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« Pensez, disais‑ je, tout é tait dé jà é crit, comme dans un livre ouvert, dans les mesures du Temple de Salomon, et les gardiens du secret é taient les Rose‑ Croix qui constituaient la Grande Fraternité Blanche, ou bien les Essé niens qui, on le sait, mettent Jé sus au courant de leurs secrets, et voilà le motif, sinon incompré hensible, pour quoi Jé sus est crucifié...

– Certes, la passion du Christ est une allé gorie, une annonce du procè s des Templiers.

– En effet. Et Joseph d'Arimathie apporte ou rapporte le secret de Jé sus au pays des Celtes. Mais é videmment le secret est encore incomplet, les druides chré tiens n'en connaissent qu'un fragment, et voilà la signification é soté rique du Graal: il y a quelque chose, mais nous ne savons pas ce que c'est. Ce que ç a devait ê tre, ce que le Temple disait dé jà in extenso, seul un petit groupe de rabbins resté s en Palestine le soupç onne. Ils le confient aux sectes initiatiques musulmanes, aux soufis, aux ismaï liens, aux motocallemins. Et c'est d'eux que l'apprennent les Templiers.

– Enfin, les Templiers. Je me faisais du mouron. »

Nous donnions des coups de pouce au Plan qui, telle une glaise molle, obé issait à nos volonté s fabulatrices. Les Templiers avaient dé couvert le secret durant ces nuits d'insomnie, enlacé s à leur compagnon de selle, dans le dé sert où soufflait, inexorable, le simoun. Ils l'avaient arraché, morceau par morceau, à ceux qui connaissaient les pouvoirs de concentration cosmique de la Pierre Noire de La Mecque, hé ritage des mages babyloniens – parce qu'il é tait clair, à ce point, que la tour de Babel n'avait é té rien d'autre que la tentative, hé las trop hâ tive et justement raté e à cause de la superbe des auteurs du projet, de construire le menhir le plus puissant de tous, sauf que les architectes babyloniens avaient mal fait leurs comptes car, selon la dé monstration du pè re Kircher, si la tour avait atteint son sommet, par son poids excessif elle aurait fait tourner de quatre‑ vingt‑ dix degré s et peut‑ ê tre davantage, l'axe terrestre, et notre pauvre globe se serait trouvé avec, au lieu d'une couronne ithyphallique qui pointait, é rectile, vers le haut, un appendice sté rile, une mentula amollie, une queue simiesque, qui ballait vers le bas, une Shekhina perdue dans les abysses vertigineux d'un Malkhut antarctique, flasque hié roglyphe pour pingouins.

« Mais en somme, quel est le secret dé couvert par les Templiers?

– Du calme, nous y arrivons. Il a fallu sept jours pour faire le monde. Essayons. »

 

– 82 –

La Terre est un corps magné tique; en effet, comme certains scientifiques l'ont dé couvert, c'est un seul et unique grand aimant, ainsi que Paracelse l'a affirmé il y a quelque trois cents ans.

H. P. BLAVATSKY, Isis Unveiled, New York, Bouton, 1877, I, p. XXIII.

Nous essayâ mes et nous y arrivâ mes. La terre est un grand aimant et la force et la direction de ses courants sont aussi dé terminé es par l'influence des sphè res cé lestes, par les cycles saisonniers, par la pré cession des é quinoxes, par les cycles cosmiques. C'est pour cela que le systè me des courants est changeant. Mais il doit se mouvoir comme les cheveux, qui, bien que poussant sur toute la calotte du crâ ne, semblent naî tre en spirale d'un point placé sur la nuque, là où justement ils sont le plus rebelles au peigne. Ce point identifié, la station la plus puissante placé e sur ce point, on pourrait dominer, diriger, commander tous les flux telluriques de la planè te. Les Templiers avaient compris que le secret ne consistait pas seulement à avoir la carte globale du monde, mais à connaî tre le point critique, l'Omphalos, l'Umbilicus Telluris, le Centre du Monde, l'Origine du Commandement.

Toute l'affabulation alchimique, la descente chthonienne de l'œ uvre au noir, la dé charge é lectrique de l'œ uvre au blanc, n'é taient que symboles, transparents pour les initié s, de cette auscultation centenaire dont l'opé ration finale aurait dû ê tre l'œ uvre au rouge, la connaissance globale, la domination fulgurante du systè me plané taire des courants. Le secret, le vrai secret alchimique et templier é tait dans l'identification de la Source de ce rythme inté rieur, doux, terrible et ré gulier telle la palpitation du serpent Kundalinî, encore inconnu dans nombre de ses aspects, mais certes ré glé comme une horloge, de l'unique, vé ritable Pierre qui jamais fû t tombé e en exil du ciel, la Grande Mè re Terre.

C'est là, d'autre part, ce que voulait comprendre Philippe le Bel. D'où l'insistance pleine de malice des inquisiteurs sur le mysté rieux baiser in posteriori parte spine dorsi. Ils voulaient le secret de Kundalinî. Il s'agissait bien de sodomie!

« Tout est parfait, disait Diotallevi. Mais quand ensuite vous savez diriger les courants telluriques, qu'est‑ ce que vous en faites? Des ronds de fumé e?

– Allons allons, disais‑ je, vous ne saisissez pas le sens de la dé couverte? Fixez dans l'Ombilic Tellurique la fiche la plus puissante... Possé der cette station vous permet de pré voir les pluies et la sé cheresse, de dé chaî ner des ouragans, des raz de maré e, des tremblements de terre, de fendre les continents, de faire sombrer les î les (l'Atlantide a certainement disparu à la suite d'une expé rimentation inconsidé ré e), de faire s'é lever les forê ts et les montagnes... Vous vous rendez compte? C'est autre chose que la bombe atomique, qui esquinte aussi celui qui la tire. De votre tour de commandement, vous té lé phonez, que sais‑ je moi, au pré sident des É tats‑ Unis et vous lui dites: d'ici demain je veux un fantastillion de dollars, ou bien l'indé pendance de l'Amé rique latine, ou les Hawaii, ou la destruction de tes ré serves nuclé aires, sinon le plan de clivage de la Californie s'ouvre dé finitivement et Las Vegas devient un tripot flottant...

– Mais Las Vegas est dans le Nevada...

– Et qu'importe; en contrô lant les courants telluriques, vous dé tachez mê me le Nevada, mê me le Colorado. Et puis vous té lé phonez au Soviet Suprê me et vous leur dites mes amis, d'ici lundi je veux tout le caviar de la Volga, et la Sibé rie pour y faire un magasin de surgelé s, autrement je vous ravale l'Oural, je vous fais dé border la Caspienne, je vous envoie la Lituanie et l'Estonie à la dé rive et je vous les fais sombrer dans la Fosse des Philippines.

– C'est vrai, disait Diotallevi. Un pouvoir immense. Ré crire la terre comme la Torah. Dé placer le Japon dans le golfe de Panama.

– Panique à Wall Street.

– Autre chose que le bouclier spatial! Autre chose que de changer les mé taux en or. Vous dirigez la bonne dé charge où il faut, vous mettez en orgasme les entrailles de la terre, vous lui faites faire en dix secondes ce qu'elle a fait en des milliards d'anné es, et toute la Ruhr se transforme pour vous en un gisement de diamants. Eliphas Levi disait que la connaissance des maré es fluidiques et des courants universels repré sente le secret de l'omnipotence humaine.

– Il en va sû rement ainsi, disait Belbo, c'est comme transformer la terre entiè re en une chambre orgonique. De toute é vidence, Reich é tait certainement un Templier.

– Ils l'é taient tous, sauf nous. Heureusement qu'on s'en est rendu compte. A pré sent, on les prend de vitesse. »

En effet, qu'est‑ ce qui avait arrê té les Templiers une fois le secret saisi? Ils auraient dû l'exploiter. Mais entre le savoir et le savoir‑ faire, il y a loin. Pour l'instant, instruits par le diabolique saint Bernard, les Templiers avaient remplacé les menhirs, pauvres fiches celtiques, par les cathé drales gothiques, bien plus sensibles et puissantes, creusé es de cryptes souterraines habité es par les Vierges noires, en contact direct avec les couches radioactives, et ils avaient recouvert l'Europe d'un ré seau de stations é mettrices‑ ré ceptrices qui se communiquaient ré ciproquement les puissances et les directions des fluides, les humeurs et les tensions des courants.

« Moi je vous dis qu'ils ont repé ré les mines d'argent dans le Nouveau Monde, ils ont provoqué des é ruptions, puis, en contrô lant le Courant du Golfe, ils ont fait s'é couler le minerai sur les cô tes portugaises. Tomar é tait le centre de tri, la Forê t d'Orient, le grenier principal. Voilà l'origine de leurs richesses. Mais c'é taient des miettes. Ils ont compris que, pour exploiter à fond leur secret, ils devaient attendre un dé veloppement technologique qui demandait au moins six cents ans. »

Les Templiers avaient donc organisé le Plan de maniè re que seuls leurs successeurs, au moment où ils seraient en mesure de bien se servir de ce qu'ils savaient, pussent dé couvrir où se trouvait l'Umbilicus Telluris. Mais comment avaient‑ ils distribué les fragments de la ré vé lation aux trente‑ six é parpillé s de par le monde? É tait‑ ce autant de parties d'un mê me message? Mais faut‑ il un message aussi complexe pour dire que l'Umbilicus est, mettons, à Baden Baden, à Cogolin, à Chattanooga?

Une carte gé ographique? Mais une carte pré sente un signe sur le point de l'Umbilicus. Et qui a dans ses mains le fragment marqué d'un signe sait dé jà tout et n'a pas besoin des autres fragments. Non, la chose devait ê tre plus compliqué e. Nous nous creusâ mes la cervelle pendant quelques jours jusqu'à ce que Belbo dé cide de recourir à Aboulafia. Et la ré ponse fut:

Guillaume Postel meurt en 1581

Bacon est vicomte de Saint‑ Albans

Au Conservatoire il y a le Pendule de Foucault.

Le moment é tait venu de trouver une fonction au Pendule.

 

Je fus en mesure d'offrir en l'espace de quelques jours une solution plutô t é lé gante. Un diabolique nous avait proposé un texte sur le secret hermé tique des cathé drales. Un jour, selon notre auteur, les constructeurs de Chartres avaient laissé un fil à plomb suspendu à une clef de voû te, et ils en avaient facilement dé duit la rotation de la terre. Voilà la raison du procè s à Galilé e, avait observé Diotallevi, l'É glise avait subodoré en lui le Templier – non, avait dit Belbo, les cardinaux qui avaient condamné Galilé e é taient des adeptes templiers infiltré s à Rome, qui s'é taient hâ té s de fermer la bouche au maudit Toscan, Templier fé lon qui é tait sur le point de tout crier sur les toits, par vanité, avec quatre cents ans d'avance par rapport à la date de l'é ché ance du Plan.

En tout cas, cette dé couverte expliquait pourquoi, sous le Pendule, ces maî tres maç ons avaient tracé un labyrinthe, image stylisé e du systè me des courants souterrains. Nous cherchâ mes une image du labyrinthe de Chartres: une horloge solaire, une rose des vents, un systè me veineux, une trace baveuse des mouvements somnolents du Serpent. Une carte globale des courants.

« Bien, mettons que les Templiers se servaient du Pendule pour indiquer l'Umbilicus. Au lieu du labyrinthe, qui reste malgré tout un sché ma abstrait, vous placez sur le pavement une carte du monde et vous dites, mettons que le point dé signé par le bec du Pendule à une heure donné e est celui où se trouve l'Umbilicus. Mais où ?

– Le lieu est hors de doute: c'est Saint‑ Martin‑ des‑ Champs, le Refuge.

– Oui, ergotait Belbo, mais mettons qu'à minuit le Pendule oscille le long d'un axe – je dis au hasard – Copenhagen‑ Capetown. Où se trouve l'Umbilicus, au Danemark ou en Afrique du Sud?

– Bonne observation, dis‑ je. Mais notre diabolique raconte aussi qu'à Chartres il y a une fissure dans un vitrail du chœ ur et qu'à une heure donné e du jour un rayon de soleil pé nè tre par la fissure et va toujours illuminer le mê me point, toujours la mê me pierre du pavement. Je ne me rappelle pas quelle conclusion on en tire, mais de toute faç on il s'agit d'un grand secret. Voilà le mé canisme. Dans le choeur de Saint‑ Martin, il y a une fenê tre avec une é caillure à l'endroit où deux verres coloré s ou dé polis sont ré unis par la ré sille de plomb. Ç 'a é té calculé au millimè tre, et probablement depuis six cents ans il y a quelqu'un qui se donne la peine de veiller à ce que tout reste en l'é tat initial. Au lever du soleil d'un jour bien dé terminé de l'anné e...

–... qui ne peut ê tre que l'aube du 24 juin, jour de la Saint‑ Jean, fê te du solstice d'é té...

–... voilà, ce jour‑ là et à cette heure‑ là, le premier rayon de soleil qui pé nè tre par la fenê tre tape sur le Pendule et là où le Pendule se trouve au moment où il est touché par le rayon, en ce point pré cis de la carte il y a l'Umbilicus!

– Parfait, dit Belbo. Mais si le temps est nuageux?

– On attend l'anné e suivante. »

 

 

« Pardon, dit Belbo. La derniè re rencontre est à Jé rusalem. Ne serait‑ ce pas au sommet de la coupole de la Mosqué e d'Omar que devrait ê tre accroché le Pendule?

– Non, le convainquis‑ je. En certains points du globe, le Pendule accomplit son cycle en 36 heures, au Pô le Nord il mettrait 24 heures, à l'é quateur le plan d'oscillation resterait toujours fixe. Donc le lieu compte. Si les Templiers ont fait leur dé couverte à Saint‑ Martin, leur calcul ne vaut que pour Paris, parce qu'en Palestine le Pendule indiquerait une courbe diffé rente.

– Et qui nous dit qu'ils ont fait la dé couverte à Saint‑ Martin?

– Le fait qu'ils ont choisi Saint‑ Martin comme leur Refuge, que, du prieur de Saint‑ Albans à Postel, à la Convention, ils l'ont gardé sous contrô le, qu'aprè s les premiè res expé rimentations de Foucault ils l'ont fait placer là ‑ bas. Il y a trop d'indices.

– Mais la derniè re rencontre est à Jé rusalem.

– Eh bien? A Jé rusalem on recompose le message, et ce n'est pas une affaire qu'on expé die en deux temps, trois mouvements. Aprè s quoi, on se pré pare pendant une anné e; et le 23 juin suivant, les six groupes au complet se rencontrent à Paris pour savoir enfin où est l'Umbilicus, et puis se mettre au travail pour conqué rir le monde.

– Cependant, insista Belbo, il y a autre chose qui cloche à mon avis. Que la ré vé lation finale concerne l'Umbilicus, tous les trente‑ six le savaient. On se servait dé jà du Pendule dans les cathé drales, ce n'é tait donc pas un secret. Qu'est‑ ce qui aurait pu empê cher Bacon ou Postel ou Foucault soi‑ mê me – car certainement s'il a monté la turlutaine du Pendule, c'est parce qu'il faisait partie de la clique lui aussi – je disais: qu'est‑ ce qui aurait pu les empê cher, bon Dieu, de placer une carte du monde sur le pavement et de l'orienter selon les points cardinaux? Nous faisons fausse route.

– Nous ne faisons pas fausse route, dis‑ je. Le message indique une chose que personne ne pouvait savoir: quelle carte utiliser! »

 

– 83 –

Une carte n'est pas le territoire.

Alfred KORZYBSKI, Science and sanity, 1933; 4e é dition, The International Non‑ Aristotelian Library, 1958, II, 4, p. 58.

« Vous aurez pré sente à l'esprit la situation de la cartographie au temps des Templiers, disais‑ je. En ce siè cle‑ là circulent des cartes arabes qui, entre autres, placent l'Afrique en haut et l'Europe en bas, des cartes de navigateurs, tout compte fait assez pré cises, et des cartes de trois ou quatre cents ans avant, qui passaient encore pour valables dans les é coles. Remarquez que pour ré vé ler où se trouve l'Umbilicus on n'a pas besoin d'une carte pré cise, dans le sens que nous donnons au terme. Il suffit que ce soit une carte qui ait la caracté ristique suivante: une fois orienté e, elle montre l'Umbilicus au point où le Pendule s'illumine à l'aube du 24 juin. A pré sent, é coutez bien: mettons, par pure hypothè se, que l'Umbilicus soit à Jé rusalem. Sur nos cartes modernes Jé rusalem se trouve en un certain endroit, et mê me aujourd'hui ç a dé pend du type de projection. Mais les Templiers disposaient d'une carte faite Dieu sait comme. Eh bien, que leur importait? Ce n'est pas le Pendule qui dé pend de la carte, c'est la carte qui dé pend du Pendule. Vous me suivez? Ce pouvait ê tre la carte la plus insensé e du monde, pourvu que, lorsqu'on la plaç ait sous le Pendule, le rayon de soleil fatidique de l'aube du 24 juin identifiâ t le point où, sur ladite carte, ici et pas sur d'autres, apparaissait Jé rusalem.

– Mais ç a ne ré sout pas notre problè me, dit Diotallevi.

– Certes pas, et celui des Trente‑ Six Invisibles non plus. Parce que si vous n'identifiez pas la bonne carte, rien à faire. Essayons de penser à une carte orienté e de faç on canonique avec l'est en direction de l'abside et l'ouest vers la nef, car c'est ainsi que sont orienté es les é glises. A pré sent, faisons une hypothè se quelconque, et je dis au hasard: qu'en cette aube fatale le Pendule doit se trouver sur une zone vaguement à l'est, presque aux frontiè res du quadrant sud‑ est. S'il s'agissait d'une horloge, nous dirions que le Pendule doit indiquer cinq heures vingt‑ cinq. D'accord? Maintenant regardez. »

 

J'allai chercher une histoire de la cartographie.

« Voilà, numé ro un, une carte du XIIe siè cle. Elle reprend la structure des cartes en T, en haut il y a l'Asie avec le Paradis terrestre, à gauche l'Europe, à droite l'Afrique, et ici, au‑ delà de l'Afrique, ils ont mis aussi les Antipodes. Numé ro deux, une carte inspiré e du Somnium Scipionis de Macrobe, mais qui survit en diffé rentes versions jusqu'au XVIe siè cle. Tant pis si l'Afrique y est un peu é troite. Maintenant attention, orientez les deux cartes de la mê me maniè re et vous vous apercevrez que sur la premiè re cinq heures vingt‑ cinq correspond à l'Arabie, et sur la deuxiè me à la Nouvelle‑ Zé lande, vu qu'à ce point‑ là il y a les Antipodes. On peut tout savoir sur le Pendule, mais si on ne sait pas quelle carte utiliser on est perdu. Le message contenait des instructions, hyperchiffré es, sur le lieu où trouver la bonne carte, probablement dessiné e pour la circonstance. Le message disait où il fallait chercher la carte, dans quel manuscrit, dans quelle bibliothè que, quelle abbaye, quel châ teau. Et il se pourrait mê me que Dee ou Bacon, ou d'autres encore, eussent reconstitué le message, qui peut savoir; le message disait la carte est à tel endroit, mais pendant ce temps, avec tout ce qui s'é tait passé en Europe, l'abbaye qui l'abritait avait brû lé, ou bien la carte avait é té volé e, dissimulé e qui sait où. Peut‑ ê tre quelqu'un possè de‑ t‑ il la carte, mais sans savoir à quoi elle sert, ou sachant qu'elle sert à quelque chose mais ne sachant pas exactement à quoi, et il parcourt le monde pour chercher un acqué reur. Pensez, toute une circulation d'offres, de fausses pistes, de messages qui disaient autre chose et é taient lus comme s'ils parlaient de la carte, et de messages qui parlent de la carte et sont lus comme s'ils faisaient allusion, que sais‑ je, à la production de l'or. Et il est probable que certains sont en train de chercher à reconstituer directement la carte sur des bases conjecturales.

– Quel genre de conjectures?

– Par exemple des correspondances micro‑ macrocosmiques. Voici encore une autre carte. Vous savez d'où elle vient? Elle apparaî t dans le second traité de l'Utriusque Cosmi Historia de Robert Fludd. Fludd est l'homme des Rose‑ Croix à Londres, ne l'oublions pas. Or, que fait notre Robert de Fluctibus, comme il aimait à se faire appeler? Il ne pré sente plus une carte mais une é trange projection du globe entier vu du Pô le, du Pô le mystique naturellement, et donc vu d'un Pendule idé al suspendu à une clef de voû te idé ale. Ç a, c'est une carte conç ue pour ê tre placé e sous un Pendule! Ce sont des é vidences irré futables, comment se peut‑ il que personne n'y ait encore pensé...

– C'est que les diaboliques sont d'un lent, mais d'un lent, disait Belbo.

– C'est que nous sommes les seuls dignes hé ritiers des Templiers. Mais laissez‑ moi poursuivre: vous avez reconnu le sché ma, c'est une rotule mobile, de celles qu'utilisait Trithè me pour ses messages chiffré s. Ceci n'est pas une carte. C'est un projet de machine pour tenter des variations, pour produire des cartes alternatives, tant qu'on ne trouve pas la bonne! Et Fludd le dit, dans la lé gende: ceci est l'é bauche d'un instrumentum, il faut encore y travailler.

– Mais n'é tait‑ ce pas le mê me Fludd qui s'obstinait à nier la rotation de la terre? Comment pouvait‑ il penser au Pendule?

– Nous avons affaire à des initié s. Un initié nie ce qu'il sait, nie qu'il le sait, il ment pour couvrir le secret.

– Ce qui expliquerait, disait Belbo, pourquoi Dee se donnait dé jà tant de mal avec ces cartographes royaux. Non pas pour connaî tre la " vraie " forme du monde, mais pour reconstruire, au milieu de toutes les cartes erroné es, la seule et unique qui lui servait, et donc la seule bonne.

– Pas mal, pas mal, disait Diotallevi. Trouver la vé rité en reconstituant exactement un texte mensonger. »

 

– 84 –

La principale occupation de cette Assemblé e et la plus utile doibt estre, à mon avis, de travailler à l'histoire naturelle, à peu prè s suivant les desseins de Verulamius.

Christian HUYGENS, Lettre à Colbert, Œ uvres complè tes, La Haye, 1888‑ 1950, VI, pp. 95‑ 96.

Les vicissitudes des six groupes ne s'é taient pas limité es à la recherche de la carte. Il est probable que les Templiers, dans les deux premiè res parties du message, celles dont disposaient les Portugais et les Anglais, faisaient ré fé rence à un Pendule, mais les idé es sur les pendules é taient encore peu claires. Une chose est de faire danser un fil à plomb et une autre de construire un mé canisme d'une pré cision telle, qu'il est illuminé par le soleil à la seconde pile. Raison pour quoi les Templiers avaient calculé six siè cles. L'aile baconienne se met au travail dans cette direction, et elle essaie d'attirer de son cô té tous les initié s qu'elle cherche dé sespé ré ment à contacter.

 

Coï ncidence non fortuite, l'homme des Rose‑ Croix, Salomon de Caus, é crit pour Richelieu un traité sur les horloges solaires. Aprè s, à partir de Galilé e, c'est une recherche forcené e sur les pendules. Le pré texte est de savoir comment les utiliser pour dé terminer les longitudes, mais quand, en 1681, Huygens dé couvre qu'un pendule, exact à Paris, retarde à Cayenne, il comprend sur‑ le‑ champ que cela dé pend de la variation de la force centrifuge due à la rotation de la Terre. Et quand il publie son Horologium, où il dé veloppe les intuitions galilé ennes sur le pendule, qui le fait venir à Paris? Colbert, le mê me Colbert qui fait venir à Paris Salomon de Caus pour qu'il s'occupe du sous‑ sol!

Lorsque, en 1661, l'Accademia del Cimento devance les conclusions de Foucault, Lé opold de Toscane la dissout en l'espace de cinq anné es et reç oit aussitô t de Rome, comme occulte ré compense, un chapeau de cardinal.

Mais ce n'est pas tout. La chasse au pendule continue mê me au cours des siè cles suivants. En 1742 (un an avant la premiè re apparition documenté e du comte de Saint‑ Germain! ), un certain De Mairan pré sente un mé moire sur les pendules à l'Acadé mie Royale des Sciences; en 1756 (quand naî t en Allemagne la Stricte Observance Templiè re! ), un certain Bouguer é crit « sur la direction qu'affectent tous les fils à plomb ».

Je trouvais des titres fantasmagoriques, comme celui de Jean‑ Baptiste Biot, de 1821: Recueil d'observations gé odé siques, astronomiques et physiques, exé cuté es par ordre du Bureau des Longitudes de France, en Espagne, en France, en Angleterre et en É cosse, pour dé terminer la variation de la pesanteur et des degré s terrestres sur le prolongement du mé ridien de Paris. En France, Espagne, Angleterre, É cosse! Et en rapport avec le mé ridien de Saint‑ Martin! Et Sir Edward Sabine qui, en 1823, publie An Account of Experiments to Determine the Figure of the Earth by Means of the Pendulum Vibrating Seconds in Different Latitudes? Et ce mysté rieux Graf Feodor Petrovich Litke qui, en 1836, publie les ré sultats de ses recherches sur le comportement du pendule au cours d'une navigation autour du monde? Et pour le compte de l'Acadé mie Impé riale des Sciences de Saint‑ Pé tersbourg. Pourquoi les Russes aussi?

 

Et si, pendant ce temps‑ là, un groupe, certainement d'hé ré dité baconienne, avait dé cidé de dé couvrir le secret des courants, sans carte et sans pendule, en interrogeant de nouveau, du dé but, la respiration du serpent? Il s'ensuivait que les intuitions de Salon é taient bonnes: c'est plus ou moins au temps de Foucault que le monde industriel, cré ature de l'aile baconienne, commence le creusement des ré seaux mé tropolitains au coeur des mé tropoles europé ennes.

« C'est vrai, disait Belbo, le XIXe siè cle est obsé dé par les souterrains, Jean Valjean, Fantô mas et Javert, Rocambole, tout un va‑ et‑ vient entre conduits et grands collecteurs d'é gouts. Bon Dieu, maintenant que j'y pense, toute l'œ uvre de Jules Verne est une ré vé lation initiatique des mystè res du sous‑ sol! Voyage au centre de la terre, vingt mille lieues sous les mers, les cavernes de l'î le mysté rieuse, l'immense royaume souterrain des Indes Noires! Il faut reconstituer un plan de ses voyages extraordinaires, et nous trouverions certainement une é bauche des volutes du Serpent, une carte des leys restitué e pour chaque continent. Verne explore d'en haut et d'en bas le ré seau des courants telluriques. »



  

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