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« SOUS COUVERT D’UNE DOUBLE IDENTITÉ »



 

Zorro, le mythe et ses avatars

DELPHINE PERAS

Né sur le papier, sous la plume de l’Amé ricain Johnston McCulley, le 9 aoû t 1919, Zorro ne serait-il plus à la page? Au sens propre, s’entend, puisqu’on ne se bouscule pas au portillon pour republier ses aventures. Trop daté es, peut-ê tre, gé né ralement relé gué es au rayon jeunesse.

En France, Folio Junior et la Bibliothè que verte laissent ainsi leur fond s’é puiser tranquillement et aucun é diteur (à notre connaissance) n’a eu l’idé e de marquer le coup du centenaire avec un beau livre ou autre.

Aux Etats-Unis, un petit effort a é té consenti par Bold Venture Press, qui vient de ressortir la saga d’origine, é crite par McCulley jusqu’à sa mort, en 1958, soit six volumes. Une prose « allè grement inconsistante », a estimé un critique du Washington Post... Qu’importe, le mythe du justicier masqué perdure bel et bien.

Popularité Ci-contre, ré cupé ration de l’image par le marketing, vers 1950. Influences Ci-dessus Batman (1939), inspiré de Diego de la Vega, lui-mê me une ré surgence des Mousquetaires.

Non seulement parce que Zorro a tô t fait de crever l’é cran et de marquer les esprits par ses multiples adaptations au ciné ma et à la té lé vision, comme raconté pré cé demment dans nos colonnes; non seulement parce que ces transpositions se sont é tendues à la bande dessiné e, aux comé dies musicales, aux jeux vidé o, etc., et, partant, à quantité de produits dé rivé s ou de ré cupé rations marketing. Mais surtout parce que le personnage s’est ainsi enrichi de moult variations, dé clinaisons, dé tournements possibles, du cultissime et trè s poilant sketch des Nuls, Zorro & Bernardo («M’enfin Bernardo, tu es stone? Tu veux nager la brasse dans les plantes vertes? ») à Z comme Diego, l’album drô lement dé lirant de Fabcaro et Fabrice Erre (Dargaud, 2016). Sans oublier les pastiches de Pé tillon (Ramon, le justicier saxophoniste) ou de Gotlib, transformant son Gai-Luron en Gai-Lorro.

« La derniè re adaptation audiovisuelle remonte à 2015 avec Les Chroniques de Zorro, un dessin animé en images de synthè se diffusé sur France 3, mais Zorro n’a pas besoin de support pé renne, souligne le spé cialiste de la pop culture Jean-Marc Lainé, auteur de Super-hé ros! La puissance des masques (Les Moutons é lectriques, 2011). On peut parler de mythe au sens où il est complè tement ancré dans l’inconscient collectif sans renvoyer à une seule ligne directrice, une seule origine. Quand il revient sur le devant de la scè ne, de loin en loin, tout le monde sait de qui on parle. » Y compris les plus jeunes, qui ont toujours droit à une rediffusion de la sé rie (colorisé e) de Disney, sur France 3 encore, chaque dimanche à 20 heures.

« Zorro ré pare un sentiment qu’é prouvent souvent les enfants et qui les insupporte: l’injustice », explique Boris Cyrulnik. Auteur d’Ivres paradis, bonheurs hé roï ques (Odile Jacob, 2016), le neuropsychiatre rappelle que si le besoin de hé ros est ré vé lateur d’une vulné rabilité propre à l’enfance, le hé ros positif sera celui qui favorise une identification constructive. A l’instar du vengeur masqué, confirme l’é crivain et mé decin Martin Winckler, qui lui a consacré Le Rire de Zorro (Bayard, 2005): « Diego de la Vega est riche, il n’a aucun inté rê t à se battre pour les pauvres. Il est courageux et fort, il n’a aucun inté rê t à se faire passer pour un paresseux et un lâ che. S’il le fait, c’est pour les autres, par souci de justice et d’é quité. Il n’est pas forcé par les circonstances, mais guidé par son sens moral. Sa loyauté envers son pè re, sa bonté envers ceux de ses adversaires qui sont manipulé s par le pouvoir (le sergent Garcia), son souci des autres sont des valeurs auxquelles j’ai immé diatement adhé ré, et auxquelles je pense que beaucoup peuvent adhé rer. »

« SOUS COUVERT D’UNE DOUBLE IDENTITÉ »

D’autant que ce hé ros est devenu intemporel parce qu’il a des caracté ristiques simples, é lé mentaires, arché typales, qui le rendent adoptable par tous et sympathique aux yeux de beaucoup, renché rit Martin Winckler: « Zorro n’a pas de superpouvoirs, mais c’est un farceur. Il combat ses adversaires en souriant et leur é chappe en riant. Il a du panache, comme Cyrano. Il est rusé, comme Ulysse.

Il est fonciè rement bon et, d’une certaine maniè re, innocent car il n’a pas encore de sexualité, n’use pas de son charme envers les femmes – il les met en colè re en les plantant là pour aller battre le fer. »

Les fans ne dé sarment pas non plus, venus en nombre et de tous â ges pour assister à la commé moration « Zorro is 100! », organisé e en grande pompe les 25 et 26 mai derniers à Chillicothe, dans l’Ohio, où Johnston McCulley a grandi. Invité d’honneur, l’artiste amé ricain Peter Poplaski, dessinateur et é diteur ré puté de comic books, a prê té au musé e de la ville pour l’occasion son immense collection sur tout ce qui se rapporte au personnage – pulp magazines d’é poque, tirages collector, affiches, figurines, etc. « Sa popularité reste forte, té moigne-t-il. Elle vient du fait que Zorro est l’un des premiers super-hé ros à incarner l’esprit de contestation sous couvert d’une double identité. » Laquelle sera effectivement l’essence mê me des stars de la BD à venir, à commencer par Batman. « Lorsqu’ils le cré ent en 1939, Bob Kane et Bill Finger s’inspirent ouvertement de Zorro pour en faire un avatar urbain et moderne combattant les criminels, indique Jean-Marc Lainé. Leur play-boy Bruce Wayne est un riche hé ritier, tout comme Diego de la Vega, et Batman, tout comme Zorro, n’a pas de pouvoirs surnaturels. Mais il faudra attendre une interview de Kane en 1986 pour apprendre que le jeune Bruce et ses parents, assassiné s devant ses yeux alors qu’ils sortaient d’un ciné ma de Gotham City, venaient de voir Le Signe de Zorro, de RoubenMamoulian... »

Selon Didier Pasamonik, journaliste spé cialiste du 9e art, é diteur et commissaire d’expositions, l’autre caracté ristique importante de Zorro, qui va considé rablement influencer la pop culture, c’est l’escrime: « On la retrouve modernisé e chez Flash Gordon, et plus encore dans Star Wars, vé ritable saga SF de cape et d’é pé e. » Une ré surgence de l’attirail des Mousquetaires, à la fois protecteur et tellement esthé tique!

Martin Winckler fait plus pré cisé ment le rapprochement entre Zorro et Dark Vador, soulignant que le risque pour le hé ros à la double identité n’est pas d’ê tre dé masqué – il serait alors dé sarmé sans pour autant perdre son â me -, mais de succomber au cô té « obscur » qu’il porte en lui: « L’é pisode III de Star Wars le montre en “né gatif”. Lorsqu’il sacrifie sa conscience au pouvoir, Anakin le rebelle disparaî t sous le masque noir de Dark Vador. Le bien et le mal ne sont pas deux entité s distinctes. Ils coexistent en chacun de nous. Depuis un siè cle, Zorro et ceux qui lui ressemblent nous montrent que seuls nos actes nous donnent un sens. » A bon entendeur... D. P.

 



  

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