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Le raid Macron de 2015, germe de la crise Renault-Nissan



 

 

Le " raid" Macron de 2015, germe de la crise Renault-Nissan

REUTERS •28/11/2018 à 17: 14

LE " RAID" MACRON DE 2015, GERME DE LA CRISE RENAULT-NISSAN

par Laurence Frost et Michel Rose

PARIS (Reuters) - L'arrestation de Carlos Ghosn incite Nissan à de nouvelles tentatives pour s'affranchir de la tutelle de Renault, sa maison mè re franç aise, et est un dossier problé matique de plus sur le bureau d'Emmanuel Macron à l'Elysé e.

Mais le chef de l'Etat a peut-ê tre semé lui-mê me la graine de la crise actuelle entre les deux partenaires de l'alliance automobile franco-japonaise.

En 2015, alors ministre de l'Economie aux ambitions pré sidentielles encore secrè tes, Emmanuel Macron a ordonné à la surprise gé né rale une monté e de l'Etat franç ais au capital de Renault afin de lui assurer les votes doubles pré vus par la loi Florange pour les actionnaires de long terme.

Cette action é clair a profondé ment choqué la partie japonaise et beaucoup voient maintenant dans les huit mois de bras de fer qui ont suivi entre Bercy et Hiroto Saikawa, à l'é poque numé ro deux de Nissan, la genè se des tensions qui menacent aujourd'hui l'alliance.

Quand le Gulfstream G550 de Carlos Ghosn s'est posé la semaine derniè re sur le tarmac de l'aé roport de Tokyo, des officiers de justice japonais l'attendaient. Nissan, qu'il a sauvé de la faillite il y a une vingtaine d'anné es, a é té prompt à souligner que le contrô le exercé par Renault avait handicapé la gouvernance é thique du groupe japonais, rendant possible les malversations financiè res dont Carlos Ghosn est accusé.

Dans une correspondance que Reuters a pu consulter, Hiroto Saikawa conteste le droit de Renault de nommer des dirigeants et des administrateurs de Nissan, comme cela est pré vu par le principal accord de l'alliance. De telles divergences fondamentales menacent l'avenir du partenariat franco-japonais, qui dispute à Volkswagen et Toyota la place de premier groupe automobile mondial.

" Le pré sident Macron lui-mê me a une certaine responsabilité dans la partie qui se joue actuellement", a dé claré cette semaine Max Warburton, analyste chez le gé rant de fonds new-yorkais AllianceBernstein.

" Il doit reconnaî tre que sa dé cision d'augmenter la participation de l'Etat dans Renault en 2015 (... ) a probablement impacté la perception japonaise de l'alliance et renforcé les craintes selon lesquelles c'est l'Etat franç ais qui a le contrô le ultime de Nissan. "

L'Elysé e s'est refusé à faire un commentaire mais un conseiller a ré pondu que le chef de l'Etat n'avait " certainement aucun regret".

En 2015, l'initiative d'Emmanuel Macron pour renforcer l'influence de l'Etat chez Renault avait é té paré e de l'image positive de l'audace. Trois ans plus tard, devenu le plus jeune pré sident franç ais, Emmanuel Macron est confronté au mouvement social des Gilets jaunes et à une popularité au plus bas dans les sondages, un contexte de nature à braquer davantage les projecteurs sur les risques que son intervention a fait courir à l'alliance.

APPEL DE COURTOISIE

En 2014, plusieurs mois durant, Emmanuel Macron a tenté en vain de dissuader Carlos Ghosn et le conseil d'administration de Renault de proposer à l'assemblé e gé né rale du groupe automobile franç ais une clause d'exemption à l'exercice des droits de vote double.

De peur que l'Etat ne pè se pas suffisamment le jour de l'AG pour imposer ses vues, Emmanuel Macron té lé phone à Carlos Ghosn le soir du 7 avril 2015 - par courtoisie - pour l'informer que l'Etat a acheté 4, 73% supplé mentaires du capital de Renault pour 1, 2 milliard d'euros, et que ces parts seront revendues sitô t les droits de vote double acquis.

" Il a toujours une approche tout feu, tout flamme", commente un ancien ministre d'Emmanuel Macron. " Et puis ensuite vient le moment où il y a la ré alité des rapports de force et la ré alité des dossiers. "

Avec cette opé ration, considé ré e de maniè re unanime par ses dé tracteurs et ses admirateurs comme un " raid" sans pré cé dent, la bataille d'ego entre le PDG à la stature internationale Carlos Ghosn et le banquier promu ministre Emmanuel Macron avait é claté au grand jour.

Ignorant les mises en garde, Emmanuel Macron a fini par obtenir pour l'Etat une minorité de blocage chez Renault, qui dé tient quant à lui une participation de contrô le de 43, 4% dans Nissan.

Cette situation nouvelle a mis Tokyo en alerte et a alimenté de fortes tensions dans les mois qui ont suivi. Nissan a mê me menacé de quitter l'accord RAMA (Restated Alliance Master Agreement), une dé cision radicale qui le rendrait libre de racheter des actions de sa maison mè re, entreprise plus petite que lui, et de mettre fin au contrô le de Renault, voire de l'inverser.

" La gouvernance de Renault, et en consé quence l'autonomie du management de Renault, qui ont é té la base de la confiance (dans) l'alliance, seront sensiblement affecté es", é crivait Hiroto Saikawa le 3 septembre 2015 dans une note au conseil d'administration de Renault que Reuters a pu se procurer.

Un porte-parole de Nissan s'est refusé à tout commentaire.

Les é quipes de Bercy ont rejeté dans un premier temps les demandes de Nissan - que Renault abaisse sa participation dans son partenaire japonais, qu'il restaure les droits de vote pour la participation de 15% que Nissan dé tient dans Renault et qu'il renonce au contrô le de l'alliance -, y voyant un numé ro de ventriloque de la part de Carlos Ghosn, qui s'exprimait à la fois en tant que PDG de Renault et PDG de Nissan.

" Quand il parle de ce que pense Nissan et le Japon, il parle pour lui", estimait à l'é poque un responsable de l'Agence des participations de l'Etat (APE). Tout ç a, pour moi, c'est un peu de la foutaise. "

ERREUR DE CALCUL

Trois ans ont passé.

Carlos Ghosn est aujourd'hui dé tenu au Japon, accusé d'avoir utilisé des fonds de Nissan à des fins personnelles et d'avoir massivement sous-dé claré sa ré muné ration ré elle. Selon la té lé vision NHK, il dé ment ces accusations.

Les demandes de Nissan, elles, n'ont pas changé et sont de nouveau sur la table.

" La terminologie, les phrases et le vocabulaire utilisé s aujourd'hui (sont) les mê mes qu'en 2015", observe un autre ancien du gouvernement franç ais, aujourd'hui banquier d'affaires. " On ne l'a pas cru quand Ghosn pré sentait les positions (japonaises). En fait, ce n'é tait pas fantasmé. "

La pression exercé e par Emmanuel Macron pour une fusion complè te entre Renault et Nissan a é galement provoqué une levé e de boucliers dans le camp japonais, mé fiant sur les conditions d'un tel projet, quelques mois avant que Nissan ne lance, sur la base d'informations internes, l'enquê te qui a conduit à l'arrestation de Carlos Ghosn et son é viction de la pré sidence de Nissan.

Aprè s avoir insisté sur le fait que la France devait d'abord accepter de vendre ses parts dans Renault, Carlos Ghosn a finalement accepté cette anné e d'explorer un approfondissement de l'alliance en é change d'un nouveau mandat à la tê te de Renault, avec l'appui de l'Etat.

Les hauts dirigeants de Renault, Nissan et Mitsubishi - troisiè me partenaire de l'alliance automobile, lui-mê me contrô lé par Nissan - se ré unissent cette semaine pour la premiè re fois depuis l'arrestation de Carlos Ghosn.

Cette sé rie de rencontres à Amsterdam viseront d'abord à assurer la continuité de tous les projets communs - vé hicules, usines, composants - en l'absence de l'homme fort de l'alliance, et d'é viter que la mé fiance actuelle ne dé gé nè re en conflit ouvert.

Mais alors que la question des nominations s'annonce é pineuse, l'accord dit de " stabilisation" conclu fin 2015 par Emmanuel Macron pour mettre fin à la crise des droits de vote double pourrait n'avoir que temporairement stabilisé l'alliance, le poids de Renault s'en é tant trouvé affaibli.

La France a notamment accepté de plafonner les droits de vote de Renault à 18% pour la plupart des dé cisions non straté giques.

Mais l'accord va plus loin avec la promesse de Renault de ne jamais s'opposer au conseil d'administration de Nissan aux assemblé es gé né rales, une promesse au nom de la non-ingé rence ré clamé e par Nissan qui risque de s'avé rer un sé rieux handicap dans la crise actuelle de gouvernance.

Loï c Dessain, directeur gé né ral de la socié té de conseil aux actionnaires Proxinvest, y voit un é tonnant " dé faut de supervision" de la part d'un gouvernement qui n'a agi que pour proté ger ce qu'il considé rait comme l'inté rê t de Renault.

" Cela reste un abandon des droits de Renault sur son principal actif", a-t-il dé claré mardi. " Renault n'a absolument plus aucune liberté sur l'exercice de son droit de vote chez Nissan. "

" Là, on arrive dans une situation où on ré alise beaucoup trop tard qu'effectivement, ç a aura un impact parce qu'on n'est plus dans la mê me dimension pour né gocier. L'é quilibre de l'alliance a dé jà é té bouleversé ", a-t-il ajouté.

DES DISTRACTIONS

L'ancien pré sident Franç ois Hollande a refusé de faire un commentaire sur sa gestion de la crise des droits de vote double de 2015. Mais un membre du cabinet d'Emmanuel Macron à Bercy se souvient que l'attention du ministre de l'Economie se portait ailleurs à la fin de cette anné e-là. On l'ignorait à l'é poque mais Emmanuel Macron pré parait alors le lancement d'" En Marche", la formation politique qui lui a ouvert les portes de l'Elysé e.

Le nom de domaine en-marche. fr a é té dé posé le 7 janvier 2016, moins de quatre semaines aprè s la conclusion de l'accord sur Renault-Nissan.

" Ce qui ne l'empê chait pas, vu son intelligence et sa capacité de travail, d'ê tre trè s pré sent sur les dossiers", souligne l'ancien ministre interrogé par Reuters, qui a requis l'anonymat. " Mais ce n'é tait plus sa pré occupation principale. "

Il ajoute que Carlos Ghosn porte lui aussi une part de responsabilité dans l'escalade de 2015.

" Il avait une maniè re absolument insupportable de considé rer qu'il n'avait pas à discuter avec un ministre, qu'il é tait au-dessus de ç a. Donc, il ne parlait é ventuellement qu'à un Premier ministre", raconte-t-il. " Comme Macron a un certain sens aussi de sa personne, je pense que ç a n'a pas dû lui plaire du tout. "

Interrogé sur sa relation avec le PDG de Renault un an aprè s la crise de 2015, Christophe Sirugue, qui é tait alors secré taire d'Etat à l'Industrie, avait é té globalement du mê me avis et avait ré pondu: " (Discuter) avec Carlos Ghosn? Vous rigolez? Pour lui, je n'existe pas. "

(Avec Elizabeth Pineau et Gilles Guillaume, é dité par Dominique Rodriguez)

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