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FILENAME : LE RETOUR DE SAINT‑GERMAIN 8 страница



Un râ telier à pipes avec un grand nombre de petites clepsydres à l'é tranglement allongé comme une femme de Modigliani, renfermant une matiè re impré cise, sur deux rangé es de dix chacune, et pour chacune le renflement supé rieur se dilatait à une hauteur diffé rente, telles de petites montgolfiè res sur le point de prendre leur envol, retenues à terre par un poids en forme de boule. Appareil pour la production du Rebis, sous les yeux de tout le monde.

Section de la verrerie. J'é tais revenu sur mes pas. Des flacons verts, un hô te sadique m'offrait des poisons quintessenciels. Des Machines de fer pour faire des bouteilles, elles s'ouvraient et se fermaient avec deux manettes, et si quelqu'un, au lieu d'une bouteille, y mettait le poignet? Zac, comme ç a devait arriver avec ces é normes tenailles, ces ciseaux, ces bistouris à bec recourbé qu'on pouvait enfiler dans le sphincter, dans les oreilles, dans l'uté rus, pour en extraire le fœ tus encore frais à broyer avec le miel et le poivre afin de satisfaire la soif d'Astarté... La salle que je traversais maintenant avait de vastes vitrines, j'entrevoyais des boutons pour mettre en marche des pointes hé licoï dales qui auraient avancé, inexorables, vers l'œ il de la victime, le Puits et le Pendule, nous en é tions presque à la caricature, aux machines inutiles de Goldberg, aux pressoirs de torture où Pat Hibulaire attachait Mickey, l'engrenage exté rieur à trois pignons, triomphe de la mé canique Renaissance, Branca, Ramelli, Zonca, je connaissais ces engrenages, je les avais mis en pages pour la merveilleuse aventure des mé taux, mais ils avaient é té placé s ici aprè s, au siè cle passé, ils é taient dé jà prê ts pour ré primer les ré calcitrants aprè s la conquê te du monde, les Templiers avaient appris chez les Assassins comment faire taire Noffo Dei, le jour où ils l'auraient capturé, la svastika de von Sebottendorff tordrait en direction du soleil les membres pantelants des ennemis des Seigneurs du Monde, tout é tait prê t, Ils attendaient un signe, tout sous les yeux de tous, le Plan é tait public, mais personne n'aurait pu le deviner, des gueules grinç antes auraient chanté leur hymne de conquê te, grande orgie de bouches ré duites à une simple dent, qui se boulonnent l'une contre l'autre, dans un spasme fait de tic tac comme si toutes les dents é taient tombé es par terre au mê me moment.

Et enfin je m'é tais trouvé devant l'é metteur à é tincelles soufflé es conç u pour la Tour Eiffel, en vue de l'é mission de signaux horaires entre France, Tunisie et Russie (Templiers de Provins, Pauliciens et Assassins de Fez – Fez n'est pas en Tunisie et les Assassins é taient en Perse, et puis aprè s, on ne peut subtiliser sur les mots quand on vit dans les spires du Temps Subtil), et j'avais dé jà vu cette machine immense, plus grande que moi, aux parois percé es d'é coutilles, de prises d'air, qui voulait me convaincre que c'é tait un appareil de radio? Mais oui, je le connaissais, j'é tais passé à cô té dans l'aprè s‑ midi encore. Le centre Beaubourg!

Sous nos yeux. Et, en effet, à quoi aurait dû servir cette immense grosse boî te au centre de Lutè ce (Lutè ce, l'é coutille de la mer de boue souterraine), là où autrefois é tait le Ventre de Paris, avec ces trompes pré hensiles de courants aé riens, cette dé mence de tuyaux, de conduits, cette oreille de Denys bé ante sur le vide exté rieur pour envoyer des sons, des messages, des signaux jusqu'au centre du globe et les restituer en vomissant des informations de l'enfer? D'abord le Conservatoire, comme laboratoire, puis la Tour comme sonde, enfin Beaubourg, comme machine é mettrice‑ ré ceptrice globale. Croit‑ on qu'on avait mis sur pied cette immense ventouse pour amuser quatre é tudiants chevelus et puants qui allaient entendre le dernier disque en vogue avec un é couteur japonais dans l'oreille? Sous nos yeux. Beaubourg comme porte du royaume souterrain d'Agarttha, le monument des Equité s Synarchici Ré surgentes. Et les autres, deux, trois, quatre milliards d'Autres, ils l'ignoraient, ou ils s'efforç aient de l'ignorer. Stupides et Hyliques. Et les Pneumatiques, droit à leur but, pendant six siè cles.

 

Soudain j'avais trouvé le grand escalier. J'é tais descendu, de plus en plus sur mes gardes. Minuit approchait. Il fallait que je me cache dans mon observatoire avant qu'Ils n'arrivent.

Je crois qu'il é tait onze heures, peut‑ ê tre moins. J'avais traversé la salle de Lavoisier, sans utiliser ma lampe, me souvenant encore des hallucinations de l'aprè s‑ midi, j'avais parcouru le couloir des maquettes ferroviaires.

Dans la nef, il y avait dé jà quelqu'un. Je voyais des lumiè res, mobiles et faibles. J'entendais des bruits de pas, des bruits d'objets dé placé s ou traî né s.

J'é teignis ma lampe. Aurais‑ je encore le temps d'arriver à la gué rite? Je rasais les vitrines des trains, et je fus vite prè s de la statue de Gramme, dans le transept. Sur un socle en bois, de forme cubique (la pierre cubique d'Esod! ), elle se dressait comme pour regarder l'entré e du chœ ur. Je me rappelais que ma statue de la Liberté devait, à quelque chose prè s, se trouver immé diatement derriè re.

La face anté rieure du socle s'é tait rabattue en avant, formant une sorte de passerelle qui permettait la sortie par un conduit. Et c'est de là, en effet, que sortit un individu avec une lanterne – peut‑ ê tre à gaz, aux verres coloré s, qui lui é clairait le visage de flammes rougeâ tres. Je m'aplatis dans un angle et il ne me vit pas. Quelqu'un, venant du choeur, le rejoignit. « Dé pê chez‑ vous, lui dit‑ il, dans une heure, vite, ils arrivent. »

C'é tait donc l'avant‑ garde, qui pré parait quelque chose pour le rite. S'ils n'é taient pas nombreux, je pouvais encore les esquiver et rejoindre la Liberté. Avant qu'Ils n'arrivent, qui sait d'où, et en quel nombre, par le mê me chemin. Je restai longtemps tapi, suivant les reflets des lanternes dans l'é glise, l'alternance pé riodique des lumiè res, les moments de plus grande et plus faible intensité. Je calculais de combien ils s'é loignaient de la Liberté et combien de temps elle pouvait demeurer dans l'ombre. A un moment donné, je me risquai, glissai sur le cô té gauche de Gramme – m'aplatissant avec peine contre le mur et contractant mes abdominaux. Heureusement que j'é tais maigre comme un clou. Lia... Je m'é lanç ai et me glissai dans la gué rite.

Pour me rendre moins visible, je me laissai tomber par terre, obligé de me recroqueviller dans une position quasi foetale. Le battement de mon coeur et le claquement de mes dents redoublè rent.

Il fallait que je me dé tende. Je respirai rythmiquement avec mon nez, augmentant au fur et à mesure l'intensité des aspirations. C'est ainsi sans doute que, sous la torture, on peut dé cider de perdre connaissance pour se soustraire à la douleur. De fait, je sentis que je sombrais lentement dans l'é treinte du Monde Souterrain.

 

– 113 –

Notre cause est un secret dans un secret, le secret de quelque chose qui reste voilé, un secret que seul un autre secret peut expliquer, c'est un secret sur un secret qui s'assouvit d'un secret.

Ja'far‑ al‑ SÂ DIQ, sixiè me Imam.

J'é mergeai lentement: j'entendais des sons, j'é tais dé rangé par une lumiè re maintenant plus forte. Je sentais mes pieds engourdis. Je tentai de me lever lentement, sans faire de bruit, et j'avais l'impression de me tenir debout sur une é tendue d'oursins. La Petite Sirè ne. Je fis quelques mouvements silencieux, flé chissant sur les pointes, et la souffrance diminua. Alors seulement, passant avec prudence la tê te à droite et à gauche, et me rendant compte que la gué rite é tait suffisamment resté e dans l'ombre, je parvins à dominer la situation.

La nef é tait partout é clairé e. C'é taient les lanternes, mais à pré sent il y en avait des dizaines et des dizaines, porté es par les participants qui arrivaient dans mon dos. Sortant certainement du conduit, ils dé filaient à ma gauche en entrant dans le choeur et se disposaient dans la nef. Mon Dieu, me dis‑ je, la Nuit sur le Mont Chauve version Walt Disney.

Ils ne criaient pas, ils susurraient, mais tous ensemble ils produisaient un bourdonnement accentué, comme les figurants à l'opé ra qui murmurent: rabarbaro rabarbaro.

A ma gauche, les lanternes é taient posé es par terre en demi‑ cercle, complé tant avec une circonfé rence aplatie la courbe orientale du choeur qui touchait, au point extrê me de ce demi‑ pseudo‑ cercle, vers le sud, la statue de Pascal. Là ‑ bas avait é té placé un brasero ardent où quelqu'un jetait des herbes, des essences. La fumé e m'atteignait dans la gué rite, me sé chant la gorge et me procurant une impression d'é tourdissement fé brile.

Dans le vacillement des lanternes, je m'aperç us qu'au centre du chœ ur quelque chose s'agitait, une ombre mince et trè s mobile.

Le Pendule! Le Pendule n'oscillait plus dans son lieu habituel, au centre de la croisé e. Il avait é té suspendu, plus grand, à la clef de voû te, au milieu du choeur. Plus grosse la sphè re, plus robuste le fil, qui me semblait un cordage de chanvre ou un câ ble de mé tal cordonné.

Le Pendule é tait maintenant é norme, tel qu'il devait apparaî tre au Panthé on. Tel qui voit la lune au té lescope.

Ils avaient voulu le ré tablir dans l'é tat où les Templiers devaient l'avoir expé rimenté la premiè re fois, un demi‑ millé naire avant Foucault. Pour lui permettre d'osciller librement, ils avaient é liminé certaines infrastructures, ajoutant à l'amphithé â tre du chœ ur cette grossiè re antistrophe symé trique marqué e par les lanternes.

Je me demandai comment le Pendule faisait pour maintenir la constance de ses oscillations, maintenant que sous le pavement du choeur il ne pouvait y avoir le ré gulateur magné tique. Et puis je compris. Au bord du choeur, prè s des moteurs Diesel, se trouvait un individu qui – prompt à se dé placer comme un chat pour suivre les variations du plan d'oscillation – imprimait à la sphè re, toutes les fois qu'elle fondait sur lui, une lé gè re impulsion, d'un coup pré cis de la main, d'un effleurement des doigts.

Il é tait en frac, comme Mandrake. Aprè s, en voyant ses autres compagnons je comprendrais que c'é tait un prestidigitateur, un illusionniste du Petit Cirque de Madame Olcott, un professionnel capable de doser la pression du bout des doigts, au poignet sû r, habile à travailler sur les é carts infinité simaux. Peut‑ ê tre é tait‑ il capable de percevoir, avec la semelle fine de ses chaussures brillantes, les vibrations des courants, et de mouvoir les mains selon la logique de la sphè re, et de la terre à qui la sphè re ré pondait.

Ses compagnons. A pré sent, je les voyais eux aussi. Ils se dé plaç aient entre les automobiles de la nef, glissaient à cô té des draisiennes et des motocycles, ils roulaient presque dans l'ombre, qui portant une cathè dre et une table couverte de drap rouge dans le vaste promenoir du fond, qui plaç ant d'autres lanternes. Petits, nocturnes, jacassants, comme des enfants rachitiques, et d'un qui passait à cô té de moi j'aperç us les traits mongoloï des, la tê te chauve. Les Freaks Mignons de Madame Olcott, les immondes petits monstres que j'avais vus sur l'affiche, chez Sloane.

Le cirque é tait là au complet, staff, police, choré graphes du rite. Je vis Alex et Denys, les Gé ants d'Avalon, bardé s d'une armure de cuir clouté, vraiment gigantesques, cheveux blonds, appuyé s contre la grande masse de l'Obé issante, les bras croisé s, attendant.

Je n'eus pas le temps de me poser d'autres questions. Quelqu'un é tait entré avec solennité, imposant le silence de sa main tendue. Je reconnus Bramanti seulement parce qu'il portait la tunique é carlate, la chape blanche et la mitre que je lui avais vu arborer ce soir lointain dans le Pié mont. Bramanti s'approcha du brasero, jeta quelque chose, il s'en é leva une haute flamme, puis une lourde fumé e grasse et blanche, et le parfum se ré pandit lentement dans la salle. Comme à Rio, pensais‑ je, comme à la fê te alchimique. Et je n'ai pas d'agogõ. Je mis mon mouchoir sur mon nez et sur ma bouche, comme un filtre. Mais j'avais dé jà l'impression de voir deux Bramanti, et le Pendule oscillait devant moi en de multiples directions, tel un manè ge.

Bramanti commenç a à psalmodier: « Alef bet gimel dalet he waw zain het tet jod kaf lamed mem nun samek ajin pe sade qof resh shin tau! »

 

La foule ré pondit, priant: « Parmesiel, Padiel, Camuel, Aseliel, Barmiel, Gediel, Asyriel, Maseriel, Dorchtiel, Usiel, Cabariel, Raysiel, Symiel, Armadiel... »

Bramanti fit un signe, et quelqu'un surgit de la foule, se plaç ant à genoux à ses pieds. Un instant seulement, je vis son visage. C'é tait Riccardo, l'homme à la cicatrice, le peintre.

Bramanti l'interrogeait et l'autre ré pondait, ré citant par cœ ur les formules du rituel.

 

 

« Qui es‑ tu, toi?

– Je suis un adepte, non encore admis aux mystè res les plus hauts du Tres. Je me suis pré paré dans le silence, dans la mé ditation analogique du mystè re du Baphomet, dans la conscience que le Grand Œ uvre tourne autour de six sceaux intacts, et qu'à la fin seulement nous connaî trons le secret du septiè me.

– Comment as‑ tu é té reç u?

– En passant par la perpendiculaire au Pendule.

– Qui t'a reç u?

– Un Mystique Lé gat.

– Le reconnaî trais‑ tu?

– Non, parce qu'il é tait masqué. Je ne connais que le Chevalier de grade supé rieur au mien et celui‑ ci le Naomè tre de grade supé rieur au sien et chacun en connaî t un seulement. Et ainsi je veux.

– Quid facit Sator Arepo?

– Tenet Opera Rotas.

– Quid facit Satan Adama?

– Tabat Amata Natas. Mandabas Data Amata, Nata Sata.

– Tu as amené la femme?

– Oui, elle est ici. Je l'ai remise à qui on me l'a ordonné. Elle est prê te.

– Va, et attends. »

Le dialogue s'é tait dé roulé en un franç ais approximatif, d'un cô té comme de l'autre. Puis Bramanti avait dit: « Frè res, nous sommes ici ré unis au nom de l'Ordre Unique, de l'Ordre Inconnu, auquel, jusqu'à hier, vous ne saviez pas que vous appartenez et vous y apparteniez depuis toujours! Jurons. Que l'anathè me soit sur les profanateurs du secret. Que l'anathè me soit sur les sycophantes de l'Occulte, que l'anathè me soit sur qui a fait spectacle des Rites et des Mystè res!

– Que l'anathè me soit!

– Anathè me sur l'Invisible Collè ge, sur les enfants bâ tards d'Hiram et de la veuve, sur les maî tres opé ratifs et spé culatifs du mensonge d'Orient ou d'Occident, Ancien, Accepté ou Rectifié, sur Misraï m et Memphis, sur les Philathè tes et sur les Neuf Sœ urs, sur la Stricte Observance et sur l'Ordo Templi Orientis, sur les Illuminé s de Baviè re et d'Avignon, sur les Chevaliers Kadosch, sur les É lus Cohen, sur la Parfaite Amitié, sur les Chevaliers de l'Aigle Noir et de la Ville Sainte, sur les Rosicruciens d'Anglie, sur les Kabbalistes de la Rose + Croix d'Or, sur la Golden Dawn, sur la Rose Croix Catholique du Temple et du Graal, sur la Stella Matutina, sur l'Astrum Argentinum et sur Thelema, sur le Vril et sur la Thulé, sur tout ancien et mystique usurpateur du nom de la Grande Fraternité Blanche, sur les Veilleurs du Temple, sur chaque Collè ge et Prieuré de Sion ou des Gaules!

– Que l'anathè me soit!

– Quiconque par ingé nuité, commandement, prosé lytisme, calcul ou mauvaise foi a é té initié à loge, collè ge, prieuré, chapitre, ordre qui illicitement contreferait l'obé dience aux Supé rieurs Inconnus et aux Seigneurs du Monde, qu'il abjure cette nuit mê me et implore exclusive ré inté gration dans l'esprit et le corps de l'unique et vraie observance, le Tres, Templi Resurgentes Equites Synarchici, le trin et trinosophique ordre mystique et trè s secret des Chevaliers Synarchiques de la Renaissance Templiè re!

– Sub umbra alarum tuarum!

– Qu'entrent à pré sent les dignitaires des 36 grades derniers et trè s secrets. »

Et, tandis que Bramanti appelait un à un les é lus, ceux‑ ci entraient en habits liturgiques, portant tous sur la poitrine l'insigne de la Toison d'or.

« Chevalier du Baphomet, Chevalier des Six Sceaux Intacts, Chevalier du Septiè me Sceau, Chevalier du Té tragrammaton, Chevalier Justicier de Florian et Dei, Chevalier de l'Athanor... Vé né rable Naomè tre de la Turris Babel, Vé né rable Naomè tre de la Grande Pyramide, Vé né rable Naomè tre des Cathé drales, Vé né rable Naomè tre du Temple de Salomon, Vé né rable Naomè tre de l'Hortus Palatinus, Vé né rable Naomè tre du Temple d'Hé liopolis... »

Bramanti ré citait les dignité s et les nommé s entraient par groupes, si bien que je ne parvenais pas à attribuer à chacun son titre, mais à coup sû r, parmi les douze premiers, je vis De Gubernatis, le vieux de la librairie Sloane, le professeur Camestres et d'autres que j'avais rencontré s ce soir lointain dans le Pié mont. Et, je crois en tant que chevalier du Té tragrammaton, je vis monsieur Garamond, grave et hié ratique, pé né tré de son nouveau rô le, qui, de ses mains tremblantes, touchait sur sa poitrine la Toison d'or. Et, pendant ce temps, Bramanti continuait: « Mystique Lé gat de Karnak, Mystique Lé gat de Baviè re, Mystique Lé gat des Barbelognostiques, Mystique Lé gat de Camelot, Mystique Lé gat de Montsé gur, Mystique Lé gat de l'Imam Caché... Suprê me Patriarche de Tomar, Suprê me Patriarche de Kilwinning, Suprê me Patriarche de Saint‑ Martin‑ des‑ Champs, Suprê me Patriarche de Marienbad, Suprê me Patriarche de l'Okhrana Invisible, Suprê me Patriarche in partibus de la Forteresse d'Alamut... »

 

Et le patriarche de l'Okhrana Invisible é tait certainement Salon, toujours gris de visage mais sans sa houppelande de travail et resplendissant maintenant d'une tunique jaune bordé e de rouge. Pierre le suivait, psychopompe de l'Eglise Lucifé rienne, qui cependant portait sur sa poitrine, au lieu de la Toison d'or, un poignard dans un fourreau doré. Et, pendant ce temps, Bramanti continuait: « Sublime Hié rogame des Noces Chimiques, Sublime Psychopompe Rhodostaurotique, Sublime Ré fé rendaire des Arcanes des Arcanes, Sublime Sté ganographe de la Monas Ieroglifica, Sublime Connecteur Astral Utriusque Cosmi, Sublime Gardien du Tombeau de Rosencreutz... Impondé rable Archonte des Courants, Impondé rable Archonte de la Terre Creuse, Impondé rable Archonte du Pô le Mystique, Impondé rable Archonte des Labyrinthes, Impondé rable Archonte du Pendule des Pendules... » Bramanti fit une pause, et il me sembla qu'il prononç ait la derniè re formule à contrecoeur: « Et l'Impondé rable d'entre les Impondé rables Archontes, le Servant des Servants, Trè s‑ Humble Secré taire de l'Œ dipe É gyptien, Messager Infime des Seigneurs du Monde et Portier d'Agarttha, Ultime Thurifé raire du Pendule, Claude‑ Louis, comte de Saint‑ Germain, prince Rakoczi, comte de Saint‑ Martin et marquis d'Agliè, seigneur de Surmont, marquis de Welldone, marquis de Montferrat, d'Aymar et Belmar, comte Soltikof, chevalier Schoening, comte de Tzarogy! »

Pendant que les autres se disposaient dans le promenoir, faisant face au Pendule et aux fidè les de la nef, Agliè entrait, en costume trois‑ piè ces bleu à fines raies blanches, le visage pâ le et contracté, conduisant par la main, comme s'il accompagnait une â me sur le sentier de l'Hadè s, pâ le elle aussi et comme stupé fié e par une drogue, uniquement vê tue d'une tunique blanche et presque transparente, Lorenza Pellegrini, les cheveux dé noué s sur les é paules. Je la vis de profil tandis qu'elle passait, pure et languide ainsi qu'une adultè re pré raphaé lite. Trop diaphane pour ne pas stimuler une fois encore mon dé sir.

Agliè amena Lorenza à cô té du brasero, prè s de la statue de Pascal, il fit une caresse sur son visage absent et un signe aux Gé ants d'Avalon, qui l'encadrè rent en la soutenant. Puis il alla s'asseoir à la table, face aux fidè les, et je pouvais parfaitement le voir alors qu'il tirait sa tabatiè re de son gilet et la caressait en silence avant de parler.

« Frè res, chevaliers. Vous ê tes là parce que ces jours‑ ci les Mystiques Lé gats vous ont informé s, et donc vous savez dé sormais tous pour quelle raison nous nous ré unissons. Nous aurions dû nous ré unir la nuit du 23 juin 1945, et sans doute certains d'entre vous n'é taient alors pas encore né s – du moins dans leur forme actuelle, entends‑ je. Nous sommes ici parce qu'aprè s six cents anné es de trè s douloureuse errance, nous avons trouvé quelqu'un qui sait. Comment il a pu savoir – et savoir plus que nous – c'est là un mystè re inquié tant. Mais je compte bien que soit pré sent parmi nous – et tu ne pourrais faire dé faut, n'est‑ ce pas, mon ami dé jà trop curieux jadis –, je compte bien que soit pré sent parmi nous celui qui pourrait nous le confesser. Ardenti! »

Le colonel Ardenti – certainement lui, corvin comme toujours, encore que vieilli – s'ouvrit un chemin au milieu de l'assistance et il porta ses pas devant ce qui devenait son tribunal, tout en é tant tenu à distance par le Pendule qui marquait un espace infranchissable.

« Depuis le temps que nous ne nous sommes vus, frè re, souriait Agliè. Je savais que la nouvelle se diffusant, tu n'aurais pas ré sisté. Alors? Tu sais ce qu'a dit le prisonnier, et il dit qu'il l'a su par toi. Tu savais donc et tu te taisais.

– Comte, dit Ardenti, le prisonnier ment. Cela m'humilie de le dire, mais l'honneur avant tout. L'histoire que je lui ai confié e n'est pas celle dont les Mystiques Lé gats m'ont parlé. L'interpré tation du message – oui, c'est vrai, j'avais mis la main sur un message, je ne vous l'avais pas caché, il y a des anné es, à Milan – est diffé rente. Moi je n'aurais pas é té en mesure de le lire comme le prisonnier l'a lu, c'est pour cela qu'à l'é poque je cherchais de l'aide. Et je dois dire que je n'ai rencontré nul encouragement, mais seulement dé fiance, dé fi et menaces... » Peut‑ ê tre voulait‑ il ajouter autre chose, mais en fixant Agliè il fixait aussi le Pendule, qui agissait sur lui tel un charme. Hypnotisé, il tomba à genoux et dit seulement: « Pardon, parce que je ne sais pas.

– Tu es pardonné, parce que tu sais que tu ne sais pas, dit Agliè. Va. Or donc, frè res, le prisonnier sait trop de choses que personne d'entre nous ne savait. Il sait mê me qui nous sommes nous, et nous l'avons appris par lui. Il faut procé der en hâ te, d'ici peu ce sera l'aube. Tandis que vous restez ici en mé ditation, moi à pré sent je vais me retirer encore une fois avec lui pour lui arracher la ré vé lation.

– Pé caï re, monsieur le comte, que non! » Pierre s'é tait avancé dans l'hé micycle, les iris dilaté s. « Pendant bien deux jours vous avez bavardé avec lui, sans nous pré venir, et celui‑ là y a rien vu, y a rien dit, y a rien entendu, comme les trois ouistitis. Que voulez‑ vous lui demander de mieux, cette nuit? Non, ici, ici devant tout le monde!

– Calmez‑ vous, mon cher Pierre. J'ai fait conduire ici, cette nuit, celle que je considè re comme la plus exquise incarnation de la Sophia, lien mystique entre le monde de l'erreur et l'Ogdoade Supé rieure. Ne me demandez pas comment et pourquoi, mais avec cette mé diatrice, l'homme parlera. Dis‑ le, à eux, qui tu es, Sophia? »

Et Lorenza, toujours en é tat somnambulique, presque scandant les mots avec peine: « Je suis... la prostitué e et la sainte.

– Ah! elle est bien bonne celle‑ là, rit Pierre. Nous avons ici la crè me de l'initiation et on sonne le rappel des putes. Ne m'escagassez pas les oreilles, l'homme ici et tout de suite, face au Pendule!

– Ne soyons pas pué rils, dit Agliè. Donnez‑ moi une heure de temps. Pourquoi croyez‑ vous qu'il parlerait ici, devant le Pendule?

– Il ira parler dans la dissolution. Le sacrifice humain! » cria Pierre à la nef.

Et la nef, à pleins poumons: « Le sacrifice humain! »

Salon s'avanç a: « Comte, pué rilité à part, le frè re a raison. Nous ne sommes pas des policiers...

– Ce ne devrait pas ê tre à vous de le dire, ironisa Agliè.

– Nous ne sommes pas des policiers et nous ne pensons pas qu'il est digne de procé der avec les moyens d'enquê te habituels. Mais je ne crois pas non plus que puissent valoir les sacrifices aux forces du sous‑ sol. Si elles avaient voulu nous donner un signe, elles l'auraient fait depuis longtemps. A part le prisonnier, quelqu'un d'autre savait, sauf qu'il a disparu. Eh bien, cette nuit nous avons la possibilité de confronter le prisonnier avec ceux qui savaient et... » il fit un sourire, fixant Agliè de ses yeux mi‑ clos sous leurs sourcils hirsutes, « de les confronter aussi avec nous, ou avec certains d'entre nous...

– Qu'entendez‑ vous dire, Salon? demanda Agliè d'une voix qui manquait sû rement d'assurance.

– Si monsieur le comte le permet, je voudrais l'expliquer moi », dit Madame Olcott. C'é tait elle, je la reconnaissais d'aprè s l'affiche. Livide dans une robe olivâ tre, les cheveux brillants d'huiles ramassé s sur la nuque, la voix rauque d'un homme. J'avais eu l'impression, dans la librairie Sloane, de reconnaî tre ce visage, et à pré sent je me rappelais: c'é tait la druidesse qui avait presque couru sur nous, dans la clairiè re, en cette nuit lointaine. « Alex, Denys, amenez ici le prisonnier. »

Elle avait parlé sur un ton impé rieux, le bourdonnement de la nef paraissait lui ê tre favorable, les deux Gé ants avaient obé i, confiant Lorenza à deux Freaks Mignons, et Agliè, les mains crispé es sur les bras de la cathè dre n'avait pas osé s'opposer.



  

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