Ils en é taient comme du flan, mes darons, en entendant ç a... Ils ruminaient le pour et le contre... Ç a les prenait au dé pourvu... Y avait d’abord tous les risques et puis surtout y avait les frais... Il restait plus rien de Caroline, que quelque mille francs de l’hé ritage... Et c’é tait la part à É douard... Tout de suite, il les a offerts. Il les a mis sur la table... On lui rendrait quand on pourrait... Il voulait pas qu’on fasse d’histoires... Il voulait mê me pas de papier... « Dé cidez-vous! qu’il a conclu... Je reviendrai, moi, vous voir demain. D’ici là, j’aurai des tuyaux... »

L’é moi é tait à son comble!... Mon pè re il voulait rien chiquer... Il é tait buté « mordicus » que tout cet argent serait foutu, que c’é tait du gaspillage en plus d’une folle aventure... Que si j’é chappais une semaine à leur surveillance attentive, je deviendrais le pire des apaches... C’é tait dans la fouille! Il voulait pas en dé mordre... J’assassinerais en Angleterre aussi rapidement qu’à Paris! C’é tait tout cuit!... Enveloppé d’avance!... Il suffirait qu’on me laisse un mois la bride sur le cou! Ah! Ah! On en voulait des catastrophes! On en aurait! et davantage! On en serait é crabouillé s! Couverts de dettes! Un fils au bagne!... L’extravagance sur toute la ligne!... Les consé quences?... Effroyables!... Jamais ils seraient assez attentifs, assez malins les gens de là -bas! Les malheureux! Ils en verraient de toutes les couleurs! Et les femmes alors? Je les violerais toutes! C’est bien simple!... « Dis-moi donc tout de suite, que je dé conne! »...

Il y tenait à sa Roquette... Personne pouvait le contredire. Il voyait que ç a comme seul moyen, le seul palliatif... La seule chose pour me contenir... Et les expé riences alors?... Elles suffisaient plus? Berlope? Gorloge? Le cadran?... J’avais pas assez dé montré que j’é tais un vrai flé au? Une catastrophe en suspens?... Je les entraî nerais dans la dé bâ cle... Il s’y attendait depuis toujours! Alea!... Que la volonté soit faite!... Il nous refoutait un coup de Cé sar... Il dé fendait tout seul les Gaules... Il bouchait l’entré e de la cuisine de tous ses gestes, tous ses gueulements... Il é voquait, é branlait tout...

Il se lanç ait sur le robinet... Il aspirait la flotte à mê me... Il pompait dans le jet... Trempé, il braillait encore... Il s’essuyait pas, il dé goulinait, tellement qu’il é tait pressé qu’on se rende bien compte des mille traquenards!... De tous les aspects des choses... Inconcevables! Effroyables! Inouï s! Les impré vus indicibles d’une expé dition pareille! La té mé rité diabolique! voilà !...

L’oncle É douard, il est repassé deux jours aprè s au Passage avec des tuyaux de premiè re bourre. Il avait trouvé un collè ge! Qu’on ne pouvait guè re dé sirer mieux. À tous points de vue et tous rapports... exprè s pour mon genre, ma nature, mes dispositions intraitables... Sur une colline... Avec de l’air, un jardin, une riviè re en bas... Une excellente nourriture... Des prix fort modestes... Pas de supplé ments ni de surprises!... Enfin et par-dessus tout une discipline extrê mement stricte... Une surveillance garantie... C’é tait pas trè s loin de la cô te, exactement à Rochester... Donc à une heure de Folkestone...

En dé pit de tant d’avantages, mon pè re renâ clait encore... II se ré servait... Il cherchait des poux au programme... Il gardait ses suspicions... Il l’a bien relue deux cents fois la petite notice... Il voulait pas en dé mordre qu’on partait pour la catastrophe!... Ç a faisait pas un pli, un seul doute! D’abord c’é tait des folies de contracter encore des dettes... Mê me avec mon oncle É douard!... Que dé jà rembourser Gorloge, ç a serait un travail d’Hercule!... En plus du terme! des contributions! de l’ouvriè re!... Ils en crè veraient certainement de si terribles é conomies! Il fallait qu’il se pince pour y croire... qu’on dé sirait encore autre chose... Il restait abasourdi que maman se dé voye à son tour?... C’é tait le comble des calembredaines... Quoi? Alors? Elle ré flé chissait pas davantage? Comment dis-tu? Je ré siste?... Tu trouves ç a donc extraordinaire? Ma parole! Mais mon rô le alors? Je dois dire oui? À tous les coups!... Comme ç a?... À la premiè re baliverne? Allez-y donc! Mais je suis conscient moi! Je suis responsable! Est-ce moi le pè re?... Oui ou merde? É douard il s’en fout bien sû r! Plus tard, il sera loin! Il se lavera les mains! Et moi, je serai là toujours!... Avec un bandit sur les os! Mais oui! Mais oui! J’exagè re? Ouah!... Dis-le tout de suite! Dis-le, que je suis jaloux! Mais oui! Mais oui! Ma parole! Vas-y donc!...

— Mais non, mon ché ri! Mais voyons!...

— Tais-toi! Ah! tais-toi, imbé cile! Laisse-moi poursuivre ce que je te prouve! Je ne peux plus rien dire ici! Vous parlez tout le temps! Comment? Ce vaurien! Ce petit forban! Cette crapule n’a pas encore é prouvé son premier remords de ce ré pugnant forfait! De cette sale infâ me crapulerie! Il est là ! Il se goberge!... Il nous dé fie tous les deux!... Mais c’est inique ma parole! C’est à se taper le cul par terre!... Mais c’est effrayant!... Sur un simple mot d’É douard! Ce pantin absurde! Vous ne parlez plus que voyages! Libé ralité s! Mais oui! Et allez donc! Dé penses nouvelles! Pures billevesé es!... Extravagances!... Les pires dé mences!... Mais songe un peu, ma pauvre amie, que nous n’avons pas encore versé le premier sou de sa ranç on!... M’entends-tu?... Sa ranç on!... Mais c’est pas imaginable!... Mais c’est atroce!... Où allons-nous? Je dé raille! C’est infect!... Nous pataugeons dans l’absurde! Je n’y tiens plus! J’en crè verai!...

L’oncle É douard, il s’é tait tiré dè s les dé buts de la sé ance. Il avait vu venir l’orage... Il avait laissé ses papiers.

« Je repasserai demain aprè s-midi!... Sans doute vous aurez dé cidé !... »

Il se dé merdait le mieux possible, mais y avait pas grand-chose à faire... Mon pè re, il faisait é ruption. Avec ce plan de m’en aller, on chahutait sa tragé die... Il se cramponnait aux conditions... Il en voyait complè tement rouge... Il arpentait comme un fauve. Ma mè re clopinait par-derriè re... Elle rabâ chait les avantages... Les prix les plus modé ré s... Une surveillance trè s sé vè re... Une alimentation parfaite... De l’air!... beaucoup d’air!...

« Tu sais bien qu’É douard est le sé rieux mê me!... Toi tu l’appré cies pas beaucoup... Mais enfin tu te rends tout de mê me compte que c’est pas un é tourneau... C’est pas un garç on impulsif... Il ne s’engage pas à lure lure... Du moment qu’il a dit... C’est que c’est absolument exact... Tu le sais bien, voyons! Quand mê me!... Auguste, voyons mon ché ri!...

— Je ne veux rien devoir à personne!...

— Mais lui c’est pas n’importe qui!...

— Raison de plus! Sacré Nom de Dieu!

— Alors on lui fera un papier... Comme si on le connaissait pas!...

— Je m’en fous bien des papiers! Bordel de bon Dieu de Nom de Dieu de merde!

— Mais il nous a jamais trompé s...

— Il me fait chier, ton frè re, tu m’entends!... M’entends-tu, Bordel! Il me fait chier mê me complè tement! Ç a c’est assez clair! Il est encore plus con que les autres!... Et vous me faites chier encore plus!... Vous m’entendez? Tous! »

Il devenait si congestionné en prononç ant ces paroles qu’il gonflait de toute la tê te, il soufflait des jets de vapeur, les mots explosaient à la fin. Elle s’agrippait alors à lui, elle le lâ chait pas d’un pouce. Elle é tait buté e... Elle le raccrochait dans les angles... Elle traî naillait tellement la jambe, qu’elle se prenait dans toutes les chaises. Elle se cramponnait dans les cloisons...

« Auguste! Oh! comme tu m’as fait mal! Comme tu es brutal! Oh! ma cheville! Ç a y est! Je me la suis retourné e! »

C’é tait des cris pendant une heure...

Il revenait alors à la charge. Il cassait les chaises à coups de pompe. Il passait en folie furieuse! Elle le poursuivait tout de mê me, où qu’il allait... n’importe où... où qu’il montait dans l’escalier. Ç a l’excé dait de plus en plus... Ta! ga! dam! Ta! ga! dam! de l’entendre taper dans les marches... Il l’aurait viré e dans la cage... Il se serait mis dans un trou de souris... Elle me faisait des signes en passant... qu’il commenç ait à flé chir... Il perdait sa deffe partout... Il se faisait rejoindre... Il tenait plus le train... Il la fuyait comme une odeur... « Laisse-moi! Laisse-moi, voyons Clé mence!... Je t’en prie! Laisse-moi, bordel de vache! Saloperie! Charogne! Vous en finirez donc jamais de me persé cuter tous les deux! J’en dé gueule de tous vos ragots! Bon sang de bon Dieu de merde! Vous m’entendez à la fin!... »

Elle s’en foutait ma bonne mè re, elle é tait complè tement vanné e... Elle voulait pas lâ cher sa prise. Elle l’arrimait par le cou, elle l’embrassait dans les moustaches, elle lui fermait les paupiè res avec des baisers... Elle lui faisait une vraie convulsion. Elle lui crachait plein les oreilles encore des autres exhortations... Il é tranglait à la fin. Il avait la bouille toute trempé e par les rafales et les caresses... Il tenait plus debout. Il s’est é croulé sur les marches. Alors, elle s’est mise à parler rien que de sa santé à lui, de son é tat inquié tant... « Que tout le monde l’avait bien remarqué... comme il é tait pâ le... » Ç a alors il é coutait...

« Tu vas te rendre tout à fait malade, mon pauvre ché ri, à te mettre dans des é tats pareils! Quand tu seras tombé, à quoi ç a nous avancera tous! Qu’est-ce que nous deviendrons?... C’est mieux je t’assure qu’il s’é loigne... Il te fait du mal à rester là !... É douard s’en est bien aperç u... Il me l’a dit avant de sortir...

— Qu’est-ce qu’il t’a donc dit, É douard?

— “ Ton mari n’ira pas loin! S’il continue à se bouleverser de cette faç on-là... Il maigrit chaque jour un peu plus... Tout le monde le remarque dans le Passage... Tout le monde en cause... ”

— Il t’a dit ç a exactement?...

— Oui, mon chou. Oui, je t’assure!... Il voulait pas que je te ré pè te... Tu vois comme il est dé licat... Tu vois, je t’assure que tu ne peux plus... Alors? Tu veux bien, dis?...

— Quoi?...

— Mais qu’il s’en aille cet enfant!... Qu’il nous laisse un peu souffler!... Qu’on reste tous les deux... Tu ne veux pas?...

— Ah! ç a non! Ah! non! Pas encore! Nom de Dieu! Non! Pas encore!...

— Mais voyons, Auguste! Ré flé chis! Si tu meurs de te faire du chagrin, à quoi ç a nous avancera!...

— Mourir, moi? Ah! là ! là ! La mort? Oh! mais je ne demande que ç a moi! Mourir! Vite! Ah! là ! là ! Alors tu parles comme je m’en fous! Mais c’est ce que je dé sire moi la mort!... Ah! Nom de Dieu!... »

Il se dé pê tre, il se dé croche du coup, il renverse ma mè re Clé mence. Le revoilà debout à rebrailler... Il avait pas pensé à ç a... La mort! Nom de Dieu... Sa mort!... Le voilà reparti en belle transe... Il se donne tout entier! Il se requinque!... Il se relance vers l’é vier... Il veut boire un coup. Ta ra! Vlac! ! !... Il dé rape!... Il carambole!... Il va glisser des quatre fers... Il plonge dans le buffet... Il rebondit dans la cré dence... Il braille à tous les é chos... Il s’est bigorné la trompe... Il veut se rattraper... Tout le bazar nous flanche sur la gueule... Toute la vaisselle, les instruments, le lampadaire... C’est une cascade... une avalanche... On reste é crasé s dessous... On se voit plus les uns les autres... Ma mè re crie dans les dé combres... « Papa! Papa! Où es-tu?... Ré ponds-moi, papa!... » Il est é talé de tout son long, à la renverse... Je vois ses godasses qui dé passent sur les carreaux de la cuisine, les rouges « siccatifs »!...

« Papa! Ré ponds-moi, dis? Ré ponds! dis, mon ché ri!...



  

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