Хелпикс

Главная

Контакты

Случайная статья





FILENAME : LE RETOUR DE SAINT‑GERMAIN 3 страница



Quoi qu'il en fû t, Salon m'en avait dit assez pour mettre de nouveau mon imagination en é bullition. Le Vieux de la Montagne et les Assassins n'é taient pas pour moi des inconnus: j'en avais touché un mot dans ma thè se, on accusait les Templiers d'avoir é té en collusion avec eux aussi. Comment avions‑ nous pu l'oublier?

Ce fut ainsi que je recommenç ai à faire travailler mon esprit, et surtout le bout de mes doigts, en compulsant de vieilles fiches, et j'eus une idé e si fulgurante que je ne parvins pas à me retenir.

 

Je me ruai un matin dans le bureau de Belbo: « Ils s'é taient trompé s sur toute la ligne. Nous nous sommes trompé s sur toute la ligne.

– Doucement, Casaubon, qui? Oh, mon Dieu, le Plan. » Il eut un moment d'hé sitation. « Vous savez que les nouvelles sont mauvaises pour Diotallevi? Lui ne dit rien, j'ai té lé phoné à la clinique et on n'a rien voulu me dire de pré cis parce que je ne suis pas un parent – il n'a pas de parents, qui va s'occuper de lui alors? Je n'ai pas aimé leur ré ticence. Quelque chose de bé nin, qu'ils disent, mais la thé rapie n'a pas é té suffisante, il vaudra mieux qu'on l'hospitalise de faç on dé finitive, pour un petit mois, et peut‑ ê tre vaut‑ il la peine de tenter une petite intervention chirurgicale... En somme, ces gens ne me racontent pas tout et cette histoire me plaî t de moins en moins. »

Je ne sus que ré pondre, je me mis à feuilleter quelque chose pour faire oublier mon entré e triomphale. Mais ce fut Belbo qui ne ré sista pas. Il é tait comme un joueur à qui on eû t fait voir tout à coup un jeu de cartes. « Au diable, dit‑ il. La vie malheureusement continue. Dites‑ moi.

– Ils se sont trompé s sur toute la ligne. Nous nous sommes trompé s sur toute la ligne, ou presque. Alors: Hitler fait ce qu'il fait avec les juifs, mais il fait chou blanc. Les occultistes de la moitié du monde, durant des siè cles et des siè cles, s'adonnent à l'é tude de l'hé breu, ils kabbalisent à tour de bras et de tous cô té s, et au maximum ils en retirent leur horoscope. Pourquoi?

– Ç a... Mais parce que le fragment des hié rosolymitains est encore caché quelque part. Par ailleurs, le fragment des pauliciens, on ne l'a pas encore vu apparaî tre, d'aprè s ce que nous en savons...

– C'est une ré ponse à la Agliè, pas à nous. J'ai mieux. Les Juifs n'ont rien à y voir.

– Dans quel sens?

– Les juifs n'ont rien à voir avec le Plan. Ils ne peuvent y ê tre mê lé s en quoi que ce soit. Essayons d'imaginer la situation des Templiers, à Jé rusalem d'abord, et dans les capitaineries d'Europe ensuite. Les chevaliers franç ais se rencontrent avec les allemands, avec les portugais, avec les espagnols, avec les italiens, avec les anglais, tous ensemble ils ont des rapports avec l'aire byzantine, et surtout avec leur adversaire, le Turc. Un adversaire avec lequel on se bat mais avec lequel on traite aussi, nous l'avons vu. C'é taient là les forces en lice, et les rapports s'é tablissaient entre gentilshommes de mê me rang. Qui é taient les Juifs, à cette é poque, en Palestine? Une minorité religieuse et raciale, tolé ré e, respecté e par les Arabes qui les traitaient avec bienveillante condescendance; et trè s mal traité s par les chré tiens, parce qu'il ne faut pas oublier qu'au cours des diffé rentes croisades, chemin faisant, on mettait à sac les ghettos, et massacre que je te massacre. Et nous, nous pensons que les Templiers, avec toute la puanteur qu'ils avaient sous le nez, restaient là à é changer des informations mystiques avec les juifs? Jamais de la vie. Et dans les capitaineries d'Europe, les juifs apparaissaient comme des usuriers, des gens mal vus, à exploiter mais avec qui on ne devenait pas familier. C'est que nous sommes en train de parler d'un rapport entre chevaliers, nous sommes en train d'é laborer le plan d'une chevalerie spirituelle, et nous avons pu imaginer que les Templiers de Provins introduiraient dans l'affaire des citoyens de seconde caté gorie? Jamais de la vie.

– Mais toute la magie de la Renaissance qui se met à bû cher la Kabbale...

– Forcé ment, nous sommes dé jà proches de la troisiè me rencontre, on ronge son frein, on cherche des raccourcis, l'hé breu apparaî t comme une langue sacré e et mysté rieuse, les kabbalistes se sont remué le train pour leur propre compte et pour d'autres fins, et les Trente‑ Six é parpillé s de par le monde se mettent en tê te qu'une langue incompré hensible pourrait cacher qui sait quels secrets. C'est Pic de La Mirandole qui dira que nulla nomina, ut significativa et in quantum nomina sunt, in magico opere virtutem habere non possunt, nisi sint Hebraica. Eh bien? Pic de La Mirandole é tait un cré tin.

– Il faut bien le dire!

– Et, en outre, en tant qu'Italien, il é tait exclu du Plan. Qu'est‑ ce qu'il en savait lui? Et c'est encore pire pour les diffé rents Agrippa, Reuchlin et ainsi de mauvaise suite, qui se pré cipitent sur cette fausse piste. Je suis en train de reconstituer l'histoire d'une fausse piste, suis‑ je clair? Nous nous sommes laissé influencer par Diotallevi qui kabbalisait. Diotallevi kabbalisait, et nous, nous avons introduit les juifs dans le Plan. Mais si Diotallevi s'é tait occupé de culture chinoise, aurions‑ nous mis les Chinois dans le Plan?

– Sans doute oui.

– Sans doute non. Mais il n'y a pas de quoi s'arracher les cheveux, nous avons tous é té induits en erreur. L'erreur, ils l'ont tous faite, et depuis Postel, probablement. Ils s'é taient convaincus, deux cents ans aprè s Provins, que le sixiè me groupe é tait le hié rosolymitain. Ce n'é tait pas vrai.

– Mais pardon, Casaubon, c'est nous qui avons corrigé l'interpré tation d'Ardenti, et nous avons dit que le rendez‑ vous sur la pierre n'é tait pas à Stonehenge mais bien sur la pierre de la Mosqué e d'Omar.

– Et nous nous sommes trompé s. Des pierres, il y en a d'autres. Il nous fallait penser à un lieu fondé sur la pierre, sur la montagne, sur le rocher, sur l'é peron, sur le pré cipice... Les sixiè mes attendent dans la forteresse d'Alamut. »

 

– 103 –

Et apparut Kaï ros qui tenait dans sa main un sceptre

signifiant la royauté, et il le donna au premier dieu cré é, et celui‑ ci le prit et dit: « Ton nom secret sera de 36 lettres. »

Hasan IBN AL‑ SABBĀ H, Sargoză st‑ i Sayyid‑ nā.

 

 

J'avais exé cuté mon morceau de bravoure, à pré sent je devais des explications. Je les avais donné es les jours suivants, longues, minutieuses, documenté es, tandis que sur les tables de Pilade je fournissais à Belbo preuve sur preuve, qu'il suivait, l'œ il de plus en plus embrumé, allumant ses cigarettes avec ses mé gots, lanç ant toutes les cinq minutes son bras derriè re lui, le verre vide avec un semblant de glace au fond, et Pilade de se pré cipiter pour ravitailler, sans attendre un ordre plus pré cis.

Les premiè res sources é taient justement celles où apparaissaient les premiers ré cits sur les Templiers, de Gé rard de Strasbourg à Joinville. Les Templiers é taient entré s en contact, parfois en conflit, plus souvent en une mysté rieuse alliance, avec les Assassins du Vieux de la Montagne.

L'histoire é tait naturellement plus complexe. Elle commenç ait aprè s la mort de Mahomet, avec la scission entre les fidè les de la loi ordinaire, les sunnites, et les partisans d'Alì, gendre du Prophè te, mari de Fatima, qui s'é tait vu dé rober la succession. C'é taient les enthousiastes d'Alì, qui se reconnaissaient dans la shi'a, le groupe des adeptes, lesquels avaient donné vie à l'aile hé ré tique de l'Islam, les shiites. Une doctrine initiatique, qui voyait la continuité de la ré vé lation non pas dans la remé ditation traditionnelle des paroles du Prophè te, mais dans la personne mê me de l'Imam, seigneur, chef, é piphanie du divin, ré alité thé ophanique, Roi du Monde.

Or qu'arrivait‑ il à cette aile hé ré tique de l'islamisme, qui é tait de plus en plus infiltré e par toutes les doctrines é soté riques du bassin mé diterrané en, des maniché ens aux gnostiques, des né o‑ platoniciens à la mystique iranienne, par toutes ces suggestions que nous avions suivies depuis des anné es dans le cours de leur dé veloppement occidental? L'histoire é tait longue, nous ne ré ussissions pas à la dé brouiller, d'autant que les diffé rents auteurs et protagonistes arabes avaient des noms trè s longs, les textes les plus sé rieux les transcrivaient avec les signes diacritiques, et, tard le soir, nous ne parvenions plus à distinguer entre Abū 'Abdi'l‑ lā Muhammad b. 'Alī ibn Razzā m at‑ Tā 'ī al‑ Kū fī, Abū Muhammad 'Ubayadu'l‑ lā h, Abū Mu'ini'd‑ Dī n Nā sir ibn Hosrow Marwā zī Qobā dyā nī (je crois qu'un Arabe se serait trouvé dans le mê me embarras pour distinguer entre Aristote, Aristoxè ne, Aristarque, Aristide, Anaximandre, Anaximè ne, Anaxagore, Anacré on et Anacharsis).

Mais une chose é tait certaine. Le shiisme se scinde en deux tronç ons, l'un dit duodé cimain, qui reste dans l'attente d'un Imam disparu et à venir; et l'autre, celui des ismaï liens, qui naî t dans l'empire des Fatimides du Caire, et puis, du fait de vicissitudes diverses, s'affirme comme ismaï lisme ré formé en Perse, par l'action d'un personnage fascinant, mystique et fé roce, Hasan Sabbā h. Et c'est là que Hasan installe son propre centre, son imprenable trô ne à lui, au sud‑ est de la Caspienne, dans la forteresse d'Alamut, le Nid d'Aigle.

C'est là qu'Hasan s'entourait de ses acolytes, les fidā 'iyyū n ou fedaï n, fidè les jusqu'à la mort qu'il utilisait pour accomplir ses assassinats politiques, instruments de la gihā d hafī, la guerre sainte secrè te. Les fedaï n, ou quel que fû t le nom qu'il leur donnait, deviendraient par la suite tristement cé lè bres sous le nom d'Assassins – qui n'est pas un beau nom, maintenant, mais alors et pour eux il é tait splendide, emblè me d'une race de moines guerriers qui ressemblaient beaucoup aux Templiers, prê ts à mourir pour leur foi. Chevalerie spirituelle.

La forteresse ou le châ teau d'Alamut: la Pierre. Construite sur une crê te aé rienne longue de quatre cents mè tres et large parfois de quelques pas, trente au maximum; de loin, pour qui arrivait sur la route de l'Azerbaï djan, elle apparaissait comme une muraille naturelle, blanche aveuglé e de soleil, azuré e dans le couchant pourpré, pâ le à l'aube et sanglante dans l'aurore, en de certains jours effumé e au milieu des nuages ou é tincelante d'é clairs. Le long de ses bords supé rieurs, on distinguait avec peine une finition impré cise et artificielle de tours té tragones; d'en dessous, on eû t dit d'une sé rie de lames de rocher qui se pré cipitaient vers le haut sur des centaines de mè tres, qui vous surplombaient, menaç antes; le versant le plus accessible é tait un glissant é boulis de pierraille, qu'aujourd'hui encore les arché ologues n'arrivent pas à escalader. En ce temps‑ là, on y accé dait par quelque secrè te monté e d'escaliers rongé e en colimaç on dans la roche, comme si on avait dé pulpé une pomme fossile, et qu'un seul archer suffisait à dé fendre. Inexpugnable, vertigineuse dans l'Ailleurs. Alamut, le roc fortifié des Assassins. Vous ne pouviez l'atteindre qu'en chevauchant des aigles.

C'est là qu'Hasan ré gnait, et aprè s lui ceux que l'on connaî trait comme le Vieux de la Montagne, et le premier d'entre tous, son sulfureux successeur, Sinā n.

Hasan avait inventé une technique de domination sur les siens et sur ses adversaires. A ses ennemis, il annonç ait que s'ils ne s'é taient pas plié s à ses volonté s, il les aurait tué s. Et on ne pouvait é chapper aux Assassins. Nizā mu'l‑ Mulk, premier ministre du sultan quand les croisé s s'escriment encore à conqué rir Jé rusalem, alors qu'il é tait transporté en litiè re pour aller chez ses femmes, est poignardé à mort par un sicaire qui s'approche de lui travesti en derviche. L'atabek de Hims, alors qu'il descendait de son châ teau pour se rendre à la priè re du vendredi, entouré d'une troupe de gens armé s jusqu'aux dents, est poignardé par les sicaires du Vieux.

Sinā n dé cide de tuer le marquis chré tien Conrad de Montferrat. Il instruit deux des siens qui se glissent parmi les infidè les, mimant leurs usages et leur langue, aprè s une dure pré paration. Travestis en moines, alors que l'é vê que de Tyr offrait un festin au marquis sans mé fiance, ils lui sautent dessus et le blessent. Un Assassin est tué sur‑ le‑ champ par les gardes du corps, l'autre se ré fugie dans une é glise, il attend qu'on y porte le blessé, l'assaille, l'achè ve, succombe, bienheureux.

Car, disaient les historiographes arabes d'obé dience sunnite, et puis les chroniqueurs chré tiens, d'Odé ric de Pordenone à Marco Polo, le Vieux avait dé couvert une maniè re atroce pour rendre ses chevaliers de la plus extrê me fidé lité, jusqu'au dernier sacrifice, pour en faire des machines de guerre invincibles. Il les emportait, tout jeunes hommes endormis, au sommet du roc fortifié, les é nervait de dé lices, vin, femmes, fleurs, dé liquescents banquets, les é tourdissait de haschisch – d'où le nom de la secte. Et quand ils n'auraient plus su renoncer aux bé atitudes perverses de cette fiction de Paradis, il les emportait dehors dans leur sommeil et les plaç ait devant cette alternative: va et tue, si tu ré ussis, ce Paradis que tu quittes sera de nouveau à toi et pour toujours, si tu é choues tu retombes dans la gé henne quotidienne.

Et eux, é tourdis par la drogue, soumis à ses volonté s, ils se sacrifiaient pour sacrifier, tueurs à la mort condamné s, victimes damné es à faire des victimes.

Comme ils les craignaient, comme ils en fabulaient, les croisé s, dans les nuits sans lune quand sifflait le simoun du dé sert! Comme ils les admiraient, les Templiers, ces brutes braves subjugué es par cette claire volonté de martyre, qui se pliaient à leur verser un pé age, leur demandant en é change des tributs formels, en un jeu de mutuelles concessions, complicité s, fraternité d'armes, s'é tripant sur les champs de bataille, se caressant en secret, se murmurant tour à tour leurs visions mystiques, leurs formules magiques, les subtilité s alchimiques...

Par les Assassins, les Templiers apprennent leurs rites occultes. Seule la veule ignorance des baillis et des inquisiteurs du roi Philippe les avait empê ché s de comprendre que le crachat sur la croix, le baiser sur l'anus, le chat noir et l'adoration du Baphomet n'é taient rien d'autre que la ré pé tition d'autres rites que les Templiers accomplissaient sous l'influence du premier secret qu'ils avaient appris en Orient, l'usage du haschisch.

Et alors il é tait é vident que le Plan naî trait, devrait naî tre là : par les hommes d'Alamut, les Templiers apprenaient l'existence des courants souterrains, avec les hommes d'Alamut ils s'é taient ré unis à Provins et ils avaient organisé l'occulte trame des Trente‑ Six Invisibles; et c'est pour cela que Christian Rosencreutz voyagerait à Fez et en d'autres lieux de l'Orient, pour cela que vers l'Orient se tournerait Postel, pour cela que de l'Orient, et de l'É gypte, siè ge des ismaï liens fatimides, les magiciens de la Renaissance importeraient la divinité é ponyme du Plan, Hermè s, Hermè s‑ Teuth ou Toth, et c'est sur des figures é gyptiennes que l'intrigant Cagliostro avait fantasmé pour ses rites. Et les jé suites, les jé suites moins insensé s que nous n'avions supposé, avec le bon Kircher s'é taient tout de suite jeté s sur les hié roglyphes, et sur le copte, et sur les autres langages orientaux, l'hé breu n'é tant qu'une couverture, une concession à la mode de l'é poque.

 

– 104 –

Ces textes ne s'adressent pas au commun des mortels... L'aperception gnostique est une voie ré servé e à une é lite... Car, selon les paroles de la Bible: ne jetez pas vos perles aux pourceaux.

Kamal JUMBLATT, interview à le Jour, 31. 3. 1967.

Arcana publicata vilescunt: et gratiam prophanata amittunt. Ergo: ne margaritas obijce porcis, seu asinus substerne rosas.

Johann Valentin ANDREAE, Die Chymische Hochzeit des Christian Rosencreutz, Strassburg, Zetzner, 1616, frontispice.

Et par ailleurs, où trouver quelqu'un qui saurait attendre sur la pierre six siè cles durant et qui, sur la pierre, aurait attendu? Certes, Alamut à la fin é tait tombé e sous la pression mongole, mais la secte des ismaï liens avait survé cu dans tout l'Orient: d'un cô té, elle s'é tait mé langé e au soufisme non shiite; d'un autre cô té, elle avait engendré la terrible secte des druses; d'un autre cô té enfin, elle avait survé cu avec les khojas indiens, les fidè les de l'Aga Khan, non loin de l'emplacement d'Agarttha.

Mais j'avais dé niché autre chose encore. Sous la dynastie des Fatimides, les notions hermé tiques des anciens É gyptiens, à travers l'acadé mie d'Hé liopolis, avaient é té redé couvertes au Caire où avait é té fondé e une Maison des Sciences! D'où prenait‑ il son inspiration, Bacon, pour sa Maison de Salomon; quel é tait le modè le du Conservatoire?

« C'est ç a, c'est bien ç a, il n'y a plus aucun doute », disait Belbo, tout grisé. Puis: « Mais alors, les kabbalistes?

– C'est seulement une histoire parallè le. Les rabbins de Jé rusalem ont l'intuition que quelque chose s'est passé entre Templiers et Assassins, et les rabbins d'Espagne, en circulant avec l'air de prê ter de l'argent à usure pour les capitaineries europé ennes, subodorent quelque chose. Ils sont exclus du secret, et, en un acte d'orgueil national, ils dé cident de comprendre tout seuls. Comment, nous, le Peuple É lu, nous sommes tenus dans l'ignorance du secret des secrets? Et vlan, commence la tradition kabbalistique, la tentative hé roï que des diasporé s, des marginaux, pour agir à la barbe des seigneurs, des dominateurs qui pré tendent tout savoir.

– Mais en agissant de la sorte, ils donnent aux chré tiens l'impression de ré ellement tout savoir.

– Et, à un moment donné, quelqu'un fait la gaffe hé naurme. On confond Ismaë l et Israë l.

– Donc Barruel, et les Protocoles, et le reste ne sont que le fruit d'un é change de consonnes.

– Tout, à cause d'une erreur de Pic de La Mirandole.

– Ou peut‑ ê tre y a‑ t‑ il une autre raison. Le peuple é lu s'é tait chargé de l'interpré tation du Livre. Il a ré pandu une obsession. Et les autres, ne trouvant rien dans le Livre, se sont vengé s. Les gens ont peur de ceux qui les placent face à face avec la Loi. Mais les Assassins, pourquoi ne se manifestent‑ ils pas plus tô t?

– Voyons Belbo! Pensez à la faç on dont se dé prime cette ré gion depuis la bataille de Lé pante. Votre Sebottendorff comprend bien qu'il faut chercher quelque chose parmi les derviches turcs, mais Alamut n'existe plus; eux, terré s, qui sait où. Ils attendent. Et maintenant leur heure est venue, sur l'aile de l'irré dentisme islamique, ils pointent à nouveau la tê te. En mettant Hitler dans le Plan, nous avons trouvé une bonne raison pour la deuxiè me guerre mondiale. En y mettant les Assassins d'Alamut, nous expliquons tout ce qui se passe depuis des anné es entre la Mé diterrané e et le golfe Persique. Et c'est ici que nous trouvons une place au Tres, Templi Ré surgentes Equites Synarchici. Une socié té qui se propose de ré tablir enfin les contacts avec les chevaleries spirituelles de fois diffé rentes.

 

– Ou qui stimule les conflits pour tout bloquer et pê cher en eau trouble. C'est clair. Nous sommes arrivé s à la fin de notre travail de ravaudage de l'Histoire. Se pourrait‑ il par hasard qu'au moment suprê me le Pendule ré vè le que l'Umbilicus Mundi est à Alamut?

 

– N'exagé rons pas à pré sent. Pour ma part, je laisserais ce dernier point en suspens.

– Comme le Pendule.

 

– Si vous voulez. On ne peut pas dire tout ce qui nous passe par la tê te.

 

– Certes, certes. De la rigueur avant tout. »

Ce soir‑ là j'é tais seulement fier d'avoir construit une belle histoire. J'é tais un esthè te, utilisant la chair et le sang du monde pour en faire de la Beauté. Belbo é tait dé sormais un adepte. Comme tout le monde, non par illumination, mais faute de mieux.

 

– 105 –

Claudicat ingenium, delirat lingua, labat mens.

LUCRÈ CE, De rerum natura, III, 453.

Ce doit ê tre ces jours‑ là que Belbo a cherché à se rendre compte de ce qui lui arrivait. Mais sans que la sé vé rité avec laquelle il avait su s'analyser pû t le dé tourner du mal auquel il s'habituait.

 

 

FILENAME: ET SI CELA É TAIT?  

Inventer un Plan: le Plan te justifie à tel point que tu cesses d'ê tre responsable du Plan mê me. Il suffit de jeter la pierre et de cacher le bras. Il n'y aurait pas é chec si vraiment il y avait un Plan.

Tu n'as jamais eu Cecilia parce que les Archontes ont rendu Annibale Cantalamessa et Pio Bo inhabiles au plus amical des cuivres. Tu t'es enfui devant le Canaletto parce que les Dé cans ont voulu t'é pargner pour un autre holocauste. Et l'homme à la cicatrice a un talisman plus puissant que le tien.

Un Plan, un coupable. Le rê ve de l'espè ce. An Deus sit. S'il existe, c'est de sa faute.

La chose dont j'ai perdu la direction n'est pas la Fin, c'est l'Origine. Pas l'objet à possé der mais le sujet qui me possè de. Douleur partagé e est moins dure à supporter, que dit d'autre le Mythe? Un alexandrin et demi.

Qui a é crit cette pensé e, la plus rassé ré nante qui ait jamais é té pensé e? Rien ne pourra m'ô ter de l'esprit que ce monde est le fruit d'un dieu té né breux dont je prolonge l'ombre. La foi conduit à l'Optimisme Absolu.

C'est vrai, j'ai forniqué (ou je n'ai pas forniqué ): mais c'est Dieu qui n'a pas su ré soudre le problè me du Mal. Allons, broyons le foetus dans le mortier, avec du miel et du poivre. Dieu le veut.

Si vraiment il faut croire, que ce soit une religion qui ne te fait pas sentir coupable. Une religion dé lié e, enfumé e, souterraine, qui ne finit jamais. Comme un roman, pas comme une thé ologie.

Cinq voies pour un seul point d'arrivé e. Quel gaspillage. Un labyrinthe, par contre, qui conduit partout et nulle part. Pour mourir avec style, vivre en baroque.

Seul un mauvais Dé miurge nous donne l'impression d'ê tre bon.

Mais si le Plan cosmique n'existait pas?

Quelle farce, vivre en exil quand personne ne t'y a envoyé. Et en exil d'un endroit qui n'existe pas.

Et s'il existait, le Plan, mais qu'il t'é chappait pour l'é ternité ?

Quand la religion cè de, l'art pourvoit. Le Plan, tu l'inventes, mé taphore de celui qui est inconnaissable. Mê me un complot humain peut remplir le vide. Ils ne m'ont pas publié Queur et pasion parce que je n'appartiens pas à la clique templiè re.

Vivre comme s'il y avait un Plan: la pierre des philosophes.

If you cannot beat them, join them. Si le Plan existe, il suffit de s'aligner...

Lorenza me met à l'é preuve. Humilité. Si j'avais l'humilité d'é voquer les Anges, mê me sans y croire, et de tracer le bon cercle, j'aurais la paix. Peut‑ ê tre.

Tu crois qu'il y a un secret et tu te sentiras initié. Ç a ne coû te rien.

Cré er une immense espé rance qu'on ne pourra jamais é radiquer parce qu'il n'y a pas de racine. Des ancê tres qui n'existent pas ne seront jamais là à dire que tu as trahi. Une religion qu'on peut observer en la trahissant à l'infini.

Comme Andreae: cré er par jeu la plus grande ré vé lation de l'histoire et, tandis que les autres s'y perdent, jurer pour le reste de ta vie que ç a n'a pas é té toi.

Cré er une vé rité aux contours flous: à peine quelqu'un essaie de la dé finir, tu l'excommunies. Justifier seulement qui est plus flou que toi. Jamais d'ennemis à droite.

Pourquoi é crire des romans? Ré crire l'Histoire. L'Histoire qu'ensuite tu deviens.

Pourquoi ne le mettez‑ vous pas au Danemark, monsieur Guillaume S. ? Jim de la Papaye Johann Valentin Andreae Lucmatthieu parcourt l'archipel de la Sonde entre Patmos et Avalon, de la Montagne Blanche à Mindanao, d'Atlantide à Thessalonique... Au concile de Nicé e, Origè ne se coupe les testicules et les montre, sanguinolents, aux pè res de la Cité du Soleil, à Hiram qui dit en grinç ant des dents filioque filioque tandis que Constantin plante ses ongles rapaces dans les orbites vides de Robert Fludd, mort mort aux Juifs du ghetto d'Antioche, Dieu et mon droit, tu agites le Beaucé ant, sus aux ophites et aux borborites qui borborygment, venimeux. Sonnez trompettes, et arrivent les Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte avec la tê te du Maure brandie sur la pique, le Rebis, le Rebis! Ouragan magné tique, croule la Tour.

sur le cadavre grillé de Jacques de Molay.

Je ne t'ai pas eu, mais je peux faire exploser l'histoire.

Si le problè me est cette absence d'ê tre, si l'ê tre est ce qu'on dit en de nombreuses maniè res, plus nous parlons plus il y a d'ê tre.

Le rê ve de la science c'est qu'il y ait peu d'ê tre, concentré et dicible, E = mc2. Erreur. Pour se sauver dè s le commencement de l'é ternité, il est né cessaire de vouloir qu'il y ait un ê tre à tort et à travers. Comme un serpent noué par un marin alcoolique. Inextricable.



  

© helpiks.su При использовании или копировании материалов прямая ссылка на сайт обязательна.