Хелпикс

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Note sur l’édition numérique. 7 страница



Elle est revenue plus de dix fois nous relancer au magasin. On pouvait pas leur refuser, c’é tait pour une œ uvre charitable.

Pour qu’il lui arrive rien à notre gué ridon, on l’a transporté nous-mê mes, le matin, sous trois couvertures, dans un fiacre. On est revenu à l’heure juste pour occuper nos trois places, trois tabourets prè s de la sortie.

Le rideau é tait pas levé, mais dé jà c’é tait ravissant, toutes les dames en grands atours faisaient mille chichis et flaflas. Elles sentaient bon à dé faillir... Ma mè re reconnaissait sur elles toutes les beauté s de son magasin. Ses bolé ros, ses fins rabats, ses « Chantilly ». Elle se souvenait mê me des prix. Elle s’é merveillait des « faç ons »... Comme c’é tait seyant ces guipures!... Comme tout ç a leur allait donc bien!... Elle é tait ravie.

Avant de quitter la boutique on m’avait pré venu que si j’é manais des odeurs, je serais viré sé ance tenante. À fond que je m’é tais torché, j’en avais bouché les chiots. Mê me les pieds que j’avais propres en mes godillots « faç on fine »...

Enfin les gens se sont installé s. On a ordonné du silence. Le rideau s’est replié sur lui-mê me... Notre gué ridon est apparu... en plein au milieu de la scè ne... tout à fait comme dans notre boutique... Ç a nous a tous bien rassuré s... Un petit coup de piano... et les ré pliques nous parviennent... Ah! le joli ton!... Tous les personnages vont, viennent, et se pavanent en pleine lumiè re... Les voici merveilleux dé jà... Ils se disputent... Ils se chamaillent... ils s’é lè vent jusqu’à la colè re... Mais de plus en plus sé duisant... Je suis entiè rement charmé... Je voudrais bien qu’ils recommencent. J’ai du mal à tout comprendre... Mais je suis conquis corps et â me... Tout ce qu’ils touchent... Leurs moindres gestes... les mots les plus usagé s deviennent des vrais sortilè ges... On a applaudi autour de nous, mes parents et moi n’osons pas...

Sur la scè ne, je reconnais bien Mme Pinaise, elle est divine absolument, je discerne encore ses cuisses, les palpitations des nichons... Elle trempe tout entiè re dans un peignoir vaporeux... sur un divan de soies profondes... Elle est à bout, elle sanglote... C’est Dorange, notre autre client, qui la fait gé mir... Il l’engueule comme du poisson elle sait plus vers qui se tourner... Mais le cruel, il passe derriè re, il profite qu’elle pleure sur le bord de notre gué ridon, qu’elle a l’â me vraiment fendue, pour lui dé rober un baiser... et puis encore mille cajoleries... C’est pas comme chez nous... Alors, elle s’avoue vaincue... elle se renverse gracieusement sur le canapé. Il lui remet ç a en pleine bouche... Elle en dé faille... Elle expire... C’est du travail!... Lui, remue du croupion...

Le drame je l’ai saisi vraiment... l’ardente politesse... la juteuse profonde mé lodie... Tant de visions « à branler »...

Notre gué ridon, c’est justice, il fait là joliment bien!... Tous! Les mains, les coudes, les bides de l’intrigue... Ils sont venus raboter contre... La Pinaise l’empoignait si fort qu’il a craqué à distance, mais le plus dur, ce fut quand le beau Dorange lui-mê me, dans un instant trè s tragique, a voulu s’asseoir dessus. Maman son sang ne fit qu’un tour... Heureusement qu’il a rebondi... Presque aussitô t... À l’entracte, elle se tracassait si il allait pas recommencer... Mon pè re comprenait tout de la piè ce... Mais il se sentait trop é mu pour nous en parler dé jà...

Moi aussi ç a me faisait de l’effet. J’ai pas touché aux sirops, ni mê me aux petits fours qu’é taient offerts alentour par les gens du monde... Ils ont l’habitude eux autres de mé langer la boustifaille avec les é motions magiques... Tout leur est bon les sagouins! Pourvu qu’ils avalent... Ils peuvent jamais s’interrompre. Ils mangent tout dans la mê me sé ance, la rose et la merde qu’est au pied...

On est retourné au spectacle... Le second acte passa comme un rê ve... Puis le miracle a fini... On est revenu parmi les gens et les choses bien ordinaires.

Sur nos tabourets, tous les trois, on attendait, on osait pas encore piper... On attendait bien patiemment que la foule s’é coule pour reprendre notre gué ridon... Une dame est entré e alors, elle nous a demandé de rester là encore un petit instant... On a bien voulu... On a vu le rideau se relever. On a vu tous les acteurs ceux de tout à l’heure, qu’é taient maintenant tous assis autour de notre table. Ils jouaient aux cartes tous ensemble. Les Pinaise, les Couloumanche, les Bré tonté, les Dorange et le vieux banquier Kroing... Ils se faisaient tous vis-à -vis...

Kroing, c’é tait un petit vieillard drô le, il venait souvent rue Montorgueil chez ma Grand-mè re, toujours extrê mement aimable, parfaitement ratatiné, il se parfumait à la violette, il empestait toute la boutique. Il collectionnait qu’une chose, le seul inté rê t pour lui, les cordons de sonnette Empire.

La partie du gué ridon elle a dé buté trè s aimablement. Ils se donnaient gentiment des cartes et puis ils se sont un peu aigris, ils se sont mis à parler plus sec, plus du tout comme dans le thé â tre... C’é tait plus pour rire qu’ils se causaient. Ils se ré pliquaient par des chiffres. Les atouts claquaient comme des beignes. Derriè re leur pè re, les filles Dorange louchaient atrocement. Les mè res, les é pouses, chacune alors bien pour soi, bien crispé e, la chaise au mur osaient mê me plus respirer. Les joueurs changeaient de place au bref commandement. Sur le gué ridon, le fric s'entassait. Il s’en accumulait des piles... Le vieux Kroing il labourait la tablette avec les deux mains... Devant les Pinaise, le tas grossissait encore, gonflait davantage... comme une bê te... Ils en devenaient é carlates... Les Bré tonté c’é tait le contraire... Ils perdaient leur flouze... Ils é taient tout pâ les... Ils avaient plus un sou devant eux... Mon pè re il blê missait aussi. Je me demandais ce qu’il allait faire! Y avait dé jà au moins deux heures qu’on attendait que ç a finisse. Ils nous avaient oublié s...

C’est les Bré tonté, qui se sont redressé s tout d’un coup... Ils offraient un nouvel enjeu... leur Châ teau en Normandie! Ils l’ont proclamé... Sur trois tours de cartes!... Et c’est le petit Kroing qu’a gagné... Il avait pas l’air content... le Bré tonté l’homme il s’est relevé à nouveau... Il a murmuré comme ç a: « L’Hô tel je le joue!... L’Hô tel où nous sommes!... »

Ma mè re fut comme foudroyé e... Elle a sauté comme un ressort. Mon pè re a pas pu la retenir...

Toute clopinante elle a escaladé la scè ne... La voix encore bien é mue elle a dit comme ç a aux grands joueurs: « Messieurs, Mesdames, il faut qu’on s’en aille nous avec notre petit garç on... Il devrait dé jà ê tre couché... Nous allons reprendre notre table... » Personne n’a fait d’objection. Ils avaient perdu la boussole... Ils fixaient le vide devant eux... On a soulevé notre gué ridon... On l’a emporté en coup de vent... On avait peur qu’on nous rappelle...

Arrivé s pont Solferino, on s’est arrê té s un peu... On a respiré un moment...

Encore des anné es plus tard, mon pè re il racontait les choses... avec des mimiques impayables... Ma mè re supportait mal ce ré cit... Ç a lui rappelait trop d’é motions... Il montrait toujours l’emplacement au beau milieu du gué ridon, la place bien exacte, d’où nous avions vu nous autres, en quelques minutes, des millions et des millions, et tout l’honneur d’une famille et tous les châ teaux s’envoler.

Avec Grand-mè re Caroline, on apprenait pas trè s vite. Tout de mê me, un jour, j’ai su compter jusqu’à cent et mê me je savais lire mieux qu’elle. J’é tais prê t pour les additions. C’é tait la rentré e de l’é cole. On a choisi la Communale, rue des Jeû neurs, à deux pas de chez nous, aprè s le Carrefour des Francs-Bourgeois, la porte toute foncé e.

On suivait un long couloir, on arrivait dans la classe. Ç a donnait sur une petite cour, et puis sur un mur si haut, si é levé, que le bleu du ciel restait aprè s. Pour qu’on regarde pas en l’air, nous autres, y avait en plus un rebord en tô le qui formait pré au. On devait s’inté resser qu’aux devoirs et pas troubler l’instituteur. Je l’ai connu à peine celui-là, je me souviens que de ses binocles, de sa longue badine, des manchettes sur son pupitre.

C’est Grand-mè re elle-mê me qui m’a conduit pendant huit jours, le neuviè me je suis tombé malade. Au milieu de l’aprè s-midi, la femme de service, m’a ramené...

Arrivé à la boutique, j’en finissais pas de vomir. Il m’est monté dans tout le corps de telles bouffé es de fiè vre... un afflux de chaleur si dense, que je me croyais devenu un autre. C’é tait mê me assez agré able si j’avais pas tant dé gueulé. Ma mè re d’abord é tait douteuse, elle a commencé par pré tendre que j’avais bouffé des nougats... C’é tait pas mon genre... Elle m’adjurait de me retenir, de me forcer pour moins vomir. Y avait du monde plein la boutique. En m’accompagnant jusqu’aux chiots, elle avait peur qu’on lui barbote des dentelles. Le mal s’est encore empiré. J’en ai rendu plein une cuvette. Ma tê te s’est mise à bouillir. Je pouvais plus cacher ma joie... Des distractions, des drô leries qui me survenaient dans les tempes.

J’ai toujours eu la grosse té tè re, bien plus grosse que les autres enfants. Je pouvais jamais mettre leurs bé rets. Ç a lui est revenu d’un coup à maman, cette disposition monstrueuse... à mesure que je dé gobillais... Elle se tenait plus d’inquié tude.

« Vois-tu Auguste, qu’il aille nous faire une mé ningite? Ce serait bien encore notre veine!... Il nous manquait plus que ç a comme tuile!... Alors vraiment ç a serait le bouquet!... » À la fin j’ai plus rendu... J’é tais confit dans la chaleur... Je m’inté ressais é normé ment... Jamais j’aurais cru possible qu’il me tienne autant de trucs dans le cassis... Des fantaisies. Des humeurs abracadabrantes. D’abord j’ai vu tout en rouge... Comme un nuage tout gonflé de sang... Et c’est venu dans le milieu du ciel... Et puis il s’est dé composé... Il a pris la forme d’une cliente... Et alors d’une taille prodigieuse!... Une proportion colossale... Elle s’est mise à nous commander... Là -haut... En l’air... Elle nous attendait... Comme ç a en suspens... Elle a ordonné qu’on se manie... Elle faisait des signes... Et qu’on se dé grouille tous! Qu’on s’é chappe vivement du Passage... Et dare-dare!... Et tous en chœ ur!... Y avait pas une seconde à perdre!

Et puis elle est redescendue, elle s’est avancé e sous le vitrail... Elle occupait tout notre Passage... Elle pavanait en hauteur... Elle a pas voulu qu’il en reste un seul boutiquier en boutique... un seul des voisins dans sa turne... Mê me la Mé hon venait avec nous. Il lui é tait poussé trois mains et puis quatre gants enfilé s... Je voyais qu’on partait s’amuser. Les mots dansaient autour de nous comme autour des gens du thé â tre... Des vives cadences, des impré vus, des intonations magnifiques... Des irré sistibles...

De nos dentelles, la grande cliente elle s’en est fourré plein les manches... Elle les fauchait à pleine vitrine, elle essayait pas de se cacher, elle s’est recouverte de guipures, des mantilles entiè res, d’assez de chasubles pour recouvrir vingt curé s... Elle se grandissait à mesure dans les frous-frous et les ajours...

Tous les petits vauriens du Passage... les revendeurs en parapluies... Visios aux blagues à tabac... les demoiselles du pâ tissier... Ils attendaient Mme Cortilè ne la fatale, elle é tait là à cô té de nous... Son revolver en bandouliè re, rempli de parfums... Elle vaporisait tout autour... Mme Gounouyou, des voilettes, celle qui restait enfermé e depuis tant d’anné es à cause de ses yeux chassieux, et le gardien tout en bicorne, ils se concertaient à pré sent, comme avant une fê te, nippé s sur leur 31 et le petit Gaston lui-mê me, un des petits relieurs dé cé dé s, il é tait revenu tout exprè s, il té tait justement sa mè re. Sur ses genoux bien sage, il attendait qu’on le promè ne. Elle lui gardait son cerceau.

Du cimetiè re de Thiais, la vieille tante Armide, elle s’est annoncé e, elle arrivait en calè che au bout du Passage. Elle venait faire un tour... Elle é tait devenue si vieille depuis l’hiver pré cé dent, qu’elle avait plus de figure du tout, rien qu’une pâ te molle à la place... Je l’ai reconnue quand mê me à cause de l’odeur... Elle donnait le bras à maman. Mon pè re Auguste é tait fin prê t, un peu en avance comme toujours. Sa montre elle lui pendait au cou, grosse comme un ré veille-matin. Habillé tout à fait spé cial, redingote, chapeau canotier, bicyclette en é bonite, baguite apparent, bas bien moulé s par ses mollets. Gaudin, il me gê nait davantage, une fleur à la boutonniè re. Ma pauvre mè re, en grande confusion, lui renvoyait ses compliments... Mme Mé hon, la canasse, elle portait Tom en é quilibre sur son chapeau à mê me les plumes... Elle lui faisait mordre tous les passants.

À mesure qu’on avanç ait, qu’on suivait la grande cliente, on é tait de plus en plus nombreux, on se bigornait dans son sillon... Et la dame grandissait toujours... Elle é tait forcé e de se courber pour pas dé foncer notre vitrail... L’imprimeur aux cartes de visite, il a bondi hors de sa cave, juste au moment où nous passions, il trimbalait ses deux chiards, devant lui, dans une petite voiture, et des pas trè s vivants non plus... emmitouflé s en billets de banque... Rien que des cent francs... Rien que des faux... C’é tait sa combine... Le marchand de musique du 34, qui possé dait un gramophone, six mandolines, trois cornemuses et un piano, il voulait rien abandonner... Il a voulu tout qu’on emporte. On s’est attelé s sur une vitrine; tout par l’effort s’est é croulé... Ç a fit un é norme barouf!

Des coulisses du café -concert le « Grenier-Mondain » en face au 96, voilà qu’il dé bouche un orchestre de parfaits solistes... Ils se rassemblent loin de la gé ante. Ils mugissent trois accords fameux... Violons, cornemuses et harpes... Tromblons et basses soufflent dedans, grattent dessus si bien, si fort, que toute la meute hurle de plaisir...

Les ouvreuses aux fragiles bonnets sautillent, pimpantes, grê les alentour... Elles voltigent dans les mandarines... Au 48, les trois vieilles sœ urs tapies depuis cinquante-deux ans, si courtoises, si patientes toujours avec leurs clientes, vident d’un seul coup leur magasin, à grands coups de trique... Deux chipies crè vent sur leur trottoir, é ventré es... Les trois vieilles alors s’attachent une chaufferette au cul pour se mettre à courir plus vite... De la dame immense il pleut des objets partout. Des bibelots volé s. Il lui en retombe de tous les plis... Sa garniture se dé bine... Elle les repique au fur et à mesure... Devant Cé sar, le bijoutier, elle s’est rafistolé sa robe, elle s’est recouverte de sautoirs et de perles entiè rement fausses... Tout le monde en a ri... Et puis un saladier entier de pierres amé thystes qu’elle a semé es à pleines poigné es à travers la lunette d’en haut... On est tous tourné s violet. Avec les topazes de l’autre ré cipient, elle a criblé le grand vitrage... Tout de suite, tout le monde est devenu jaune... On é tait presque arrivé s au bout du Passage... Y avait foule immense devant notre cortè ge et ç a cavalait fort derriè re... La papetiè re du 86 à qui j’avais fauché tant de crayons, elle se cramponnait à ma culotte... Et la veuve des armoires anciennes où j’avais si souvent pissé, elle me cherchait à fond la biroute!... Je rigolais plus... Le revendeur des parapluies c’est lui qui m’a sauvé la mise, il m’a caché dans son ombrelle. Si la tante Armide m’avait repé ré encore une fois, il aurait fallu que je l’embrasse en plein dans son fromage de tê te...

L’oncle É douard et son tricycle, c’est lui à pré sent qui filait mon pè re, il surveillait de si prè s l’asphalte, que sa bicyclette en pliait. Un gros caillou s’é tait logé dans sa narine. Le moteur tout doux roucoulait comme un amoureux ramier, mais les yeux d’É douard tramaient au bout de deux ficelles, à mê me sur la route pour ê tre bien certain de rien oublier... Devant son guidon, calfeutré e entre les coussins, tante Armide taillait la bavette avec un Monsieur tout en noir. Il enlaç ait un thermomè tre, un grand, quatre fois comme moi-mê me... C’é tait le mé decin des Hespé rides, il venait pour sa consultation... De sa figure consterné e, jaillissait dé jà mille particules lumineuses... Les voisins à cette vue, ils se dé couvraient jusqu’à terre. Et puis ils montraient leurs derriè res. Il a craché dedans... Il avait pas le temps de s’arrê ter. On s’est mê me pré cipité s vers la sortie tous ensemble... On a envahi les Boulevards...

En traversant la Place Vendô me, un é norme coup de bourrasque a dilaté la Cliente. À l’Opé ra, elle s’est renflé e encore deux fois... cent fois davantage!... Tous les voisins comme des souris se pré cipitaient sous ses jupes... À peine blottis, ils en rejaillissaient affolé s... Ils retournaient encore se planquer dans les profondeurs... Ç a faisait un mic-mac atroce.

Les petits chiens du Passage, ils partaient gicler partout, faire leurs besoins, sauter aux fesses, mordiller vivement. Mme Juvienne, la parfumeuse du 72, elle a expiré devant nous, sous un monticule de fleurs mauves, c’é taient des jasmins... Elle é touffait... Trois é lé phants qui passaient foulè rent lentement son agonie, il en suinta jusqu’au ruisseau mille petites rigoles de parfum.

Quatre mitrons du pâ tissier Largenteuil transportaient en courant la pipe, l’enseigne formidable, celle des Tabacs mahomé tans, qui s’allumait qu’aprè s six heures... Ils lui brisè rent le fourneau contre le marché Saint-Honoré pour é carter les pavillons... Ils foncè rent dans celui de droite... contre les « Volailles ». Et puis dans celui de gauche contre les « Poissons ».

Il fallait pourtant qu’on avance! Surtout la gé ante! La nô tre! Qu’avait deux planè tes pour nichons... Là j’ai é té bien culbuté... Mon pè re avait beau me soutenir... Il s’est pris dans les rayons de sa bé cane... Il a mordu la queue à Tom. Il trottait, aboyait devant nous, mais alors sans bruit aucun...

Le gardien m’a remis sur mes pieds, il portait plus qu’un haut de tunique... Par le bas il finissait en queue de boudin... Sa longue fourche pour allumer le gaz, il nous a fait bien rire avec... Il se l’entrait profond dans le nez, et mê me jusqu’au bout.

En traversant la rue de Rivoli, la cliente a fait un faux pas, elle a buté dans un refuge, elle a é crasé une maison, l’ascenseur alors a giclé, lui a crevé l’œ il... On est passé s sur les dé combres. Rue des Jeû neurs, de mon é cole, il a surgi mon petit ami É mile Orgeat le bossu... Je l’avais toujours connu comme ç a, et verdâ tre en plus, avec une grosse tache vineuse qui lui sortait des oreilles... Il é tait plus du tout moche. Il é tait beau, frais, coquet et j’é tais bien content pour lui.

Tous les gens qu’on avait connus, ils couraient maintenant tous ensemble dans les profondeurs de la dame, dans son pantalon, à travers rues et quartiers compressé s dessous ses jupons... Ils allaient où elle voulait. On se serrait encore davantage. Ma mè re me quittait plus la main... Et toujours un peu plus rapide... À la Concorde, j’ai saisi qu’elle nous menait à l’Exposition... C’é tait bien affectueux de sa part... Elle avait le dé sir qu’on s’amuse...

C’é tait la Dame, la cliente qu’avait tout l’argent sur elle, tout le pognon des boutiquiers planqué dans ses trousses... C’est elle qui devait payer... Et toujours il faisait plus chaud encore toujours contre la dame... Parmi les volants, loin vers la doublure, je biglais encore mille trucs pendus. Toute la fauche du monde entier... En galopant, il m’est retombé sur le cuir, ç a m’a fait une bosse, le petit miroir « byzantin », celui qu’on avait tant cherché pendant des mois rue Montorgueil... Si j’avais pu je l’aurais hurlé e cette trouvaille... Mais j’aurais pas pu le recueillir tellement qu’on se pressurait dé jà... C’é tait le moment, tout le monde l’a compris, de se racornir encore un peu... Coincé s qu’on s’est trouvé alors, entre les battants de la porte, la monumentale, l’arrogante, relevé e au ciel comme un chignon... De pas payer l’entré e nous autres, ç a nous foutait une vache terreur... Heureusement qu’on se trouvait emporté s par le torrent des cotillons... On s’é crase, on suffoque, on rampe tout à fait à plat... Là -haut notre cliente, c’est elle qui se baisse au moment de passer. Peut-ê tre que c’é tait fini?... Qu’on é tait dé jà sous la Seine? Que les requins arrivaient dé jà pour nous demander un petit sou?... Hein? C’est pas une chose qu’arrive jamais qu’on pé nè tre quelque part sans payer?... J’ai poussé alors un cri si pointu, si strident, que la gé ante s’est effaré e! Elle a retroussé d’un seul coup tous les volants de ses jupes... son pantalon... plus haut que la tê te... jusque dans les nuages... Une vraie tempê te, un vent si glacial s’est engouffré par-dessous qu’on en a hurlé de douleur... On restait figé s sur le quai, abandonné s, grelottants, à la dé tresse. Entre le remblai et les trois pé niches la cliente s’é tait envolé e!... Tous les voisins du Passage ils sont devenus tellement blafards que j’en reconnaissais plus aucun... Elle avait trompé tout son monde! La gé ante, avec ses larcins magnifiques... L’Exposition y en avait plus!... Elle é tait finie depuis longtemps!... On entendait dé jà les loups hurler sur le Cours-la-Reine...

C’é tait le moment qu’on dé guerpisse... Mais on se sauvait tous de travers... On avait bien des pattes en moins... Moi, minuscule, j’ai é crasé la Mé hon...

Ma mè re retroussait ses jupes... Mais elle courait de moins en moins vite... à cause de ses deux mollets... qu’é taient devenus soudain plus minces que des fils... et si poilus en mê me temps... qu’ils s’emmê laient l’un dans l’autre... telle une araigné e... On l’a embobiné e devant nous... On l’a fait rouler... Mais les omnibus ont surgi... Ils é taient infernals d’allure... Ils ont piqué une charge atroce à travers toute la rue Royale... Les bleus, les verts et les citrons... Les timons ont craqué d’abord et puis les harnais ont giclé trè s loin à travers l’esplanade jusque sur les arbres des Tuileries... J’ai compris tout de suite l’aventure... J’ameute... Je proclame... Je rassemble... Je montre par où on va les prendre... Tous à rebours, par le trottoir de l’Orangerie... Rien n’y peut! Le pauvre oncle É douard est é crasé presque aussitô t avec son tricycle à pé trole au pied de la statue bordelaise... Il en ressort qu’un peu plus tard, par la station Solferino avec son baquet du tri, soudé, remonté sur son derriè re comme un escargot... On l’emmè ne... Il faut qu’il se dé pê che encore, qu’il rampe de plus en plus vite, à cause des cent automobiles... Les Reines Serpollet du salon. Elles mitraillent l’Arc de Triomphe. Elles dé valent tombeau ouvert, sur notre dé route...

Contre le socle à Jeanne d’Arc j’entrevois, le temps d’un é clair, Rodolphe parfaitement souriant... Il met son « Troubadour » aux enchè res... Il veut s’acheter un « Gé né ral »... C’est pas le moment de le dé ranger... Le macadam est é ventré... Un abî me s’ouvre à cet endroit... Tout est englouti... Je passe au ras du pré cipice... J’attrape le portefeuille d’Armide, juste avant qu’elle disparaisse... En petites perles c’est é crit sur sa couverture « Bon Souvenir »... Dedans y a son œ il en verre. On se marre tous à la surprise... Mais ç a radine de cent cô té s la grande avalanche des peigne-culs... Ils sont venus si nombreux cette fois qu’ils ont comblé la rue Thé rè se, jusqu’à hauteur du troisiè me... On escalade cette colline de bidoche coincé e... Ç a bourdonne comme du fumier et jusqu’aux é toiles...

Mais pour parvenir chez nous, faut encore recourber quatre grilles extrê mement scellé es... On s’y met à mille, on s’y met à cent pour pousser la lourde... Pour rentrer sous le vasistas... On arrive à rien... les barres flé chissent et puis se redressent aussitô t, nous partent dans la gueule comme des caoutchoucs... C’est un fantô me qui cache notre clé !... Il veut une bite ou rien du tout!... On l’envoie chier!... « Merde!... Alors!... » qu’il nous ré pond... On le rappelle. On est dix mille à faire pression.

Par les é chos de la rue Gomboust, il nous arrive des rafales des cent mille cris de la catastrophe... Ce sont les foules qu’on é crabouille au large de la place Gaillon... C’est la furie des Omnibus... La fantasia qui continue... Clichy-Odé on laboure la tourbe des é perdus... Panthé on-Courcelles fonce par le derriè re... Il é parpille leurs mille morceaux... Ç a dé gouline sur nos devantures. Mon pè re à cô té de moi gé mit: « Si seulement j’avais une trompette! »... Dans le dé sespoir il se dé piaute, il se fout à poil rapidement, il grimpe aprè s la Banque de France, le voilà juché sur l’Horloge... Il arrache l’aiguille des minutes... Il redescend avec. Il la tripote sur ses genoux... Ç a le fascine... Ç a l’é moustille... On pourrait bien tous s’amuser... Mais voilà qu’une cavalcade de « la Garde » dé bouline par la rue Mé hul... « Madeleine-Bastille » carambole, chahute, vient culbuter dans notre grille... Heureusement tout est enfoncé ! L’essieu s’enflamme, le gros camion brû le et cré pite... le conducteur fouette son cocher... Toujours, encore ils accé lè rent... La rue des Moulins, ils l’enlè vent, ils l’escaladent, ils emportent le feu dans un ouragan... La trombe vient buter, flancher, rejaillir, s’é crase sur la Comé die-Franç aise... Tout s’embrase alors... le toit s’en arrache, s’é lè ve, s’envole, flamboyant aux nues... La belle artiste « la Mé quilibre », au fond de sa loge, s’acharne sur sa poé sie... Elle a des vers plein l’esprit avant de paraî tre en scè ne. Elle se rince si fort la craquouse, qu’elle en tré buche... elle bascule au fond du foyer... Elle pousse un cri prodigieux... Le volcan a tout consumé...



  

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