Хелпикс

Главная

Контакты

Случайная статья





Note sur l’édition numérique. 10 страница



De l’air j’en ai pris beaucoup et de tellement fort, en abondance, que j’en é tais saoul. La nuit mê me ç a me ré veillait. Je voyais plus que des bites, des culs, des bateaux, des voiles... Le linge sur les cordes à flotter ç a me foutait des crampé es terribles... Ç a gonfle... Ç a provoque... tous les pantalons des voisines...

La mer on s’en mé fiait d’abord... On passait autant que possible par les petites rues abrité es. La tempê te ç a donne du dé lire. J’arrê tais plus de me l’agiter.

Dans la chambre à cô té de la nô tre, y avait le fils d’un repré sentant. On faisait tous nos devoirs ensemble. Il me tâ tait un peu la berloque, il se branlait encore plus que moi. Il venait là, lui, tous les ans, alors il connaissait bien tous les genres de tous les navires. Il m’a appris tous les dé tails et leurs gré ements et leurs misaines... Les trois-mâ ts barques... Les carré s... Les trois-mâ ts goé lettes... Je m’inté ressais avec passion pendant que maman faisait les villas...

On la connaissait sur la plage autant que le marchand de coco... à force de la voir bourlinguer avec son paquetage... Dedans y avait ses broderies, des « patrons », des ouvrages de dames et mê me des fers à repasser... Elle aurait vendu des rognons, des peaux de lapins, des cropinettes pour qu’on « é tale » les deux mois.

En faisant nos dé marches, on se mé fiait aussi du port, de passer trop prè s, à cause des bornes et des cordages, où l’on tré buche trè s facilement. Y a pas plus traî tre comme endroit. Si on carambole dans la vase, on est happé, on reste au fond, les crabes vous bouffent, on vous retrouve plus...

Les falaises aussi c’est dangereux. Chaque anné e des familles entiè res sont é crabouillé es sous les roches. Une imprudence, un faux pas, une ré flexion malheureuse... La montagne se renverse sur vous... On se risquait le moins possible, on sortait pas beaucoup des rues. Le soir, tout de suite aprè s la soupe, nous repiquions encore aux sonnettes. On s’en retapait une grande tourné e... par un bout et puis par l’autre... Toute l’Avenue du Casino.

J’attendais moi, devant les villas, sur un banc dehors... J’entendais ma mè re dedans, qui s’é gosillait... Elle se donnait un tabac terrible... Je connaissais tous les arguments... Je connaissais tous les chiens perdus... Ils arrivent, ils reniflent, ils dé talent... Je connaissais tous les colporteurs, c’est l’heure où ils rentrent avec leurs carrioles... Ils tirent, ils poussent, ils s’exté nuent... Personne les regarde. Alors ils se gê nent plus pour râ ler... Ils en reniflent dans les brancards... Encore un coup jusqu’à l’autre coin... Le Phare é carquille la nuit... L’é clair passe sur le bonhomme... Le rouleau de la grè ve aspire les cailloux... s’é crase... roule encore... fracasse... revient... crè ve...

Sur les affiches, on a vu qu’aprè s la foire du 15 aoû t y aurait la course d’automobiles. Ç a devait ramener beaucoup de monde, surtout des Anglais. Ma mè re s’est dit qu’on resterait encore un peu. On avait pas eu beaucoup de veine, il avait fait si vilain pendant le mois de juillet que les clientes restaient chez elles, à faire du « petit point »... Ç a nous faisait pas vendre des « charlottes » ni des « bolé ros » ni mê me les « ouvrages de dames »... Encore si elles consommaient!... Mais elles en finissaient pas de ravauder leurs tapisseries!... Elles cancanaient encore plus au bord de la mer qu’en ville... Comme toutes les mondaines rien que de bonnes et de cacas...

Elles se vautraient dans une vraie cosse, elles s’y reprenaient à vingt fois... elles traî naient sur nos modè les...

Mon pè re, il avait plus confiance. Il s’alarmait dans ses lettres. Il nous voyait dé jà foutus. On avait flambé plus de mille francs... Ma mè re lui a ré pondu de taper dans l’hé ritage. Ç a s’é tait un vrai hé roï sme, ç a pouvait finir trè s mal. Dé jà je voyais toute la poisse me refluer sur le trognon. Il a ré crit qu’il arrivait. On l’a attendu devant l’é glise. Il est apparu enfin avec un vé lo tout en boue.

Je croyais qu’il allait m’agonir, m’attribuer des catastrophes, j’é tais dé jà pré paré pour une corrida impé tueuse... et puis rien du tout!... Il semblait heureux au contraire d’ê tre au monde et de nous trouver là. Il m’a plutô t fé licité sur ma conduite et ma bonne mine. J’é tais é mu au possible. Il a proposé lui-mê me qu’on aille faire un tour vers le port... Il s’y connaissait en navires. Il se souvenait de toute sa jeunesse. Il é tait expert en manœ uvres. On a laissé repartir maman avec ses bardas, on a piqué vers les bassins. Je me souviens bien du trois-mâ ts russe, le tout blanc. Il a fait cap sur le goulet à la maré e de tantô t.

Depuis trois jours il bourlinguait au large de Villers, il labourait dur la houle... Il avait de la mousse plein ses focs... Il tenait un cargo terrible en madriers vadrouilleurs, des monticules en pleine pagaye sur tous ses ponts, dans les soutes rien que de la glace, des é normes cubes é blouissants, le dessus d’une riviè re qu’il apportait d’Arkangel exprè s pour revendre dans les café s... Il avait pris dans le mauvais temps une bande é norme et de la misè re sur son bord... On est allé s le cueillir nous autres avec papa, du petit phare jusqu’à son bassin. L’embrun l’avait tellement drossé que sa grande vergue taillait dans l’eau... Le capitaine, je le vois encore, un é norme poussah, hurler dans son entonnoir, dix fois fort encore comme mon pè re! Ses lapins, ils escaladaient les haubans, ils ont grimpé rouler là -haut tous les tré mats, la toile, toutes les cornes, les drisses jusque dessous le grand pavillon de Saint-André... On avait cru pendant la nuit qu’il irait s’ouvrir sur les roches. Les sauveteurs voulaient plus sortir, y avait plus de Bon Dieu possible... Six bateaux de pê che é taient perdus, le « corps marin » mê me, sur le ré cif du Trotot il avait rué un coup trop dur, il é tait barré dans ses chaî nes... Ç a donne une idé e du temps.

Devant le café La Mutine y a eu la manœ uvre aux é coutes... sur boué e d’amarres avec une dé rive pas dangereuse... Mais la clique é tait si saoule, celle du haie, qu’elle savait plus rien... Ils ont souqué par le travers... L’é trave est venue buter en face dans le mô le des douaniers... La « dame » de la proue, la sculpture superbe s’est embouti les deux nichons... Ce fut une capilotade... Ç a en faisait des é tincelles... Le beaupré a crevé la vitre... Il s’est engagé dans le bistrot... Le foc a raclé la boutique...

Ç a piaillait autour en é meute... Ç a radinait de tous les cô té s. Il a dé ferlé des jurons... Enfin tout doux... Le beau navire s’est accosté... Il a bordé contre la cale, criblé de filins... Au bout de tous les efforts, la derniè re voilure lui est retombé e de la misaine... é talé e comme un goé land.

L’amarre en poupe a encore un grand coup gé mi... La terre embrasse le navire. Le cuistot sort de sa cambuse, il lance à bouffer aux oiseaux râ leurs une é norme é cuelle. Les gé ants du bord gesticulent le long de la rambarde, les ivrognes du dé barquement sont pas d’accord pour escalader la passerelle... les é coutilles pendent...

Le commis des é critures monte le premier en redingote... La poulie voyage au-dessus avec un bout de madrier... On recommence à se provoquer... C’est le bastringue qui continue... Les dé bardeurs grouillent sur les drisses... Les panneaux sautent... Voici l’iceberg au dé tail!... Aprè s la forê t!... Fouette cocher!... Le charroi s’amè ne... Nous n’avons plus rien à gagner, les é motions sont ailleurs.

Nous retournons au sé maphore, c’est un charbonnier qu’on signale. Par le travers du « Roche-Guignol » il arrive en berne.

Le pilote autour danse et gicle avec son canot d’une vague sur l’autre. Il se dé mè ne... Il est rejeté... enfin il croche dans l’é chelle... il escalade... il grimpe au flanc. Depuis Cardiff le rafiot peine, bourre la houle... Il est tabassé bord sur bord dans un mont d’é cume et d’embrun... Il nage au courant... Il est dé porté vers la digue... Enfin la maré e glisse un peu, le requinque, le refoule dans l’estuaire... Il tremble en rentrant, furieux, de toute sa carcasse, les paquets le pourchassent encore. Il grogne, il en râ le de toute sa vapeur. Ses agrè s piaulent dans la rafale. Sa fumé e rabat dans les crê tes, le jusant force contre les jeté es.

Les « casquets » au raz d’Emblemeuse on les discerne, c’est le moment... Les petites roches dé couvrent dé jà sur la maré e basse...

Deux cotres en perte tâ tent un passage... La tragé die est imminente; il faut pas en perdre une bouché e... Tous les passionné s s’agglomè rent à la pointe de digue, contre la cloche de dé tresse... On scrute les choses à la jumelle... Un des voisins nous prê te les siennes. Les bourrasques deviennent si denses qu’elles bâ illonnent. On é touffe dessous... Le vent grossit la mer encore... Elle gicle en gerbes haut sur le phare... elle s’emporte au ciel.

Mon pè re enfonce sa casquette... Nous ne rentrerons qu’à la nuit... Trois pê cheurs rallient dé mâ té s... Au fond du chenal leurs voix ré sonnent... Ils s’interpellent... Ils s’empê trent dans les avirons...

Maman, là -bas est inquiè te, elle nous attend à la Petite Souris le caboulot des mareyeurs... Elle a pas vendu grand-chose... On ne s’inté resse plus nous autres que dans les voyages au long cours.

Papa il savait bien nager, il é tait porté sur les bains. Moi ç a me disait pas grand-chose. La plage de Dieppe elle est pas bonne. Enfin c’é tait les vacances! Et puis surtout j’é tais devenu bien plus sale encore qu’au Passage.

Nous n’avions à la Mé sange qu’une petite cuvette pour nous trois. Je coupais à tous les bains de pieds. Je commenç ais à sentir trè s fort, presque aussi fort que l’é vier.

Les bains de mer, c’é tait du courage. C’est la crê te fumante, redressé e, bé tonné e de cent mille galets, grondante qui s’é crase et me happe.

Transi, raclé, l’enfant vacille et succombe... Un univers en cailloux me baratine tous les os parmi les flocons, la mousse. C’est la tê te qui branle d’abord, qui porte, bascule, pilonne au fond des graviers... Chaque seconde est la derniè re... Mon pè re en maillot zé bré, entre deux vallé es mugissantes s’é poumone. Il m’apparaî t... Il é ructe... s’é puise, dé conne. Un rouleau le culbute aussi, le retourne, le voilà les nougats en l’air... Il gigote comme une grenouille... Il se redresse plus, il est foutu... Il me fonce alors dans la poitrine une terrible rafale de galets... Je suis criblé... Noyé... Affreux... Je suis é crasé par un dé luge... Puis ç a me ramè ne encore, projeté gisant aux pieds de ma mè re... Elle veut me saisir, m’arracher... La succion me dé croche... M’é loigne... Elle pousse un horrible cri. La plage tout entiè re afflue... Mais tout effort est dé jà vain... Les baigneurs s’agglomè rent, s’agitent... Quand la furie me bute au fond, je remonte râ ler en surface... Je vise le temps d’un é clair qu’ils discutent sur mon agonie... Ils sont là de toutes les couleurs: des verts... des bleus, des ombrelles, des jaunes... des citron... Je tourbillonne dans mes morceaux... Et puis j’aperç ois plus rien... Une boué e m’é trangle... On me haie sur les rochers... tel un cachalot... Le vulné raire m’emporte la gueule, on me recouvre tout d’arnica... Je brû le sous les enveloppements... Les terribles frictions. Je suis garrotté dans trois peignoirs.

Tout autour alors, on explique... Que la mer est trop forte pour moi! Trè s bien! Ç a va! J’en demandais jamais tant!... On faisait ç a pour le sacrifice... Pour le nettoyage vigoureux...

Dé jà dix jours é taient passé s. La semaine suivante c’é tait fini. Mon pè re retournait au bureau. D’y ré flé chir on s’en faisait mal au ventre. Plus une seule minute à perdre.

Question de vente, c’é tait d’un coup devenu si mou qu’il a fallu une vraie panique pour qu’on se dé cide à l’excursion... Qu’on s’embarque tous pour l’Angleterre... C’é tait le retour trè s prochain qui nous affolait... qui nous poussait aux extrê mes...

On est partis au lever du jour, à peine le temps d’un café -crè me... Le pé cule à Grand-mè re... ç a y est!... on l’avait à moitié flambé !...

Sur le bateau, on est arrivé s en avance... On é tait bien aux plus petites places, juste sur l’é trave... On voyait tout l’horizon admirablement... Je devais signaler moi le premier la cô te é trangè re... Le temps é tait pas mauvais, mais quand mê me dè s qu’on s’est é loigné s un peu, qu’on a perdu de vue les phares, on a commencé à mouiller... Ç a devenait une balanç oire et de la vraie navigation... Ma mè re alors s’est ré sorbé e dans l’abri pour les ceintures... C’est elle la premiè re qu’a vomi à travers le pont et dans les troisiè mes... Ç a a fait le vide un instant...

« Occupe-toi de l’enfant, Auguste! » qu’elle a eu le temps juste de glapir... Y avait pas mieux pour l’excé der...

D’autres personnes alors s’y sont mises à faire des efforts inouï s... par-dessus bord et bastingages... Dans le balancier, contre le mouvement, on dé gueulait sans maniè re, au petit bonheur... Y avait qu’un seul cabinet au coin de la coursive... Il é tait dé jà rempli par quatre vomitiques affalé s, coincé s à bras-le-corps... La mer gonflait à mesure... À chaque houle, à la remonté e, un bon rendu... À la descente au moins douze bien plus opulents, plus compacts... Ma mè re sa voilette, la rafale la lui arrache, trempé e... elle va plaquer sur la bouche d’une dame à l’autre extré mité... mourante de renvois... Plus de ré sistance! Sur l’horizon des confitures... la salade... le marengo... le café -crè me... tout le ragoû t... tout dé gorge!...

À mê me les planches, ma mè re à genoux, s’efforce et sourit sublime, la bave lui dé coule...

« Tu vois qu’elle me remarque, à contre-tangage... horrible... Tu vois toi aussi Ferdinand il t’est resté sur l’estomac le thon!... » Nous refaisons l’effort ensemble. Bouah!... et Bouah!... Elle s’é tait trompé e! c’est les crê pes!... Je crois que je pourrais produire des frites... en me donnant plus de mal encore... En me retournant toute la tripaille en l’extirpant là sur le pont... J’essaye... je me dé mè ne... Je me renforce... Un embrun fé roce fonce dans la rambarde, claque, surmonte, gicle, retombe, balaye l’entrepont... L’é cume emporte, mousse, brasse, tournoyé entre nous toutes les ordures... On en ravale... On s’y remet... À chaque plongé e l’â me s’é chappe... on la reprend à la monté e dans un reflux de glaires et d’odeurs... Il en suinte encore par le nez, salé es. C’est trop!... Un passager implore pardon... Il hurle au ciel qu’il est vide!... Il s’é vertue!... Il lui revient quand mê me une framboise!... Il la reluque avec é pouvante... Il en louche... Il a vraiment plus rien du tout!... Il voudrait vomir ses deux yeux... Il fait des efforts pour ç a... Il s’arc-boute à la mâ ture... Il essaye qu’ils lui sortent des trous... Maman elle, va s’é crouler sur la rampe... Elle se revomit complè tement... Il lui est remonté une carotte... un morceau de gras... et la queue entiè re d’un rouget...

Là -haut prè s du capitaine, les gens des premiè res, des secondes ils penchaient pour aller au refile, ç a cascadait jusque sur nous... À chaque coup de lame dans les douches on ramasse des repas entiers... on est fouetté s de dé tritus, par les barbaques en filoches... Ç a monte là -haut par bourrasques... garnissant les haubans... Ç a mugit la mer autour, c’est la bataille des é cumes... Papa en casquette jugulaire, il patronne nos é vanouissements... il pavoise, il a de la veine lui, il a le cœ ur marin!... Il nous donne des bons conseils, il veut qu’on se prosterne davantage... qu’on rampe encore un peu plus... Une passagè re dé bouline... Elle vadrouille jusque sur maman... elle se cale pour mieux dé gueuler... Un petit clebs aussi rapplique, rendu si malade qu’il en foire dans les jupons... Il se retourne, il nous montre son ventre... Des chiots on pousse des cris horribles... C’est les quatre personnes qui sont bouclé es qui peuvent plus vomir du tout, ni pisser... ni chiader non plus... Elles se forcent maintenant sur la lunette... Elles implorent qu’on les assassine... Et le rafiot cabre encore plus... toujours plus raide, il replonge... il se renfonce dans l’abî me... dans le vert foncé... Il rebascule tout entier... Il vous ressoulè ve, l’infect, tout le creux du bide...

Un trapu, un vrai insolent, devant aide à dé gueuler son é pouse dans un petit baquet... Il lui donnait du courage...

« Vas-y Lé onie!... Ne t’empê che pas!... Je suis là !... Je te tiens. » Elle se retourne alors toute la tê te d’un seul coup dans le sens du vent... Tout le mironton qui lui glougloutait dans la trappe elle me le refile en plein cassis... J’en prends plein les dents, des haricots, de la tomate... moi qu’avais plus rien à vomir!... M’en revoilà pré cisé ment... Je goû te un peu... la tripe remonte. Courage au fond!... Ç a dé bloque!... Tout un paquet me tire sur la langue... Je vais lui retourner moi tous mes boyaux dans la bouche. À tâ tons je me rapproche... On rampe tout doucement tous les deux... On se cramponne... On se prosterne... On s’é treint... on se dé gueule alors l’un dans l’autre. Mon bon papa, son mari, ils essayent de nous sé parer... Ils tirent chacun par un bout... Ils comprendront jamais les choses...

Voguent les vilains ressentiments! Bouah!... Ce mari c’est un butor, un buté !... Tiens le mignon on va le dé gueuler ensemble!... Je lui repasse à sa toute belle tout un é cheveau parfait de nouilles... avec le jus de la tomate... Un cidre de trois jours... Elle me redonne de son gruyè re... Je suce dans ses filaments... Ma mè re empaqueté e dans les cordes... rampe à la suite de ses glaviots... Elle traî ne le petit chien dans ses jupes... On s’est tortillé s tous ensemble avec la femme du costaud... Ils me tiraillent fé rocement... Pour m’é loigner de son é treinte, il me truffe le cul à grands coups de grolles... C’é tait le genre « gros boxeur »... Mon pè re a voulu l’amadouer... À peine qu’il avait dit deux mots, l’autre lui branlait un tel coup de boule en plein buffet qu’il allait se ré pandre sur le treuil... Et c’é tait pas encore fini!... Le mastard lui ressaute sur le râ ble... Il lui ravage toute la gueule... Il s’accroupit pour le finir... Il saignait papa à pleine pipe... Ç a dé goulinait dans le vomi... Il a vacillé le long du mâ t... Il a fini par s’é crouler... Le mari il é tait pas quitte... Il profite que le roulis m’emporte... Il me charge... Je dé rape... Il me catapulte dans les gogs... Un vrai coup de bé lier... Je bute... Je dé fonce toute la lourde... Je retombe dans les mecs avachis... Je me retourne dans le tas... Je suis coincé dans leur milieu... Ils ont plus aucun de culotte! Je tire le cordon. On est noyé s dans la tombe! On s’é crase dans la tinette... Mais ils arrê tent pas de ronfler... Je ne sais mê me pas moi si je suis mort.

La Sirè ne a tout ré veillé. On s’est cramponné s aux « waters ». On a é mergé des hublots... Ç a faisait les jeté es au bout du port toute une grande dentelle pilotis... On a regardé l’Angleterre comme on dé barque dans l’Au-delà...

C’é tait des falaises aussi, et puis des verdures... Mais bien plus foncé es alors et puis plus râ peuses qu’en face... L’eau é tait toute plate à pré sent... C’é tait facile pour vomir... Mais l’impulsion s’é tait calmé e.

Par exemple, question de grelotte, on s’en serait cassé toutes les dents... Ma mè re en pleurait par saccades d’avoir tant dé gobillé... Moi j’avais des bosses partout... C’é tait le grand silence dans les rangs, la timidité, les inquié tudes de l’accostage. Des cadavres seraient pas plus timides.

Le paquebot a souqué sur l’ancre, il a saccadé deux, trois fois, et puis on s’est bien arrê té. On a fouillé pour nos billets... Une fois qu’on a franchi la Douane, on a essayé de se requinquer. Ma mè re fallait qu’elle torde sa jupe pour en faire sortir des ruisseaux. Mon pè re il avait si fort dé rouillé qu’il lui manquait un bout de moustache. Je faisais semblant de pas le regarder mais au beurre noir qu’il avait l’œ il. Il se tamponnait dans son mouchoir... On se remettait tous peu à peu. La chaussé e tanguait bien encore. On a marché le long des boutiques, des minuscules comme c’est là -bas, avec des volets bariolé s et les petites marches au blanc d’Espagne.

Ma mè re, elle faisait son possible, elle voulait pas nous empê cher, mais elle boitait loin par-derriè re... On a pensé à un hô tel, une chambre tout de suite pour qu’elle se repose... un instant... On irait jamais jusqu’à Londres, on é tait trop mouillé s dé jà... On attraperait sû rement du mal si on risquait davantage... Et puis les godasses tiendraient pas. Elles buvaient en plein dans la boue, elles faisaient du bruit comme un troupeau...

On a bien reconnu un hô tel... Sur la faç ade c’é tait é crit, en lettres d’or... Une fois devant on a pris peur... On est repartis pour l’autre cô té... Il pleuvait toujours davantage. C’est le prix des moindres trucs qu’on essayait d’imaginer... On avait la peur des monnaies... On est entré s dans un Thé... Ceux-là ils nous comprenaient... Assis, on a regardé notre valise... C’é tait plus la mê me!... Dans la confusion, à la douane on s’é tait trompé s!... Tout de suite dare-dare, on est revenu... La nô tre elle é tait barré e!... Celle-là qu’é tait pas à nous, on l’a rendue au chef de gare... Et comme ç a on n’avait plus rien!... C’é tait un comble dans la malchance!... Ç a n’arrive jamais qu’à nous autres!... C’é tait bien exact dans un sens... Mon pè re le constatait encore... On n’avait plus de quoi se changer... pas une seule chemise! Il fallait bien se promener quand mê me... On commenç ait à nous remarquer dans le village tous les trois, transis sous la flotte. Ç a faisait nettement « romanichels »! C’é tait plus prudent de prendre la route... On a pris n’importe laquelle... Aprè s la derniè re maison...

« Brighton »!... C’é tait é crit sur la borne, à quatorze milles en face de nous... Comme on é tait bons marcheurs ç a devait pas nous effrayer. Mais on se mettait jamais ensemble. Mon pè re toujours en avant... Il é tait pas trè s fier de nous... Mê me là rincé, boueux, perclus, il se dé tachait le plus possible... Il souffrait qu’on se mette à coller... Il s’espaç ait.

Ma mè re, la langue lui pendait tellement qu’elle avait du mal à tirer sa quille. Elle soufflait comme une vieille chienne.

La route sinuait à flanc de falaises. On a foncé dans les averses. En bas, l’Océ an grondait, au fond du gouffre, rempli de nuages et d’é boulements.

Mon pè re, sa casquette nautique lui fondait jusque dans la bouche. Son pare-poussiè re lui é pousait tant les formes, qu’il avait le cul comme un oignon.

Maman boquillonne, a renoncé au galure, celui qu’avait des hirondelles et des petites cerises comme garniture. On l’a donné à un buisson... Les mouettes qui fuyaient devant l’orage, elles venaient croasser tout autour. Elles devaient é prouver de la surprise qu’on passe nous aussi dans les nué es... Baratiné s sous les rafales on se raccrochait au petit bonheur... Au flanc des falaises, sur les monté es comme sur des vagues, et puis sur une autre... des infinies... Mon pè re les nuages l’escamotaient... Il allait se fondre dans les averses... On le revoyait toujours plus loin cramponné plus minuscule, sur l’autre versant.

« Nous monterons encore celle-ci Ferdinand!... Et puis je me reposerai! Tu crois qu’il le voit lui le “ Brichetonne ”? Tu crois que c’est encore loin?... » Elle é tait à bout de vaillance. S’asseoir c’é tait impossible. Tous les remblais é taient dissous... Ses nippes s’é taient si raccourcies que les bras remontaient au ciel... Les tatanes gonflé es comme des outres... Ma mè re alors sa jambe se replie... Elle cè de une fois sous son poids... Elle verse dans le creux du talus... Sa tê te est prise, est coincé e... Elle pouvait plus faire un mouvement... Elle faisait des bulles comme un crapaud... La pluie d’Angleterre c’est un Océ an suspendu... On se noie peu à peu...

J’ai appelé papa au secours et de toutes mes forces... Maman succombait à l’envers! Je tirais dessus à toute violence. Je faisais des tractions. En vain!... Tout de mê me le voilà qu’il rapplique notre explorateur. Il est ahuri par les nuages. Nous faisons ensemble des efforts... On hisse tant et plus. On l’é branle. On l’extirpe de la fange é paisse... Elle avait quand mê me le sourire. Ç a lui faisait un plaisir exquis de le revoir son Auguste. Elle lui demandait de ses nouvelles... S’il avait pas trop souffert?... Ce qu’il avait aperç u au bout de la Falaise? Il ré pondait rien... Il disait seulement qu’on se grouille... Qu’on retourne en vitesse au port... Encore cent monté es, cent descentes... à perte d’haleine. On reconnaissait plus notre route tellement dé jà les orages l’avaient bouleversé e... On a entrevu les lumiè res... le port et les phares... Il faisait complè tement nuit... Rampants, vacillants on est repassé s devant le mê me hô tel... On n’avait rien dé pensé... On n’avait rencontré personne... On n’avait plus un seul vê tement... des loques en filoches... On avait l’air si é puisé que sur le bateau ils nous ont fait une faveur... On nous a autorisé s à passer des troisiè mes en secondes... on nous a dit de nous é tendre... À la gare de Dieppe on a couché sur les banquettes... On devait rentrer directement... Dans le train y a eu encore toute une scè ne à cause de maman constipé e...

« Y a huit jours que tu n’y vas pas!... Tu n’iras donc jamais plus!

— Mais j’irai à la maison... »



  

© helpiks.su При использовании или копировании материалов прямая ссылка на сайт обязательна.